Année 1889
14 février1, Moscou
Mariage du peintre Leonid Osipovič Pasternak (22 mars 1862 – 31 mai 1945) et de la pianiste Rozalija Isidorovna Kaufman (26 février 1867 – 23 août 1939) à la grande synagogue chorale de Moscou, rue Solianka. [Пастернак Евгений, 1989 : 11]
15-19 février, Moscou — Saint-Pétersbourg
Les jeunes mariés se rendent à Saint-Pétersbourg à la XVIIe Exposition des Ambulants qui devait s’ouvrir le 26 février. À cette exposition fut présenté le tableau de Leonid O. Pasternak Lecture d’une lettre en provenance de la terre natale ; autres titres du tableau : Nouvelles venues de la terre natale, Lettre en provenance de la terre natale. [Пастернак Леонид, 2017 : 229 ; Пастернак Евгений, 1989 : 11]
1er mars, Moscou
Vente du tableau de Leonid Pasternak Lecture d’une lettre en provenance de la terre natale à Pavel M. Tret’jakov pour 1 500 roubles. [Пастернак Леонид, 2017 : 229]
Mars, Moscou — Odessa
Rozalija et Leonid Pasternak se rendent à Odessa. [Пастернак Евгений, 1989 : 11]
25 mars, Odessa
Rozalija Pasternak donne un concert à la mémoire du célèbre violoncelliste, compositeur et chef d’orchestre Karl Ju. Davydov. [Пастернак Евгений, 1989 : 11-12]
23 avril, Odessa
Après avoir fait passer un dernier examen à sa classe, Rozalija Pasternak quitte son poste de professeur à la Section d’Odessa de la Société musicale russe. [Пастернак Евгений, 1989 : 12]
Été, Odessa
L’argent reçu de Pavel Tret’jakov pour le tableau permit de louer une maison dans le village côtier de Chabo en Bessarabie. Rozalija Pasternak, qui était enceinte, et que son époux avait confiée aux soins de sa mère, y passa l’été. [Пастернак Леонид, 2017 : 229]
12 juillet — vers le 20 août, Paris
Leonid Pasternak se rend à l’Exposition universelle inaugurée à Paris en mai 1889 ; il y arrive le 16/28 juillet 1889. L’exposition comprend une grande section dédiée à la peinture. [Пастернак Леонид, 2017 : 230-252]
Automne, Moscou
Leonid Pasternak et sa femme s’installèrent à Moscou dans la maison Vedeneev sur la place du Vieil arc de triomphe, située entre la deuxième rue Tverskaja-Jamskaja, rue Oružejny et la troisième rue Tverskaja-Jamskaja. L’atelier de menuiserie du propriétaire jouxtait la maison. Les immeubles voisins étaient loués à des commerçants qui y descendaient les jours de marché, et leurs carrioles et chevaux encombraient alors la cour. L’appartement no 3 comportait six petites pièces dont aucune ne pouvait servir d’atelier d’artiste ; l’appartement était bon marché, mais peu pratique. [Пастернак Леонид, 2017 : 252 ; Пастернак Евгений, 1989 : 14-15]
Année 1890
Début janvier, Moscou
Anton Rubinštejn, qui venait d’achever sa carrière artistique par deux concerts à Moscou les 6 et 7 janvier, rendit visite aux Pasternak qui logeaient toujours dans la maison Vedeneev. Pendant que son épouse lui joua un morceau, Leonid O. Pasternak peignit le portrait du compositeur assis dans un fauteuil et recouvert d’un plaid, l’hiver il faisait froid dans l’appartement. [Пастернак Леонид, 2017 : 252]
29 janvier, Moscou
À minuit, dans la famille Pasternak, naît un garçon, Boris. Une nourrice, Macha, est engagée pour lui. Rozalija allaitera ses autres enfants. [Пастернак Евгений, 1989 : 14]
6 février, Moscou
Leonid Pasternak reçoit un message de Mihail Nesterov dans lequel il apprend que son tableau Prière d’enfants aveugles, présenté à la XVIIe Exposition des Ambulants à Saint-Pétersbourg, a été refusé par le jury. [Пастернак Леонид, 2013 : 274]
13 février, Moscou
Circoncision de Boris Pasternak. Inscription dans le registre de la synagogue de Moscou : « Un fils, du nom de Boris, est né le 21 du mois de Shevat et circoncis le 5 du mois d’Adar en raison de sa faible constitution. Lieu de naissance : quartier de l’Arbat, deuxième bureau de police rue Oružejnyj, maison Vedeneev. Père : Isaak Iosiev Posternak, étudiant effectif, artificier de réserve volontaire. Mère : Rajca (Roza) Sruleva Kaufman (par son père) ». [Болдина, Кузовлева, 1993 : 270]
Février-mars, Moscou
Klara Kaufman, la sœur cadette de Rozalija Pasternak, arrive d’Odessa afin d’aider sa sœur à s’occuper de l’enfant. [Пастернак Евгений, 1989 : 16-17]
Année 1891
Janvier-février, Moscou
Leonid Pasternak est invité à illustrer une édition des œuvres de M. Ju. Lermontov que la Société I. N. Kušnerev et Cº prépare à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort du poète. [Пастернак Леонид, 2013 : 278]
1er mars, Moscou – Saint-Pétersbourg
Leonid Pasternak se rend à la XIXe Exposition des Ambulants de Saint-Pétersbourg. Son tableau Retour en famille est accepté par le jury. Il sera par la suite acheté par le collectionneur et mécène David Vysockij. [Пастернак Леонид, 2013 : 277-280]
29 mars, Moscou
Publication d’un décret ordonnant l’expulsion des Juifs de Moscou, préparé par le grand-duc Sergej Aleksandrovič Romanov et signé par Alexandre III. « Le Ministre de l’intérieur pria humblement Sa Majesté Impériale de daigner lui accorder son autorisation de prendre les mesures suivantes : 1. Avant de réviser par voie législative les dispositions prévues dans la note 3 de l’article 157 du règlement “Sur les passeports” publié en 1890, interdire aux Juifs outilleurs, bouilleurs de cru, brasseurs et, d’une manière générale, aux maîtres-ouvriers et aux artisans, de quitter la zone de résidence, ainsi que de venir s’installer à Moscou et dans le gouvernement de Moscou depuis d’autres provinces de l’Empire. 2. Laisser le Ministre de l’intérieur, en concertation avec le gouverneur-général de Moscou, se charger de la mise en œuvre des mesures permettant aux Juifs susnommés de quitter peu à peu Moscou et le gouvernement de Moscou pour les lieux assignés à la résidence permanente des Juifs. Sur la requête du Ministre de l’intérieur, il est écrit de la propre main de Sa Majesté Impériale : À exécuter. Fait à Gatchina, le 28 mars 1891. »
Le décret ne concernait pas la famille de Pasternak car, diplômé d’études supérieures et artiste-peintre, Leonid Pasternak bénéficiait du droit au titre de citoyen d’honneur. En avril de cette même année, il avait déposé au département d’Héraldie sa demande de lui conférer le titre de citoyen d’honneur personnel. Néanmoins, la famille vécut la publication du décret du 28 mars comme un malheur personnel. [Пастернак Леонид, 2017 : 271 ; Вермель, 2003 :168]
1er avril, Moscou
Lettre <au peintre> Sergej Ivanov : « Il m’arrive encore une nouvelle histoire par-dessus le marché ; j’ai pris la décision d’envoyer mon garçon et ma femme chez sa famille à Odessa, et j’ai décidé de le faire sans tarder. J’ai résilié l’appartement, je suis en train de faire transporter tous les meubles dans les entrepôts de Kokorev, en attendant je vivrai moi-même à l’hôtel. À la fin de l’été j’irai les rechercher à Odessa et en profiterai pour voir ma famille…».
Leonid Pasternak peint une étude Intérieur avec Rozalija Isidorovna et Boris. [Пастернак Леонид, 2013 : 283 ; Пастернак Евгений, 1989 : 18-19]
6 avril, Moscou – Odessa
Départ de Rozalija et du petit Boris à Odessa. Dans le train, elle ne trouva qu’une place assise et a dû tenir son fils sur les genoux jusqu’à Kiev. Ce n’est qu’après Kiev qu’elle s’installa dans un compartiment. [Пастернак Евгений, 1989 : 19 ; Пастернак Леонид, 2017 : 267-268]
27 avril, village Petrovsko-Razoumovskoïe
Leonid Pasternak déménage à Petrovsko-Razoumovskoïe près de Moscou à l’adresse suivante : voie Ivanovskij, maison Mikini, chambre meublée no 25. Durant l’été, le peintre y gagne l’argent nécessaire à l’entretien de sa famille en travaillant principalement sur les illustrations des œuvres de Lermontov et sur les motifs ornementaux de ce livre2. [Пастернак Леонид, 2017 : 279]
15 juillet, Moscou
Publication des œuvres de Lermontov avec des dessins de Leonid Pasternak, mais aussi d’Ivan Ajvazovskij, les frères Apollinarij et Viktor Vasnecov, Mihail Vrubel’, Efim Volkov, Nikolaj Dubovskij, Sergej Ivanov, Konstantin Korovin, Vladimir Menk, Vladimir Makovskij, Vasilij Polenov, Il’ja Repin, Konstantin Savickij, Valentin Serov, Konstantin Trutovskij, Ivan Šiškin. [Пастернак Леонид, 2013 : 301]
6 août, Moscou – Odessa
Leonid part rejoindre sa famille à Odessa. Pour ses illustrations des œuvres de Lermontov il reçut 1 400 roubles, ce qui suffisait amplement pour payer les dettes et louer un appartement modeste. [Пастернак Евгений, 1989 : 21 ; Пастернак Леонид, 2017 : 357-358]
Mi-septembre, Moscou
Arrivée de la famille Pasternak dans un nouvel appartement dans la maison Lyžin (anciennement Svečin) au 42 rue Oružejnyj, appartement 37 (du côté de la rue Sadovaja au numéro 33). C’est à tort que Boris Pasternak écrit dans Hommes et positions : « Je suis né à Moscou […] dans la maison Lyžin, en face du grand séminaire, rue Oružejnyj ». L’appartement de quatre pièces se trouvait au premier étage. Dans la grande pièce, dont le pignon donnait sur la place de l’Arc de Triomphe, Leonid O. Pasternak installa son atelier. Le piano à queue était placé dans le salon, c’était là que Rozalija jouait et donnait ses leçons de musique. Les fenêtres de cette pièce, mais également celles des chambres des parents et de l’enfant, donnaient rue Oružejnyj. Une nouvelle nourrice, Feona, fut engagée pour s’occuper de l’enfant. Elle le promenait dans le jardin du grand séminaire situé en face de la maison. [Пастернак Евгений, 1989 : 21-23 ; Пастернак Борис, 2005 : 295]
Année 1892
Janvier, Moscou
Nikolaj Nikolaevič Ge rend visite aux Pasternak et fait connaissance de Rozalija Pasternak et du petit Boris. C’est sans doute cette première rencontre qui fut marquée par un événement dont se souvenaient aussi bien le père que le fils « Lors du déjeuner, Boris, notre petit garçon de quatre ans, entra dans la pièce. Ayant visiblement quelque pensée en tête, fixant Nikolaj Nikolaevič de ses yeux écarquillés et interrogateurs, il alla directement s’installer sur ses genoux, alors qu’habituellement il se tenait à l’écart des inconnus. Nikolaj Ge le garda sur ses genoux pendant tout le repas, et Boris, qui de toute évidence, avait déjà adopté ce « grand-père », ne le quittait pas des yeux. « Vous voyez, Boris et moi sommes déjà bons amis », dit le peintre.
Cet événement resta gravé dans la mémoire de Boris Pasternak durant toute sa vie : « J’ai connu Ge quand j’étais tout petit. Parfois, il disait même qu’il n’avait que deux vrais amis : Lev Nikolaevič Tolstoj et moi. J’avais alors cinq ans ». Double erreur sur l’âge, celle du père et celle du fils : Boris Pasternak n’avait à cette époque que deux ans. [Пастернак Леонид, 2013 : 307-308 ; Пастернак Леонид, 1975 : 141-142 ; Гладков, 2002 :108].
Été, Odessa
La famille passe les mois d’été à Odessa. [Пастернак Петр, 2007 : 20]
Septembre, Moscou
La revue Le Nord (Sever) annonce un concours pour participer à un album d’aquarelles illustrant le roman de Lev Tolstoj Guerre et paix. Leonid Pasternak consentit à y prendre part. [Пастернак Евгений, 1989 : 24]
Automne, Moscou
Une nouvelle nourrice apparaît dans la famille, Akulina Gavrilovna Mihalina. Elle fut engagée pour s’occuper de Boris, mais s’apprêter également à s’occuper d’un deuxième enfant, car Rozalija Pasternak était enceinte. [Пастернак Евгений, 1989 : 25]
Année 1893
13 février, Moscou
Un second fils, Aleksandr, naît dans la famille Pasternak. [Пастернак Евгений, 1989 : 25]
15 février – 12 mars, Saint-Pétersbourg
XXIIe Exposition des Ambulants à laquelle Leonid Pasternak présentait son tableau La débutante. Retenu par la naissance de son fils, le peintre ne put se rendre à Saint-Pétersbourg. Le jury accepta le tableau. [Пастернак Евгений, 1989 : 25]
27-31 mars, Moscou
Le 29 mars eut lieu l’inauguration d’une exposition des Ambulants dans les salles de l’École de peinture, sculpture et architecture de Moscou. Lev Tolstoj visita l’exposition avant son ouverture. Le tableau de Leonid O. Pasternak La débutante produisit sur lui une impression favorable. Tolstoj invita le peintre à venir boire le thé dans sa maison « le vendredi suivant ».
2 avril, Moscou
Leonid Pasternak rend sa première visite à Lev Tolstoj dans sa maison à Khamovniki, pour lui montrer ses aquarelles illustrant Guerre et paix. [Пастернак Евгений, 1989 : 25 ; Пастернак Леонид, 1975 : 174-175, 274]
26 juin, Moscou – Iasnaïa Poliana (gouvernement de Toula)
Sur une nouvelle invitation de Lev Tolstoj, Leonid Pasternak passe plusieurs jours dans le domaine d’Iasnaïa Poliana. Il y fait quelques croquis de Tolstoj en train de faucher et deux aquarelles des pièces de la maison. [Пастернак Леонид, 2017 : 359]
Début juillet – 13 septembre au plus tard, Moscou – Odessa
Dès le retour de Leonid de Iasnaïa Poliana, la famille part à Odessa où elle passe le reste de l’été à la campagne. [Пастернак Евгений, 1989 : 26 ; Пастернак Леонид, 2013 : 319]
10 décembre, Moscou
Concert de Rozalija Pasternak dans la salle des Colonnes où elle interprète la partie du piano, avec le violoniste Jan Hřimalý et le violoncelliste Anatolij Brandukov, dans le trio en la mineur de Pëtr Čajkovskij « À la mémoire d’un grand artiste » (op. 50, 1882) composé à la mort de Nikolaj Rubinštejn. Le concert est dédié à la mémoire de Čajkovskij disparu le 25 octobre 1893. [Пастернак Евгений, 1989 : 26]
Décembre, Moscou
XIIIe Exposition régulière des tableaux des membres de la Société des amateurs des arts de Moscou dans les salles du Musée d’histoire. Leonid Pasternak présente des aquarelles réalisées pour Guerre et paix. [Пастернак Леонид, 2013 : 327]
Année 1894
1er janvier, Moscou
Soirée de Noël imaginée par Tat’jana L’vovna Tolstaja. Quatre masques représentent Tolstoj lui-même, Anton Rubinštejn, Grigorij Zahar’in et Il’ja Repin. Les participants à la mascarade se rendent rue Oružejnyj chez Leonid Pasternak qui les maquille. [Пастернак Леонид, 1975 : 184]
12 février, Moscou
Nikolaj Ge vient à Moscou avec sa toile Crucifixion qu’il expose dans l’atelier de Konstantin Korovin, rue Dolgorukovskaja (rebaptisée plus tard rue Kaljaevskaja). Pasternak l’aide à réaliser l’installation et y tient des permanences. Lev Tolstoj vient voir le tableau et en est ému aux larmes. [Пастернак Евгений, 1989 : 27]
26 février, Moscou – Saint-Pétersbourg
Après l’envoi des tableaux, Ge, Kasatkin, Levitan et Pasternak partent pour Saint-Pétersbourg à la XXIIe Exposition des Ambulants. Lev Tolstoj les accompagne à la gare. Leonid présente trois toiles à cette exposition : Lecture d’un manuscrit (représentant Tolstoj lisant et Ge qui l’écoute), Le tarin (Levitan au piano avec le petit Boris Pasternak) et L’amateur d’art (dont le modèle est un cousin, Karl Pasternak), ainsi que les aquarelles pour Guerre et paix. Le jury accepte les toiles, mais refuse les aquarelles au motif qu’elles sont déjà connues. [Пастернак Евгений, 1989 : 27 ; Гусев, 1960 : 125]
6 mars, Saint-Pétersbourg – Moscou
Leonid quitte Saint-Pétersbourg et rentre chez lui. [Пастернак Леонид, 2017 : 367]
23 – 30 avril, Moscou
La Société des amateurs des arts de Moscou organisa le premier congrès des peintres et des amateurs des arts russes réunissant plus de sept cents délégués. On voulut que les dates du congrès coïncidassent avec celles de la donation à la ville de Moscou de la galerie de Pavel et Sergej Tret’jakov. Leonid fut élu au conseil du congrès malgré son absence ; on lui confia le décor d’une nouvelle mise en scène de l’opéra d’Arenskij Raphaël. Nikolaj Ge, arrivé en retard à cause d’une maladie, prononça un discours à la clôture du congrès. [Пастернак Евгений, 1989 : 27-28]
Fin mai, Moscou
Leonid Pasternak reçoit la visite du prince Aleksej L’vov, inspecteur de l’École de peinture, sculpture et architecture, qui lui propose une place de professeur. Leonid accepte, mais prévient cependant, dans sa demande écrite, qu’il « ne se permettrait jamais même de songer à un baptême dans un but intéressé ». Cette circonstance ne fit pas obstacle à son embauche. [Пастернак Евгений, 1989 : 28-29]
Été, Odessa
Les Pasternak vivent à la maison de campagne de Bortnevskij, à la Fontaine moyenne près d’Odessa. [Пастернак Евгений, 1989 : 29]
1er juin, gouvernement de Tchernigov
Décès du peintre Nikolaj Ge.
Vers le 10 juillet, Odessa
Leonid Pasternak reçoit l’arrêté officiel no 659 du 4 juillet 1894 : « Сher Monsieur, le bureau du Сonseil a l’honneur de vous informer qu’à la suite de votre requête datée du 24 mai courant, le Très honoré Président de la Société des arts de Moscou statua de vous nommer à compter du 1er septembre 1894 professeur subalterne des classes de peinture figurative de l’École de peinture, sculpture et architecture, avec un traitement annuel de 600 roubles, un atelier et un appartement de fonction. Secrétaire du Conseil, Prince L’vov » [Пастернак Евгений, 1989 : 29]
Août, Moscou
Les Pasternak quittent leur appartement dans la maison Lyžin pour emménager dans un logement de fonction : quatre pièces au rez-de-chaussée d’un bâtiment situé dans la cour de l’École de peinture, sculpture et architecture, au 21 rue Mjastnickaja. Dans cette maison, où la famille s’était installée dans un premier temps au rez-de-chaussée, régnait une atmosphère familiale, aux antipodes de « l’esprit pompeux » qui, comme l’écrivait Boris Pasternak dans Hommes et positions, « était inhérent à l’École » : « Dans la cour, en face du portillon conduisant au petit jardin aux très vieux arbres, au milieu de dépendances, de refuges et de cabanons, se dressait notre maison. En bas, dans son sous-sol, on servait des repas chauds aux élèves. L’escalier baignait perpétuellement dans une odeur âcre de viande grillée et de petits pâtés frits dans du saindoux. L’entrée de notre appartement se trouvait sur le palier juste au-dessus ». [Пастернак Евгений, 1989 : 29 ; Пастернак Борис, 2005 : 296-297]
30 octobre, Moscou
Cortège funèbre accompagnant la dépouille d’Alexandre III3. Depuis le balcon de la salle des actes de l’École de peinture, sculpture et architecture, les professeurs, les élèves et les habitants de la maison observaient la cérémonie. Dans Hommes et positions Boris Pasternak se souvient : « Élèves et professeurs étaient là. Au sein de cette multitude rassemblée devant la rambarde du balcon ma mère me tenait dans ses bras. À ses pieds s’ouvrait l’abîme. Au fond de l’abîme, la rue déserte jonchée de sable était figée dans l’attente. Des militaires s’agitaient et criaient à tout-va des ordres pourtant inaudibles pour les spectateurs là-haut sur le balcon, tant tous les sons semblaient engloutis — comme l’eau absorbée par le sable — par le silence de la foule retenant son souffle que des rangées de soldats avaient repoussée de la chaussée vers les bords des trottoirs. Les cloches, lugubres et monotones, retentirent dans les airs. Comme une ondulation de la mer prend de l’amplitude venant du large, les mains se portèrent aux têtes. Moscou ôtait les chapeaux et se signait. Alors que de toutes parts les cloches sonnaient le glas funèbre, apparut la tête d’un cortège infini : les troupes d’armée, le clergé, les chevaux parés et empanachés de noir, le catafalque d’une incroyable somptuosité, les hérauts vêtus de costumes stupéfiants d’un autre siècle. La procession s’avançait, s’avançait toujours, et les façades des immeubles étaient tendues de grandes bandes de crêpe, tapissées de noir et les drapeaux en berne s’inclinaient bas ». [Пастернак Борис, 2005 : 297 ; Московские ведомости, 1894 : 1-2]
23 novembre, Moscou
Tolstoj accompagné de ses filles se rendit chez Leonid Pasternak à l’École de peinture, sculpture et architecture pour un concert donné par Rozalija et deux professeurs du Conservatoire, le violoniste Jan Hřimalý et le violoncelliste Anatolij Brandukov. Le concert était dédié à la mémoire d’Anton Rubinštejn, disparu depuis peu (8 novembre 1894), et de Nikolaj Ge, décédé quelques mois plus tôt (1er juin 1894). Le piano se trouvait dans une pièce de passage et on pouvait bien l’entendre depuis la chambre de l’enfant ; réveillé par la musique au milieu de la nuit, le petit Boris « se mit à crier et pleurer de frayeur et d’angoisse ». « Pourquoi pleurais-je ainsi et pourquoi ai-je ce souvenir aigu de ma souffrance ? J’étais habitué aux sons du piano dont ma mère jouait en virtuose. La voix du piano faisait pour moi partie intégrante de la musique elle-même. Les timbres des instruments à cordes, particulièrement dans les parties de musique de chambre, m’étaient inhabituels et m’inquiétaient comme des présages funestes ou de véritables appels au secours venant du dehors et frappant au carreau ». On fit venir l’enfant au salon, et sa mémoire retint un homme, aux cheveux blancs, qui était parmi les invités. Boris Pasternak en témoignait dans Hommes et positions (1956) : son image « traversa toute ma vie, surtout parce que mon père illustrait ses livres, allait le voir, lui vouait une profonde admiration, et que toute notre maison était imprégnée de son esprit. C’était Lev Tolstoj ». [Родионов, 1948 : 125 ; Пастернак Борис, 2005 : 297-298 ; Толстая, 1978 : 223]
Année 1895
21 mars, Moscou
Rozalija Pasternak participe à un concert au profit des élèves dans le besoin de l’École de peinture, sculpture et architecture. Elle interprète un trio d’Anton Rubinštejn avec Jan Hřimalý et Modest Al’tšuler. Le critique Nikolaj Kaškin en fit une recension élogieuse. [Пастернак Евгений, 1989 : 33 ; Программа концерта]
Fin mai – 4 juin, Moscou-Odessa
La famille part pour l’été à Odessa ; les Pasternak sont d’abord reçus chez les Kaufman, les parents de Rozalija Pasternak, puis louent une maison à la campagne. Les enfants, Boris et Aleksandr, tombent malades, ils toussent. [Пастернак Евгений, 1989 : 32-33 ; Пастернак Леонид, 2017 : 369]
4 juin, Odessa
Leonid traverse la Pologne et l’Autriche pour rejoindre Paris où il visite les musées et les salons d’art. [Пастернак Леонид, 2017 : 369-370]
1er juillet, Odessa
Leonid Pasternak rentre de Paris. [Пастернак Евгений, 1989 : 33]
12 octobre, Moscou
Rozalija Pasternak participe à plusieurs concerts de la Société musicale russe, où elle tient la partie de piano du quintette pour piano et cordes de Schumann. « Madame Pasternak, outre sa maîtrise de la technique et du goût, est dotée par-dessus tout d’un tempérament artistique qui rend son jeu particulièrement vivant ». [Кашкин, 1895 : 3]
19 novembre, Moscou
Concert dans la Salle des colonnes. Rozalija Pasternak devait ouvrir la deuxième partie avec une œuvre de Wagner transcrite pour piano par Liszt. On lui annonce à l’entracte que ses deux fils souffrent d’une forte poussée de fièvre. Après avoir joué, et sans attendre la fin du concert, elle se précipite à la maison. Priant pour la guérison de ses enfants, elle fait le vœu de ne plus se produire sur scène. Les garçons se remettent rapidement, mais elle ne donna plus aucun concert durant les dix années qui suivirent. [Пастернак Евгений, 1989 : 33]
Année 1896
6 février, Saint-Pétersbourg
Leonid Pasternak se rend à la XXIVe Exposition de la Société des expositions des Ambulants et descend à l’hôtel Russie sur la Mojka. Il y apporte deux tableaux : Les étudiants (La veille des examens) et L’amateur de peinture. [Пастернак Леонид, 2017 : 377]
7 février, Saint-Pétersbourg
Leonid Pasternak reçoit de sa femme une lettre à laquelle elle a joint un billet de Boris. « Extrait de la lettre de Leonid à sa femme : « …Tu n’avais pas encore éprouvé la joie que j’ai ressentie aujourd’hui ! Celle de lire une “lettre de mon fils” — il est impossible de la décrire ! ». [Пастернак Леонид, 2017 : 379]
12-13 février, Saint-Pétersbourg – Moscou
Retour de Leonid Pasternak à la maison. Il prévoit de fêter chez lui deux anniversaires : le 12 février, celui de son fils cadet Aleksandr, et le 14 février, l’anniversaire de son mariage. [Пастернак Леонид, 2017 : 384-385]
Mai, Moscou-Odessa
Départ de la famille Pasternak à Odessa pour les vacances d’été. Ils louent une maison dans le village d’Ol’gino, à la Grande Fontaine. Liens d’amitiés avec la famille de la sœur de Leonid Pasternak, Asja Frejdenberg. Sa fille Olga et les fils Pasternak sont inséparables. [Пастернак Евгений, 1989 : 36-37]
Fin août, Odessa – Moscou
Retour de la famille Pasternak à Moscou pour la rentrée scolaire. [Пастернак Евгений, 1989 : 37]
Automne, Moscou
Boris Pasternak suit une préparation pour entrer à l’école auprès de l’église luthérienne Saints-Pierre-et-Paul (St. Petri und Pauli Schule) ; située rue Petroverigskij, l’école était constituée des classes élémentaires et secondaires. Les enfants y étaient admis à partir de l’âge de sept ans. « Pendant un certain temps, mes parents envisagèrent de m’inscrire à l’école Saints-Pierre-et-Paul, j’étudiais donc toutes les matières du programme primaire en allemand » (Hommes et positions). Plus tard les parents du poète renoncèrent à leur intention. [Пастернак Петр, 2007 : 34 ; Пастернак Евгений, 1989 : 40 ; Пастернак Борис, 2005 : 301]
Année 1897
Hiver, Moscou
Leonid Pasternak prend part à des soirées consacrées au dessin dans la maison du prince Vladimir Golicyn, où il peint entre autres le portrait de la princesse Zinaida Jusupova. Les soirées étaient organisées par Sofia Golicyna, dans leur maison, rue Bol’šaja Nikitskaja. [Пастернак Евгений, 1989 : 38-39 ; Пастернак Леонид, 1975 : 43-44]
1er mai, Moscou-Odessa
Départ de la famille Pasternak en vacances à la campagne aux environs d’Odessa. [Пастернак Леонид, 2013 : 350]
Septembre, Moscou
Boris Pasternak commence à étudier avec Ekaterina Ivanovna Boratynskaja, disciple et collaboratrice de Lev Tolstoj. « Avec elle, j’ai appris à écrire et à lire, elle m’a donné les bases de l’arithmétique et du français… » (Hommes et positions). Boris Pasternak vient travailler chez elle, dans l’appartement qu’elle loue à cette époque dans l’une des maisons Šeremet’ev, rue Vozdviženka. [Смолицкий, 2012: 130 ; Пастернак Борис, 2001 : 10 ; Пастернак Борис, 2005 : 301]
Septembre, Moscou
Le sculpteur Pavel Trubeckoj accepta la proposition du prince Aleksej L’vov, directeur de l’École de peinture, sculpture et architecture de Moscou, de venir y enseigner la sculpture. Spécialement à son intention on fit construire un atelier indépendant avec lumière zénithale et de larges portes pouvant laisser passer une double voiture et des cosaques à cheval ; on installa une fonderie et on fit venir d’Italie le remarquable maître-fondeur Carlo Robecchi. Les enfants Pasternak observaient les travaux du sculpteur depuis les fenêtres de leur appartement. [Пастернак Борис, 2005 : 299]
Année 1898
25 mai, Odessa
Rozalija Pasternak accompagne son époux à la gare d’Odessa. Il doit partir en Europe ; le but de son voyage est de faire connaissance, à Vienne et à Münich, du nouveau courant artistique appelé Sécession (une fois à Münich, Leonid Pasternak décidera de poursuivre son voyage jusqu’à Paris). De retour à la maison de campagne, elle rédige une première lettre à son mari. Elle y décrit les activités des enfants : « Père est assis avec, d’un côté, Aleksandr, avec qui il étudie l’arithmétique, les –, les + etc..., et, de l’autre, le petit Boris est occupé à recopier un texte. Elle joint à la lettre un mot de Boris en lettres calligraphiées : « Mon cher et tendre Papa, salue bien ma tante, mon oncle et mes cousins, demain j’écrirai à tout le monde. Ton Boris qui t’aime ». [Пастернак Евгений, 1989 : 43 ; Пастернак Леонид, 2017 : 385]
27 mai, Vienne
Dans sa lettre, Leonid O. Pasternak ajoute une note pour Boris (en grosses lettres) : « Merci à toi, mon cher petit Boris, pour tes salutations, aujourd’hui aussi j’attends une lettre de toi. Sois un gentil garçon obéissant. Je t’embrasse. Ton Papa ». [Пастернак Леонид, 2017 : 388]
Été, Odessa
Les Pasternak passent l’été près d’Odessa où ils louent la maison « Ol’gino » à la Grande Fontaine. [Пастернак Леонид, 2013 : 354]
Septembre, Moscou
Le couple Pasternak engage une préceptrice allemande pour l’éducation de leurs fils. [Пастернак Леонид, 2013 : 355]
Avant le 1er octobre, Moscou
Leonid Pasternak est invité à illustrer Résurrection, le nouveau roman de Lev Tolstoj. Tat’jana L’vovna Tolstaja passe en fin d’après-midi pour annoncer au peintre que Lev Nikolaevič, qui vient d’achever sa dernière œuvre, le prie de venir à Iasnaïa Poliana afin de le lire et le sollicite pour l’illustrer. [Пастернак Евгений, 1989 : 43 ; Пастернак Леонид, 1975 : 184-185 ; Пастернак Леонид, 2017 : 355]
6 octobre, Iasnaïa Poliana
Leonid Pasternak arrive chez Lev Tolstoj pour prendre connaissance de son dernier roman. Sof’ja Andreevna écrit dans son journal : « Arrivée du peintre Pasternak, L. N. lui a demandé de venir pour travailler sur les illustrations de Résurrection…». [Пастернак Леонид, 1975 : 186 ; Толстая, 1978 : 416]
16 novembre, Odessa
Iosif Akivovič Pasternak (1828-1898), le père de Leonid Pasternak, décède à l’âge de 84 ans. [Пастернак Евгений, 1989 : 45]
19 novembre, Moscou
Retour le matin de Leonid Pasternak de Iasnaïa Poliana où il est allé montrer à Tolstoï les premières ébauches des portraits de Ekaterina Maslova et Nehljudov. [Толстая, 1978 : 425]
Octobre 1898 – printemps 1899, Moscou
Boris et Aleksandr Pasternak, inspirés par l’exemple de leur père en train d’illustrer l’œuvre de Lev Tolstoj pour la revue La Glèbe (Niva), jouent à « éditer une revue illustrée ». Aleksandr Pasternak se souvient de la carte envoyée par son frère dans laquelle il l’informe qu’il est sur le point d’achever son récit et lui demande de ne pas tarder à fournir les deux illustrations comme il avait été convenu. [Пастернак Александр, 2002 : 39-40]
Année 1899
Mars, Moscou
Début de la publication de Résurrection de Tolstoï dans la revue La Glèbe (Niva). Dans son essai autobiographique Hommes et positions, Boris Pasternak décrit en détail ce travail de son père. [Пастернак Евгений, 1989 : 44-45 ; Пастернак Леонид, 1975 : 194-195 ; Пастернак Борис, 2005 : 299-300]
15 avril, Moscou
R.-M. Rilke rend visite à Leonid Pasternak le lendemain de son arrivée en Russie. Il lui demande de le présenter à Lev Tolstoj. L’écrivain reçoit Rilke le soir même chez lui à Khamovniki. [Азадовский, 2011 : 27-28]
Année 1900
Avant le 1er février, Moscou
Leonid Pasternak reçoit de R.-M. Rilke une lettre et un cadeau : son premier recueil de poèmes À moi pour me fêter (Mir zur Feier, Berlin, 1899). [Пастернак Леонид, 2013 : 367-368]
6 février, Moscou
Rozalija Pasternak donne naissance à une fille, chez elle, dans l’appartement de l’École de peinture, sculpture et architecture. On lui donna le prénom de Žozefina-Ioanna. [Пастернак Евгений, 1989 : 46]
26 avril, Moscou
Rainer Maria Rilke retourne à Moscou accompagné de Lou Andreas-Salomé ; il écrit aussitôt à Leonid Pasternak, et peu après Rilke et Lou Salomé lui rendent visite ensemble. [Рильке, 2000 : 5 ; Пастернак Леонид, 2013 : 373-374]
17 mai, Moscou
Départ de la famille Pasternak pour Odessa. Rilke et Lou Andreas-Salomé entreprennent un voyage en Russie et prennent le même train que les Pasternak. Le premier objectif de Rilke est de visiter Iasnaïa Poliana. Boris Pasternak commence son essai autobiographique Sauf-conduit par sa rencontre avec Rilke à la gare. [Рильке, 2000 : 5 ; Азадовский, 2003 ; Пастернак Леонид, 2013 : 375]
Juin, Paris
Leonid Pasternak se rend en France. Dans le pavillon russe de l’Exposition universelle à Paris sont exposés les originaux de ses trente-trois illustrations du roman de Tolstoj Résurrection. Ces travaux sont récompensés par une médaille. [Пастернак Евгений, 1989 : 45]
17 août, Odessa
Boris Pasternak reçoit l’attestation no 1076 délivrée par le directeur du gymnase classique no 5 d’Odessa validant son succès aux épreuves d’entrée en première classe. [Пастернак Евгений, 1989 : 47]
18 août, Moscou
Leonid Pasternak envoie une demande d’inscription, pour son fils Boris, à A. V. Adol’f, directeur du gymnase classique de garçons no 5 de Moscou. Au même moment, il demande le soutien du prince L’vov, directeur de l’École de peinture, qui s’adresse à son tour à Vladimir Golicyn qui occupait à l’époque la fonction de chef du pouvoir exécutif de Moscou. [Пастернак Евгений, 1989 : 47-48]
26 août, Odessa
Réponse en retour de Vladimir Golicyn qui joint la lettre reçue d’A. V. Adolf. Pasternak essuie un refus au motif que, parmi les 345 élèves de l’école, il y a déjà dix Juifs (soit le quota de 3 %). Le directeur conseille à Pasternak d’attendre une année et de présenter son fils au mois de mai au concours d’entrée en deuxième classe, une place pour les Juifs devant se libérer en août. Il promet d’attribuer cette place à Boris en cas de succès à l’examen. [Пастернак Евгений, 1989 : 48]
12 décembre, Odessa
Mort de Lija, mère de Leonid Pasternak. [Пастернак Евгений, 1989 : 46]