L’autorité du compilateur en question : figures de Gherardi dans Le Théâtre italien

DOI : 10.35562/pfl.225

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Au début du mois d’octobre 1694, les Parisiens découvraient un ouvrage sans précédent sur les étals des libraires : Le Théâtre italien ou le Recueil de toutes les scènes françaises qui ont été jouées sur le Théâtre italien de l’Hôtel de Bourgogne1. Les recueils de théâtre étaient alors rares2, l’impression de scènes dramatiques détachées n’avait été envisagée que pour les airs d’opéra, et c’était la première fois qu’une part significative du répertoire des Italiens était mise sous presse3. Le succès, immédiat, atteignit rapidement les villes de Lyon, de Rouen, d’Amsterdam ou encore de Bruxelles, où l’ouvrage fut contrefait au moins huit fois en un an4. Toutefois, ce qui réjouit les lecteurs provoqua d’importantes dissensions au sein de la troupe.

Moins de deux semaines avant que l’impression du recueil fût achevée, les comédiens intentèrent un procès à son compilateur. Il s’agissait d’Evaristo Gherardi, leur Arlequin, qu’ils accusaient d’avoir « tiré adroitement de celui qui en était dépositaire toutes les pièces et scènes détachées qui ont été représentées depuis trente ans sur le théâtre des comédiens italiens » et, en vertu d’un privilège obtenu subrepticement – c’est-à-dire en prétendant faussement détenir le consentement de la troupe – « fait imprimer clandestinement plus de deux mille volumes de ce nouveau livre »5. Ils affirmaient que l’impression portait préjudice à la troupe, en dispensant le public d’assister aux représentations d’une part, en rendant disponibles en tout temps des passages qui auraient pu passer pour nouveaux lors de productions ultérieures d’autre part. Suite à la reconnaissante de la plainte par le Conseil privé du roi, Gherardi publia un factum répondant point par point aux accusations. Il soutint notamment que :

Bien loin que les impressions nuisent à la représentation des pièces de théâtre, c’est au contraire ce qui les fait revivre et les ranime lorsqu’elles sont tombées. […] Bien loin de dégoûter ceux qui les lisent, [elles] leur font au contraire souhaiter avec plus d’ardeur de voir les pièces entières dont ces morceaux leurs rafraîchissent l’idée, accompagnées de la représentation et de la grâce qu’y donnent les Acteurs, et en inspirent le désir à ceux qui ne les ont point vues6.

Les deux parties négocièrent un arrangement et s’entendirent sur un partage équitable des revenus : le privilège de Gherardi fut ainsi maintenu et le recueil publié. Enfin, six ans plus tard, une édition largement augmentée compléta cette première entreprise éditoriale et, de réédition en réédition, permit au répertoire de l’ancien théâtre italien de traverser les siècles.

Cette querelle comporte tous les éléments d’un cas d’école pour l’histoire de l’édition, et de l’édition de théâtre en particulier. Pourtant, elle n’a jusqu’ici pas suscité l’intérêt de la critique moderne, qui n’en a retenu que l’audace de Gherardi7. On estima qu’elle n’était qu’un exemple des tensions récurrentes entre comédiens, par ailleurs bien connues8. Il semblait clair que les motivations des deux parties étaient avant tout financières, et que les inquiétudes concernant les représentations servaient simplement de façade à la défense des intérêts commerciaux de chacun9. Les rebondissements de l’affaire ne vont cependant pas dans le sens de cette hypothèse. En plus de révéler les changements de camp de certains comédiens durant le conflit, les pièces du procès indiquent par exemple que des copies du recueil auraient été brûlées malgré la conclusion d’un compromis prévoyant la répartition équitable des revenus du Théâtre italien entre les comédiens10. La seule rivalité financière ne permet pas d’expliquer cette réaction face à un arrangement pourtant favorable à la troupe.

Les droits sur le texte et ses revenus participaient certainement du conflit entre comédiens, mais ce travail voudrait en proposer une autre lecture : l’autorité que Gherardi s’arrogea sur le recueil. On propose dans cet article d’analyser la façon dont le compilateur programma, par la publication du Théâtre italien, la consécration de son propre nom. On analyse comment il affirma son autorité sur le texte comme sur le livre, en bénéficiant de l’imprécision du contexte juridique et définitionnel. On interroge finalement les multiples figures du compilateur dans le champ littéraire d’alors, et la façon dont l’historiographie contemporaine a choisi de n’en consacrer qu’une : celle qui faisait de Gherardi le légataire du théâtre italien.

Autorité sur le recueil

L’édition du Théâtre italien était une entreprise éditoriale tout à fait novatrice. Au contraire des rares recueils de théâtre édités jusque-là, tous factices à une exception près11, Le Théâtre italien suivait une pagination continue. Il s’affranchissait aussi des pièces intégrales pour ne retenir que des scènes de divers auteurs, sur le modèle des recueils d’airs d’opéra nouvellement apparus sur le marché. Enfin, c’était la première fois que tout un pan du répertoire des Italiens paraissait sous la forme d’un recueil imprimé.

Contrairement au Recueil des plus beaux vers12 de Sercy, dont la page de titre promettait « le nom des auteurs, tant des airs que des paroles », aux Délices de la poésie galante, des plus célèbres Auteurs du Temps de Ribou13, ou encore au Recueil des plus belles pièces des poètes français14 de Barbin, qui définissait son étendue « depuis Villon jusqu’à M. de Benserade », Le Théâtre italien ne capitalisait pas sur les auteurs des scènes. La tradition de la comédie italienne s’accommodait d’ailleurs mal du concept d’auctorialité. Elle se fondait en effet sur une pratique de composition collective, par laquelle chaque comédien maîtrisait un certain nombre de motifs qu’il était capable de développer ad libitum sur scène. Créer une nouvelle pièce consistait ainsi à décider conjointement d’un agencement inédit de ces motifs en suivant les principes de la combinatoire. Puisqu’il n’y avait pas à proprement parler d’« écriture », la commedia dell’arte avait, pour reprendre les termes de Claude Bourqui, comme « suppr[imé] la fonction d’auteur15 ». Il en allait différemment des scènes françaises intégrées aux canevas italiens dès 1681 pour s’adapter aux goûts changeants du public16, et qui composaient le recueil du Théâtre italien. Celles-ci, rédigées par des auteurs qui les donnaient à la troupe, étaient destinées à être récitées. Leur anonymat n’était pas le produit de facto d’une tradition dramaturgique de l’improvisation, mais une condition de jure : les scènes françaises, enchâssées parmi d’autres, étaient présentées sans nom d’auteur, sur scène comme sur papier.

Le seul nom qui traversait le paratexte était celui du compilateur. Ainsi, sans afficher ses auteurs, le recueil ne se déclarait pas sans « autorité ». Le paratexte entier travaillait à souligner le rapport intime de Gherardi au livre. Il avait joué ces scènes ; il les avait recueillies, adaptées, mises en livre ; enfin, pour l’occasion, il faisait office de libraire. Dès la page de titre, son nom était mis en exergue, présenté – au contraire de Guillaume de Luyne avec qui il partageait le privilège – comme « le Sieur Gherardi ». Le privilège lui-même réaffirmait cette différence de statut et invitait le lecteur à établir une hiérarchie entre les deux hommes. Mais surtout, il conférait au compilateur une autorité incontestable : d’une part, du fait que celle-ci émanait directement du roi17, et d’autre part, parce que le privilège, en interdisant de contrefaire « dans toutes les Terres de l’obéissance de sa Majesté […] ledit Livre, même d’Impression Étrangère, ni aucune Scène séparée du Recueil, ou autrement », ne reconnaissait aux scènes qu’une seule forme d’existence – celle du recueil – et qu’une seule autorité sur elles – celle du compilateur18.

L’épître dédicatoire à la princesse Palatine consacrait elle aussi Gherardi en tant qu’autorité du Théâtre italien. Une habile rhétorique permettait au compilateur de vanter son propre travail tout en éclipsant les autres acteurs de l’institution théâtrale comme du processus éditorial19. Dès la première ligne, l’épître se révélait le terrain d’un jeu de pronoms tout stratégique. Confronté à l’écueil du collectif, car il n’est nul théâtre sans comédiens, Gherardi usait de toutes les ressources de la grammaire. En évoquant à la voie passive les « Scènes Françoises qui ont été jouées sur le Théâtre italien », il évacuait les comédiens au profit de l’art dramatique, désincarné. Un seul indice de collectivité demeurait, dissimulé dans un déterminant – « quand Vous avez honoré nos Comédies de votre présence » – au détour d’une phrase mettant l’accent sur la dédicataire. Mais en dehors de cette incursion, Gherardi préférait la neutralité des démonstratifs (« ce Livre », « ces Scènes détachées », « ces Scènes »), qui lui permettaient de présenter l’ouvrage comme sien (« mon Présent »). La première personne saturait l’ensemble du texte ; on ne trouvait aucune autre allusion à la troupe, ni aux auteurs des scènes. Enfin, plutôt que de clore l’épître sur les formules de modestie d’usage, subordonnant l’œuvre au geste même de la dédication, Gherardi renforçait doublement sa posture d’autorité. « Je borne mon ambition à l’honneur de Vous divertir » recentrait l’attention sur sa personne plutôt que sur l’écrit, tout en congédiant définitivement ses camarades comédiens ; enfin, en établissant une commune mesure entre son ambition et l’honneur de servir la princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV, Gherardi faisait le choix de publier, avant tout et sans modestie, son propre nom20.

Ces premiers éléments contredisent d’emblée l’approche de la critique, qui a vu dans le recueil une entreprise destinée premièrement à promouvoir la troupe. Revenons sur cette hypothèse, qui s’appuie sur une lecture du contexte historique de la publication. La première parution du recueil, en 1694, intervenait dans un contexte délétère pour les comédiens italiens. Le pouvoir royal avait alors rompu avec la tradition théâtrale21. Le recueil pouvait passer pour une tentative de pérenniser le théâtre italien, en lui conférant une légitimité tant littéraire qu’institutionnelle22. À cet égard, l’épître à la Palatine se révélait particulièrement habile : en elle, Gherardi identifiait correctement la personne la plus à même de résoudre la tension grandissante entre l’autorité politique détenue par son beau-frère et la liberté théâtrale qu’elle défendait ouvertement23. Trois ans plus tard, en 1697, la troupe fut néanmoins expulsée de Paris24. La critique jugea alors qu’en éditant une seconde version du recueil, en 1700, il ne s’agissait plus seulement d’inscrire le théâtre italien dans la tradition française des belles-lettres, mais de signaler l’entière soumission de la troupe au pouvoir, afin qu’elle fût rappelée25. Cette interprétation avait l’avantage d’expliquer la présence en début de recueil d’une pièce politique, une « Explication du Feu d’artifice dressé par Messieurs de la Troupe Royale des Comédiens Italiens devant leur Hôtel de Bourgogne au sujet de la Paix conclue entre la France et la Savoie26 ». Elle justifiait aussi l’impression d’un bandeau gravé aux armes de la princesse Palatine (fig. 1), qui, en 1694, avait été peint sur quelques exemplaires d’apparat uniquement.

Fig. 1. Bandeau gravé aux armes de la princesse Palatine, « À son altesse royale Madame. », dans Le Théâtre italien de Gherardi…, t. I, 1700. BnF/Gallica

Fig. 1. Bandeau gravé aux armes de la princesse Palatine, « À son altesse royale Madame. », dans Le Théâtre italien de Gherardi…, t. I, 1700. BnF/Gallica

À lire attentivement le paratexte de la seconde édition, on remarque en réalité que celui-ci programme moins un rappel de la troupe qu’une monumentalisation du théâtre italien. Le recueil devait matérialiser sa consécration, et la figer. Dans l’« Avertissement » de 1700, plus développé que celui de 1694, les descriptions du théâtre comme du recueil soulignent bien la dichotomie entre le temps du jeu et le temps de l’écrit. Gherardi décrit le « chagrin du Public, qui en perdant les Italiens a perdu les plus beaux ornements du Théâtre Comique, et à qui il ne reste rien, pour se consoler d’une si grande perte, que le Recueil [qu’il] lui présente27 ». Sur la gravure décrite dans la préface et nommée d’après le recueil, on voit « plusieurs petits Génies, qui après la retraite des Italiens, se sont emparés de leur Théâtre » ; la devise (fig. 2) entourant la légende, De la mia morte eterna vita io vivo28postule la mort du théâtre comme condition de son passage à la postérité.

Fig. 2. Frontispice du Théâtre italien de Gherardi…, t. I, 1700. BnF/Gallica

Fig. 2. Frontispice du Théâtre italien de Gherardi…, t. I, 1700. BnF/Gallica

Sur un autre frontispice (fig. 3) figurait le recueil, sur la couverture duquel on lit les mots exuviæ tristes29, renforçant l’idée d’une transition définitive entre la performance et l’imprimé. La devise du compilateur, Dum lego, colligo30, affirmait encore une fois que le temps de la scène avait fait place à celui du livre, puisque même un comédien présentait son rapport au texte comme celui de la lecture. Le recueil devait remplacer le théâtre, non le restituer.

Fig. 3. Frontispice du Théâtre italien de Gherardi…, 1741, t. II. BnF/Gallica

Fig. 3. Frontispice du Théâtre italien de Gherardi…, 1741, t. II. BnF/Gallica

C’est justement parce que Gherardi savait que le théâtre italien n’avait plus d’avenir qu’il pouvait se permettre de régler certains comptes avec ses anciens camarades, tels que Michelangelo Fracanzani et Costantino Costantini31 :

Je n’ai connu que les Gradelins et les Polichinelles qui n’ont jamais plu à personne ; aussi ne les trouvera-t-on pas dans aucune des Scènes de mon Recueil ; et si je les ai mis dans ma Préface, c’est qu’ils ont toujours été à la Porte du Théâtre Italien32.

Le processus de valorisation de son propre rôle au détriment des autres, vraisemblablement déjà présent dans la première édition, était cette fois-ci explicité sans aucune vergogne. Il était tout à fait significatif que Le Théâtre italien devînt dans sa seconde facture Le Théâtre italien de Gherardi, entretenant une ambiguïté : le titre faisait-il référence au recueil, ou au théâtre lui-même ? Au fil des pages, le recueil se donnait en effet de manière flagrante comme celui d’Arlequin. Sa figure dominait pratiquement toutes les gravures, en occupant le plus souvent la position centrale. Et si le succès du théâtre italien devait beaucoup à Arlequin, Gherardi insistait sur le fait que le recueil devait tout à sa personne : « comme aucun de mes Camarades n’a encore voulu se donner la peine d’en faire le Recueil [des dialogues demandés par le public], je me suis chargé de ce soin33 ».

Si le paratexte signalait la mainmise de Gherardi sur le texte, certains codes paratextuels, plus encore, relevaient d’une posture proprement auctoriale. Il en allait ainsi du topos du manuscrit volé qui aurait déterminé Gherardi à élaborer une deuxième édition plus fidèle à son projet initial que les versions concurrentes circulant sur le marché, réalisées à la hâte. Cette deuxième édition du Théâtre italien présentait même de nombreuses caractéristiques du recueil d’œuvres complètes34, telles que l’introduction des scènes par des poèmes d’hommage. Ces poèmes, en latin, conféraient au répertoire des Italiens une légitimité littéraire ainsi qu’une inscription dans la tradition française des belles-lettres, en rupture avec la représentation traditionnelle d’un passe-temps peu distingué. La constante de ces poèmes résidait dans leur éloge de Gherardi en tant que « passeur » du théâtre italien :

O heureuse mère [la Comédie] toi qui, abattue il y a encore un instant, te relèves plus célèbre grâce au soin de ton fils, toi qui, sans valeur et exilée il y a encore un instant, retrouves grâce au dévouement de ton fils un refuge de plus de prix que l’or rare et plus durable que l’airain massif35 !

La focalisation portait généralement sur le compilateur plutôt que sur le recueil, et dans ces poèmes, Gherardi prenait immanquablement le titre d’auteur :

La Nature à la main habile t’a façonné acteur à ta naissance, c’est elle aussi qui te façonnera auteur si tu le veux […]. Naguère la Gaule t’a admiré en tant qu’acteur, le monde tout entier l’admirera en tant qu’auteur36.

Ainsi, le recueil programmait essentiellement la circulation du nom de son compilateur.

La légitimité littéraire du recueil était encore soulignée dans l’« Avertissement » par un bon mot de Boileau. L’emphase, appuyée au point d’en devenir comique, n’en rappelait pas moins sa qualité de « régent du Parnasse37 » :

Le premier Volume que j’en donnai en 1694 et dont j’ai parlé ci-dessus, a mérité le nom de Grenier à Sel : nom glorieux qui lui a été donné par cet Homme divin, ce Génie supérieur, à qui le Ciel a donné des connaissances et des lumières qu’il a refusées à tous les autres hommes, afin que les autres hommes devinssent les sujets de ses satires ; j’espère que celui-ci pourra mériter le nom de Saline, étant et beaucoup plus ample et beaucoup plus correct que le premier38.

Dans la lettre à Brossette, toutefois, Boileau se remémorait les représentations des Italiens pour dénigrer par contraste celles des comédiens français. Pourtant, repris par Gherardi, le bon mot ne valorisait pas le répertoire italien, mais l’édition que lui-même en avait tirée. En ces termes, Boileau semblait vanter son travail, plutôt que celui de la troupe.

Par l’entremise du recueil, Gherardi s’instituait en unique légataire du théâtre italien. Si les deux éditions avaient été stratégiques au sens d’Alain Viala, c’est-à-dire qu’elles reflétaient « une option politique […] une lutte pour conquérir une existence et une visibilité sociale qui faisaient défaut [à Gherardi]39 », la seconde présentait des marques nettement exacerbées de son autorité sur le recueil, et donc sur le texte. Cela s’explique aisément. En 1700, parce que la troupe n’existait plus, Gherardi avait le champ libre et le temps d’élaborer patiemment l’œuvre qui devait faire sa gloire. L’enregistrement auprès de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris en témoigne : il remontait au 10 mai 1698 – c’est-à-dire un an après le renvoi des Italiens – alors que l’achevé d’imprimé datait du 31 juillet 1700. À titre de comparaison, pour la première édition, cet écart s’était élevé à onze jours seulement. Le plus grand aboutissement et le soin portés à l’édition de 1700 n’avaient été rendus possibles que par l’expulsion et l’éclatement de la troupe. Ainsi, le contexte défavorable au théâtre italien justifia moins le développement d’une seconde édition qu’il permit la création d’un monument littéraire destiné à promouvoir le nom de Gherardi.

Flou définitionnel et juridique de l’auctorialité

La posture d’autorité de Gherardi dans et sur le recueil n’est pas aisément lisible selon nos catégories actuelles d’éditeur et d’auteur. Le titre complet de la seconde édition – Le Théâtre italien de Gherardi –, la revendication constante de « son » recueil, les caractéristiques des œuvres complètes et autres marques typiques d’une posture auctoriale s’opposent à la description de son travail éditorial ou encore à la mention d’auteurs, qui ressortiraient d’une posture d’éditeur, ou, pour reprendre le terme du temps, de compilateur. La coexistence de ces deux postures se révélait déjà problématique à l’époque. Le procès n’était qu’un signe des complications liées à la porosité de ces catégories, au manque de définition des droits qui en découlaient et, plus généralement, à l’inadéquation des étiquettes juridiques avec les réalités de l’activité littéraire. C’est pourquoi le factum publié par Gherardi accordait tant d’importance à décrire l’implication des différents acteurs à l’origine du Théâtre italien. Cela était nécessaire pour justifier le bien-fondé de son privilège.

Son argumentation, sans conteste laborieuse, reposait sur l’hypothèse que le droit de faire imprimer les pièces

n’appartient qu’aux Auteurs, et quand même les Comédiens auraient donné quelque chose aux Auteurs, ce ne serait que pour la représentation de leurs pièces à l’exclusion des autres Troupes, et non pas pour le droit de les faire imprimer qui a toujours appartenu aux mêmes auteurs40.

Ses camarades n’étant pas les auteurs des scènes, ils ne pouvaient revendiquer ce droit. Lui non plus ne pouvait se targuer de les avoir écrites ; en revanche, il affirmait qu’au contraire de ses camarades il possédait « le consentement des Auteurs des pièces dont il a fait imprimer quelques scènes détachées de chaque pièce41 ». Les auteurs auraient cédé leurs droits à Gherardi, de la même façon qu’un privilège pouvait être transféré par son détenteur à n’importe quel libraire de son choix. D’après Gherardi, c’était sur cet argument seul que le raisonnement juridique devait porter. Ni l’existence d’une troupe, ni l’achat des scènes par cette troupe, ni même le choix des auteurs de ne pas entreprendre leur publication eux-mêmes ne constituaient des arguments recevables.

Le principe qu’il invoquait, attribuant aux seuls auteurs le droit de décider du sort de leur texte, était toutefois loin d’être conforme à la réalité du temps. On connaît les démêlés de Molière et de ses libraires indélicats, symptomatiques d’un flou juridique en matière d’impression de théâtre42. D’ailleurs, entre 1600 et 1699, 484 privilèges avaient été attribués premièrement à des libraires pour des pièces de théâtre, contre 240 à des auteurs, et dans la seule décennie 1690, ce rapport s’élevait toujours à 41 contre 3043, démentant la prémisse de Gherardi. Il n’empêche que son argument (fallacieux) reposait sur le droit absolu des auteurs sur leurs écrits – incluant celui de ne pas en faire usage, ou de céder ses prérogatives à quelqu’un d’autre. Bien que le procès-verbal établi fît mention d’un tel accord passé par écrit entre les auteurs des scènes et Gherardi44, le factum poursuivait comme si tel n’avait pas été le cas :

Et si ces mêmes morceaux de pièces que le Suppliant s’est donné la peine de ramasser et de faire imprimer, ne l’ont pas été par les soins des Auteurs, c’est que n’étant pas des pièces complètes, mais seulement des scènes détachées, qui chacune en particulier ne méritait pas peut-être les frais de l’impression, les Auteurs ont négligé de le faire45.

Le droit supposé de Gherardi à disposer des scènes était certainement moins fondé sur son élection par leurs auteurs que sur l’opportunité qu’il avait su percevoir et saisir. Dans l’« Avertissement », il semblait l’avouer, puisqu’il décrivait son implication comme résultant de l’inaction de ses pairs. Mais le reconnaître, c’était admettre qu’il n’était en somme pas plus qualifié que le reste de la troupe pour revendiquer la responsabilité d’une telle entreprise. C’est peut-être ce qui expliquait que dans un dernier mouvement argumentatif, le comédien cherchât à justifier son autorité sur le texte par une raison plus proprement littéraire, soit le recours au topos du labeur du compilateur :

Le Suppliant peut même dire que son livre est comme nouveau, quoi que composé de morceaux de plusieurs pièces représentées. Car la peine qu’il a eu de le recueillir, l’ordre exact qu’il a gardé pour donner du relief à son livre, est une espèce de nouveauté dont le Suppliant se peut dire auteur. Elucidatio est nova inventio46.

L’autorité de Gherardi s’appuyait donc sur la longue tradition du motif, tout en le détournant : contrastant avec l’usage renaissant du topos, qui visait à partager le prestige de l’imprimé entre auteur(s) et compilateur47, l’emploi qu’en faisait Gherardi lui permettait de remplacer les autres instances et de s’arroger l’autorité entière sur le recueil, voire son auctorialité.

Cependant, jamais dans le recueil lui-même il n’osa se positionner de la sorte. Plusieurs occurrences font toutefois état des difficultés de Gherardi à négocier sa posture entre autorité et auctorialité. On le perçoit par exemple en comparant l’« Avertissement » des deux éditions du recueil. Dans celui de 1694, Gherardi présentait les scènes comme l’« Ouvrage de plusieurs personnes d’esprit et de mérite, qui nous les ont données pour les mettre dans des Sujets Italiens, où elles sont comme enchâssées48 ». Dans la version de 1700, cette formulation fut développée pour devenir « l’ouvrage de plusieurs Personnes d’esprit et de mérite, composées par la plupart dans leurs heures de récréation, et données par quelques-uns gratis à la Troupe. Elles étaient comme enchâssées dans nos sujets49 ». Le facteur économique était devenu déterminant : le caractère dilettante d’hommes qui ne méritaient pas d’être nommés « auteurs » renforçait par contraste l’autorité de Gherardi, présenté comme celui qui avait réellement œuvré.

Les dictionnaires de l’Académie française, de Furetière et de Richelet témoignent du flou entourant encore la définition du nom d’« auteur » à la fin du siècle :

Auteur, s. m. Celui qui est la première cause de quelque chose. […] Il signifie aussi, Inventeur. […] Il se dit particulièrement de celui qui a composé un livre50.

Auteur, en fait de Littérature, se dit de tous ceux qui ont mis en lumière quelque livre. Maintenant on ne le dit que de ceux qui en ont fait imprimer51.

Auteur, s. m. [seconde définition] Celui qui a composé quelque Livre imprimé52.

Seule la première définition, celle de l’Académie, faisait de l’inventio un facteur décisif quant à l’attribution du statut d’auteur. La définition de Furetière, plus accommodante, reconnaissait comme auteur toute personne associée à la circulation publique d’un livre imprimé. Celle de Richelet enfin intégrait toute la polysémie du verbe « composer », c’est-à-dire, d’après le même dictionnaire, « faire des ouvrages d’esprit soit en vers, ou en prose53 ». L’Académie pour sa part renvoyait le verbe « composer » à l’acte de compilation, et relevait qu’il « signifie aussi faire quelque ouvrage d’esprit », tandis que pour Furetière, encore une fois plus conciliant, le terme concernait tant les « choses spirituelles » que les « moindres productions d’esprit », inventions, rédactions, récitations, traductions et autres mises en forme.

Ainsi planait un flou définitionnel sur la notion d’auteur, pouvant expliquer les efforts répétés de Gherardi à souligner l’indissociabilité de son travail et de la mise sur le marché du recueil, ainsi que sa propre inventio à différents niveaux du texte – dans sa structure, ses réécritures, sa présentation au public. Il devient clair que l’imbroglio juridique qui précéda la première édition du recueil ne relevait pas d’une simple rivalité financière. Une incertitude réelle quant aux droits des comédiens, du compilateur et des auteurs procédait des définitions encore flottantes de l’auctorialité moderne.

Conséquemment, l’autorité sur un texte, dans le cas du Théâtre italien, n’était pas de fait ; elle était performée, ou n’était pas. À ce titre, il est significatif que Gherardi ne se contenta pas de composer avec soin sa posture dans les pièces relevant de la querelle juridique, mais qu’il étendit sa stratégie à son factum, puis aux « Avertissement[s] » des deux éditions du recueil. S’il mêlait les signes de postures qu’on qualifierait aujourd’hui d’auctoriale et d’éditoriale, provoquant une confusion pour les lecteurs d’alors comme d’aujourd’hui, il ne se départit en revanche jamais d’une autorité sans concession sur le texte. Toutefois, la construction de sa posture ne relevait pas de ses efforts seuls : elle dépendait de tout un réseau de textes mis en relation par le marché du livre, et sur lequel Gherardi ne pouvait guère influer.

Du discours contemporain à l’historiographie

Ce que l’on appelle « le recueil de Gherardi » ne désignait pas une production homogène, mais un ensemble d’exemplaires qui, sous un titre similaire, présentaient des éditions plus ou moins complètes, autorisées ou non, émises aux quatre coins du royaume et au-delà, pour le compte de différents libraires, avec la collaboration de différents imprimeurs, impliquant différents arrangements commerciaux54. Or la diffusion et la promotion du nom de Gherardi dépendaient de la réception de sa figure telle qu’elle était construite dans les différentes versions du Théâtre italien, ainsi que dans les ouvrages contemporains mentionnant le comédien ou son recueil.

Les éditions pirates, en premier lieu, participaient de cette co-construction. Loin d’être des répliques neutres de l’édition autorisée, elles retenaient parfois une sélection de scènes légèrement différente de celle opérée par le comédien, et surtout, elles se détachaient volontiers du paratexte original. Ainsi une contrefaçon lyonnaise présentait une gravure d’« Harlequin » (fig. 4) précisant que le personnage « s’apelle en Italie Zani et à Venise Trufaldin ou Trapolin55 ».

Fig. 4. Gravure d’Arlequin, « Harlequin, Comedien Burlesque vétu de pieces de diverses couleurs avec un masque tané et une épée de bois, il parle Bergamasque, et s’apelle en Italie Zani et à Venise Trufaldin ou Trapolin », dans Le Theatre italien ou le recueil de toutes les scenes françoises Qui ont été jouées sur le theatre italien de l’Hôtel de Bourgogne, Genève, Jacques Dentand, 1695. Google Book

Fig. 4. Gravure d’Arlequin, « Harlequin, Comedien Burlesque vétu de pieces de diverses couleurs avec un masque tané et une épée de bois, il parle Bergamasque, et s’apelle en Italie Zani et à Venise Trufaldin ou Trapolin », dans Le Theatre italien ou le recueil de toutes les scenes françoises Qui ont été jouées sur le theatre italien de l’Hôtel de Bourgogne, Genève, Jacques Dentand, 1695. Google Book

Le nom du personnage de Gherardi n’était donc pas seulement écorché, on en offrait des variantes régionales qui, en remplaçant l’Arlequin, congédiaient Gherardi. La même édition attribuait aussi l’épître dédicatoire à un certain « Cherardi », compromettant la promotion du nom du comédien. La même année, une seconde édition lyonnaise supprimait simplement cette épître. Le cas inverse existait aussi : l’autorité de Gherardi pouvait être contestée par l’adjonction de pièces paratextuelles et l’insistance sur les autres acteurs du théâtre et du recueil. Ainsi, une édition hollandaise arborait un frontispice (fig. 5) représentant plusieurs comédiens en scène, derrière un médaillon montrant le théâtre italien encadré par une muse et un satyre56. D’autres éditions remplaçaient l’épître prévue par Gherardi par une autre, à l’instar de la contrefaçon hollandaise de Braakman, dont la dédicace était signée non plus par le compilateur, mais par le libraire57.

Fig. 5. Frontispice du Théâtre italien de l’édition d’Amsterdam, Braakman, 1695. Répertoire du théâtre français imprimé au xviie siècle, Alain Riffaud (dir.)

Fig. 5. Frontispice du Théâtre italien de l’édition d’Amsterdam, Braakman, 1695. Répertoire du théâtre français imprimé au xviie siècle, Alain Riffaud (dir.)

On ne peut guère juger si les écarts constatés entre l’édition autorisée et ses contrefaçons tenaient des conditions de production, ou s’ils visaient à offrir une alternative au paratexte programmatique de Gherardi. Il semble peu probable que les variantes aient émané d’une action concertée des acteurs du recueil lésés par Gherardi, mais il demeure plausible que les coquilles soient des facéties. Dans tous les cas, ces exemples soulignent le fossé entre d’un côté, le droit théorique conféré à Gherardi par le privilège de définir absolument le contenu du recueil et d’en contrôler la diffusion, et de l’autre, l’état effectif du marché du livre, saturé d’éditions pirates reproduisant plus ou moins fidèlement l’originale. On ne peut que rejoindre Oskar Klinger voyant dans la seconde édition une tentative de Gherardi pour reprendre le contrôle sur la diffusion du recueil58. Soulignons cependant l’importance du contrôle sur le discours, au moins autant que sur les recettes des ventes, et la réussite en demi-teinte du projet – car la seconde édition du Théâtre italien fut autant contrefaite que la première.

L’édition de Gherardi se distinguait par son travail éditorial particulièrement soigné. Charles Mazouer rappelle que Gherardi retravailla largement les textes du recueil, pour leur conférer une plus grande valeur littéraire, pour favoriser la lisibilité du jeu théâtral à l’écrit, ainsi que pour mettre en valeur la figure d’Arlequin, c’est-à-dire la sienne59. On peut aussi qualifier son acte éditorial par son étendue particulière : pour reprendre les trois catégories définies par Brigitte Ouvry-Vial, Gherardi fit usage tant de l’écriture éditoriale (c’est-à-dire la mise en livre), de l’énonciation éditoriale (l’établissement du texte, ici son adaptation pour l’écrit), que du geste éditorial (l’instauration d’une médiation entre les scènes et le lectorat, notamment par les riches explications données sur le théâtre italien dès la première édition, puis sur les « intraduisibles » ajoutés dans la seconde édition)60. Il ne manqua pas de souligner chacun de ces aspects dans son « Avertissement », et ainsi de modifier l’équilibre des voix au sein du recueil. Mathématiquement, en effet, à proportion qu’il valorisait son travail du texte, il réduisait la présence des autres acteurs du livre.

Il en allait différemment des « suites », « suppléments », « augment[ations]61 » et nouveaux « tomes » qui parurent dès 1696 et qui, sous des appellations sous-entendant une continuité avec l’édition originale, n’hésitaient pas à contredire le récit éditorial de Gherardi. Ainsi, un « troisième volume » paru à Amsterdam en 1698 insistait sur la multiplicité des auteurs et l’hétérogénéité constitutive d’un tel recueil :

Les sujets n’en sont pas moins riches, et les Auteurs n’ont encore rien perdu ni de leur bon sens, ni de la fécondité de leur imagination, ni du beau feu qui se fait si bien sentir dans les fragments du premier Tome62.

Dans la Suite du Théâtre italien, le compilateur, sous les traits du libraire, définissait encore une fois l’ouvrage comme un recueil de textes d’auteurs divers plutôt que comme la publication aboutie du répertoire d’une troupe :

En voici les plus belles Scènes que je donne au Public, j’aurais bien souhaité la donner toute entière, mais comme ces Messrs. ne font point imprimer leurs pièces, on ne peut pas les avoir à moins de les recueillir de Mémoire, c’est ce qu’a fait la Personne qui m’a envoyé celle-ci. […] J’avertis le Lecteur que si on trouve quelques défauts dans [c]es sortes de pièces on ne doit pas les attribuer à leurs Auteurs, vu que la beauté de ces pièces consistant dans l’action, il est impossible que l’impression leur conserve tous les agréments avec lesquels elles paraissent sur le Théâtre63.

Ces discours génétiques renversaient la hiérarchie des acteurs du recueil : contrairement à l’« Avertissement » de Gherardi, qui soulignait le caractère central voire irremplaçable du compilateur, dans ces volumes pirates, le compilateur n’apparaissait plus que comme celui qui liait matériellement les « fragments », imparfaits par nature – puisque « la beauté de ces pièces consist[e] dans l’action » – mais aussi par leur mode de transmission. Dans le premier cas, le recueil était présenté comme un ouvrage abouti dont le mérite revenait au compilateur, alors que dans le second, le livre était présenté comme le simple support matériel réunissant des pièces par ailleurs autonomes. Seul le premier cas permet l’affirmation d’une seule figure d’autorité. Les éditions pirates, qui ne reprenaient pas ce discours, ne participaient donc pas du programme de Gherardi. Dès lors, il devenait crucial pour lui d’identifier les ouvrages qui appartenaient à l’une ou l’autre catégorie, au-delà même des éditions du Théâtre italien ; dans la seconde figuraient par exemple l’Arliquiniana64, puis son deuxième tome, le Livre sans nom65, qui diffusaient les bons mots d’Arlequin sans contribuer à inscrire la figure de Gherardi au Parnasse.

On peut dès lors s’interroger sur la façon dont les lecteurs abordaient ces préfaces. Il convient premièrement de souligner que les pièces liminaires étaient significatives en elles-mêmes, indépendamment de la lecture qu’on en faisait (ou non), en cela qu’elles dénotaient le soin particulier qu’elles mettaient à positionner l’ouvrage et son « compositeur » dans le champ littéraire du temps, par opposition à de nombreux textes, notamment de théâtre, publiés sans avis ni épître. Parce que les préfaces parcouraient généralement un certain nombre de passages obligés, une partie de leur interprétation relevait vraisemblablement du contraste que leur discours présentait avec des ouvrages similaires. En d’autres termes, l’interprétation des préfaces prenait certainement en compte l’articulation des faits décrits et du discours les présentant, mais comparait aussi l’équilibre retenu avec les modèles existants. Sur ce point, l’audace de Gherardi se révélait d’autant plus saillante que les ouvrages similaires tendaient à adopter des postures de modestie.

En témoigne le paratexte d’une pièce italienne de la même période, La Tapisserie Vivante. Gaëtan Romagnesi, alias de Romagnesy, y signait une épître dédicatoire au ton tout différent :

C’est, Mylord, ce qui dissipe la crainte que je pourrais avoir, en vous dédiant la Tapisserie Vivante, et ce qui m’autorise à vous faire présent d’un bien qui ne m’appartient pas ; car enfin j’aurais beau m’en vouloir faire honneur, je ne puis tout au plus exiger que celui d’avoir composé une Comédie Française de plusieurs Scènes Italiennes détachées, et d’y avoir seulement ajouté du mien ce qui était nécessaire pour lui donner la conduite qu’exigent les sujets qui se représentent sur notre Théâtre66.

Romagnesi précisait encore dans la préface :

Ce sont plusieurs Scènes prises de différents Auteurs. Il y a cinq ans et plus, que je me mis en tête de les insérer dans une Comédie, d’en faire un sujet suivi, et je puis dire que je ni ai pas mal réussi, puisque les plus beaux esprits se sont fait un plaisir de la distinguer des Pièces Modernes, et que nous représentons journellement. J’y ai ajouté si peu du mien, que j’ose espérer que l’on ne distinguera point le méchant d’avec le bon, qui est en assez grand nombre. Il ne me reste plus qu’à prier le Lecteur de ne point m’imputer à vanité, le soin que j’ai pris de la faire imprimer.

Romagnesi et Gherardi revendiquaient en somme un travail similaire, à savoir l’établissement d’un recueil à partir de scènes d’auteurs variés et l’adaptation de ces passages pour la publication imprimée. Romagnesi, en les fondant en une comédie suivie, pouvait se targuer d’une inventio bien plus significative que celle de Gherardi, qui s’était contenté de juxtaposer les passages qu’il avait jugés saillants. Pourtant Romagnesi présentait clairement un « bien qui ne [lui] appartient pas », à l’opposé des possessifs récurrents chez Gherardi ; la « vanité » que le premier confessait, combinée aux diverses minimisations de son travail – « tout au plus », « seulement » – contrastait avec l’« ambition » et l’« honneur » fièrement proclamés par le second, qui rappelaient volontiers au contraire du premier son rôle singulier et déterminant dans l’élaboration du recueil. D’après leur préface, Romagnesi, auteur d’une nouvelle pièce issue de fragments, n’apparaissait que comme compilateur, à l’inverse pratiquement de Gherardi. Cet exemple est révélateur du contrepoint que l’élaboration d’une posture pouvait offrir aux faits.

L’immodestie de l’« Avertissement » du Théâtre italien se trouvait renforcée par son contraste avec La Tapisserie Vivante, et les réactions d’alors montrent que le lectorat perçut ce manque d’humilité. La Pompe funèbre d’Arlequin, opuscule satirique publié à la mort de Gherardi, revient par exemple sur l’entreprise éditoriale du recueil dans un dialogue entre Apollon et Momus. Reprenant son interlocuteur qui vantait les talents de versificateur de Gherardi, Apollon lui reprochait de « pare[r Gherardi] des plumes d’autrui67 ». Il ajoutait au sujet du Théâtre italien :

En être le compilateur
Ce n’est point en être l’auteur.
Je sais, dit Apollon, qu’il en fit la Préface,
Mais pour son honneur qu’on l’efface.
Du commencement à la fin
Arlequin y loue Arlequin68.

Tout en suggérant que le recueil fut effectivement reçu comme un ouvrage à la gloire du comédien plutôt que de la comédie, La Pompe funèbre signifiait sans détour que la posture de Gherardi, loin de passer inaperçue, avait été perçue comme l’élément central de la préface.

Cette description peu flatteuse de Gherardi réagit à l’ethos que le comédien affichait dans le Théâtre italien, et à la fois, elle participa à la construction de sa persona dans le champ littéraire du temps. Ainsi Gherardi, comme tout personnage public, maîtrisait sa posture, mais pas la représentation de sa figure dans le champ : il était soumis aux discours d’ouvrages citant, commentant ou répondant au sien, participant volontairement ou non à l’établissement d’une figure publique, par la mention ou l’omission, c’est-à-dire par un mécanisme d’ajout ou de contraste. C’est dans cette perspective qu’il convient d’interpréter l’effort de Gherardi de distinguer les bons ouvrages – les siens – des contrefaçons qui ne lui faisaient pas honneur. On mesure ainsi l’effet direct du marché du livre et de ses ressorts sociologiques sur la poétique, notamment paratextuelle.

L’action de Gherardi visait également la postérité et rendait d’autant plus importants les enjeux de la construction de sa figure. Le processus de canonisation de son nom qu’il avait lui-même initié ne s’interrompit nullement après sa mort. Bien au contraire : entre autorité et auctorialité, la postérité choisit la seconde. Un portrait du comédien (fig. 6) dessiné par Joseph Vivien et orné d’inscriptions latines fut ajouté au recueil dès 1717 (Paris, Witte)69.

Fig. 6. Portrait d’Evaristo Gherardi, estampe à l’eau-forte, par Joseph Vivien (dessinateur) et Gérard Edelinck (graveur), ca 1710. BnF/Gallica

Fig. 6. Portrait d’Evaristo Gherardi, estampe à l’eau-forte, par Joseph Vivien (dessinateur) et Gérard Edelinck (graveur), ca 1710. BnF/Gallica

Présenté comme regiæ italorum comœdiæ princeps ætatis suæ (« de la royale comédie italienne, prince de son temps »), le comédien incarna dès lors à lui seul le théâtre italien. Ce portrait traversa le temps, et continua d’orner de nombreuses rééditions jusqu’à celle de Slatkine, en 1969. En 1999, c’était encore une des citations de son « Avertissement », définissant les qualités du « bon comédien italien », qu’on retrouvait en couverture de l’ouvrage d’introduction à la commedia dell’arte70. Une monographie lui fut aussi consacrée par Umberto Cecchi en 198671, un honneur que n’ont pas encore reçu nombre des auteurs des scènes, aujourd’hui identifiés comme étant Fatouville, Losme de Montchesnay, Regnard, Dufresny, Biancolelli, Palaprat, Bordelon et bien d’autres72.

Ce succès s’explique par la rareté des sources permettant d’aborder l’ancien théâtre italien, qui fit de Gherardi une figure incontournable des travaux historiographiques du xviiie siècle à nos jours. Si l’on est conscient de l’aperçu biaisé du répertoire français des Italiens que présentent les éditions du Théâtre italien, il semble qu’on n’a pas assez insisté sur l’hégémonie du compilateur au cœur de ce recueil, au détriment des auteurs d’une part, mais aussi des comédiens de la troupe, qui faisaient exister ces scènes avant qu’elles ne fussent imprimées.

 

Le Théâtre italien constitue aujourd’hui encore le lieu de conservation et de mise en lumière du répertoire de l’ancien théâtre italien. Le processus de transmission de ce patrimoine littéraire est consubstantiel à la forme recueil : sans elle, il ne fait pas de doute que les scènes détachées se seraient perdues73. Les scènes s’appréhendent donc nécessairement par le recueil, et le recueil, par la figure de son compilateur. Au fil de ces pages, on a voulu montrer la façon dont Gherardi imagina le recueil comme un projet éditorial devant lier son nom à celui du Théâtre italien en performant une posture d’autorité sur l’objet, au détriment des auteurs des scènes. En illustrant les multiples configurations du recueil et la diversité des discours tant péri- qu’épitextuels, on a souligné le découplage des notions d’autorité, d’auctorialité et d’inventio. Ainsi, Le Théâtre italien apparaît comme un cas d’école pour illustrer la façon dont les enjeux économiques et juridiques ne peuvent être isolés de l’analyse littéraire. En témoignaient le privilège, qui autorisait une forme matérielle et, partant, l’établissement d’une autorité sur cette forme par l’usage d’une certaine rhétorique ; et, à l’inverse, les discours repris et critiqués, les définitions exploitées et les lieux communs subvertis cristallisés dans les démêlés juridiques des comédiens. Parce que le partage des voix des différents acteurs du livre implique des enjeux tant littéraires que juridiques ou historiographiques, on plaide ici pour une approche poétique du paratexte indissociable d’une étude de l’« éditorialité74 ».

Notes

1 Le Theatre italien ou le recueil de toutes les scenes françoises Qui ont esté joüées sur le theatre italien de l‘hostel de Bourgogne, Paris, Luyne et Gherardi, 1694.

2 À l’exception des recueils d’œuvres d’un même auteur.

3 Quelques pièces avaient néanmoins été publiées isolément entre la fin du xvie siècle et la fin du premier xviie siècle. Voir Oskar Klinger, Die Comédie-Italienne in Paris nach der Sammlung von Gherardi, Genève, Slatkine, 1970, p. 223 sq. et Claude Bourqui, La Commedia dell’arte, Paris, Armand Colin, 2011, p. 157 sq.

4  D’après Alain Riffaud, Répertoire du théâtre français imprimé au xviie siècle, [en ligne] http://repertoiretheatreimprime.yale.edu/

5 Pour consulter les pièces du procès, voir Émile Campardon, Les Comédiens du roi de la troupe italienne pendant les deux derniers siècles. Documents inédits recueillis aux archives nationales [Paris, Berger-Levrault, 1880], Genève, Slatkine Reprints, 1970, p. 109-112.

6 Evaristo Gherardi, Requeste du sieur Gherardy, comédien italien du roy, contre partie des comédiens ses camarades…, s. l. n. d. [Paris, 1694], p. 3. Notice du catalogue BnF : « 1694. - Evaristo Gherardi proteste contre la saisie opérée sous le nom des comédiens italiens, ses camarades, de son livre intitulé : Le Théâtre Italien, ou recueil de toutes les scènes Françoises qui ont esté jouées sur le théâtre Italien de l'hostel de Bourgogne ».

7 Voir par exemple Charles Mazouer, « Introduction », dans E. Gherardi, Le Théâtre italien [1700], éd. Ch. Mazouer, Paris, Classiques Garnier, « Société des textes français modernes », 1994-1996, p. 24 sq., ou Nathalie Marque, « Introduction », dans E. Gherardi, Le Théâtre italien [1700], éd. N. Marque, t. I, Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque du théâtre français », 2016, p. 58-59.

8 Voir N. Marque, éd. cit., p. 24.

9 Voir l’introduction d’Alexandre Calame à Jean-François Regnard, Comédies du théâtre italien, éd. A. Calame, Genève, Droz, 1981, p. 16 ; Ch. Mazouer, éd. cit., p. 37-39 ; et N. Marque, éd. cit., p. 58.

10 É. Campardon, Les Comédiens du roi…, op. cit., p. 109.

11 Le Theatre françois contenant. Le Trebuchement de Phaëton. La Mort de Roger. La Mort de Bradamante. Andromede Delivrée. Le Foudroyement d'Athamas. Et La Folie de Silene, Paris, Paul Mansan et Claude Colet, 1624.

12 Recueil des plus beaux vers, qui ont esté mis en chant, Avec le Nom des Autheurs, tant des Airs que des Paroles, Paris, Charles de Sercy, 1661.

13 Les Delices de la poesie galante, Des plus celebres Autheurs du Temps, Paris, Jean Ribou, 1663.

14 Recueil des plus belles Pieces des poëtes françois, tant anciens que modernes, Depuis Villon jusqu’à M. de Benserade, Paris, Claude Barbin, 1692.

15 C. Bourqui, La Commedia dell’arte, op. cit., p. 21.

16 Sur l’évolution des pièces italiennes, l’ajout de scènes françaises, et leurs auteurs, voir N. Marque, éd. cit., p. 26-50.

17 Nicolas Schapira, « Quand le privilège de librairie publie l’auteur », dans Christian Jouhaud et Alain Viala (dir.), De la publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002, p. 121-137.

18 Sur le fonctionnement des privilèges, voir Michèle Clément et Edwige Keller-Rahbé (dir.), Privilèges d’auteurs et d’autrices en France (xvie-xviie siècle). Anthologie critique, Paris, Classiques Garnier, 2017.

19 Sur l’appropriation du contenu par l’éditeur du recueil, voir Christophe Schuwey, Un Entrepreneur des lettres au xviie siècle. Donneau de Visé, de Molière au « Mercure galant », Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 184 sq.

20 On s’écarte ici de l’analyse de Ch. Mazouer, qui perçoit dans l’épître de Gherardi une mise en avant de « la légèreté de son présent ». Ch. Mazouer, Le Théâtre d’Arlequin. Comédies et comédiens italiens en France au xviie siècle, Fasano, Schena / Paris, Presses de l'université de Paris-Sorbonne, 2002, « Biblioteca della ricerca. Cultura straniera », p. 98 sq.

21  Jan Clarke, « The Expulsion of the Italians from the Hotel de Bourgogne in 1697 », Seventeenth-Century French Studies, 14, 1992, p. 97-117.

22 Sur la fonction politique du recueil ou le recueil comme moyen d’action, voir Mathilde Bombart et Éric Méchoulan (dir.), Politiques de l’épistolaire au xviie siècle. Autour du recueil Faret, Paris, Classiques Garnier, 2011 et N. Schapira, Un Professionnel des lettres au xviie siècle. Valentin Conrart, une histoire sociale, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 59-67.

23 Sa correspondance est éclairante à ce sujet. Voir Élisabeth-Charlotte de Bavière, Correspondance de Madame, Duchesse d’Orléans, trad. E. Jaeglé, Paris, Quantin, 1880. On pourra consulter en particulier sa lettre du 4 juillet 1690 à Marly ou celle du 16 décembre 1696 à la duchesse de Hanovre, disponibles sur la plateforme Naissance de la critique dramatique, http://ncd17.fr.

24 J. Clarke, « The Expulsion of the Italians… », art. cité, p. 97-117.

25 Voir par exemple Ch. Mazouer, Le Théâtre d’Arlequin, op. cit., p. 104.

26 E. Gherardi, « Explication Du feu d’artifice… », dans Le Theatre italien de Gherardi, 6 vol., Paris, Gherardi, t. I, 1700, n. p.

27 E. Gherardi, « Avertissement qu’il faut lire » (ibid.)

28 « À travers ma mort, je vis une vie éternelle » (ibid.)

29 « Tristes dépouilles » (Le Théâtre italien de Gherardi…, t. II, 1741, n. p.)

30 « Tandis que je lis, je recueille » (ibid.)

31 Ch. Mazouer, Le Théâtre d’Arlequin, op. cit., p. 37.

32 E. Gherardi, « Avertissement qu’il faut lire », op. cit., 1700, n. p.

33 Ibid.

34 Sur ce point, voir Claude Bourqui, Edric Caldicott et Georges Forestier (dir.), Le Parnasse du théâtre. Les recueils d’œuvres complètes de théâtre au xviie siècle, Paris, PUPS, 2007.

35 Traduit du latin par N. Marque, éd. cit., p. 82-84.

36 Ibid.

37 Voir Léo Stambul, Le Régent du Parnasse. Le pouvoir littéraire de Boileau, thèse de doctorat, Université Paris III-Sorbonne Nouvelle, 2017.

38 E. Gherardi, « Avertissement qu’il faut lire », op. cit., 1700. Le bon mot provenait des Bolæana. Voir Claude Brossette, Bolænana, dans Lettres familieres de Messieurs Boileau Despréaux et Brossette, t. III, Lyon, François de Los-Rios, 1770.

39 A. Viala, « Des stratégies dans les Lettres », dans Dinah Ribard et Nicolas Schapira (dir.), On ne peut pas tout réduire à des stratégies. Pratiques d’écriture et trajectoires sociales, Paris, PUF, 2013, p. 187.

40 E. Gherardi, Requeste du sieur Gherardy…, op. cit., p. 4.

41 Ibid.

42 Sur le « complexe du comédien », C. Bourqui, La Commedia dell’arte, op. cit., p. 122. Voir aussi Michael Call, The Would-be Author. Molière and the Comedy of Print, West Lafayette, Purdue University Press, 2015, et A. Riffaud, L’Aventure éditoriale du théâtre français au xviie siècle, Paris, PUPS, 2018.

43 On a calculé ce rapport d’après les privilèges des éditions originales répertoriées par A. Riffaud.

44  À notre connaissance, le document, s’il a existé, a été perdu.

45 E. Gherardi, Requeste du sieur Gherardy…, op. cit., p. 4-5.

46 E. Gherardi, ibid., p. 5.

47 Voir Nina Mueggler, « Le “labeur du compilateur” : Gilles Corrozet, auteur, éditeur, libraire », dans Dominique Brancher, Gaëlle Burg et Giovanni Berjola (dir.), L’Éditeur à l’œuvre : reconsidérer l’auctorialité, actes du colloque international des 11-13 octobre 2018, Université de Bâle, [en ligne] https://emono.unibas.ch/catalog/book/61.

48 E. Gherardi, « Avertissement », Le Théâtre italien, op. cit., 1694, n. p.

49 E. Gherardi, « Avertissement qu’il faut lire », Le Théâtre italien, op. cit., 1700, n. p.

50 Le Dictionnaire de l’Académie Française, dédié au Roi, Paris, Coignard, 1694.

51 Antoine Furetière, Dictionnaire universel, La Haye, Leers, 1690.

52 Pierre Richelet, Dictionnaire français, Genève, Widerhold, 1680.

53 Ibid.

54 A. Riffaud distingue douze éditions et contrefaçons du Théâtre italien entre 1694 et 1699. Il faut ajouter à ce nombre les suites, suppléments et augmentations de la première édition. Enfin pour une même édition, on doit tenir compte des états différents des copies.

55 Le Theatre italien, ou le recueil de toutes les scenes françoises Qui ont esté joüées sur le theatre italien De l'Hôtel de Bourgogne, Genève, Jacques Dentand, 1695. A. Riffaud signale qu’il s’agit en réalité d’une contrefaçon lyonnaise (op. cit.).

56 Le Théâtre italien, Amsterdam, Adrian Braakman, 1695.

57 Le Théâtre italien de Gherardi, Amsterdam, Adrian Braakman, 1701.

58 O. Klinger, Die Comédie-Italienne in Paris…, op. cit., p. 227.

59 Ch. Mazouer. Le Théâtre d’Arlequin, op. cit., p. 80.

60 Brigitte Ouvry-Vial, « L’acte éditorial : vers une théorie du geste », Communication et langages, 154, 2007, p. 77-79.

61 L’« Avertissement » de 1700 stipule : « On l’a même augmenté de deux Volumes ».

62 « Le libraire au lecteur », dans Le Théâtre italien, vol. III, Amsterdam, Adrian Braakman, 1698.

63 « Le libraire au lecteur », dans Suite du Théâtre italien, s. l., 1696.

64 Charles Cotolendi, Arliquiniana ou les bons mots…, Lyon, Jacques Guerrier, 1694.

65 Ch. Cotolendi, Livre sans nom, Paris, Brunet, 1695.

66 Jean-Antoine Romagnesi, La Tapisserie vivante, comedie tirée des Italiens…, La Haye, C. Foulque, 1696.

67 La Pompe funebre d’Arlequin Mort le dernier jour d’Aoust 1700, Paris, Jean Musier, 1701, p. 45. Le reproche portait sur la pièce Arlequin aux Tuileries, publiée anonymement chez Jouvenel en 1700.

68 Ibid., p. 46.

69 N. Marque, éd. cit., p. 65.

70 C. Bourqui, La Commedia dell’arte, op. cit., couverture de la première édition (Paris, SEDES, 1999).

71 Umberto Cecchi, L’Arlecchino del Re Sole: la vita e il teatro di Evaristo Gherardi, Prato, PDE, 1986.

72 Sur les auteurs, avérés ou hypothétiques, on renvoie à N. Marque, éd. cit., p. 28-50.

73 Sur le recueil comme lieu de conservation, voir Ch. Schuwey, Un Entrepreneur des lettres au xviie siècle, op. cit., p. 178.

74 Voir Brigitte Ouvry-Vial et Anne Réach-Ngô (dir.), L’Acte éditorial. Publier à la Renaissance et aujourd’hui, Paris, Classiques Garnier, 2010.

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Louise Moulin, « L’autorité du compilateur en question : figures de Gherardi dans Le Théâtre italien », Pratiques et formes littéraires [En ligne], 17 | 2020, mis en ligne le 20 janvier 2021, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/pratiques-et-formes-litteraires/index.php?id=225

Auteur

Louise Moulin

Yale University

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