Recueils factices de mazarinades. Un singulier exemple du fonds aixois de la bibliothèque Méjanes

DOI : 10.35562/pfl.250

Résumés

Conception et usage des recueils factices de mazarinades s’inscrivent dans une volonté de conservation qui peut avoir eu différents objectifs. Une sous-collection de recueils factices du fonds patrimonial aixois de mazarinades est composée de quinze volumes. Le singulier habillage paratextuel de chaque recueil de cette sous-collection en fait un objet fini (papier marqué, éléments manuscrits…) ; et il devient possible d’envisager une conservation officielle des pamphlets, peut-être destinée à la Bibliothèque royale. Si la composition des recueils peut confirmer cette hypothèse, leur présence à Aix-en-Provence semble moins évidente ; mais cette sous-collection présente des intérêts archivistiques rares qui permet de combiner catalogage des pièces comme des recueils eux-mêmes.

Design and use of dummy collections of Mazarinades are part of a desire for conservation which may have had different purposes. A sub-collection of dummy collections from the Aix heritage fund of Mazarinades is made up of fifteen volumes. The unique paratextual packaging of each collection in this sub-collection makes it a finished object (marked paper, handwritten elements, etc.); and it becomes possible to envisage an official conservation of the pamphlets, perhaps intended for the Royal Library. If the composition of the collections can confirm this hypothesis, their presence in Aix-en-Provence seems less obvious; but this sub-collection presents rare archival interests which makes it possible to combine cataloging of the pieces as collections themselves.

Plan

Texte

Étudier la composition de recueils factices ne relève pas de l’évidence, notamment du fait de leur très grande variété. Il n’est même guère évident de parler de composition à propos des recueils factices. L’hétérogénéité de leur conception et de leurs contenus, les difficultés de classement qu’ils présentent, que ce soit dans les rayons des bibliothèques comme dans leurs catalogues, papiers ou numériques, empêchent, dans la plupart des cas, toute approche aisée de l’objet lui-même. L’objet « recueil factice » regroupe du reste de très nombreux ouvrages sous cette appellation, cette dernière permettant de les classer et répertorier en en faisant une catégorie. La constitution et l’usage de recueil factice sont anciens puisque l’on en rencontre dès le Moyen Âge, et que cette pratique révèle une volonté de préserver ce qui, ne rentrant pas dans la norme du livre, aurait dû être éphémère, ou qui, présentant des intérêts particuliers pour un lecteur ou un collectionneur, a été inséré parmi d’autres éléments dans un ensemble plus ou moins hétérogène. Ces unités matérielles que constituent les recueils factices sont donc difficiles à approcher, et bien plus difficiles encore à classer. Elles ne sont d’ailleurs généralement pas cataloguées et seules les pièces qui y sont contenues le sont.

En effet, dans les fonds anciens, le classement des recueils factices s’est fait généralement à partir de l’ordre d’arrivée des recueils. Ils sont donc classés par cote sans tenir compte du contenu même de l’ouvrage. Ainsi, un recueil factice relativement organisé et contenant uniquement des éléments concernant l’astronomie antique, pourra se retrouver à côté d’un recueil relativement moins organisé et contenant, par exemple, la généalogie d’une famille bretonne éditée en 1838, suivie d’un court factum sur les Grâces et louanges dues à Dieu pour sa justice rendue contre l’ennemi de la France datant de 1589, suivie d’une relation de voyages de la commission scientifique du Nord en Scandinavie, Laponie… au xixe siècle, suivie d’autres documents de type procès-verbaux, biographies, inventaire de bibliothèque, traités, discours, pièce de théâtre… ; le recueil pouvant également être illustré de planches et cartes repliées sur elles-mêmes1. Il n’y a pas de norme quant à la constitution d’un recueil factice, mais l’indication d’une appartenance peut par exemple donner à comprendre l’usage qu’en faisait le propriétaire de l’ouvrage quand il y en a eu un.

S’il existe différentes sortes de recueils factices, leurs fonctions sont également hétérogènes, et cette fonction peut encore varier selon les acteurs et les époques. Ce que l’on peut savoir de la conservation et de la transmission du recueil factice, volontaire ou non, est aussi à prendre en compte dans son étude, qui permet ainsi une traversée des temps.

À partir de ces premiers éléments, nous nous intéresserons à un cas bien particulier de recueils de mazarinades conservés dans le fonds patrimonial de la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, et dont nous observerons la conception et le classement. Ce corpus d’étude se distingue clairement au sein des plus de quatre-vingt-dix recueils qui constituent le fonds aixois de mazarinades2.

Repérer les recueils

Il existe de très nombreuses variétés de recueils factices de mazarinades. Dans les fonds patrimoniaux des bibliothèques, on peut trouver des recueils factices contenant quelques mazarinades parmi d’autres pièces publiées ou non durant la même période3 ; il peut s’agir de recueils ne contenant que des mazarinades dont les dates de publication, entre 1649 et 1652, peuvent se succéder sans ordre aucun ; il est également des recueils de mazarinades ne présentant que des pièces parlementaires, ou burlesques, ou rassemblant tous les courriers et journaux publiés durant la Fronde ; ou toutes sortes d’humbles remontrances faites à la reine ; des recueils factices contenant des mazarinades illustrées dès leur période de publication, et des placards repliés sur eux-mêmes afin de tenir dans l’espace réduit du livre ; des recueils factices où les mazarinades sont classées selon leur date de publication, ou qui rassemblent des mazarinades ne traitant que d’un sujet ou d’un personnage, ou se répondant les unes les autres. Certains recueils factices de mazarinades ne contiennent que quelques pièces, tandis que d’autres peuvent en assembler une centaine, voire davantage. La plupart des recueils factices de mazarinades ne traitent que des publications parisiennes et d’événements parisiens ; d’autres, plus rares, se consacrent aux publications de mazarinades faites dans les provinces et traitant des problèmes de celles-ci.

Les mazarinades sont des pièces qui sont parues de manière autonome, sous forme de livret de six à douze pages en moyenne, dans une période de foisonnement de l’impression, quoiqu’en temps de crise de l’imprimerie4. Christian Jouhaud a insisté sur cet aspect de ces écrits et en a tiré une méthodologie pour leur étude : « Les prendre d’abord comme elles sont parues : autonomes. Chacune est une œuvre, avec un début, une fin, un titre, une mise en page, […] matériellement autonome5 ». Cela est un fait, et bien des études portent effectivement sur les mazarinades considérées ainsi, comme les a étudiées Hubert Carrier, ou en « constellation6 » comme, par exemple, le fait Ch. Jouhaud dans ses travaux.

Il est toutefois encore possible d’étendre le champ d’étude de ces pamphlets en considérant l’objet même qui les recueille. Cela peut ne pas paraître évident, à considérer la grande variété de recueils factices de mazarinades : ceux qui sont reliés en parchemin, ceux reliés en cuir, ceux reliés en carton7, ceux qui ne sont pas reliés, et il faut encore considérer l’agencement des pièces à l’intérieur des recueils factices, sans compter les simples boîtes recueillant des mazarinades isolées et non classées, si ce n’est, dans le meilleur des cas, par année. Et il est encore avéré dans de nombreuses bibliothèques, y compris par exemple à la bibliothèque Mazarine, que de nombreux recueils ont été « détruits » par les conservateurs aux siècles précédents pour isoler chacune des mazarinades qu’ils contenaient. C’est dire à quel point l’étude même des recueils de mazarinades représente en soi un défi.

Sans nous étendre davantage sur la multiplicité des recueils factices de mazarinades, nous pouvons extraire un corpus tout à fait singulier parmi les recueils du fonds aixois, qui présente de nombreuses caractéristiques exemplaires tant des recueils de mazarinades que des recueils factices en général. C’est un travail de classement et de cotation des recueils de mazarinades de la Méjanes qui nous a permis d’isoler ce corpus et d’en faire une étude minutieuse.

Ce corpus est constitué de quinze recueils reliés en veau brun que nous avons intégralement catalogués et cotés8. Plus de mille-trois-cents pièces ont ainsi pu être recensées, ainsi qu’une galerie de plus de trois-cents portraits et illustrations. Les mazarinades que contiennent ces recueils ont majoritairement été publiées en 1649 et sont réparties dans un ordre relatif au sein des volumes. Sur plus de quatre-vingt-dix recueils de mazarinades, cette série est d’une rare originalité, nous allons donc nous attarder sur les éléments qui la distinguent d’autres recueils de mazarinades, à la Méjanes comme ailleurs.

Passionné de collection, Jean-Baptiste Marie de Piquet, marquis de Méjanes, a acquis, au xviiie siècle, plus de soixante-mille documents qui constituent désormais le fonds aixois de la Méjanes. Originaire de la ville d’Arles, il a été élu premier consul de la ville d’Aix-en-Provence, et premier procureur du pays en 1776. Cette charge administrative n’a fait que renforcer son goût pour la culture, provençale et française, mais aussi son intérêt pour le partage et la transmission des savoirs et des livres. Le marquis de Méjanes possédait une belle fortune et sa passion pour les collections de toutes sortes, tant livresques que numismatiques, l’a poussé à faire des commandes régulières et conséquentes auprès de libraires provençaux et aixois, comme les David, mais aussi parisiens, strasbourgeois, et même étrangers. Le marquis de Méjanes avait pleinement conscience de la valeur des livres et même des libelles éphémères, comme ceux publiés durant la Fronde. Sa correspondance avec les libraires David plus particulièrement bien que très difficilement déchiffrable, permet de retracer ses recherches sur les documents de la Fronde qui ont intégré sa bibliothèque historique. De plus, le marquis de Méjanes a également racheté de nombreux documents lors de ventes de bibliothèques de particuliers, comme celle de Fevret de Fontette dont il avait été fait un catalogue, grâce auquel Méjanes a pu orienter ses commandes de livres et de mazarinades. Il a choisi de faire un legs de sa collection à la Provence à condition d’ouvrir une bibliothèque destinée au public à Aix-en-Provence à sa disparition. L’intégralité de sa collection a été inventoriée par le bibliothécaire Jacques Gibelin au début du xixe siècle. Le fonds aixois de mazarinades se constitue ainsi d’apports hétéroclites et d’origines diverses. La sous-collection des quinze recueils provient certainement d’une commande passée auprès des David, eux-mêmes en relation avec un libraire parisien ou directement avec la Bibliothèque royale.

Des recueils factices minutieusement conçus et organisés

La plupart des recueils factices de mazarinades ne se distinguent pas d’autres recueils factices en ce qu’on ne sait guère ce que l’on va y trouver à la consultation de la seule reliure du document. Certaines reliures indiquent sur leur dos en titre : Recueil de pièces, Pièces curieuses, Recueil de pièces curieuses, Diverses pièces, Pièces fugitives, entre autres. Quelquefois, sous cette pièce de titre, apparaît l’indication d’une année de publication des pièces, voire une tomaison quand le recueil appartient à une série. Mais ces indications ne sont pas systématiques, elles sont même parfois vagues et quelque peu trompeuses à l’étude de l’ouvrage. À quelques exceptions près (Mazarinades. 1649, indication explicite de contenu), les recueils de mazarinades ne se distinguent pas d’autres recueils factices, du xviie comme du xviiie siècles.

Quand, dans un fonds patrimonial, tous les recueils factices de mazarinades ont pu être assemblés en un même lieu, seuls quelques signes tels que des marques de provenance, les armes d’une famille, entre autres, peuvent donner une indication de ce que l’on peut trouver à l’intérieur des recueils. Cela suppose du lecteur une enquête étendue à la fois sur les mazarinades rassemblées, ainsi que sur les origines et l’histoire de celui qui aura passé la commande du recueil factice, s’il y a bien eu un commanditaire…

La série des quinze recueils en veau brun dont nous avons fait mention, se distingue clairement de l’ensemble des autres recueils de mazarinades du fonds aixois en ce qu’ils sont conçus chacun comme un ouvrage abouti, au-delà de la seule compilation de pamphlets. Ils intègrent dans leur conception les normes du livre, et presque tous les recueils de cette série s’ouvrent sur trois feuillets de garde vierges et filigranés, et se referment de même. Ces gardes ne sont pas systématiquement intégrées aux recueils de mazarinades en général, et on n’en trouve guère qui soient de surcroît filigranées car pour les types de papiers autres que ceux d’impression ou d’écriture « l’absence de marquage [était] plutôt la règle9 » au xviie siècle. Ainsi, dès les premières gardes, nous savons que les recueils constitués entrent dans le domaine de l’exception. En règle générale, les petits filigranes comme ceux de ces gardes donnent des informations sur l’origine du papier, une période et un lieu de fabrication, parfois même le nom d’un fabricant papetier. Mais ceux qui apparaissent ici, sur papier vergé et intégrés dans des volumes reliés, sont placés dans le troisième tiers du feuillet, dans le pli du papier du côté de la reliure, ce qui les rend difficilement identifiables. Un tel emplacement des filigranes n’est pas courant dans la première moitié du xviie siècle, et, en l’absence de toute autre précision de provenance, il est difficile d’établir l’origine de ce papier, différent de celui des feuillets suivants. Ces marquages, communs dans la première moitié du xviie siècle et représentant une partie de grappe de raisin, une fleur, un fragment de cartouche illisible, entre autres, pourraient venir des moulins des Vosges, de Cluny en Saône-et-Loire, ou de Champagne10. Ces feuillets marqués de filigranes se distinguent du papier utilisé pour l’impression des mazarinades contenues dans ces recueils, papier d’impression qui n’est pas marqué. Si l’identification du papier des gardes reste difficile, la qualité du papier et les filigranes, même coupés par la reliure, apparaissent alors dans ce contexte comme le fruit d’une recherche d’ornement, et cela semble d’autant plus envisageable qu’aucun filigrane n’apparaît sur aucun autre des recueils de mazarinades du fonds aixois.

Vient ensuite une page de titre spécialement conçue pour l’assemblage en recueil factice. Les volumes en question présentent tous la même page de titre, à deux exceptions près. Cette page de titre factice donne les indications suivantes : Recueil des pièces imprimées durant les mouvemens de l’année 1649. A Paris. M. DC. XLIX. Les recueils in-8o 26010 (02) et in-8o 26010 (04) de cette série en veau brun présentent une légère variation dans leurs pages de titre : Recueil des vers imprimés durant les mouvemens de l’année 1649. A Paris. M. DC. XLIX. L’examen des Recueils des pièces montrant que les libelles recueillis sont tous écrits en prose, ces pages de titre montrent que nous avons donc deux types de recueils : des recueils de pièces en prose et des recueils de pièces en vers. Dans les deux cas de figure, ces pages de titre répondent aux usages d’impression du xviie siècle et même à ceux des mazarinades :

comme les titres du xviie siècle sont généralement bavards et sensiblement éloignés de la concision des nôtres, ils requièrent presque toujours l’emploi de plusieurs corps de caractères : majuscules de taille décroissante pour les premières lignes […] ; si ce dernier est assez court, l’imprimeur adopte parfois une disposition en cul-de-lampe en faisant chaque ligne un peu plus courte que la précédente11.

Dans les deux cas de figure (fig. 1), les pages de titre présentent bien cette impression de caractères en pyramide inversée et de plusieurs corps de caractères de taille décroissante, malgré un titre relativement court.

Fig. 1. Pages de titre du Recueil des vers imprimés durant les mouvemens de l’année 1649.

Fig. 1. Pages de titre du Recueil des vers imprimés durant les mouvemens de l’année 1649.

Source/Crédit : bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, fonds Méjanes, Rec in-8o 26010 (01) et Rec in-8o 26010 (02).

Ces deux variétés de page de titre sont également ornées d’une vignette12 de type floral avec deux personnages, l’un de dos, l’autre de face et dans la même posture, de part et d’autre d’une tige fleurie et tenant eux-mêmes des fleurs d’une main. Cette vignette est placée au-dessus de l’indication du lieu d’impression et du millésime : « A Paris. M. DC. XLIX. ». Sur cette page de titre factice, il n’apparaît donc pas de nom d’imprimeur ni de libraire. Les seules indications présentes permettent de savoir que ces recueils ont été conçus à Paris au xviie siècle, sans autre précision.

Après cette page de titre factice, présente sur chacun des recueils, vient une page de présentation manuscrite du recueil, d’une écriture datant du xviie siècle13, et spécifique à chaque ouvrage. Cette page de présentation manuscrite décrit succinctement le contenu de chacun des recueils pour donner une idée générale de l’ensemble des pièces contenues. Pour le premier tome de cette série, in-8o 26010 (01), nous trouvons ainsi l’indication suivante :

Ce volume contient plusieurs pieces qui n’ont aucune suite ni aucun rapport les unes avec les aultres et sont seulement mises par ordre alphabetique ainsi qu’elles sont enoncéés dans la table manuscrite qui est en fin d’icelles à costé de quelques unes desquelles sont les portraits des personnes dont il y est parlé qui sont :
- Le Roi
- La Reine
- La Reine de Pologne
- Henri de Bourbon prince de Condé
- Louis de Bourbon filz dudit Henri de Bourbon aussi prince de Condé
- Le prince de Conti
- L’archiduc Leopold
- Le Cardinal Masarin
- Le Chancelier
- Le premier president du parlement de Paris
- Le Conseiller de Bruxelles14.

Pour le deuxième tome de cette série, in-8o 26010 (02), et ne comportant presque que des pièces en vers :

Dans ce volume sont contenues plusieurs pieces en vers tant burlesques que aultres parmi lesquelles sont les courriers françois, les journaulx de la guerre parisienne et aultres pieces qui parlent de plusieurs personnes à costé desquelles sont les portraits de ceux dont il y est parlé et sont mis dans l’ordre qui est marqué dans la table suivante.

Ces indications manuscrites, différentes pour chaque recueil, en donnent une idée générale et pourraient s’apparenter à un projet de constitution d’ouvrage. Par ces morceaux manuscrits, nous savons que les recueils n’ont pas été intégralement constitués de manière aléatoire quand bien même il est parfois indiqué que les pièces contenues « n’ont aucune suite ni aucun rapport les unes avec les autres » ; elles sont toujours rangées dans un ordre alphabétique relativement bien respecté.

À la suite de cette page de présentation manuscrite du recueil, un feuillet vierge vient s’intercaler avant que ne soit retranscrite la table des matières, dont les pages sont numérotées, et qui va donner le titre de chacune des pièces du recueil sans aucune autre indication. Cette table porte pour titre : « Table des pièces contenues en ce volume », avec quelques variations en fonction des recueils, mais le titre reste assez inchangé. Ces pages de table des matières, toujours manuscrites et de la même main que celle qui a écrit la page de présentation des volumes, sont suivies de trois feuillets vierges, avant de s’ouvrir sur la première pièce du recueil.

Toutes ces pages, de la page de présentation manuscrite au dernier feuillet vierge précédant la première pièce des ouvrages, sont filigranées. Leurs filigranes sont autrement plus grands que ceux des premières gardes et peuvent être identifiés comme présentant, en fonction des recueils, les armes15 de la reine et de Michel Le Tellier, principal conseiller de la reine pendant l’exil de Mazarin. Pour les armoiries de la reine, dans le cadre de la « correspondance de la Chancellerie de France, […] l’écu couronné partagé entre France et Espagne-Autriche [surplombe] le chiffre de la Reine traversé verticalement par la lettre L (pour Louis)16 ». Celles aux armes de Le Tellier

sont d’azur à trois lézards d’argent rangés en pal, au chef cousu de gueules chargé de trois étoiles d’or. […] L’adoption de [sa] marque aboutit à une normalisation avant la lettre des papiers administratifs et la Petite Tellière devient le papier des services de l’Administration royale17.

Les notations manuscrites qui apparaissent ainsi sur ces papiers marqués pourraient alors relever des documents de l’administration royale, mais rien ne peut pleinement le confirmer, d’autant que ces armes de Le Tellier et de la Reine peuvent apparaître dans d’autres contextes.

Le troisième type de filigrane ne semble pas relever de l’armoirie d’un personnage ou d’une famille du paysage politique. Ce filigrane au cornet « constitue un des filigranes les plus abondants et qui a duré le plus longtemps18 », en Italie, en France et en Allemagne. La conception particulière de celui qui apparaît sur nos recueils n’est pas parfaitement recensée dans l’ouvrage de R. Gaudriault ni dans d’autres ouvrages sur les filigranes19. Sa composition s’inspire de différentes sources. Il s’agit en fait d’une marque caractérisant une sorte de papier : le cornet sur écu couronné de fleurs de lys « est inspiré du modèle de Wendelin Riehel », un papetier strasbourgeois (vers 1623), et dont les initiales « W R » pendent au bout du quatre-de-chiffre renversé, ce dernier étant « l’apanage de la région rhénane, Suisse, Wurtemberg, Alsace, Lorraine et spécialement de la région vosgienne » au xviie siècle, et accompagnant « particulièrement dans les contremarques, les initiales des papetiers20 ». Ici, le monogramme aux initiales « B, cœur, V », situé sous le quatre-de-chiffre, correspond à celui du papetier Benoît Vimard dont le moulin se situait à Lyon (Suchet, Villefranche), vers 1654-166521. L’hétérogénéité des éléments qui constituent ce filigrane implique de rester hypothétique quant à la date approximative de sa période de fabrication ; mais en recoupant les différents éléments qui composent ces marques, il devient envisageable de situer le papier dans le temps et l’espace ; et ces dates, 1654-1665 pourraient effectivement correspondre à la période de conception des recueils, quelques années après la Fronde.

La présence de ces marques sur le papier pourrait s’interpréter comme une marque d’ornementation de ces recueils, et peut-être même comme un indice sur les modalités de leur fabrication. Ces pages blanches filigranées ne sont pas anodines mais elles ne peuvent pas non plus confirmer une véritable provenance. Il est possible que cette série de recueils, de toute évidence incomplète22, soit le fruit d’une commande d’un particulier à un libraire, ce qui pourrait éventuellement éclaircir la présence de tels feuillets de filigranes. Ce particulier pourrait peut-être être Gabriel Naudé, bibliothécaire de Mazarin, qui depuis 1643 était chargé de travailler à l’enrichissement de la bibliothèque personnelle du cardinal ministre et recueillait également tous les pamphlets publiés pendant la Fronde23. Mais comment une telle collection a-t-elle pu se retrouver à Aix-en-Provence ? Si cette collection de recueils en veau brun avait été une commande de Naudé, la Mazarine ne se serait certainement pas séparée d’une telle collection. En tant que bibliothèque de Mazarin, elle demeure le lieu le plus approprié pour conserver de tels documents qui font histoire. D’un autre côté, il est tout aussi envisageable que cette série de recueils soit le fruit d’un assemblage raisonné de pamphlets de la part d’un libraire qui a choisi d’organiser des recueils afin d’écouler des stocks de mazarinades invendues24. Les mêmes questions demeurent : pourquoi insérer des feuillets filigranés (fig. 2) aux armes d’Anne d’Autriche et de Michel Le Tellier ? Comment de tels recueils, conçus à Paris, ont-ils pu se retrouver à Aix-en-Provence ?

Fig. 2. Feuillets filigranés aux armes d’Anne d’Autriche et de Michel Le Tellier et contremarque du moulin de Benoît Vimard.

Fig. 2. Feuillets filigranés aux armes d’Anne d’Autriche et de Michel Le Tellier et contremarque du moulin de Benoît Vimard.

Source/Crédit : bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, fonds Méjanes, Rec in-8o 26010 (01).

Ce type de papier marqué aux armes de Le Tellier, bien plus précieux que celui utilisé pour imprimer les mazarinades et d’une texture différente, était devenu le papier officiel de l’administration royale, et le chiffre d’Anne d’Autriche pouvait lui être parfois associé sur le feuillet suivant25. La présence consécutive de ces différentes marques peut donc ne pas surprendre dans le contexte bien particulier d’une correspondance administrative royale officielle, ce qui ne convient pas exactement au contexte de ce corpus de recueils de mazarinades. Peut-être s’agissait-il tout simplement d’un projet officiel de conservation à la Bibliothèque royale de toutes les publications faites durant la Fronde, classées par année et plus ou moins par genre ? Et l’on peut supposer que le marquis de Méjanes en a acquis un échantillon, permettant à la Bibliothèque royale d’écouler un certain nombre de volumes dont elle avait peut-être de multiples exemplaires. À moins de trouver des indices révélateurs sur la provenance de ces recueils, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses basées sur nos observations, sans certitude que cela puisse aboutir à une réponse claire et définitive. Après échange avec les conservateurs du fonds aixois, Philippe Ferrand, Vincent Sablayrolles et Aurélie Bosc que nous remercions vivement pour leurs indications et conseils, cela reste une des hypothèses les plus envisageables. La présence de ces marques témoignerait ainsi de la fonction officielle de conservation des pamphlets de la Fronde donnée à ces volumes.

Quoi qu’il en soit, ces recueils ont été conçus pour constituer une belle collection. Les pièces y sont présentées dans un ordre à peu près alphabétique, et tout au long des recueils, une galerie de portraits de quatre-vingt-dix-sept personnages et figures du temps vient ponctuellement les illustrer, en fonction des personnages dont il sera fait mention dans les libelles. Ainsi, dans le volume in-8o 26010 (2), une fois le recueil ouvert, l’on trouve qu’un portrait du jeune roi a été placé sur la page de gauche et sur la page de droite, la page de titre de la pièce indique : « Stances au Roi et à Messieurs de Parlement ». Près d’une centaine de personnages politiques du temps, des hommes comme des femmes, des Français comme des étrangers, sont représentés dans ces portraits en médaillon gravés au burin par Balthasar Moncornet, avec l’indication systématique du nom du personnage, de sa fonction, de son statut et dans quelques cas plus rares, de vers célébrant ses exploits. Sous les différents portraits de Louis XIV, ce quatrain apparaît ponctuellement :

Louys, qui nous promet le calme après l’Orage,
Joint déjà les Lauriers à ses Lys Triomphans,
Et par ses actions plus grandes que son aage,
Nous apprend que les Roys ne sont jamais enfans.

Les vers n’étant jamais signés, il n’est guère évident de savoir s’ils ont véritablement été composés par Moncornet lui-même, ce qui semble le moins envisageable, ou s’ils ont été repris chez quelque autre poète du xviie siècle26.

Enfin, à la suite de la compilation des pièces, plus ou moins régulièrement illustrées de portraits ou de gravures représentant les lieux symboliquement forts de la ville de Paris, viennent de nouveau trois feuillets de garde filigranés de la même façon que les premières gardes. Ainsi, cette série de quinze recueils en veau brun forme bien un tout, homogène et régulier dans sa conception générale, hormis quelques écarts ponctuels. Les volumes sont aisément identifiables comme appartenant à une même série, de leur reliure à leur organisation générale et à l’agencement des pièces et illustrations.

Cotation, catalogage des recueils et découvertes

L’un des enjeux de ce travail de recherche sur le fonds aixois de mazarinades de la Méjanes était de coter tous les volumes appartenant à la collection de mazarinades et de pouvoir en numériser un échantillon pertinent. Ce travail de cotation a pu être établi avec le concours de Vincent Sablayrolles, l’un des conservateurs du fonds, et a permis de justifier certains choix quant à la cotation des recueils. Cela a été nécessaire notamment quand la sélection de notre corpus de recherche nous a contraints de ne pas suivre l’ordre donné par leur premier numéro d’inventaire qui faisait de cette série en veau brun comme de celle qui la précédait, en parchemin blanc, un ensemble de vingt-sept recueils. Il fallait distinguer cette série en veau brun de la précédente en parchemin blanc, également consacrée à l’année 1649, mais qui ne présentait nullement le même travail de présentation que celui des recueils en veau brun. La série de recueils factices en veau brun dont nous avons donné les principaux intérêts ci-dessus est la plus étendue du fonds aixois. Elle est aussi la plus curieuse et la plus travaillée de l’ensemble des recueils de mazarinades de la Méjanes, et certainement d’autres collections.

Les mazarinades sont des libelles édités sous forme d’in-4o27, ne faisant qu’une dizaine de pages en moyenne, et donc voués à la disparition. Leur mise en recueil factice a permis de les en préserver, et ce dès le xviie siècle - quand on sait que, selon une représentation de l’époque, bon nombre d’entre elles avaient déjà fini dans la Seine28. Quand bien même les fonds patrimoniaux et les bibliothèques publiques, sans compter les bibliothèques privées, sont parvenus à conserver une grande partie des publications de la Fronde, il est certain que tout ce qui a été publié entre 1648 et 1653 n’a pas pu être sauvé. Et il faut remarquer que la plupart des mazarinades qui nous sont parvenues sont conservées, pour ce qui est du fonds aixois plus particulièrement, dans des recueils factices datant du xviiie siècle. Les recueils datant du xviie siècle sont moins présents, même s’ils ne sont pas rares.

Le catalogage intégral de la série des quinze recueils factices de mazarinades en veau brun a permis de parcourir l’ensemble des pièces qui y ont été reliées. Cela a également permis de confronter le contenu des recueils avec les indications données sur les pages de présentation manuscrites de chaque recueil et de voir le projet de lecture donné dans chacun de ceux-ci. Si l’on ne peut véritablement parler d’un cheminement de lecture d’un recueil à l’autre, l’ensemble des pages de présentation manuscrites permet de donner à voir plusieurs facettes de la « Fronde des mots », pour reprendre l’expression de Ch. Jouhaud, qui a été menée durant l’année 1649. Ces regroupements de pièces en fonction de leur nature ou de leur contenu, par exemple, donnent une nouvelle représentation des événements du temps, et rendent autrement lisible le tumulte contemporain. Le foisonnement désordonné des publications (sans compter toutes les rééditions des pièces, quelques semaines, mois ou années plus tard sous un autre titre) exigeait de se tenir informé très rapidement de ce qui se disait et de ce qui se faisait. Dans cette série de recueils en veau brun, l’on trouve ainsi raisonnablement assemblés :

  • des pièces en vers, des pièces en vers burlesques, des courriers et journaux de la guerre parisienne ;
  • des pièces parlant des princes, des seigneurs, de personnes de condition, du parlement, rangées par ordre de dignité au sein d’un même recueil ;
  • des pièces en prose sans rapport les unes avec les autres ;
  • des pièces concernant uniquement le cardinal Mazarin ;
  • des lettres adressées au roi, à la reine, aux princes étrangers et aux parlementaires ;
  • des courriers, relations, récits, journaux, déclarations, procès-verbaux des deux conférences, des pièces écrites dans les cours de parlement de Paris, de Bordeaux, de Rennes, d’Aix et dans la cour des aides de Paris ;
  • des pièces latines suivies de pièces françaises ;
  • des pièces imprimées à Saint-Germain-en-Laye pendant le blocus de Paris ;
  • des pièces sur l’emprisonnement des princes ou sur la mort du roi d’Angleterre…

Par ailleurs, l’étude plus minutieuse des recueils en veau brun a permis de mettre en évidence la présence de « recueils » à l’intérieur des recueils factices, qui y sont considérés comme des pièces comme les autres. Il peut s’agir de recueils éditoriaux (des recueils rassemblant ou reprenant des pièces sous l’égide d’un éditeur qui les choisit, les ordonne et les réimprime) connus par ailleurs tels que le Recueil de quelques pièces contre le cardinal Mazarin, au cardinal Mazarin29 ; ou encore le Recueil général de toutes les chansons mazarinistes. Et avec plusieurs qui n’ont point été chantées30 ; L’Oygnon, ou l’union qui fait mal à Mazarin, avec quelques autres pièces du temps, contre lui31. On y trouve aussi des séries rassemblées derrière les pages de titres génériques produites alors : Recueil de toutes les pièces faites contre le cardinal Mazarin. Sur l’enlèvement du Roi de sa bonne ville de Paris32 ; Recueil de plusieurs pièces curieuses contre le cardinal Mazarin : imprimées depuis l’enlèvement qu’il fit de la personne du Roi, le 6 janvier 1649, jusques à la Paix qui fut publiée le 2. jour d’avril de la même année… (fig. 3). Parmi les exemples mentionnés, ces recueils peuvent faire entre une et plus d’une centaine de pages ou tout simplement faire la longueur d’une mazarinade ordinaire de huit pages. En tant que pièces des recueils factices, ces pages de titres peuvent donc parfois être trompeuses puisqu’il peut arriver que le recueil de pièces annoncé n’existe pas véritablement et qu’on ne retrouve finalement que la page de titre du recueil33, ou alors la page de titre et la préface34 mais non les pièces qui étaient censées y apparaître. D’autres de ces recueils, comme le Recueil général de toutes les chansons mazarinistes…, semblent enfin assembler des chansons ou alors des textes officiels qui ne sont pas parus de manière isolée en tant que mazarinades.

Ainsi, dans cette étude sur les recueils de mazarinades, il est intéressant de voir que les pièces qui ont pour titre Recueil de pièces ou autres sont ce que l’on appelle des recueils d’éditeurs, et qui ne sont pas parus en un seul exemplaire, contrairement à nos recueils en veau brun qui eux sont des recueils de collectionneurs et sortis en exemplaire unique. D’ailleurs, les Recueils de pièces d’éditeurs connaissent chacun un numéro Moreau, signe qu’il ne s’agit nullement d’exemplaires uniques.

Fig. 3. Divers recueils de pièces.

Fig. 3. Divers recueils de pièces.

Source/Crédit : bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, fonds Méjanes, Rec in-8o 26010 (4) pour L’Oygnon ; Rec in-8o 26010 (11) pour le Recueil de toutes les pièces… ; Rec in-8o 26010 (11) pour le Recueil de plusieurs pièces…

La composition si singulière de ces recueils de mazarinades a permis d’en constituer un catalogage numérique précis, et d’inclure, dans le catalogue réalisé, la possibilité de créer une entrée non pas seulement par pièce mais aussi par recueil. En cela, cette série de recueils factices de mazarinades en veau brun pourrait éventuellement faire partie des rares recueils factices dont on accepte, en plus d’un catalogage par pièce, une entrée par recueil, classés par cote et en fonction de leur tomaison. Ce type de catalogage par recueil reste rare mais il tient compte de qualités particulières des recueils factices :

Il est admis qu'un recueil factice peut faire l'objet d'une notice bibliographique s'il présente, par exemple, un intérêt archivistique ou muséographique, ou lorsqu'il résulte d'un travail intellectuel de compilation35.

C’est encore une fois le cas de cette série de recueils factices de mazarinades en veau brun qui occupe désormais une place à part à la Méjanes, quoique rangée avec les autres recueils de mazarinades, du fait du catalogage intégral de toutes les pièces qui la composent, de la description qui a été réalisée en vue de la numérisation de ces recueils, et enfin de leur numérisation elle-même qui a permis une véritable collaboration entre le fonds patrimonial de la bibliothèque Méjanes et la bibliothèque patrimoniale numérique, Odyssée, d’Aix-Marseille Université.

Étudier un tel corpus de recueils factices de mazarinades soulève de nombreuses questions. Le seul fait de devoir le comparer à tous les autres recueils de mazarinades du fonds aixois accroît le nombre de questions que l’on se pose, tout en s’interrogeant sur leur pertinence. Les nombreux échanges que l’on peut avoir tant avec les conservateurs et bibliothécaires des fonds patrimoniaux, qu’avec les universitaires36, nourrissent ces questionnements et permettent de confronter les approches. L’étude d’une collection dans un fonds patrimonial rencontre ainsi des phénomènes purement pragmatiques de classement qui peuvent étonner, mais permettent aussi un renouvellement du regard sur les écrits du passé. La cotation du fonds aixois de mazarinades, par son étude, nous a permis d’allier ces deux regards. Le catalogage réalisé des pièces contenues dans la série de recueils en veau brun permet de satisfaire à la fois une entrée par pièce dans le catalogue, et une entrée par recueil, ce qui demeure un phénomène rare. Le fonds patrimonial de la bibliothèque Méjanes expose ainsi une sous-collection de recueils de mazarinades toute singulière.

Notes

1 Dans nos explorations du fonds aixois de la bibliothèque Méjanes, en quête de recueils de mazarinades, nous avons rencontré de nombreux recueils factices de tous genres et reliés de façons très variées. Certains nous ont interpellé, comme celui brièvement décrit ci-dessus et dont voici la cote : Rec. F 894.

2 Marie-Noële Grand-Mesnil propose une description du fonds aixois de mazarinades qu’elle a consulté pour ses travaux de recherche sur la Fronde. Voir : Marie-Noële Grand-Mesnil, Mazarin, la Fronde et la presse, Paris, Armand Colin, 1967, p. 293-295.

3 Afin d’éviter toute confusion, nous concentrerons uniquement notre étude sur les recueils ne contenant que des mazarinades.

4 Voir Henri-Jean Martin, « Au temps de la Fronde : le régime des privilèges et l’affaire du règlement de 1649 à 1650 », dans Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle, t. II, Genève, Droz, 2000, p. 570-580.

5 Christian Jouhaud, « Introduction », dans Mazarinades. La Fronde des mots, Paris, Aubier, 1985, p. 17.

6 Ibid.

7 L’on parle dans ce cas de « demi-reliure ».

8 Ces quinze volumes sont désormais cotés en « in-8° 26010 (1-15) » au fonds patrimonial aixois depuis mars 2018, date à laquelle nous avons intégralement coté les recueils de mazarinades du fonds avec l’aide d’un conservateur, Vincent Sablayrolles. Il est possible de consulter ce catalogage sur le site de la Cité du livre ici.

9 Raymond Gaudriault, Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux xviie et xviiie siècles, Paris, CNRS Éditions, 1995, p. 33.

10 L’emplacement singulier de ces petits filigranes dans la pliure des feuillets et au niveau de la reliure laisse à penser qu’il s’agit d’une fabrication française et non italienne et que le papier a certainement été fabriqué dans la première moitié du xviie siècle. Faute d’une identification plus précise, l’on ne peut connaître l’origine exacte du lieu de fabrication de ces papiers filigranés. Nous citons ici R. Gaudriault : « Cependant, Heawood trouve des exemples de marques situées près des marges dans des papiers français, sans autre précision d’origine, de la première moitié (ou même après) du xviie siècle. C’est le cas de papiers au Raisin. » (Filigrane…, op. cit., p. 28).

11 Hubert Carrier, La Presse de la Fronde (1648-1653) : les mazarinades. II. Les hommes du livre, Genève, Droz, 1991, p. 201. Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de la page de titre d’une pièce, il est intéressant de voir que les pages de titre des recueils factices reprennent cette même configuration de caractère et de forme, ce qui confirme une fabrication de circonstance.

12 Il ne nous a pas été possible d’identifier cette vignette, malgré la consultation des ouvrages de Louis-Catherine Silvestre, Marques typographiques ou Recueil des monogrammes, chiffres, enseignes, emblèmes, devises, rébus et fleurons des libraires et imprimeurs qui ont exercé en France, depuis l’introduction de l’Imprimerie en 1470, jusqu’à la fin du seizième siècle : à ces marques sont jointes celles des Libraires et Imprimeurs qui pendant la même période ont publié, hors de France, des livres en langue française, Paris, Imprimerie Renou et Maulde, 1867 ; l’ouvrage de R. Laurent-Vibert et M. Audin, Les Marques de Libraires et d’Imprimeurs en France aux dix-septième et dix-huitième siècles, Paris, Chez Édouard Champion, 1925 ; ni l’ouvrage de P. Delalain, Inventaire des marques d’imprimeurs et de libraires de la Collection du cercle de la Librairie, deuxième édition, revue et augmentée, Au Cercle de la Librairie, de l’Imprimerie, de la Papeterie, du Commerce de la Musique et des Estampes, Paris, 1892.

13 Cette datation a pu être établie par Aurélie Bosc, directrice adjointe à la Méjanes du fonds « Patrimoine, archives et numérique » que nous remercions de son aide précieuse.

14 Pour rendre compte de la graphie du xviie siècle, nous choisissons de laisser le texte en l’état sans retranscription en français moderne.

15 Pour l’identification de ces filigranes, nous nous référons à l’immense travail de recherche de R. Gaudriault, Filigranes…, op. cit., qui a fait un recensement de toutes les marques que l’on peut trouver sur les papiers de l’époque moderne et qui propose en fin d’ouvrage un répertoire de toutes ces marques, ce qui nous a permis d’identifier celles qui correspondent à nos filigranes.

16 Ibid. p. 83.

17 Ibid. p. 89.

18 Ibid., p. 111.

19 Voir par exemple : Charles-Moïse Briquet, Les Filigranes. Dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu’en 1600, New-York, Georg Olms Verlag, 1977.

20 R. Gaudriault, Filigranes, op. cit., p. 151.

21 Ibid., p. 285.

22 En étudiant cette série de recueils en veau brun, nous nous sommes aperçus que, sans que le numéro d’inventaire qui a été attribué à chacun des volumes au xixe siècle n’en tienne aucun compte, sur la tranche de bas de chaque recueil, un numéro en chiffres avait déjà été indiqué. Cette première numérotation date également du xviie siècle et indique qu’il manque le recueil « 3 » de cette série qui va donc de 1 à 16 et qui, peut-être, n’est pas complète.

23 Bien avant sa rencontre avec Mazarin, G. Naudé écrivait ceci : « ne rien négliger de tout ce qui peut entrer en ligne de compte & avoir quelque usage, soit à l’égard de vous ou des autres : comme sont les libelles, placards, thèses, fragments, épreuves, & autres choses semblables que l’on doit être soigneux de joindre & assembler suivant les diverses sortes & matières qu’ils traitent, parce que c’est le moyen de les mettre en considération […]. Autrement il arrive d’ordinaire que pour avoir méprisé ces petits livres qui ne semblent que bagatelle & pièces de nulle conséquence, on vient à perdre une infinité de beaux recueils qui sont quelquefois des plus curieuses pièces d’une bibliothèque ». Voir Gabriel Naudé, Advis pour dresser une bibliothèque, Paris, François Targa, 1627, p. 99-100.

24 H. Carrier évoque l’écoulement de mazarinades invendues par la recomposition du premier cahier du pamphlet (voire de livres) pour en modifier la page de titre et surtout sa date. Il n’est guère question de la constitution de collection (La Presse de la Fronde…, op. cit., p. 270).

25 R. Gaudriault, Filigranes…, op. cit., p. 89.

26 Pourrait-il s’agir de Jean-François Sarasin qui, pendant la Fronde, pratiquait les « poèmes mondains et encomiastiques de tonalité galante, à usage interne au cercle de ses destinataires et en aucun cas destinés à se répandre dans la foule. » ? Voir Alain Génetiot, « Porter la parole des grands : les mazarinades de Sarasin », Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, vol. 12 : Stéphane Haffemayer, Patrick Rebollar, Yann Sordet (dir), Mazarinades, nouvelles approches, 2016, p. 212.

27 À ce propos, les recueils de mazarinades de la Méjanes ont été cotés en « in-8o… » pour des raisons purement pragmatiques de classement et de gain de place, la taille de ces volumes correspondant davantage à celle d'une majorité des in-8o du fonds, et non pas des in-4o.

28 Voir L. Bordes, « Les mazarinades, de la production éphémère à la mise en recueil », dans Mathilde Bombart, Sylvain Cornic, Edwige Keller-Rahbé, Michèle Rosellini (dir.), « À qui lira », Littérature, livre et librairie en France au xviie siècle, Tubingen, Gunter Narr, « Biblio 17 », 2020, p. 658-659.

29 M. 3044. Ces références renvoient directement au numéro donné par Célestin Moreau dans sa Bibliographie des mazarinades, 3 vol., Paris, Libraires de la Société de l’histoire de France, 1850.

30 M. 3045.

31 M. 2638.

32 M. 3047. Il s’agit en fait d’une page de titre spécialement imprimée pour la constitution de collections de pièces de l’année 1649. Ces projets de collection de mazarinades avaient donc bien été établis dès 1649 et donc pendant la Fronde ; et l’on peut également supposer que le projet d’élaboration de ces recueils constituerait en soi un projet de mazarinade : nous renvoyons à l’article de Mathilde Bombart ici-même sur ces questions : DOI : 10.35562/pfl.374. Cela s’écarte toutefois du programme de nos volumes, qui présentent des aspects s’éloignant d’un tel projet du fait de la présence de feuillets de marque et de portraits encomiastiques, par exemple.

33 C’est le cas de la pièce [M. 3047].

34 [M. 3040].

35 « Exception à la règle générale : cas où une notice peut être créée dans le Sudoc pour un recueil factice », dans Catalogage des recueils factice, Sudoc, 2010. Voir ici même l’étude de Claire Giordanengo et Isabelle Vouilloux (DOI : 10.35562/pfl.303).

36 En ce sens, nous remercions très chaleureusement Mathilde Bombart pour son écoute attentive et qui nous a permis d’assurer la pertinence de nos interrogations face à la particularité de ce corpus, riche et singulier.

Illustrations

  • Fig. 1. Pages de titre du Recueil des vers imprimés durant les mouvemens de l’année 1649.

    Fig. 1. Pages de titre du Recueil des vers imprimés durant les mouvemens de l’année 1649.

    Source/Crédit : bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, fonds Méjanes, Rec in-8o 26010 (01) et Rec in-8o 26010 (02).

  • Fig. 2. Feuillets filigranés aux armes d’Anne d’Autriche et de Michel Le Tellier et contremarque du moulin de Benoît Vimard.

    Fig. 2. Feuillets filigranés aux armes d’Anne d’Autriche et de Michel Le Tellier et contremarque du moulin de Benoît Vimard.

    Source/Crédit : bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, fonds Méjanes, Rec in-8o 26010 (01).

  • Fig. 3. Divers recueils de pièces.

    Fig. 3. Divers recueils de pièces.

    Source/Crédit : bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, fonds Méjanes, Rec in-8o 26010 (4) pour L’Oygnon ; Rec in-8o 26010 (11) pour le Recueil de toutes les pièces… ; Rec in-8o 26010 (11) pour le Recueil de plusieurs pièces…

Citer cet article

Référence électronique

Laura Bordes, « Recueils factices de mazarinades. Un singulier exemple du fonds aixois de la bibliothèque Méjanes », Pratiques et formes littéraires [En ligne], 18 | 2021, mis en ligne le 29 mars 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/pratiques-et-formes-litteraires/index.php?id=250

Auteur

Laura Bordes

Aix-Marseille Université – CIELAM UR 4235

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