Indignation satirique et actualité

DOI : 10.35562/pfl.409

Résumés

La satire comme genre poétique repose sur une tension entre l’actuel et l’inactuel, le présent et l’intemporel, le réalisme et l’idéalisme. Nous analysons cette tension entre le comique et l’actualité. Nous rappelons l’enracinement de tout texte satirique dans son environnement historico-empirique. Puis nous examinons la question du nom propre, marqueur par excellence de l’actuel. Nous précisons pour finir le dynamisme créateur qui conduit de l’actuel à l’inactuel et au contemporain.

Satire as a poetic genre is based on a tension between the present and the inactual, the present and the timeless, realism and idealism. We analyze this tension between comic and actual. We recall the roots of any satirical text in its historical-empirical environment. Then we look at the question of proper name, the ultimate marker of the present. Finally, we specify the creative dynamism that leads from the present to the inactual and to the contemporary.

Plan

Texte

La satire poétique est par définition une réaction d’humeur à une situation actuelle, ressentie comme révoltante ou simplement ridicule. Elle est donc profondément ancrée dans l’actualité. Mais elle aspire aussi à l’inactuel, à l’intemporalité de l’absolu, incarnée par un passé auréolé des couleurs de l’idéal ou bien par une aspiration à la vérité qui fait contraste avec un présent vécu sur le mode de l’imposture et de la décadence. L’actuel se confond avec la réalité présente, la vie contemporaine, les affaires du temps, le train du monde comme il va. Il est ressenti par le poète comme un déclin, une déperdition, un mouvement centrifuge. L’inactuel transcende le temps qui passe ; il apparaît comme un désir d’absolu et d’authenticité, que peuvent représenter les générations antérieures. La satire comme genre poétique, depuis Lucilius jusqu’au Victor Hugo des Châtiments, découle de cette tension entre l’actuel et l’inactuel, le présent et l’intemporel, le réalisme et l’idéalisme1. Cette tension, vécue psychologiquement et idéologiquement sur le mode du malaise et de la dépression, se convertit en catharsis poétique, en euphorie littéraire. Elle produit un univers marqué par le clivage et l’ambivalence. On s’enfonce dans une actualité désolante tout en s’efforçant de maintenir la tête dans les étoiles. On dénigre les temps présents tout en continuant à faire miroiter le sens de la grandeur et de l’épopée. On anatomise les sentines de la médiocrité et de la perversité tout en se réclamant de la nature, de la vertu et de la vérité.

L’actuel est captivant parce qu’il est concret, mais, dans une œuvre littéraire, il court le risque de la déperdition et de l’effacement, au point de devenir pour les générations suivantes opaque et incompréhensible. Telle est la croix que portent les œuvres comiques. Leur dimension référentielle, facilement perçue par les contemporains, disparaît en grande partie une fois que la société a changé et que les cibles de la critique ont disparu. Plus que toute autre passion, le rire est arrimé au contexte qui le produit. Et pourtant on continue à lire passionnément Horace et Juvénal, Régnier et Boileau, parfois même à rire en les lisant. Mais que reste-t-il de l’impulsion première qui a présidé à l’élan créateur ? Quelle est la teneur du comique et du rire une fois que se sont dissipées les causes qui les ont produits ? Plus encore que les genres sérieux, une œuvre comique est confrontée au processus de dégradation de la source vive qui l’a générée, en sorte qu’elle devient rapidement une forme vide, dépouillée de son dynamisme originel.

Nous voudrions, en nous appuyant principalement sur des œuvres du xvie et du xviie siècles, explorer quelques aspects de cette tension entre le comique et l’actualité, d’abord en rappelant l’enracinement de tout texte satirique dans son environnement historico-empirique, puis en nous attardant sur la question du nom propre, marqueur par excellence de l’actuel ; nous essaierons pour finir de préciser le dynamisme créateur qui conduit de l’actuel à l’inactuel et au contemporain.

L’enracinement de la satire dans les affaires du temps

L’ancrage autobiographique

À défaut de nous faire rire, la satire nous immerge dans un quotidien historico-empirique. Plus encore que la comédie, elle se nourrit de l’actualité dans la mesure où elle a pour vocation de dénoncer des scandales, des impostures, des extravagances. Elle représente l’environnement immédiat où évoluent les poètes de la Renaissance et de l’Âge classique, le contexte historique et l’état des mœurs. Une rime, chez les poètes français, est particulièrement significative ; elle est comme la signature de la satire classique : elle fait consonner « les hommes » avec « siècle où nous sommes », « monde où nous sommes », « temps où nous sommes » :

[…] l’ingrat siecle où nous sommes
Au pris de la vertu n’estime point les hommes


[…] en ce siècle où nous sommes,
[…] il n’est rien si facile à prendre que les hommes

Et c’est comme un miracle, en ce monde où nous sommes,
Tant l’aveugle apetit ensorcelle les hommes

On dit que Jupiter, Roy des Dieux et des hommes,
Se promenant un jour en la terre où nous sommes2

D’où vient que tant de mal arrive aux braves hommes ?
Et que les beaux esprits en ce siecle où nous sommes
Languissent accablez sous le faix des malheurs3

[…] Dans le siècle où nous sommes,
Est-ce au pied du savoir qu’on mesure les hommes4 ?

Horace décrit ses promenades à Rome, ses relations avec Mécène, mais aussi sa maison de Tibur et certains épisodes de sa vie, comme son voyage à Brindes avec Mécène, chargé d’une mission diplomatique. Les Satires de L’Arioste sont comme un journal intime où le poète détaille sa rupture avec le cardinal d’Este, ses déconvenues de courtisan, ses voyages, l’éducation de son fils Virginio, l’amertume qui l’envahit devant le peu d’engouement de ses contemporains pour son Roland furieux. Mathurin Régnier nous raconte les visites qu’il fait chez son oncle Philippe Desportes dans sa propriété de Vanves. Il se plaint de la vie subalterne et servile qu’il a menée au service du cardinal de Joyeuse5. La satire comprend une dimension autobiographique qui nous plonge dans la vie au jour le jour des poètes. C’est aussi le cas pour les satiriques normands comme Vauquelin de la Fresnaye, Sonnet de Courval ou Angot de l’Éperonnière. Les satires de Vauquelin sont une passionnante représentation des habitudes de vie d’un magistrat normand et d’un gentilhomme dans sa propriété de Falaise à la fin du xvie siècle. Elles ont la saveur du terroir. Boileau nous entretient de ses problèmes domestiques et nous offre un tableau foisonnant de la vie littéraire de son temps. Il décrit avec humour les rues de Paris, ses encombrements, ses nuisances sonores et les accidents nombreux qui s’y produisent. Le je du satirique s’enracine dans une réalité empirique et circonstanciée. Il est conditionné par les aléas de l’existence personnelle. On ne saurait le réduire à une persona purement abstraite et conventionnelle, à un éthos rhétorique et factice. Les grandes satires classiques émanent de poètes qui témoignent de leur vie. Ils font de leur idiosyncrasie et de leur for intérieur des lieux de résistance et de repli existentiel. La distorsion matricielle entre le réel et l’idéal se traduit sur le plan individuel par une tension entre le désir inassouvi et un vécu médiocre, en sorte qu’elle se transforme en ressaisie de soi, en résilience.

La satire, aux xvie et xviie siècles, sert principalement d’exutoire, chez les poètes, au ressentiment d’une vie consacrée à un maître, mais sans vraie récompense, sans la réciprocité d’un contre-don. C’est pourquoi la satire de la cour, souvent en antithèse avec la description d’un lieu privé, est le thème principal de leur inspiration et le moteur de leur passion pour le détail. L’Arioste, Du Bellay, Ronsard, Vauquelin, mais aussi Régnier et Théophile de Viau ne cessent de dresser le constat amer de la servitude à laquelle ils sont contraints et du dysfonctionnement de l’éthique du don qui devrait normalement régir la relation du poète et du prince. On les voit convertir, sur le mode de la plainte douloureuse, de l’indignation noble ou bien encore de l’humour, les déboires de leur servitude volontaire. Portraits et narrations démembrent, morcellent, hyperbolisent le détail révélateur, soumettent le réel à une approche analytique à saisir sur un mode comique. Inverser l’idéal, c’est dissoudre l’un dans le multiple, opposer à la vision d’une harmonie unitaire le délitement centrifuge. Le réalisme satirique suppose une esthétique du laid qui contraste avec la perception synthétique du beau.

Le poids de l’Histoire

La tragédie se meut dans l’espace du mythe et met en scène des héros qui dépassent l’humanité ordinaire. La comédie peut se contenter de représenter des situations conventionnelles et stéréotypées. La satire en revanche témoigne fondamentalement d’une situation historique donnée, hic et nunc.

Le poète satirique n’est pas seulement le chroniqueur de sa vie privée, il est aussi engagé dans l’Histoire de son temps. Les grandes satires luciliennes, mais aussi dans un sens plus large, depuis Lucilius, à l’époque des guerres puniques, jusqu’à Aubigné, Chénier, Hugo ou encore Karl Kraus au temps du nazisme, exhibent l’engagement politique de leurs auteurs pour dénoncer la trahison des clercs, la décadence d’une société abandonnée à un tyran, à des arrivistes sans vergogne, aux ennemis de la vie intellectuelle et artistique. Lucilius, dans les fragments qui nous restent de ses poèmes, promeut l’idéologie du cercle des Scipions au temps de la guerre contre Carthage. Horace de son côté se fait le chantre du retour, voulu par l’empereur Auguste, aux valeurs ancestrales du mos majorum : virtus, pudor, fides, pietas… Boileau se fait l’idéologue de l’absolutisme louis-quatorzien dans la sphère politique et sociale, mais plus encore dans le domaine littéraire et poétique6. Perse en revanche résiste de façon cryptée aux dérives tyranniques de Néron tandis que Juvénal fait de son œuvre satirique une dénonciation violente, une damnatio memoriæ du règne de Domitien7. Les satires néo-latines de Francesco Filelfo, écrites au xve siècle, témoignent de ses prises de position politique, notamment au moment de ses démêlés avec Cosme de Médicis qui l’obligèrent à quitter Florence. Il en va de même pour Luigi Alamanni, le poète florentin exilé à la cour de François Ier.

Les guerres de religion en France donnèrent à Ronsard et Aubigné l’occasion de composer des poèmes enflammés où chacun défend ardemment sa cause. Au moment où paraissent de très nombreux libelles, souvent diffamatoires, qui prolongent par le combat des mots celui des épées, la satire devient, avec une inflexion nettement juvénalienne, un instrument noble d’attaque et de défense. Aubigné donne au massacre de la Saint-Barthélemy une dimension épique qui transmue l’affect colérique et individuel en mythe au service du parti protestant. Impossible pour les poètes de la fin du xvie siècle et du début du xviie siècle d’éviter le sujet des guerres civiles. Le rire se fait alors grinçant et vengeur. Aubigné pratique ainsi une ironie mordante et acérée pour dénoncer la dégénérescence à ses yeux de Charles IX, de Catherine de Médicis et de la cour. Ronsard s’indigne avec hauteur, mais il pratique aussi l’humour pour se moquer de ses détracteurs. La raillerie misogyne, qui atteint des sommets d’obscénité dans les recueils de poésies libres et satyriques jusqu’au procès de Théophile en 1623, témoigne par ailleurs, sur un plan psychopathologique et rétrospectivement, du traumatisme des guerres civiles. Pour Sigogne, Pierre Motin, Pierre Berthelot et même Régnier, la cruauté misogyne libère des angoisses liées à la perte d’identité masculine pendant les guerres de religion, temps où la plupart des hommes n’ont cessé de mentir, de trahir, de se livrer au viol et aux pires exactions. Faute d’avoir été véritablement loyaux et honorables, ils se défoulent en déchargeant leur mauvaise conscience au détriment des femmes qu’ils accusent de tous les maux et qu’ils se complaisent à dégrader. L’acrimonie de ce rire, liée aux bouleversements de l’époque, est particulièrement caractéristique de la fin du xvie siècle et du début du xviie siècle.

La chronique des « affaires du temps »

La satura au sens de mélange et de diversité, c’est d’abord une revue, un panorama, un état des lieux. Le poète inventorie les mœurs et les affaires du temps selon un mode de composition sériel qui repose sur des schèmes anthropologiques et culturels comme la hiérarchie des trois ordres, la typologie des quatre humeurs ou la liste des sept péchés capitaux, mais aussi en accumulant les exemples de façon à créer un effet de tourbillon. La satire est bien une chronique des mœurs et des affaires du temps. L’expression affaires du temps est d’ailleurs fréquemment associée à l’inspiration satirique comme on peut le voir dans les titres des recueils de poésies au temps d’Henri IV et de Marie de Médicis. Un Coq à l’asne ou Discours mystique sur les affaires de ce temps, daté de 16148, nous rappelle qu’au xvie siècle et au début du xviie siècle, le genre comique du coq-à-l’âne, intensément polémique, est l’une des expressions privilégiées de la satire au temps des guerres civiles. Les Bigarures sentencieuses de Bruscambille portent elles aussi, comme les satires de Régnier, sur le subject des affaires de ce temps9. Jean Auvray, l’un des grands satiriques normands, intitule l’un de ses recueils : Satyres sérieux sur les affaires de ce temps10.

Le poète satirique s’inscrit dans un environnement qu’il veut précis et contextualisé. Il oppose ses humeurs du moment, son for intérieur, voire un lieu de repli comme une maison de campagne, au monde extérieur et à la société dont il stigmatise les mœurs corrompues. Il fait du poème un texte d’actualité en prise directe avec des événements qui sont familiers aux contemporains. L’usage du nom propre joue dans ce processus d’actualisation un rôle essentiel.

Poétique du nom propre dans le registre comique

Le nom propre dans un poème n’est pas une spécificité de la satire11. Il caractérise d’abord la poésie encomiastique, puisque la plupart des poèmes, aux xvie et xviie siècles, sont adressés. La poésie est d’abord célébration du nom, épiphanie des vertus d’un destinataire. Du Bellay résume ainsi sa vocation lyrique : « Je rempliz d’un beau nom ce grand espace vide12 ». On retrouve dans les œuvres satiriques cette dimension encomiastique puisque la plupart d’entre elles sont adressées à un ami ou à un protecteur dont les qualités éminentes rendent plus évidentes et criantes les turpitudes qui vont être stigmatisées. Mais on y trouve surtout un fourmillement de patronymes, qui sont brandis comme des repoussoirs et que Boileau se vante avec ironie d’arracher à l’oubli :

Et qui saurait sans moi que Cotin13 a prêché ?
La satire ne sert qu’à rendre un fat illustre :
C’est une ombre au tableau, qui lui donne du lustre14.

Mais alors que la poésie d’éloge demeure généralement sur les hauteurs de l’abstraction idéalisante, la satire accumule chemin faisant, pour donner corps à sa démarche existentielle, les noms propres désignant des personnes réelles, qu’elles soient mortes ou vivantes. La dialectique de l’éloge et du blâme passe par l’inscription glorifiante ou infamante du nom propre dans le vers. Elle s’arrime au système axiologique de la honte et de l’honneur qui prévaut dans la société féodale et patriarcale.

La saturation nominale est un facteur essentiel d’actualisation dans la poésie satirique. L’effet de réel et de présence, c’est d’abord le nom propre. La caricature d’un personnage, à une époque donnée, est d’autant plus facile et simplifiée qu’il est bien connu des contemporains. La seule évocation de son patronyme suffit à envoyer un signe de reconnaissance et de complicité. Le rire s’intercale entre le réalisme mimétique et l’énonciation disqualifiante. Les Satyres IX et X de Régnier se font ainsi les témoins de la querelle qui opposa les défenseurs des poètes de la Pléiade, dont Nicolas Rapin et Philippe Desportes étaient les héritiers, à Malherbe et à ses disciples. La saveur et la verdeur de ces textes reposent en partie sur cette évocation agressive et courroucée de l’actualité littéraire. Ils sont d’autant plus vivants pour nous que nous connaissons bien par ailleurs Malherbe, Rapin et Desportes.

L’effet de présence ne joue plus cependant pour nous lorsqu’il s’agit d’individus bien connus au temps d’Henri IV et de Marie de Médicis, mais qui sont tombés depuis dans l’oubli. La Satyre XIV de Régnier s’emploie à décrire l’universelle folie des hommes et plus particulièrement de ses contemporains. Il choisit comme exemple un contrôleur des finances nommé Mexme « Gallet15 », qui avait la réputation, dans les années 1600, d’être un joueur invétéré. Il fit construire dans les années 1620, un magnifique hôtel particulier dans le Marais qu’il perdit en quelques minutes au jeu de dés16. Régnier évoque en outre le « sieur de Provins17 », un matamore célèbre dont on moquait les prétentions guerrières, « le Cousin18 », l’un des fous du roi Henri IV, ou encore « Pierre du Puis19 », un extravagant considéré comme le type de « l’archifol20 », qui se promenait dans les rues de Paris avec des chapeaux en guise de souliers. Boileau affectionne quant à lui la cascade de noms propres quand il stigmatise les poètes qu’il considère comme médiocres :

Faut-il d’un froid rimeur dépeindre la manie ?
Mes vers comme un torrent, coulent sur le papier :
Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier,
Bonnecorse, Pradon, Colletet, Titreville ;
Et, pour un que je veux, j’en trouve plus de mille21.

Quand elle désigne un personnage réel, l’évocation du nom propre pose le problème de l’attaque ad hominem. La satire tend à l’agression nominale dans la mesure où dans l’Antiquité, comme au temps de Du Bellay et de Boileau, le nom propre se confond avec l’honneur et l’identité de la personne. La nomination de personnages détestés fait courir le risque de la médisance et du libelle diffamatoire. Elle relève de la parrêsia, qui assortit le désir de sincérité du courage de désigner les imposteurs au risque de représailles violentes, comme le rappelle Du Bellay22. C’est pourquoi l’usage référentiel du nom propre fait de la satire un genre impur et chrétiennement condamnable. Il sera d’ailleurs la cause de son discrédit au xviiie siècle : Pierre Bayle, Voltaire, Rousseau, Diderot le considéreront comme un « genre odieux23 » qui relève du libelle diffamatoire.

Dans le domaine littéraire notamment, les satiriques en effet ne se gênent pas et, au nom du bon goût, ils s’en prennent à ceux qui l’offensent, sans avoir la mauvaise conscience de médire. Boileau prend un malin plaisir à se gausser des écrivains qu’il n’aime pas. Il a beau condamner l’usage de « l’équivoque » comique24, il use très peu charitablement du nom propre à la rime, sous la forme d’un écho qui tend au calembour. La dégradation de la réputation d’un individu passe par celle de son patronyme en relation implicite avec tout un contexte interpersonnel de débats et de querelles :

Si je pense exprimer un auteur sans défaut,
La raison dit Virgile, et la rime Quinault

[…] les souris et les rats
Semblent, pour m’éveiller, s’entendre avec les chats,
Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure,
Que jamais, en plein jour, ne fut l’abbé de Pure

Qui ne vole au sommet tombe au plus bas degré,
Et […] à moins d’être au rang d’Horace ou de Voiture
On rampe dans la fange avec l’abbé de Pure25 ?

Mais qu’en est-il lorsque l’investissement passionnel dans le temps présent s’est dissipé, quand la plupart des personnages qui ont fait l’objet de la critique ont disparu, quand il est devenu impossible de comprendre les références et plus encore de décrypter les sous-entendus ? Les grands mythes qui nourrissent les épopées et les tragédies survivent dans la mesure où ils sont bien connus et sont constamment réécrits et réinterprétés. Les textes comiques, en revanche, qu’il s’agisse des comédies d’Aristophane, des satires ou des épigrammes, semblent condamnés à l’obsolescence dans la mesure où ils ne signifient plus rien pour les générations postérieures. Une caricature vieillit très mal une fois que s’est estompé le contexte qui l’a inspirée. Rien n’est plus volatile que la vis comica quand elle renvoie au temps présent. Rien n’est plus sujet à l’obsolescence que l’actuel dont se nourrit la poésie comique. Nous travaillons sur un objet, le rire, dont l’impact émotionnel et jouissif s’est modifié avec le temps. Paradoxalement, épopées et tragédies vieillissent mieux que les satires et les épigrammes.

Juvénal s’acharne contre le dramaturge Cordus, auteur d’une Théséide, mais qui connaît Cordus26 ? Certes il évoque des personnages célèbres comme Hannibal, Néron, Messaline ou Domitien. Mais qui, hormis les spécialistes, se fait une idée exacte de Crispinus, un sénateur corrompu au temps de l’empereur Claude, ou de Séjan, le favori de Tibère27 ? Boileau quant à lui, dans ses Satires, ses Épîtres et son Art poétique ne cesse de nommer, pour les tourner en dérision, Pradon, l’abbé de Pure, Brébeuf, Cotin, Pelletier, Saufal, Perrin… Hugo de son côté, dans Les Châtiments passe en revue le personnel, corrompu à ses yeux, qui gravite autour de Napoléon III. Le nom propre, renvoyant à un personnage historique, marque l’inscription du texte dans le temps présent. Mais il fait aussi peser sur elle la menace de la caducité. Le comique suppose la connivence et l’art du sous-entendu, et d’autant plus s’il aspire à la légèreté.

Le satirique, en témoignant des mœurs et des affaires du temps, se nourrit d’actualité, mais il ne cesse en même temps de tendre à l’inactuel, de faire miroiter à travers un réel dégradé les hauteurs d’un idéal qui échappe à la corrosion du temps. En disciple d’Horace et de Juvénal, il ne veut surtout pas qu’on le confonde avec un auteur de libelles diffamatoires.

De l’actuel à l’inactuel et au contemporain

La poésie comique est vouée à l’obsolescence parce qu’elle est trop en phase avec une actualité appelée à devenir illisible pour les générations postérieures. Nous continuons cependant à lire Horace, Juvénal, L’Arioste, Du Bellay, Régnier ou Boileau. Nous le faisons bien sûr en érudits et en archéologues. Et nous avons d’autant plus de plaisir à les lire que des notes abondantes nous aident à saisir les allusions, à nous expliquer qui sont les personnages évoqués, à nous immerger dans le contexte historique qui a présidé à la naissance des textes. On reste ainsi en admiration devant les magnifiques éditions commentées des satiriques latins pendant la Renaissance et l’Âge classique : on pense notamment à celles de Josse Bade Ascensius. Les abondants commentaires des satires de Perse, dont l’ensemble ne dépasse pas trente pages, par Isaac Casaubon28, et plus près de nous par François Villeneuve29 et surtout par Walter Kissel30, donnent une idée du travail nécessaire pour identifier les realia et remettre les poèmes dans leur contexte. Ils mettent aussi en évidence une tension entre la médiation de ce décryptage érudit et le caractère immédiat de l’allusion comique lorsqu’elle est proférée en son temps.

Les plus grands poètes continuent à nous toucher parce qu’ils réussissent à créer une vision du monde et des mœurs qui sait dépasser le point de vue actuel. La colère et le rire peuvent être aussi des passions inactuelles qui transcendent l’instant présent en sorte que, dotés d’un minimum de culture générale, nous pouvons encore apprécier l’humour d’Horace et de Régnier, l’indignation grandiose de Juvénal, de Chénier ou de Hugo.

Tributaire du temps présent, le satirique ne veut pas cependant qu’on le considère comme actuel, au sens où l’actuel se confond avec l’air du temps, la mode, la situation hic et nunc. Il se veut inactuel, intempestif, et, du point de vue de la réception, notre contemporain, au sens que Roland Barthes et Giorgio Agamben, dans le sillage des Considérations inactuelles de Nietzsche, donnent à ce terme. Tandis que l’actuel recouvre la temporalité présente, rivée aux circonstances de l’ici et maintenant, ce qui est contemporain mélange les temporalités, confère aux actions et aux idéologies présentes une profondeur historique qui intègre le passé et le futur, y compris sous la forme du hors-temps de l’idéal et des valeurs transhistoriques. Le contemporain authentique serait l’homme qui, tout en étant intensément présent, n’appartient pas tout à fait à son temps.

Celui qui appartient véritablement à son temps, écrit Agamben, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n’adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens, comme inactuel.

Il est notamment capable de saisir la part d’ombre du moment présent. C’est un déphasé, et parfois un inadapté, « mais précisément pour cette raison, précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps31 ». Pour Nietzsche, penser d’une façon « inactuelle », « unzeitgemäss », c’est penser « contre le temps, et donc sur le temps, et – on peut le souhaiter – au bénéfice d’un temps à venir32 ». Le satirique a conscience d’être à contretemps, à contre-courant, « contra/torrentem », dit Juvénal33. Ses prises de parole inconvenantes font de lui un individu déphasé, inopportun et malvenu. Son rire, qui appelle souvent la complicité des gens de bien, peut aussi être un signe indiquant une inadéquation au temps présent, un geste de défense marquant son décalage et sa hauteur de vue. Mélancolique et misanthrope, il n’est pas soluble dans le temps présent dont il radiographie les duperies.

Les autres se méfient de lui et s’efforcent de l’éviter :
                                                     Fuyez ce mesdisant,
Fâcheuse est son humeur, son parler est cuisant ;
Quoy, monsieur, n’est-ce pas cest homme à la satyre,
Qui perdroit son amy plustost qu’un mot pour rire34 ?

Le satirique examine son époque avec un regard acéré, mais en prenant de la distance. Il s’agit de faire vivre la comédie des apparences, mais aussi de les scruter, de faire tomber les masques. Sa vocation, nous rappelle Horace, est d’« arracher la peau sous laquelle le coquin brille en public alors qu’à l’intérieur il n’est que laideur », « detrahere et pellem, nitidus qua quisque per ora/cederet, introrsum turpis35 ». « Ego te intus et in cute novi », s’écrie Perse de son côté, « Moi je te connais par le dedans et sous la peau36 ».

Ce décalage entre l’ancrage empirique dans la réalité et la distance critique, inclut dans la perception du présent celle du passé et du futur, du mémoriel et de l’hypothétique. Si la satire est à première vue un genre réaliste, elle n’adhère au temps présent que « par le déphasage et l’anachronisme37 ». Il s’agit de culpabiliser les fils et les filles en invoquant les mânes des pères :

Peres des siecles vieux, exemple de la vie,
Dignes d’estre admirez d’une honorable envie,
(Si quelque beau desir vivoit encor’en nous)
Nous voyant de là haut, peres, qu’en dittes vous ?
Jadis de vostre tans la Vertu simple et pure
Sans fard, sans fiction, imitoit sa nature38

L’énonciation en première personne joue par ailleurs un rôle primordial. Le dénigrement de la réalité sociale est perçu par une conscience qui s’affirme paradoxalement sur le mode de la négativité, un ego ex negativo qui ne parvient pas à s’accommoder au monde comme il va. Juvénal en fournit le modèle quand son ami Umbricius, un double de lui-même, une projection de sa conscience critique, s’apprête à quitter Rome, une ville en décadence qu’il ne supporte plus :

Quid Romæ faciam ? mentiri nescio : librum,
Si malus est, nequeo laudare et poscere ; motus
Astrorum ignoro, funus promittere patris
Nec volo, nec possum : ranarum viscera numquam
Inspexi.
Ferre ad nuptam, quæ mittit adulter,
Quæ mandat, norint alii ; me nemo ministro
Fur erit.
Atque ideo nulli comes exeo, tanquam
Mancus et extincta corpus non utile dextra39.

La vivacité du tableau de mœurs s’inscrit dans une énonciation indignée. On y entend la voix clivée du poète qui se présente comme « un manchot », « un paralytique ». C’est la perception de cette dissonance, de cette stridence, qui fait de Juvénal notre contemporain. Railler les affaires du temps, c’est faire entendre une voix qui impose sa présence et perçoit, comme nous l’explique Schiller, « la réalité comme manque », « die Wirklichkeit als Mangel40 ».

Paradoxalement, le satirique est à la fois moderne et antimoderne. Il est inscrit puissamment dans son époque qu’il s’efforce de refléter avec expressivité, et en même temps décalé, nostalgique de temps qui ne sont plus ou bien tendu vers un futur purement hypothétique. « Il faut écrire à la moderne », s’exclame fièrement Théophile de Viau dans le sillage contradictoire de Régnier et de Malherbe41. Il faut capter l’air du temps mais, parallèlement, il importe de l’inscrire dans une perspective qui la soumette à l’épreuve de l’intelligibilité, tout en convertissant l’affect de la déception mélancolique en jubilation poétique.

Conclusion

La satire en tant que genre a un sens quand le poète peut, à travers le médium poétique, se créer un espace transitionnel, une zone de liberté qui lui permet de soulager sa colère et son besoin d’expression, tout en suggérant une réalité alternative parée des prestiges du mythe et de l’épopée42. Elle disparaît quand ces références ne sont plus pertinentes pour évaluer le temps présent, quand la prose du roman devient prédominante pour rendre compte du réel. Et c’est aussi pourquoi la grande satire classique tombe en désuétude au xviiie siècle.

Comme esprit et forme d’expression au sens large, la satire traverse les époques, tant que la société et les régimes politiques laissent au poète une marge de manœuvre pour s’exprimer le plus librement qu’il lui est possible. Voltaire, malgré de nombreux tracas, a pleinement joui de cette liberté pour se moquer de son époque. Mais quand le réel est étouffé par un tyran, quand il dépasse l’imagination en ineptie et en cruauté, alors la satire, comme instrument critique qui s’attaque aux affaires du temps, n’est plus possible. C’est le sort qu’ont connu deux des plus grands auteurs satiriques du xxe siècle : l’Allemand Kurt Tucholsky (1890-1935) et l’Autrichien Karl Kraus (1874-1936). Ils cessent de commenter l’actualité et de la dénigrer au moment où la réalité nazie dépasse l’imagination comique et l’imagination tout court, en ridicule et en horreur, avant qu’eux-mêmes ne soient pris pour cibles comme opposants au régime. Tucholsky s’exile et se contraint au silence :

Je n’ai pas besoin de vous apprendre que notre monde n’existe plus en Allemagne. Et donc : Je vais maintenant la fermer. On n’engueule pas un océan43.

Il en va de même pour Kraus lorsque la mascarade hitlérienne finit par dépasser en bêtise tragique l’invention satirique44 :

Juvénal s’en était tenu au difficile saturam non scribere. Il pouvait écrire une satire, il lui était même difficile de ne pas en écrire. J’ai vécu dans une époque qui a pour particularité d’être si risible qu’elle n’avait plus aucune idée de sa risibilité et n’entendait plus le rire45.

Vient un moment où le rire doté d’une dimension éthique n’a plus de raison d’être. La satire est possible quand la référence à des normes et des repères est possible, quand elle offre une marge de culpabilisation et de moquerie. Mais si le ridicule et le monstrueux dépassent l’imagination comique, si le réel est déjà une caricature, doté d’un pouvoir terrifiant, alors la satire n’est plus possible. Et Karl Kraus de s’écrier en 1934, au moment où il va bientôt s’imposer le silence : « Mir fällt zu Hitler nichts ein » (Je n’arrive pas à trouver quoi que ce soit à dire sur Hitler46). La satire ne peut plus déformer la réalité puisque la réalité a incorporé la déformation, puisque le monde à l’envers est devenu le monde à l’endroit et que l’état d’exception est devenu la règle sous la forme d’un « carnaval tragique47 » qui se perpétue indéfiniment. Ce qui devrait être le transitoire, à l’instar du carnaval et de la fête, s’installe dans la durée, renversant le point de vue du rire48 : ceux qui incarnent les anciennes valeurs deviennent désormais les cibles du ridicule et de la répression.

Les grands auteurs satiriques des xvie et xviie siècles ne connaissent pas la détresse de Karl Kraus. Ils creusent l’écart entre les apparences flatteuses et ce qu’elles dissimulent de plus noir, à partir d’une axiologie éthico-religieuse qui leur sert encore de point d’appui et de référence, mais ils ne se privent pas de mettre en garde leurs contemporains contre un dépassement possible du réel dénaturé par sa caricature. Ils nous fournissent en tout cas un regard sur le monde actuel où l’invitation à la présence est aussi exhortation à la méfiance vis-à-vis des imposteurs, au courage de rester fidèle à ses idéaux, au culte de l’exigence morale et de la beauté. « L’honnête homme, écrit Chamfort, détrompé de toutes les illusions […] est constamment en état d’épigramme contre son prochain49. » Sous l’emprise d’Horace, de Juvénal et de leurs disciples, nous voilà en état de satire contre le monde qui nous entoure et les affaires du temps.

Notes

1 Sur cette question, voir Pascal Debailly, La Muse indignée. T. I : La Satire en France au xvie siècle, Paris, Classiques Garnier, 2012 ; id., Boileau et la satire noble, Paris, Classiques Garnier, 2022 ; Delphine Reguig, Boileau poète – « De la voix et des yeux… », Paris, Classiques Garnier, 2016 ; Léo Stambul, Le Régent du Parnasse : le pouvoir littéraire de Boileau, Paris, thèse Sorbonne Paris Cité, Sophie Houdard (dir.), 2017.

2 Mathurin Régnier, Satyre II, v. 139-140 ; Satyre III, v. 141-142 ; Satyre VII, v. 49-50 ; Satyre XIV, v. 171-172, dans Œuvres complètes, éd. G. Raibaud, Paris, Nizet, 1982, p. 21, 33, 74 et 197.

3 Jean Auvray, « Les nompareils », dans Le Banquet des muses ou les Divers Satyres [1623], Rouen, David Ferrand, 1636, p. 156.

4 Nicolas Boileau, Satire VIII, v. 179-180, dans Satires, Épîtres, Art poétique, éd. J.-P. Collinet, Paris, Gallimard, « Poésie », 1985, p. 101.

5 M. Régnier, Satyre II, v. 59-72, éd. cit., p. 8.

6 Sur cette question et les débats qu’elle suscite, voir Delphine Reguig et Christophe Pradeau (dir.), La Figure de Boileau. Représentations, institutions, méthodes (xviie-xxie siècles), Paris, Sorbonne université presses, 2021.

7 Dans l’Antiquité romaine, la damnatio memoriæ, est votée par le Sénat à l’encontre d’un personnage politique. Elle consiste à effacer toute référence à lui dans les archives historiques, les représentations figurées ou encore les pièces de monnaie. Domitien fait l’objet, après sa mort, de cette condamnation à l’oubli (Suétone, Vie des douze Césars, Domitien, xxiii).

8 Coq à l’asne ou Discours mystique sur les affaires de ce temps, Paris, Anthoine Du Brueil, 1614.

9 Bruscambille, Les Bigarures sentencieuses du docteur Briscambille, sur le subject des affaires de ce temps, Paris, s. n., 1622.

10 J. Auvray, Satyres sérieux sur les affaires de ce temps, s. l., s. n., 1622.

11 Voir P. Debailly, Boileau et la satire noble, op. cit., p. 187-202 ; Léo Stambul, « La querelle des Satires de Boileau et les frontières du polémique », Littératures classiques, 2013/2, no 81, p. 79-90, URL : https://doi.org/10.3917/licla.081.0079.

12 Joachim Du Bellay, Les Regrets, clxxxix, v. 8, dans Œuvres poétiques, éd. D. Aris et Fr. Joukovsky, Paris, Classiques Garnier, 2009, t. II, p. 33.

13 L’abbé Charles Cotin, que Molière moque sous le nom de Trissotin, le trois fois sot, nourrit la verve de Boileau. Poète précieux, il est aussi ecclésiastique et prédicateur.

14 M. Régnier, Satyre IX, v. 198-200, éd. cit., p. 112.

15 Id., Satyre XIV, v. 111, éd. cit., p. 194.

16 Voir Tallemant des Réaux, Historiettes, éd. A. Adam, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1961, t. II, p. 751-752. Voir aussi Bruno Chanetz, « Mexme Galet, bâtisseur de l’hôtel de Sully », 2017. (hal-01616282)

17 M. Régnier, Satyre XIV, v. 131-136, éd. cit., p. 195.

18 Ibid., v. 137-158, p. 195-196.

19 Id., Satyre VI, v. 72, éd. cit., p. 62. Sur Pierre Du Puis, voir Eugène Rigal, Le Théâtre français avant la période classique : fin du xvie et commencement du xviie siècle, Paris, Hachette, 1901, p. 326-328.

20 Bruscambille, Facecieuses paradoxes, Rouen, Thomas Maillard, 1615, fo 27. Bruscambille utilise ses allusions à Pierre Du Puis à la fois comme signe pour référencer à un personnage connu en son temps et comme un parangon de la folie.

21 N. Boileau, Satire VII, v. 42-46, éd. cit., p. 95.

22 Satyram periculosissimum esse genus scribendi (La satire est un genre littéraire très dangereux). Cette épigramme figure dans J. Du Bellay, Poemata, dans Œuvres poétiques, éd. Geneviève Demerson, Paris, Nizet, 1984, t. VII : Œuvres latines, p. 95‑97.

23 Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître, Paris, Le Livre de Poche, 1983, p. 90.

24 N. Boileau, Satire XII. Sur l’équivoque, éd. cit., p. 154-163.

25 Id., Satire II, v. 19-20 ; Satire VI, v. 9-12 ; Satire IX, v. 26-28, éd. cit., p. 72, 90 et 107.

26 Juvénal, Satura I, v. 1-2, éd. P. de Labriolle et Fr. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1974, p. 6.

27 Id., Satura X, v. 49-113, éd. cit., p. 126-128.

28 Perse, Auli Persii Flacci Satirarum liber, avec commentaire d’Isaac Casaubon, Paris, Jérôme Drouard, 1605.

29 Les Satires de Perse, éd. Fr. Villeneuve, Paris, Hachette, 1918.

30 Perse, Aules Persius Flaccus Satiren, éd. W. Kissel, Heidelberg, Carl Winter-Universitätsverlag, 1990.

31 Giorgio Agamben, Qu’est-ce que le contemporain ?, trad.  M. Rovere, Paris, Payot et Rivages, 2008, p. 9-10 pour cette citation et les précédentes.

32 Friedrich Nietzsche, « Préface », dans Seconde considération inactuelle, trad. H. Albert, Paris, Mercure de France, 1907, p. 121-122.

33 Juvénal, Satura IV, v. 89-90, éd. cit., p. 43.

34 M. Régnier, Satyre X, v. 51-54, éd. cit., p. 110.

35 Horace, Satires [Sermones], II, 1, v. 64‑65, éd. Fr. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1969, p. 137.

36 Perse, Satura III, v. 30, dans Satires, éd. A. Cartault, Paris, Les Belles Lettres, 1966, p. 31.

37 G. Agamben, Qu’est-ce que le contemporain ?, op. cit., p. 11.

38 M. Régnier, Satyre V, v. 205-210, éd. cit., p. 56.

39 Juvénal, Satura III, v. 41-48, éd. cit., p. 25-26 : « Que veux-tu que je fasse à Rome ? Je ne sais pas mentir. Un livre, s’il est mauvais, je ne puis le louer ni l’emprunter ; je n’entends rien à l’art de lire dans les astres ; promettre à un fils la mort prochaine de son père, je ne le veux pas et je n’en suis pas capable ; jamais je n’ai fouillé les entrailles des grenouilles. Porter à une femme mariée les commissions et les messages de son amant, je laisse cette besogne à d’autres ; jamais je n’aiderai un voleur, et c’est pourquoi personne ne me demande un coup de main ; je passe pour un manchot, pour un paralytique qui n’est bon à rien ». [C’est nous qui traduisons.]

40 Friedrich Schiller, Über naive und sentimentalische Dichtung [1795], éd. K. L. Berghahn, Stuttgart, Ph. Reclam, 1989, p. 38.

41 Théophile de Viau, Première journée, dans Œuvres complètes, éd. G. Saba, Paris, Champion, 1999, t. II, p. 11.

42 Nous ne sommes pas d’accord avec Jacques Bouveresse qui considère la satire comme une pure négativité, une simple modalité de l’agressivité visant à la destruction : la satire développe selon lui une « volonté de régler au moins leur compte à des choses qui ne paraissent pas crédibles ni respectables, sans se croire nécessairement obligé de les remplacer par autre chose » (« Tradition et rupture : Ludwig Wittgenstein et Karl Kraus », dans Wittgenstein et la critique du monde moderne, actes du symposium Wittgenstein, Bruxelles, La Lettre volée, 1990, p. 109).

43 Lettre à Walter Hasenclever, le 11 avril 1933, dans Politische Briefe, Hambourg, Rheinbeck, 1969, p. 16 : « Daß unsere Welt in Deutschland zu existieren aufgehört hat, brauche ich Ihnen wohl nicht zu sagen. Und daher : Werde ich erst amal das Maul halten. Gegen einen Ozean pfeift man nicht an ».

44 Voir Jacques Bouveresse, Satire et prophétie : les voix de Karl Kraus, Marseille, Agone, 2007, p. 166.

45 Die Fackel, no 800, février 1929, p. 1-2 : « Juvenal hielt bei dem difficile est satiram non scribere. Da war noch Spielraum zwischen Stoff und Gestalt. Er konnte eine Satire schreiben, ja es wurde ihm schwer, keine zu schreiben. Ich war strafweise in eine Zeit versetzt, die es in sich hatte, so lächerlich zu sein, daß sie keine Ahnung mehr hatte von ihrer Lächerlichkeit und das Lachen nicht mehr hörte ».

46 Die Fackel, no 890, 1934, p. 2.

47 K. Kraus, Les Derniers Jours de l’humanité, trad. J.-L. Besson et H. Christophe, Marseille, Agone, 2005, p. 8, 476, 651.

48 Voir Jean Baudrillard, La Société de consommation, Paris, Gallimard, « Folio essais », 1986, p. 19.

49 Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort, Maximes et pensées, ch. v, cccxxxix, Paris, G. Crès, 1923, p. 118.

Citer cet article

Référence électronique

Pascal Debailly, « Indignation satirique et actualité », Pratiques et formes littéraires [En ligne], 19 | 2022, mis en ligne le 12 janvier 2023, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/pratiques-et-formes-litteraires/index.php?id=409

Auteur

Pascal Debailly

Université de Paris Cité – CERILAC URP 4410

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