Guillaume Du Vair sous la Ligue. Des libelles anonymes aux œuvres signées, l’affirmation d’un auteur

DOI : 10.35562/pfl.530

Résumés

Guillaume Du Vair (1556-1621), connu par ailleurs pour son œuvre philosophique néo-stoïcienne, est aussi un homme activement engagé dans les luttes politiques de son temps. D’abord sympathisant de la Ligue, il prend ensuite parti pour Henri IV. Il est l’auteur de plusieurs libelles anonymes, qu’il réunit plus tard dans ses Œuvres complètes. On s’intéresse ici aux divers effets de sens qu’il a tirés de l’anonymat, avant de revendiquer ensuite ses écrits de combat, en intégrant certains de ses libelles du temps de la Ligue à la construction de sa figure d’auteur.

Guillaume Du Vair (1556–1621), otherwise well known for his philosophical works in the neo-Stoic trend, is also actively engaged in the political struggles of his time. First sympathising with the League, he then changes his support to Henri IV. He is the author of several anonymous libels, which he later brings together in his complete works. We are interested here in the impact on his readers he achieved from publishing anonymously before officially claiming to be the author of these seditious texts, while integrating a number of them during the era of the League to the construction of his author identity.

Plan

Texte

L’œuvre de Guillaume Du Vair (1556-1621) offre de multiples facettes : les traités néo-stoïciens1 y voisinent avec les méditations bibliques2, les traductions et la réflexion sur l’éloquence3. À ces travaux, fruits du loisir littéraire d’un grand magistrat, s’ajoute un autre genre de publications : des libelles politiques4, par lesquels Du Vair s’est activement engagé dans les luttes entre royalistes et ligueurs5. Il ne faudrait pas cependant opposer trop frontalement ces deux ensembles de publications, car les œuvres religieuses ou philosophiques ont aussi leurs implications politiques, et en sens inverse, les pamphlets mobilisent volontiers les catégories du néo-stoïcisme chrétien (en faisant l’éloge de la confiance en la Providence ou de la vertu de constance6). Les premiers écrits de Du Vair, qu’il s’agisse des libelles proprement dits ou des opuscules de philosophie et de piété, s’insèrent ainsi dans un même contexte, celui de la Ligue ; ils présentent en outre certains traits communs, comme l’usage du petit format (in-8o, in-12, voire in-24) et le recours à l’anonymat. Nous détaillerons ici les étapes par lesquelles la progressive revendication de ces différents textes dans des éditions collectives a finalement permis leur réunion sous une même « fonction-auteur7 ».

L’édition collective de 1606 : composition et sens politique

En 1606, Guillaume Du Vair, premier président au parlement de Provence, réunit pour la première fois les diverses parties de son œuvre8 dans un bel ensemble de cinq volumes in-8o, qui s’articulent ainsi : Actions et traictez oratoires ; De l’éloquence françoise, et des raisons pourquoi elle est demeurée si basse ; Arrêts sur quelques questions notables prononcés en robe rouge au parlement de Provence ; Traictez philosophiques ; Traictez de pieté et saintes méditations. On y trouve les fruits variés d’une carrière de plume que son auteur présente comme consacrée à la défense de la monarchie française à travers les tempêtes de la Ligue. Du Vair en a personnellement surveillé l’impression lors d’un long séjour à la cour en 1605-16069. En republiant ses œuvres à Paris, chez Abel L’Angelier10, Du Vair voulait attirer l’attention du roi et de la reine sur son parcours et son action à leur service. Peut-être espérait-il obtenir un évêché, comme il en avait déjà fait vainement la demande en 1597 (à Riez) ou en 1602 (à Marseille11), ou bien encore rêvait-il déjà de la charge de garde des Sceaux, qu’il obtiendra finalement en 1616, grâce à Marie de Médicis12.

Le premier tome de ces œuvres (Actions et traictez oratoires) réunit à la fois des discours prononcés dans des assemblées et des libelles diffusés par écrit pour défendre la légitimité d’Henri IV sous la Ligue (1592-1594). À ces pièces s’ajoutent celles de l’époque qui suit, où Du Vair fut envoyé en Provence pour reconstruire l’appareil de la justice royale13. La reprise des libelles en recueil change leur statut : ces pièces volantes, destinées à agir sur l’esprit public dans une conjoncture précise, deviennent des pièces pour l’histoire. Le geste même de rééditer des libelles, par définition « périssables » car étroitement liés à l’actualité, et instruments d’une action par l’écriture dans une conjoncture donnée14, en modifie le sens et la portée. Marc Fumaroli décrivait ainsi la fonction des mémoires aristocratiques :

Les Mémoires sont donc à prendre dans un sens très concret, celui de dossier préparé devant le tribunal de la postérité, mais aussi celui de compte exact de la balance, pour ainsi dire, des échanges entre une grande famille et la dynastie régnante15.

C’est aussi, d’une certaine manière, la fonction du Recueil des harangues et traictez du Sr Du Vair : un grand magistrat, serviteur du roi, y présente ses états de service, dans l’attente d’une forme de gratification et de reconnaissance. Mais il nous faut pour commencer remonter le temps, vers le contexte initial de la publication de ces libelles.

Les deux premiers libelles de Du Vair : l’engagement en faveur de la Ligue

Du Vair, évoluant d’abord dans l’entourage du duc d’Alençon, est plutôt éloigné d’Henri III, à qui il reproche en outre d’avoir disgracié son père, l’avocat Jean Du Vair, tombé en délicatesse financière à partir de 158316. Déçu par le monarque, Du Vair incline vers les Guise entre 1586 et 1588. Il commet alors ses deux premiers « libelles » politiques, qui présentent une singularité commune : ces textes se présentent comme la simple mise par écrit de discours prononcés par d’autres orateurs. Le Sommaire des harangues faites au parlement de Paris, le roi séant, 1586, se donne ainsi comme le résumé des différents discours tenus lors d’un « Lit de Justice » par lequel Henri III voulait imposer la création de nouvelles charges17. Quant à l’Oraison funèbre de la reine d’Écosse, sur le sujet de celle prononcée par M. de Bourges (1588), elle se présente comme la libre réécriture du discours de Renaud de Beaune, prononcé lors d’une cérémonie funèbre à la mémoire de Marie Stuart18. Ces deux libelles expriment un positionnement favorable à la Ligue.

Le Sommaire des harangues faites au parlement de Paris, le roi séant (1586)

Ce libelle paraît sans nom d’auteur, à Paris et à Rouen19. Du Vair y donne les harangues prononcées lors d’un « Lit de Justice » visant à contraindre le Parlement à enregistrer un édit créant de nouvelles charges, afin de lever les fonds nécessaires à la guerre contre les protestants. Les parlementaires défendirent leurs intérêts, craignant de voir leurs charges dévalorisées par la création de nouveaux offices, et ils rappelèrent la nécessité de respecter les prérogatives traditionnelles du Parlement, qui devait pouvoir examiner et critiquer les Édits royaux avant leur enregistrement. La simple publication de ces textes, légèrement remaniés pour leur donner un tranchant plus accusé, prend la valeur d’un acte politique : il s’agit de faire connaître au public le plus large les réticences du Parlement devant la politique fiscale d’Henri III, et d’insister sur le rôle régulateur de l’institution parlementaire, seule capable de freiner les excès de la politique royale20.

C’est en reprenant ce recueil de harangues dans l’édition de ses œuvres, en 1606, que Du Vair revendiquera officiellement ce libelle. Il place cette série de discours en tête de son volume d’Actions et traictez oratoires, et il explique dans une préface le choix de les republier :

Ce qui a le plus persuadé à l’autheur de lascher [sic] aller au jour ces menus ouvrages qui sont cy-devant, ç’a esté qu’il a creu que beaucoup de choses qui y sont remarquées selon la verité des sauvages evenements qui ont paru sur ce theatre de confusion qu’a produit notre guerre civile pourroient ayder ceux qui par une fidele histoire en voudront laisser la memoire à la postérité ; et, trouvant parmy ses papiers ce recueil qu’il avoit fait d’une action fort memorable, il a permis qu’il ait esté adjousté icy, attendant que ceux qui ont les harangues entieres en veuillent gratifier le public21.

Adoptant ici la posture d’un mémorialiste, Du Vair présente ces harangues comme de simples documents servant à dresser le tableau d’une époque marquée par la confusion : la fin du règne de Henri III. Mais comme ce « recueil » de l’éloquence d’autrui se trouve de facto intégré dans le tome des Actions et traictez oratoire du Sr Du Vair, le lecteur comprend que Du Vair revendique de manière implicite d’être la plume qui a composé leur version écrite.

L’un des orateurs cité sans son accord s’est d’ailleurs offusqué du procédé. Achille de Harlay, alors premier président au Parlement de Paris, fut fort surpris de trouver sous son nom un discours qu’il jugea très éloigné de celui qu’il avait effectivement prononcé, et dont il avait conservé la version manuscrite dans ses papiers. Jugeant toutefois inutile de protester publiquement sur ces sujets déjà anciens, il laissa le soin à ses héritiers d’en publier un jour la version correcte, qu’il fit précéder, dans ses archives personnelles, de la note suivante :

Monsieur Du Vair, lors conseiller en notre compagnie, à présent premier président au Parlement de Provence, a inséré cette remonstrance selon sa conception dedans ses actions forenses imprimées cette année. Ceux qui verront après mon deceds l’un et l’autre escrit jugeront le prejudice qu’il m’a faict de mettre en lumiere soubs mon nom chose non seulement defectueuse, mais mal disposée et conceue en forme que je n’approuve point, que j’ai remarqué en son livre le premier juin 160622.

La propre version de Harlay connaîtra bien plus tard une publication posthume dans des recueils collectifs23. La confrontation des deux états du texte, permise par l’édition de René Radouant24, fait toutefois apparaître que la version de Du Vair n’est pas entièrement infidèle (car il reprend bien l’essentiel des arguments et mêmes certaines images des discours qu’il retranscrit), même si elle est plus brève, plus tranchante, plus violente aussi, là où Harlay enrobait davantage les choses.

L’Oraison funèbre de Marie Stuart parut également sous anonymat, mais elle offre un cas de figure un peu différent, puisqu’elle n’a jamais été revendiquée par Du Vair, et ne lui a été attribuée qu’après sa mort.

L’Oraison funèbre de la reine d’Écosse, sur le sujet de celle prononcée par M. de Bourges (1588)

L’Oraison funèbre de la reine d’Écosse paraît en 1588, parfois comme une plaquette séparée, parfois réunie avec d’autres libelles sur le même argument25. C’est une déclamation véhémente et pathétique sur le sort funeste de Marie Stuart, reine d’Écosse, élevée à la cour de France, épouse et bientôt veuve du roi François II, avant de retourner Outre-Manche. Elle avait été décapitée en 1587 à la cour d’Élisabeth Ire. Elle fut alors célébrée comme une martyre par les catholiques de l’Europe entière26.

Le texte de Du Vair se présente comme une libre réécriture « sur le sujet et discours » (c’est-à-dire « sur le thème et sur le plan ») de l’oraison funèbre prononcée par Renaud de Beaune27. Dans sa version écrite, Du Vair radicalise le propos initial, et il déplore avec emphase le sort de cette reine catholique tourmentée par les protestants anglais :

[…] les habitants d’Angleterre, soubs la permission et auctorité de la Royne leur maistresse, entreprennent de juger non une prisonniere de guerre, mais une Royne souveraine, hostesse, voisine, appelée et invitée à se réfugier au païs en sa calamité. Mais accusée de quel crime ? Accusée d’être Catholique. Ô heureux crime ! Ô désirable accusation ! C’est donques contre la pieté, ô barbares Cyclopes, que sont publiées vos loix et dressez vos pretoires. Nul donques n’est innocent devant vous, s’il n’est coulpable devant Dieu d’avoir renoncé à sa religion28.

L’orientation ligueuse de ce texte devient explicite avec l’éloge des Guise eux-mêmes, qui se trouvaient être cousins de la reine défunte. En plaçant ses pas dans ceux de Renaud de Beaune29, Du Vair célèbre d’abord les figures historiques du duc de Guise et du cardinal de Lorraine, avant d’en venir à l’éloge de leurs descendants, qui assistaient en personne à la cérémonie funèbre :

[…] nous voyons devant nous des rayons et rejectons de ce Prince, qui pretendent que c’est par leurs belles et valeureuses actions que leur pere doit tirer sa loüange, non par une si froide commemoration que la nostre. Je croy certainement que ce sont là les flammes qui les eschauffent si vivement et poussent par-dessus les pas de leurs peres à opposer leurs biens et leurs vies à l’impieté, pour affranchir, au pris de leur sang, l’honneur de Dieu, assiégé et combattu par l’heresie. Ç’a bien esté un grand heur à ceste Royne de naistre en la famille de si grands et illustres princes […]30.

On voit combien ce texte est travaillé, dans une version écrite qui imite et accentue encore la véhémence de l’oralité. Ce second libelle est d’abord pour Du Vair un acte militant, qui marque son engagement au côté de la Ligue naissante. Mais c’est aussi l’occasion, pour lui, de faire ses armes en tant qu’orateur et écrivain, en mobilisant toutes les armes de l’éloquence. Dans ces discours écrits, il a voulu à la fois donner l’écho de la version orale initiale et en perfectionner la forme31.

Si l’anonymat permet ici à Du Vair, comme avec le libelle précédent, de mettre en avant le nom de l’orateur officiel, plus connu que le sien, il ne se prive pas de revendiquer activement ce texte de manière officieuse, afin d’en tirer un bénéfice politique personnel et un début de réputation littéraire. On le sait notamment par un recueil manuscrit d’anecdotes tirées des conversations ultérieures de Du Vair en Provence, où l’on trouve la reconstitution qu’il donnait de la publication de l’Oraison funèbre, deux décennies plus tard :

[…] pour gagner aucunement la bonne grace du parti [i. e. la Ligue] en ce qui n’estoit point contre le service du Roy, sur la nouvelle de la mort de la Reyne d’Escosse, on fit de belles funerailles, auxquelles M. de Bourges [Renaud de Beaune] fit la harangue funebre, en laquelle, parce qu’il omit beaucoup de belles choses qui sembloient bien à propos, il [Du Vair] se résolut d’en faire une par écrit, qui était bien elaborée, et l’ayant montrée à quelques-uns du parti, ils la trouverent si belle et avantageuse pour ladite Reyne, qui était fort proche de MM. de Lorraine, qu’elle courut de main en main, et lui en sut-on merveilleusement bon gré, mesme qu’enfin ils [les Guise] la firent imprimer eux-mesmes, y ayant changé quelques petits mots à leur fantaise, dont il [Du Vair] ne se plaignoit point, pour les acquerir mieux32.

Du Vair, dans ces Ana – un peu scandaleuses, comme tous les recueils de ce genre33 – avoue rétrospectivement l’intention qu’il avait alors de s’attirer le « bon gré » des Guise, mais il prétend toutefois que le texte imprimé lui a finalement échappé, et qu’il a été corrigé et aggravé malgré lui.

Dans la reprise posthume de ce libelle dans les Œuvres de Messire G. Du Vair, en 1641, Jacques Ribier, son neveu, revient lui aussi sur les circonstances de cette publication de jeunesse. Du Vair, ayant écouté l’Oraison funèbre prononcée par Renaud de Beaune,

[…] estima que c’estoit un des plus nobles et signalez subjets qu’ait jamais eu l’eloquence. Il se voulut exercer à son tour sur cet argument, comme il a fait sur plusieurs autres ; et dressa ceste oraison qu’il croyait devoir perir dans la poudre de son estude. Mais quelques-uns de ses amis l’ayant tirée de ses mains et laissée eschapper des leurs, elle se trouva sans son gré et à son desceu imprimée et fort changée et depravée selon l’humeur de ceux qui la publierent. Cela a été cause qu’il a permis qu’elle ait esté adjoustée icy selon son original retrouvé entre ses papiers34.

Jacques Ribier, pour ménager la réputation de son oncle, prétend ici que l’Oraison funèbre, si favorable aux Guise, n’était qu’un exercice destiné à une diffusion manuscrite restreinte, et que si le texte a été ensuite radicalisé, ce fut à l’insu de Du Vair. Il s’efforce ainsi d’en minorer la portée politique.

Ces deux versions nous renseignent sur la manière dont Du Vair, en publiant ses deux premiers libelles, a joué des ressources de l’anonymat pour faire circuler sous des noms illustres des textes plus incisifs que ceux réellement prononcés par les orateurs, sans se priver pour autant de se faire connaître officieusement, dans les cercles ligueurs, comme le véritable auteur de ces publications. Ce même anonymat à géométrie variable lui permettra plus tard de choisir de revendiquer ou non ces textes publiés au temps de la Ligue. En 1596, au cours d’une mission diplomatique en Angleterre, à laquelle Du Vair participera avec Harlay de Sancy, la reine lui reprochera l’Oraison funèbre. Du Vair eut alors beau jeu de se réfugier derrière l’anonymat du libelle, pour ne pas en assumer la paternité35. En 1606, Du Vair choisit de ne pas intégrer l’Oraison funèbre dans le recueil de ses Actions et traictez oratoires : il préfèrerait que l’on oublie qu’il en est l’auteur. Mais ses détracteurs ne se privent pas, lorsque Du Vair se présente comme un soutien fidèle du roi Henri IV, de lui rappeler qu’il avait commencé par soutenir d’abord le parti de la Ligue36.

Après le retour à la paix et l’Édit de Nantes, la dimension de polémique anti-protestante, très marquée dans l’Oraison funèbre, n’est plus de mise. Du Vair a donc choisi de ne pas intégrer ce texte pourtant magnifique aux différents recueils de ses œuvres. Devenu premier président au parlement de Provence, il veut désormais apparaître comme un orateur au sens rassis, éloigné de la haine et des passions polémiques ; le néo-stoïcisme qu’il affiche par ailleurs va dans ce sens. Il faudra donc attendre 1625, et la republication posthume des œuvres de Du Vair37, pour que l’Oraison funèbre réapparaisse dans une édition collective – mais à la toute fin du volume, avec d’autres pièces prêtant à polémique (la Remontrance contre l’archevêque d’Aix Paul Hurault de l’Hospital, et des documents secrets sur l’ambassade auprès d’Élisabeth d’Angleterre). Il semble bien que l’éditeur, Sébastien Cramoisy, ait joint à l’impression, au dernier moment, ces textes retrouvés dans les papiers de Du Vair, sans en avertir Peiresc et les amis de Du Vair (Duchesne, Valavez, Alleaume, Bignon, Malherbe, Dupuy…), afin de réaliser un coup éditorial en révélant des pièces scandaleuses ou à tout le moins confidentielles38. L’ajout de ces textes hors pagination réservait la possibilité de les supprimer facilement en cas de censure ou de protestations. La dernière édition des Œuvres de Du Vair, réalisée par Ribier en 164139, sera la première à intégrer officiellement l’Oraison funèbre à sa place chronologique, dans le corpus des Actions et traictez oratoires.

Les deux premiers libelles de Du Vair ont ainsi connu un destin différent : le Sommaire des harangues de 1586 a été recueilli et revendiqué dans les Actions et traictez oratoires de 1606, tandis que l’Oraison funèbre de 1588 est restée, du vivant de Du Vair, un texte anonyme, écarté du corpus officiel de ses œuvres. Ces deux textes ont toutefois suivi une trajectoire similaire. Ce sont d’abord des discours oraux, prononcés par d’autres orateurs, dont la mise par écrit a permis d’accroître la diffusion, tout en conservant la force de l’oralité grâce aux ressources de l’éloquence écrite ; de plus, leur mise en recueil, deux décennies plus tard, a transformé leur nature et en a fait des pièces d’histoire, gardant ainsi mémoire de leur première diffusion écrite sous forme de libelles.

Le règne d’Henri IV : les libelles de Du Vair contre la Ligue

Dans la décennie qui suit, Du Vair change radicalement d’orientation politique : après la mort d’Henri III, il s’éloigne progressivement de la Ligue pour appuyer l’autorité du nouveau roi, dont on espère la prochaine conversion. Certains lui reprocheront cette volte-face un peu tardive : Henri IV était le souverain légitime depuis la mort d’Henri III, en 1589, mais Du Vair a attendu trois ans avant de lui prêter officiellement allégeance. Il le soutient toutefois activement à partir de 1592. Son positionnement politique d’ancien ligueur rallié lui permet de parler plus facilement aux ligueurs modérés, qu’il s’efforcera de ramener vers Henri IV. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui pousseront ce dernier à l’envoyer en mission en Provence, en 1596, pour réduire à l’obéissance une province qui fut largement ligueuse40. Pendant cette seconde période, Du Vair s’émancipe en tant qu’auteur : il ne se contente plus de mettre par écrit des discours d’abord prononcés par d’autres, mais il compose des textes originaux, L’Exhortation à la paix (1592), et la Réponse d’un bourgeois de Paris à la Lettre de Mgr le Légat (1594). Ces libelles circulent à nouveau sous anonymat, et Du Vair les revendique officieusement, dans la coulisse, cette fois auprès des milieux royalistes.

L’Exhortation à la paix (1592)

L’Exhortation à la paix, adressée à ceux de la Ligue est un libelle manuscrit, qui ne nous est connu que par sa reprise dans le volume des Actions et traictez oratoires en 1606. Il reste donc difficile d’en évaluer la diffusion réelle. Du Vair dit l’avoir fait circuler à Paris début 1593, alors que les États réunis par la Ligue tentaient de faire élire un nouveau roi, soutenu par l’Espagne. Du Vair passe en revue tous les prétendants disponibles : le roi d’Espagne ; sa fille ; le duc de Mayenne ; le cardinal de Bourbon ; mais aucun selon lui n’est de taille à réconcilier les Français. Le seul choix qui reste est donc d’accepter Henri IV comme l’héritier légitime de la couronne, en espérant toutefois qu’il deviendra bientôt catholique… Il faut donc espérer, et prier Dieu pour sa conversion, car comme le dit le proverbe biblique, souvent cité par Du Vair, « Les cœurs des Rois sont en la main de Dieu » (Proverbes, xxi, 1).

Dans la republication de ce libelle dans le Recueil de 1606, Du Vair explique ainsi les circonstances de sa rédaction et de sa diffusion :

[…] je m’esvertuai de recueillir toutes les raisons que j’estimois pouvoir servir à demouvoir tant les grands que le populaire d’un si pernicieux dessein [i. e. faire élire l’Infante d’Espagne comme reine de France] ; et en ayant entretenu quelques-uns de mes amis, ils me solliciterent de dresser cette remonstrance et la faire courir. Car, bien que toutes les raisons qui y sont deduictes fussent en l’esprit et en la bouche quasi de tous ceux qui prenoyent la peine de penser sur ce subject, néantmoins ils jugeaient qu’estant disposées par ordre et contemplées tout d’une veüe, elles se pouvaient mieux faire comprendre et donnoient une plus forte impression en l’ame de ceux ès mains desquels elle parviendroit41.

Le locuteur anonyme de ce libelle se présente comme un ancien ligueur repenti, choisissant de soutenir Henri IV par réalisme politique, parce qu’il est le seul à même de réconcilier les catholiques et les protestants, et de ramener rapidement la paix. Du Vair pratique ici une éloquence fondée sur l’argumentation, maniant le logos, s’appliquant à « déduire toutes les raisons » qui peuvent conforter sa cause. On est bien loin du pathos de la haine et de la colère qui se donnait libre cours dans l’Oraison funèbre de Marie Stuart. Du Vair a changé d’éthos : il souhaite désormais incarner un orateur au sens rassis, au service de l’ordre, de la loi et de la raison, en plein accord avec le néo-stoïcisme qu’il professe parallèlement dans son œuvre philosophique.

À cette époque, Du Vair n’intervient pas seulement dans la vie politique par des libelles écrits : il prononce aussi un discours mémorable, la Suasion pour la manutention de la loi salique, le 28 juin 1593. Dans cette intervention visant à contrer l’élection de l’Infante espagnole comme reine de France, Du Vair enjoint les parlementaires à ne pas transgresser la loi fondamentale qui régit la succession des rois de France (la loi salique) ; il rappelle par la même occasion le rôle traditionnel du Parlement de Paris pour protéger l’Institution royale. À la suite de ce discours, un arrêt est voté, avec l’appui des conseillers Molé et Marillac et du président Le Maître42. La Suasion pour la manutention de la loi salique n’a pas connu de diffusion imprimée sur le moment, et Du Vair n’en a donné une version écrite que rétrospectivement, dans ses Actions et traictez oratoires, en 160643. Toutefois, ce discours parlementaire a connu un grand retentissement dans l’opinion parisienne. Du Vair accède alors à une certaine célébrité dans le camp royaliste. Il est salué par les auteurs de la Satyre Ménippée (imprimée en 1594, après avoir circulée sur support manuscrit dès 1593), qui font son éloge, en mettant ironiquement ces paroles défiantes dans la bouche d’un ligueur, le sieur de Rieux :

[…] il n’y a ni bonnet quarré, ni bourlet [coiffe des parlementaires], que je ne face voler s’ils m’eschauffent trop les aureilles : mesmement à ce monsieur Le Maistre, et ce du Vayr, qui mettent les autres en train44.

Cette mention en forme de clin d’œil indique comment la notoriété de Du Vair est désormais bien établie, chez les royalistes comme chez les ligueurs.

Conformément aux vœux de ses partisans, Henri IV ne tarde pas à se convertir au catholicisme, en 1593. Mais la sincérité de cette conversion est mise en doute par les ligueurs, et par le pape lui-même. Du Vair reprend alors la plume pour écrire un nouveau libelle.

La Réponse d’un bourgeois de Paris à la lettre de Monseigneur le Légat (1594)

Le pape Clément VIII ayant refusé de reconnaître la conversion du roi (le 25 juillet 1593, à Saint-Denis), il avait chargé son légat en France, le cardinal de Plaisance, Philippe de Séga, de diffuser une lettre pour le faire savoir, et freiner ainsi les ralliements à Henri IV45. Du Vair répond à ce libelle par la Réponse d’un bourgeois de Paris à la lettre de Monseigneur le Légat du vingt-septiesme janvier 159446. Ce libelle imprimé, diffusé sous anonymat, sera revendiqué en 1606 dans le recueil des Actions et traictez oratoires, avec la préface suivante, qui en explique rétrospectivement la publication :

[…] les Espagnols […] recoururent au Cardinal de Sega, Legat de notre S. Pere, qui dépendoit entierement d’eux […]. Ils tirerent donc de luy un escrit qu’il fit imprimer et publier partout […] Et pour ce que cet escrit ainsi divulgué tant en François qu’en Latin pouvait donner quelque mauvaise impression aux plus foibles esprits et retarder cette réconciliation qui porta enfin avec soi la restauration du Royaume et la conservation de la Religion en iceluy […], Monsieur de Villeroy […] m’escrivit […] que le Roy desiroit que j’y fisse une response sous le nom d’un habitant de Paris, et en termes convenables à cette qualité, qui put faire voir clair à ceux qui estoient enveloppez en ce party, et dissiper les artificieux nuages des opinions ausquelles on les voulait entretenir. Je dressay ce discours pour cet effet, qui fut imprimé et eut cours par ce Royaume, mais assez incorrect47.

Du Vair a donc écrit ce nouveau libelle non plus de son propre chef, mais sur la commande expresse du souverain lui-même, transmise par Nicolas de Villeroy, un ami de longue date48. Ce service de plume demandé par le roi marque à l’évidence une forme de reconnaissance de la loyauté de Du Vair, comme de ses talents d’orateur et d’écrivain. Il s’agissait dans ce libelle de réfuter les arguments contestant la validité théologique de la conversion du roi. À nouveau, c’est l’argumentation qui joue ici le premier rôle, même si le pathos de l’amour de la patrie vient au secours du logos de l’argumentation juridique. Les compétences du conseiller-clerc Du Vair en droit canonique sont ici fort utiles, car il s’agit aussi de défendre les libertés de l’Église gallicane, et de rejeter les prétentions du pape à s’ingérer dans les affaires temporelles du royaume de France49. Ce libelle s’accorde avec le credo des « Politiques », qui faisaient passer l’intérêt de l’État royal avant la défense de la religion catholique, et qui défendaient l’intégrité du royaume de France contre les menées étrangères50.

Ce libelle, pas plus que les précédents, n’est signé par Du Vair. S’agit-il d’une précaution, alors que la capitale est encore tenue par la Ligue ? Mais l’anonymat a surtout ici une fonction rhétorique et stratégique : il permet au locuteur de s’avancer masqué, derrière une « persona » plus neutre, afin d’être lu sans a priori par les ligueurs les moins radicaux, qu’il s’agit de rallier. L’auteur s’y présente donc comme un simple « Bourgeois de Paris », sans révéler son identité, et en laissant ainsi planer un certain flou autour de son appartenance idéologique. Il adopte un éthos stratégique : celui d’un quidam de bon sens, prêt à défendre le nouveau roi par simple réalisme, parce que c’est la meilleure solution pour un retour rapide à la paix. Il affecte même de ne pas croire que le pape ait pu refuser d’entendre le roi, comme on le prétend, et il affirme que ce n’est qu’au prix d’un malheureux malentendu qu’il a voulu l’excommunier.

L’anonymat permet donc à Du Vair d’adopter une identité d’emprunt, plus propice à se faire entendre des ligueurs modérés. Son libelle se distingue, par cette stratégie énonciative habile, d’autres pamphlets contemporains, d’une facture plus ouvertement polémique. C’est le cas par exemple de ce libelle paru à Tours dont le titre même, annonçant clairement la couleur, risquait d’éloigner d’emblée tous les lecteurs du camp adverse : la Response d’un notable serviteur du roy à un sien ami, sur le discours de deux lettres imprimées à Paris sous le nom des prétendus estats du royaume et l’autre du Cardinal de Plaisance, soy disant Leguat en France (Tours, 1594)51. En se présentant dès le titre comme un « serviteur du roy », et en discréditant l’assemblée réunie par la Ligue (de « prétendus états »), et le cardinal de Sega (un « soi-disant légat »), l’auteur de ce libelle ne pouvait guère espérer que ses adversaires écouteraient paisiblement ses arguments ; il s’adressait moins à ses adversaires qu’à des partisans déjà convaincus, pour les conforter dans la lutte commune. Tout autre est la stratégie rhétorique de Du Vair, qui utilise habilement le paravent de l’anonymat pour se présenter comme un Parisien apolitique, de bonne foi et de bon sens, dans l’espoir d’être entendu par des lecteurs du camp opposé.

La levée de l’anonymat pour les œuvres de philosophie et de piété (1594)

Si l’on se tourne à présent vers les œuvres philosophiques et religieuses de Du Vair, parues de 1585 à 1588, en parallèle avec les premiers libelles politiques, on y trouve un usage assez différent de l’anonymat. Pour un auteur débutant, clerc de son état, l’anonymat était aussi une posture d’humilité ; il prétendait faire œuvre utile, sans pourchasser le moins du monde la gloire littéraire. Cet anonymat de bienséance est pourtant levé, en 1594, quand Du Vair signe de son nom une réédition de ses premières œuvres de philosophie et de piété52. Dans la préface, Du Vair revient sur les raisons qui l’avaient d’abord conduit à les faire paraître sans son nom. Il s’agissait, explique-t-il, d’une posture d’humilité, mais aussi de prudence, afin d’éviter la jalousie et la critique :

J’ay cy-devant mis au jour ce petit traicté-ci, avec des Meditations sur quelques Pseaumes de David, et depuis le Manuel d’Epictete et la Philosophie morale des Stoïques sans y mettre mon nom. Comme je n’en attendois pas grande gloire, aussi estoy-je bien aise de n’en avoir point l’envie, que peu de ceux qui ont publié quelque chose de leur vivant ont pu eviter en ce siècle. Ce m’estoit assez que mes amis y prissent quelque plaisir […]53.

Si la levée de l’anonymat est à présent nécessaire, poursuit-il, c’est en réaction à des éditions pirates qui ont corrompu ses textes :

[…] ces petits ouvrages-là s’estans trouvez aggreables à beaucoup de gens, quelques imprimeurs en divers endroits les ont mis sur la presse sans mon sceu, comme un escrit qui n’avait point d’auteur ; et ce faisant, au lieu de corriger les fautes qui estoient assez frequentes ès premieres impressions, ils y en ont adjouté de nouvelles. De sorte qu’il m’en est tombé en main un exemplaire fort gasté54.

Ces petits traités avaient en effet connu une diffusion rapide et non contrôlée. À la même époque, le libraire Abel L’Angelier lança une action en justice contre ces contrefaçons, qui enfreignaient ses privilèges d’impression et de diffusion55. La levée de l’anonymat apparaît dès lors pour l’auteur comme un geste de réappropriation de ses premières œuvres. Du Vair tient également à démentir l’attribution erronée d’autres textes qu’on pouvait chercher à lui imputer :

[…] quelques-uns ayans ouy dire que cela estoit parti de mes mains, m’ont attribué tout plein d’autres escrits qui ont couru de ce temps. Quelques uns l’ont fait par ignorance, de vérité trop grande (car je voy peu de gens qui sçachent que c’est que d’écrire qui ne recognoissent assez mon stil, par beaucoup de marques particulieres, soit qu’elles leur desplaisent, soit qu’elles leur agréent), les autres par une mauvaise humeur et envieux désir […]56.

En somme, Du Vair a fait cette nouvelle édition collective et signée de ses œuvres afin, dit-il, « d’avouer ce qui est mien, et ce faisant désavouer ce que l’on m’a voulu donner de l’autrui57 ». L’auteur entend ainsi circonscrire le corpus précis des textes qu’il accepte de reconnaître. Ces textes divers, mais désormais inscrits sous une même « fonction-auteur », sont unifiés par un style reconnaissable, véritable signature formelle (« je vois peu de gens qui sachent que c’est que d’écrire qui ne reconnaissent assez mon style »). Du Vair exprime par ces mots une pleine conscience de son identité d’auteur. Ses nouvelles œuvres paraîtront désormais sous sa signature en toutes lettres, ou parfois avec ses simples initiales, vestiges de la posture de modestie, mais que les initiés sauront percer à jour sans trop de peine.

Le traité De l’éloquence (1593/94) et l’affirmation du nom d’auteur

C’est en effet avec de simples initiales que Du Vair signe la dédicace du traité De l’éloquence françoise, à Nicolas Le Fèvre, en 159358. Ce texte, qui sert de préface à des traductions d’orateurs antiques, est publié au moment charnière où Paris repasse sous le contrôle des royalistes. Il connaît ainsi, fait rarissime, deux privilèges successifs : publié d’abord sous l’autorité de la Ligue (4 décembre 1593), il fait bientôt après l’objet d’un privilège royal (22 janvier 1594)59. Du Vair y donne un véritable manifeste pour toute son œuvre d’orateur, passée et à venir.

L’anonymat n’est ici qu’une façade, car ces majuscules étaient assez transparentes pour être percées par les initiés. Il semble qu’Estienne Pasquier les décrypte sans difficulté, avec son ironie coutumière, dans une lettre au libraire Abel L’Angelier :

J’ay receu ces jours passez le bel œuvre que vous m’avez envoyé, dont je vous remercie. La France doit beaucoup à l’autheur ; et me semble qu’il s’est faict grand tort d’avoir teu son nom. Il est permis aux laides Damoiselles de se masquer, pour n’être cognuës ; mais quant aux belles, je les condamne d’aller à visage descouvert. S’il se fut nommé, il luy en fust pris comme à ceux qui, pour contrefaire les Stoïques, font un traicté du mespris de la gloire ; toutefois y mettant leurs noms, dementent leurs œuvres par le moyen desquelles ils veulent acquérir ce loz et honneur qu’ils font contenance de mépriser. […] S’il est homme que cognoissiez (comme je m’asseure que faites), vous lui direz de ma part que je veux demeurer son valet […]60.

Tout en faisant un éloge sincère de l’éloquence de Du Vair, Pasquier dénonce avec malice la fausse modestie de cet auteur qui affecte de rester anonyme. L’allusion aux stoïciens, qui professent (en principe) le mépris de la gloire, laisse entendre que Pasquier a reconnu l’auteur de La Philosophie morale des stoïques derrière les initiales.

Dans sa dédicace, pour se défendre du reproche d’apolitisme qui pourrait frapper ces traductions érudites, Du Vair laissait entendre qu’il avait écrit d’autres textes, en parallèle avec ses travaux d’humaniste :

Ces gens-là m’accuseront peut-être de ce qu’au temps où je vis je m’adonne à un travail qui ressent plus l’escole que les affaires auxquelles semblent m’appeler ma vacation […]. Quant à ce qu’ils pourront dire que je pouvais choisir un sujet plus convenable, vous leur respondrez, s’il vous plaist, que je n’ay pas usé à cecy toute mon encre61.

Cette formule, ambiguë à dessein, peut renvoyer aux libelles politiques que Du Vair a publiés sous anonymat, ou bien au traité De la constance, dont il prépare la prochaine publication. Du Vair cherche ainsi à réfuter les critiques de ceux qui lui feraient le reproche mal informé de ne pas s’être assez engagé dans les luttes politiques de son temps. En fait, l’aspect apolitique du traité De l’éloquence française n’est qu’une façade, car en appelant à la renaissance de la grande éloquence politique, Du Vair prédit que le nouveau règne sera l’occasion pour les arts de refleurir, une fois la paix bientôt revenue. Il annonce qu’il pourra jouer le rôle d’un grand orateur, au service de son roi – ce qu’il fera en effet, d’abord au parlement d’Aix, par ses remontrances d’ouverture et par ses arrêts solennels62, et plus tard par les discours qu’il prononcera comme garde des Sceaux de Louis XIII. L’éloquence institutionnelle revêt à ses yeux une dignité supérieure à l’éloquence polémique, à laquelle il s’était adonné, contraint et forcé par les circonstances conflictuelles installées par la Ligue. Pour Du Vair, la fin des troubles ne marque donc pas la fin de la grande éloquence, mais seulement l’extinction de la polémique politique, dont la Ligue avait autorisé les pires excès63.

La pleine affirmation du nom d’auteur : le traité De la constance (1594)

En 1594, quelques mois après le traité De l’éloquence française, et de manière coordonnée avec la réédition signée des premières œuvres de piété et de philosophie, paraît le traité De la constance et consolation ès calamitez publiques64. Pour la première fois, Du Vair signe une œuvre de son nom en toutes lettres : « g. du vair » (en bas de la dédicace, au duc de Montpensier). Le temps de l’anonymat est bel et bien révolu.

On peut voir ce nouveau livre comme une synthèse des libelles politiques et des traités philosophiques antérieurs. C’est une œuvre hybride, qui marie aux développements néo-stoïciens des passages militants en faveur d’Henri IV, roi providentiel, aux rares vertus de clémence et de sagesse. Le traité De la constance couronne ainsi le mouvement d’unification de l’œuvre, avec cette hybridation si singulière du libelle politique et du dialogue philosophique : on y trouve la reprise quasi littérale de certains passages de l’Exhortation à la paix, associés à des passages très proches de l’argument de la Philosophie morale des stoïques. Certains thèmes du Sommaire des harangues y sont aussi présents, comme la critique du règne d’Henri III, qui s’est achevé dans la confusion ; les thèmes de l’Exhortation à la paix et de la Réponse à Mgr le Légat s’y retrouvent aussi, comme le patriotisme anti-espagnol, l’appel à la paix avec les protestants, l’éloge d’Henri IV pour ses qualités morales et politiques, et la célébration de sa conversion. La chute d’Henri III est attribuée à la Providence divine, tandis qu’Henri IV apparaît comme un roi envoyé par Dieu pour redresser le royaume et rétablir la paix65. Ces thèmes trouvent une assise solide dans la philosophie néo-stoïcienne : la raison console contre les passions tristes (deuil, peur ou désespoir) et incite à agir en faveur de la paix et de l’ordre.

Le traité De la constance marque la revendication désormais pleine et entière du nom d’auteur. Ce mouvement se poursuit avec les éditions collectives de 1606 et de 1625. Les Œuvres de 1606 (in-8o) affichent le nom d’auteur non plus à la fin d’une dédicace, mais sur la page de titre du premier tome (Recueil des harangues et Traictez du Sr Du Vair, Pr. Pr. au Parl. de Pr.), quitte à rétablir l’usage des majuscules de modestie, sur la page de titre des tomes suivants : « Par le Sr. D. V. Pr. Pr. au Parl. de Pr. » En 1625, la page de titre de l’édition posthume in-folio donne tout son déploiement au nom d’auteur, en toutes lettres et accompagné de tous ses titres : Les Œuvres de Messire Guillaume Du Vair évêque et comte de Lisieux, et garde des Sceaux de France (Paris, Sébastien et Claude Cramoisy, 1625). Ce titre sera reconduit à l’identique en 1641, à Paris, chez Sébastien Cramoisy, dans la réédition préparée par Ribier, le neveu de Du Vair, soucieux de perpétuer le prestige de son œuvre66.

 

Au fil des éditions et des rééditions, Du Vair a ainsi façonné sa propre figure auctoriale, écartant les textes qui le desservaient, republiant ceux qu’il revendiquait, disposés en cinq parties thématiques et complémentaires. L’édification de cette figure d’orateur illustre dépasse même les bornes de son existence, puisque ses amis (Peiresc et Malherbe) et ses héritiers (son neveu Jacques Ribier), bénéficiant chacun à leur manière du prestige symbolique accumulé, perpétuèrent le culte du « grand homme » par de somptueuses et monumentales rééditions in-folio, jusqu’au milieu du xviie siècle67. La réédition des libelles écrits au temps de la Ligue a conduit ces pièces anonymes et éphémères à une forme de pérennité : elles sont devenues des documents pour l’Histoire, attestant de l’engagement fidèle de leur auteur au service de la Couronne. Réunis dans les œuvres complètes, les libelles y ont retrouvé les petits traités de piété et de philosophie, eux-mêmes affranchis de leur anonymat initial. La disparition des dédicaces et pièces liminaires originelles68 a permis de lisser l’ensemble en effaçant les allégeances successives et parfois contradictoires qui jalonnaient un itinéraire politique sinueux.

Veillant avec soin sur le devenir de chacun de ses textes, Du Vair a joué avec dextérité entre plusieurs types d’anonymats69 : anonymat de combat des libelles politiques (précaution pour l’auteur et son éditeur, et stratégie argumentative pour mieux s’adresser aux lecteurs du camp adverse) ou anonymat littéraire (posture de modestie propre à l’écrivain débutant, et humilité chrétienne liée à la condition de clerc). Ces différentes formes d’anonymat se révèlent finalement transitoires, et elles sont progressivement levées lors de la mise en recueil rétrospective des œuvres, lorsque la distance temporelle a permis de revendiquer des textes qui ont cessé d’être compromettants, et lorsque le renom désormais établi de l’auteur a rendu artificiel le maintien d’un anonymat de modestie. Plus rien ne fait alors obstacle à l’affirmation du nom de l’auteur dans sa gloire, qui subsume désormais, sous une même « fonction-auteur » les œuvres spirituelles, philosophiques, juridiques, littéraires et politiques.

Notes

1 Voir Guillaume Du Vair, Traictez philosophiques, éd. Alexandre Tarrête, Paris, Champion, 2016.

2 Voir G. Du Vair, Premières œuvres de piété : De la saincte philosophie, Méditation sur l'oraison dominicale, Le cantique d'Ezéchias, Méditations sur les pseaumes, éd. Bruno Petey-Girard, Paris, Champion, 2002.

3 G. Du Vair, De l’éloquence françoyse et des raisons pourquoy elle est demeurée si basse, Paris, Abel L’Angelier [1594] ; rééd. R. Radouant [1907] Genève, Slatkine reprints, 1970.

4 Voir G. Du Vair, Actions et traictez oratoires, éd. René Radouant, Paris, STFM/E. Cornély, 1911 (BnF 8 X 14794).

5 Voir René Radouant, Guillaume Du Vair. L’homme et l’orateur jusqu’à la fin des troubles de la Ligue (1556-1596) [1907] Genève, Slatkine reprints, 1970 ; Nancy L. Roelker, One King, One Faith. The Parlement of Paris and the Religious Reformations of the Sixteenth Century, Berkeley, University of California Press, 1996, passim.

6 Voir Alexandre Tarrête, « Le stoïcisme chrétien de Guillaume Du Vair (1556-1621) », dans Stoïcisme et christianisme à la Renaissance, Paris, Éditions Rue d’Ulm, « Cahiers V. L. Saulnier », no 23, 2006, p. 93-115.

7 On connaît ce concept forgé par Michel Foucault dans « Qu’est-ce qu’un auteur ? », texte repris dans Dits et écrits, t. I, Paris, Gallimard, 1994, p. 789-812.

8 Recueil des harangues et traictez du Sr Du Vair, Pr. Pr. au Parl. de Pr. […], Paris, Abel L’Angelier, 1606 (rééditions en 1607 et 1610).

9 Voir Pierre Gassendi, Vie de l’illustre Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, trad. Roger Lassalle et Agnès Bresson, Paris, Belin, 1992, p. 79 et 83.

10 Sur ce grand libraire parisien, voir Jean Balsamo et Michel Simonin, Abel L’Angelier et Françoise de Louvain (1574-1620), Genève, Droz, 2002.

11 Voir les Lettres de Du Vair à Henri IV, publiées par C.-A. Sapey, Études biographiques pour servir à l’histoire de l’ancienne magistrature, 1858, Genève, Slatkine reprints, 1971, p. 383 ; et E. Jarno, « Du Vair évêque de Marseille ? », Revue d’histoire de la littérature française, 2, 1954, p. 195-197.

12 Voir A. Tarrête, « Introduction », dans Traictez philosophiques, éd. cit., p. 18.

13 Voir A. Tarrête, « La Remontrance aux habitants de Marseille de Guillaume Du Vair (1596-1597) », dans Ullrich Langer et Paul-Alexis Mellet (dir.), Les Remontrances (Europe, xvie-xviiie siècle). Textes et commentaires, Paris, Classiques Garnier, 2021, p. 215-236 ; Giuliano Ferretti, « Le discours de bienvenue à Marie de Médicis par G. Du Vair », Exercices de rhétorique, 3 : Sur l’histoire, 2014, [en ligne sur OpenEdition, DOI : 10.4000/rhetorique.207].

14 Voir Christian Jouhaud, Mazarinades. La Fronde des mots, Paris, Aubier, 1985, p. 28 et 36.

15 Marc Fumaroli, « Les Mémoires du xviie siècle au carrefour des genres en prose », repris dans La Diplomatie de l’esprit : de Montaigne à La Fontaine, Paris, Hermann, 1998, p. 194.

16 Voir la mise au point de Robert Descimon, « Guillaume Du Vair : les enseignements d’une biographie sociale », dans B. Petey-Girard et A. Tarrête (dir.), Guillaume Du Vair. Parlementaire et écrivain, Genève, Droz, 2005, ici p. 24-27.

17 G. Du Vair, Actions et traictez oratoires, éd. cit., p. 208-220.

18 Ibid., p. 1-32.

19 Harengue faite par le Roy estant en son conseil [sic pour en Parlement] le seiziesme de juin à la publication de 26 Edicts. En ce compris celle de Monsr. le Chancelier, celle de Monsr. du Plessis [sic pour M. Le Procureur général Faye d’Espeisses], Paris, jouxte la copie imprimee à Lyon par Jean de Tournes, 1586 (BnF 8o Lb34 295) ; une autre édition à Rouen : voir Denis Pallier, Recherches sur l’imprimerie à Paris pendant la Ligue (1585-1594), Genève, Droz, 1975, § 25, p. 224).

20 Voir Sylvie Daubresse, Le Parlement de Paris ou la voix de la raison (1559-1589), Genève, Droz, 2005.

21 G. Du Vair, Actions et traictez oratoires, éd. cit., p. 208.

22 Achille de Harlay, BnF, ms. Fr. 4397, fol. 47 vo, cité par R. Radouant, introduction à G. Du Vair, Actions et traictez oratoires, éd. cit., p. xxiv.

23 Le Trésor des harangues et des remontrances faites aux ouvertures du Parlement, Paris, Michel Robin, 1660 ; Le Trésor des harangues et remontrances faites aux ouvertures du Parlement avec quelques oraisons funèbres des plus grands personnages de ce temps. Par M. L. G., avocat au parlement, Paris, Michel Robin et Nicolas Le Gras, 1680.

24 G. Du Vair, Actions et traictez oratoires, éd.  cit., p. 221-228.

25 Oraison funebre de la tres-chrestienne, tres-illustre, tres-constante, Marie Royne d’Escosse, morte pour la Foy, le 18. Febrier, 1587. par la cruauté des Anglois heretiques, ennemys de Dieu. Sur le subject & discours de celle mesme qui fut faicte en Mars, à Nostre Dame de Paris, au jour de ses obseques & service, & lors prononcee par R. P. Messire Renauld de Beaulne, Archevesque de Bourges, Patriarche d’Acquitaine, Conseiller du Roy en son Conseil privé, & d’Estat, s. l., s. n., 1588 (BnF Nm. 150) ; autres éditions à Paris, chez Guillaume Bichon, 1588 (BnF Nm 150 A) et à Lyon, chez Benoît Rigaud : voir D. Pallier, Recherches sur l’imprimerie, op. cit., § 119, p. 245. Le texte est aussi publié dans des recueils polémiques : le Martyre de la Reine d’Ecosse. Douairiere de France. Contenant le vrai discours des trahisons à elle faites à la suscitation d’Elisabeth anglaise, par lequel les mensonges, calomnies et fausses accusations dressées contre cette très-vertueuse, très catholique et très illustre princesse sont éclaircies et son innocence avérée. Avec son oraison funèbre prononcée en l’Eglise Notre-Dame de Paris, Edimbourgh, Jean Nafeild, 1588 (BnF Nm 148 ; Ste Gen. 8o O 166 Rés.) ; et dans le Martyre de la Reine d’Ecosse […]. Sont adjoustées deux oraisons funèbres, l’une latine, et l’autre française ; et un livre de poèmes latins et françois. Le tout sur le même sujet, Anvers, Gaspar Fleysben, 1588 (BnF Nm. 149).

26 Voir par exemple Richard Verstegan, Le Théâtre des cruautés des hérétiques de notre temps [1587], éd. Frank Lestringant, Paris, Chandeigne, 1995, p. 140-141.

27 Du Vair et Renaud de Beaune, évêque de Bourges, avaient tous deux appartenu à l’entourage du duc d’Alençon. Mais Beaune était désormais un proche d’Henri III, tandis que Du Vair, dont le père avait été disgracié par le monarque, avait pris lui-même ses distances avec le roi. Sur Renaud de Beaune, voir la notice de Jacqueline Boucher dans Arlette Jouanna et al. (dir.), Histoire et dictionnaire des guerres de Religion, Paris, Robert Laffont, 1998, p. 706-707.

28 G. Du Vair, Oraison funèbre de Marie Stuart, dans Actions et traictez oratoires, éd. cit., p. 18.

29 Voir R. Radouant, Guillaume Du Vair, op. cit., p. 107.

30 Ibid., p. 6.

31 Voir A. Tarrête, « La publication des harangues : de l’action à l’impression », dans Christian Jouhaud et Alain Viala (dir.), De la publication. Entre Renaissance et Lumières, Paris, Fayard, 2002, en particulier p. 36-46.

32 Mémoires de Marguerite de Valois, suivis des Anecdotes de l’histoire de France […] tirées de la bouche de M. le garde des Sceaux Du Vair, éd. Ludovic Lalanne, Paris, Pierre Jannet, 1858, p. 238-239 ; voir R. Radouant, Guillaume Du Vair, op. cit., p. 113.

33 Voir Francine Wild, Naissance du genre des Ana (1574-1712), Paris, Champion, 2001.

34 Jacques Ribier, Œuvres de Messire G. Du Vair, Paris, Sébastien Cramoisy, 1641, p. 740, cité par R. Radouant, Guillaume Du Vair, op. cit., p. 112.

35 Voir R. Radouant, Guillaume Du Vair, op. cit., p. 111.

36 Jean-Louis Guez de Balzac écrit ainsi, dans un pamphlet anonyme commandé par le duc d’Epernon : « Vous estiez embarqué en un party, dans lequel vous n’avez pas servi le Roy, ou vous ne l’avez pu servir en homme de bien » (Copie d’une lettre escrite à M. le garde des Sceaux sur ce qui se passa en l’église Saint Germain l’Auxerrois le jour de Pasques […], 1618, repris dans les Premières Lettres, éd. H. Bibas et K.-T. Butler, Paris, STFM/Droz, 1933-1934, t. 2, p. 76). Sur cette polémique, voir A. Tarrête, « La querelle qui opposa Du Vair au duc d’Épernon (1618) et le pamphlet de Guez de Balzac », dans B. Petey-Girard et A. Tarrête (dir.), Guillaume Du Vair, op. cit., p. 123-140.

37 Les Œuvres de Messire Guillaume Du Vair evesque et comte de Lizieux, garde des Seaux de France […], Paris, Veuve L’Angelier et Sébastien Cramoisy, 1625.

38 Voir R. Radouant, Guillaume Du Vair, op. cit., p. 116.

39 Les Œuvres de Messire Guillaume Du Vair evesque et comte de Lizieux, garde des seaux de France. Derniere edition, reveue, corrigee et augmentee, Paris, Sébastien Cramoisy, 1641.

40 Voir A. Tarrête, « La Remontrance aux habitants de Marseille », art. cité.

41 Préface à l’Exhortation à la paix, dans Actions et traictez oratoires, éd. cit., p. 63-64.

42 Voir Sylvie Daubresse, « Autour de l’arrêt Le Maistre (28 juin 1593) », dans Olivier Descamps, Françoise Hildesheimer, Monique Morgat-Bonnet (dir.), Le Parlement en sa cour. Études en l’honneur du professeur Jean Hilaire, Champion, 2012, p. 149-170.

43 G. Du Vair, Actions et traictez oratoires, éd. cit., p. 110-144.

44 Harangue de Rieux, dans la Satyre ménippée, éd. Martial Martin, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2010, p. 120.

45 Ce sont les Literæ illustrissimi ac reverendissimi D. Cardinalis Placentini, S.D.N. papæ Clementis VIII et sanctæ sedis apost. in regno Franciæ de latere legati, ad universos ejusdem regni catholicos, quibus summi pontificis mens circa ea, quæ nuper Romæ gesta sunt, significatur, Paris, Rolin Thierry, 1594 (BnF 8o Lb35 519) ; cette lettre est traduite en français sous le titre : Lettre de Mgr l’illustrissime et reverendissime Cardinal de Plaisance, Legat de N. S. Père et du Saint Siège apostolique au royaume de France : à tous les catholiques du mesme royaume, par lesquelles est déclarée l’intention de sa Sainteté, touchant ce qui s’est naguères passé à Rome, Paris, Rolin Thierry, 1594 (BnF Lb35 520) ; voir D. Pallier, Recherches sur l’imprimerie, op. cit., § 858 p. 427.

46 Réponse d’un bourgeois de Paris à la lettre de Monseigneur le Légat du vingtseptiesme janvier 1594, Paris, s. n., 1594 (BnF Lb35 527 ; Bib Ste Gen. 8o L. 116 Rés. no 7) ; voir D. Pallier, Recherches sur l’imprimerie, op. cit., § 858 p. 427.

47 G. Du Vair, Actions et traictez oratoires, éd. R. Radouant, op. cit., p. 145.

48 Sur Villeroy, voir l’article de J. Boucher dans Histoire et Dictionnaire des guerres de Religion, op. cit., p. 1367-1371.

49 Sur cet aspect, voir A. Tarrête, « Un gallican sous la Ligue : Guillaume Du Vair (1556-1621) », Revue de l’histoire des religions, 226 : La Culture gallicane. Références et modèles (droit, ecclésiologie, histoire), Sylvio de Franceschi, Frédéric Gabriel et Alain Tallon (dir.), 2009/3, p. 497-516, [en ligne sur OpenEdition, DOI : 10.4000/rhr.7280]. Sur le contexte de cette polémique, voir Alexandre Goderniaux, « Plus catholique que le pape ? Les figures du souverain pontife dans les libelles de la Ligue parisienne (1585-1594) », dans Claudia d’Alberto (dir.), Imago papæ. Le Pape en image du moyen Âge à l’époque contemporaine, Rome, Campisano Editore, 2020, p. 293-304.

50 Sur le patriotisme des « Politiques », voir Myriam Yardeni, La Conscience nationale en France pendant les guerres de Religion (1559-1598), Louvain, Nauwelaerts, 1971.

51 BnF Lb35 539 ; texte cité par R. Radouant, Guillaume Du Vair, op. cit., p. 361 n. 3, et p. 372.

52 La Sainte Philosophie. La Philosophie morale des stoïques. Manuel d’Epictète. Exhortation à la vie civile. Et plusieurs autres traités de pieté. Par Guil. Du Vair, Lyon, Jacques Roussin, 1594 (BM de Grenoble F. 6934). Cette édition lyonnaise démarque sans doute une édition parue chez L’Angelier (l’éditeur officiel de Du Vair), qui n’a pas été retrouvée.

53 G. Du Vair, « Au lecteur », dans De la saincte philosophie, traité édité dans les Premières Œuvres de piété, éd. cit., p. 75.

54 Ibid.

55 Acte du 12 novembre 1593, signé Michon et Chevalier (A. N. X 2a 149 fo 1-2), cité par D. Pallier, Recherches sur l’imprimerie, op. cit., p. 515 ; et par Michel Simonin, « Les contrefaçons lyonnaises de Montaigne et Ronsard au temps de la Ligue », dans François Moureau (dir.), Les Presses grises. La contrefaçon du livre (xvie-xixe siècles), Paris, Aux Amateurs de Livres, 1988, p. 142 n. 17 (il faut lire, parmi les livres cités, La Philosophie morale des stoïques).

56 G. Du Vair, « Au lecteur », dans De la saincte philosophie, éd. cit., p. 75.

57 Ibid., p. 76.

58 G. Du Vair, De l’éloquence françoyse, éd. cit. Voir sur ce traité Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, Genève, Droz, 1980, p. 505-512 ; Richard Crescenzo, « Le traité De l’éloquence françoise de Du Vair : une réponse à la position de Montaigne sur l’éloquence ? », dans Claude-Gilbert Dubois (dir.), Montaigne et Henri IV, Biarritz, J & D Éditions, 1996, p. 165-189.

59 Voir Jean Lagny, « Le Traité de l’éloquence de G. Du Vair, ses éditions, ses privilèges », Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 1959, p. 45-59.

60 Lettre de Pasquier à L’Angelier, citée par R. Radouant, De l’éloquence françoise, éd. cit., p. 124. Les deux auteurs partageaient le même éditeur. La lettre en question n’ayant été imprimée qu’en 1619, par André Du Chesne (Paris, J. Petit-Pas et L. Sonnius), il est aussi possible que Pasquier ait ajouté ou précisé ce trait par la suite.

61 Ibid., « À M. Le Fevre, advocat en Parlement », p. 130.

62 Voir Bruno Méniel, « La justice dans les harangues de G. Du Vair au parlement de Provence », dans B. Petey-Girard et A. Tarrête (dir.), Guillaume Du Vair, op. cit., p. 291-307 ; A. Tarrête, « Les arrêts en robe rouge de Guillaume Du Vair », dans Laurence Giavarini (dir.), L’Écriture des juristes (xvie-xviiie siècles), Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 259-275.

63 Il n’y a sans doute pas lieu de faire de Du Vair un « nostalgique » de l’éloquence « républicaine », contrairement à la lecture de Marc Fumaroli, pour qui « le rétablissement de l’ordre monarchique avait tari les occasions d’éloquence civique » (L’Âge de l’éloquence, op. cit., p. 513). Aux yeux de Du Vair, la fin de la Ligue ne marque pas la disparition de l’éloquence politique, mais bien sa transformation et sa renaissance dans un cadre institutionnel.

64 Du Vair, De la constance et consolation ès calamitez publiques, Paris, Mamert Patisson et Abel L’Angelier, 1594. Une deuxième édition corrigée paraît dès 1595 (Lyon, Nicolas Choquenot). Édition reproduite sur Numelyo, site de la bibliothèque municipale de Lyon.

65 Voir G. Du Vair, De la constance, dans les Traictez philosophiques, édcit., p. 226 et 205.

66 Édition reproduite sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k573711

67 R. Descimon, « Guillaume Du Vair », art. cité, p. 54-56.

68 Voir « L’imprimeur aux lecteurs », en tête de l’édition de 1606 (Traictez philosophiques, édcit., p. 288).

69 Sur cette question, voir B. Parmentier (dir.), Littératures classiques, 80, 2013, L’Anonymat de l’œuvre à l’époque moderne (xvie-xviiie siècles).

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Référence électronique

Alexandre Tarrête, « Guillaume Du Vair sous la Ligue. Des libelles anonymes aux œuvres signées, l’affirmation d’un auteur », Pratiques et formes littéraires [En ligne], 20 | 2023, mis en ligne le 14 décembre 2023, consulté le 16 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/pratiques-et-formes-litteraires/index.php?id=530

Auteur

Alexandre Tarrête

Sorbonne Université – CELLF UMR 8599

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