Lancer une nouvelle revue est un pari intellectuel, éditorial et collectif. C’est aussi, dans le cas présent, un engagement démocratique et scientifique. En choisissant de créer la Revue d’étude et de culture parlementaires, nous voulons répondre à un besoin que nous estimons croissant : celui d’un espace de réflexion interdisciplinaire, comparatiste et accessible à tous sur le Parlement, institution cardinale et pourtant souvent méconnue de la démocratie représentative.
Alors que les institutions parlementaires traversent des temps troublés, tantôt contestées, tantôt ignorées – ou, parfois, même (excessivement) idéalisées –, il nous semble nécessaire de poser un regard renouvelé sur ce qu’est le Parlement, sur ce qu’il fait, sur la manière dont il fonctionne, dont il se transforme, dont il est perçu. Ce regard doit être, tout à la fois, rigoureux, critique, distancié, mais aussi curieux, ouvert et attentif à la pluralité des approches et des méthodes. Il convient d’interroger les cultures parlementaires à travers la diversité de leurs formes, de leurs pratiques déclarées ou tacites, de leurs textes et de leurs silences, de leurs espaces publics autant que de leurs coulisses.
C’est là l’ambition de cette revue, inédite en langue française. L’étude du Parlement ne saurait se résumer à une seule discipline et se déploie, bien au contraire, dans un champ d’investigation multiple et divers : droit parlementaire, science politique, histoire des institutions, sociologie du travail parlementaire, économie politique, philosophie de la représentation, anthropologie des assemblées ou, encore, analyse comparée des systèmes représentatifs. Au croisement de ces disciplines, de toutes ces disciplines, la Revue d’étude et de culture parlementaires souhaite accueillir des contributions variées, qu’elles proviennent de chercheurs, de praticiens, d’analyses d’archives ou d’études de terrain. Elle entend aussi s’adresser à un public large : ceux qui s’interrogent sur le fonctionnement de la démocratie, sur les rouages de la décision publique, sur les formes de représentation politique aujourd’hui. Chercheurs et étudiants, fonctionnaires et collaborateurs parlementaires, journalistes, citoyens intéressés… La revue s’adresse à tous les curieux du Parlement.
Ce premier numéro a une valeur inaugurale. Il donne le ton, trace une ligne, propose une cartographie des approches contemporaines du fait parlementaire. Le dossier thématique « Étudier le Parlement » rassemble des contributions qui posent les jalons d’un champ en pleine (re)construction. À travers une diversité de regards, il explore la légitimité scientifique de l’objet parlementaire, ses tensions épistémologiques, ses méthodes d’analyse, ses enjeux démocratiques. Plusieurs textes interrogent la spécificité française, d’autres mettent en perspective les expériences étrangères, les démarches comparées ou les collaborations entre chercheurs et praticiens.
Dès la contribution d’Olivier Rozenberg, qui souligne la difficulté constitutive d’étudier le Parlement, le lecteur est invité à réfléchir aux limites, aux défis et à la fécondité d’une telle entreprise. D’autres textes, comme ceux de Pierre-Louis Paillot ou d’Olivier Costa, interrogent la place de l’objet parlementaire dans les disciplines établies. Les regards historique, avec Nicolas Lumbroso par exemple, ou économique, avec Cyril Benoît, se conjuguent aux analyses juridiques et politistes, illustrées notamment par les contributions d’Audrey Bachert-Peretti, de Julian Clarenne, de Basile Ridard, de Julien Robin et de Jean-François Godbout ou de Marie-Elisabeth Boggio-Motheron. Le dossier montre que le Parlement peut – et doit – être étudié aussi bien de l’intérieur que depuis ses marges, dans ses circonscriptions, dans ses relations avec les citoyens, avec les territoires, avec les autres institutions, comme l’illustrent encore les études de Lucie Havard, d’Antonin Gelblat, d’Alexandre Marais ou d’Alexis Buixan. Ce numéro donne également une place importante aux initiatives institutionnelles et académiques qui contribuent à structurer ce champ (le Comité d’histoire parlementaire et politique, la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, la Chaire Eugène Pierre, la Chaire d’études parlementaires).
Au dossier thématique de chaque numéro s’ajouteront aussi deux rubriques. L’une, « Vie parlementaire », susceptible de réunir des varia, permettra d’apporter un autre éclairage sur les assemblées, leur organisation et leur fonctionnement. Pour ce premier numéro, elle s’ouvre sur un entretien avec Damien Chamussy et Éric Tavernier, secrétaires généraux de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle accueille également une étude des archives administratives de 1993 des assemblées par Mohesh Balnath. L’autre, « Le Parlement pour tous », entend participer d’une autre manière encore à l’enjeu démocratique et d’ouverture : pour rendre accessible le Parlement, les Parlements. La voie du dessin, celui de Bruce Parramore, inaugure la rubrique.
Ce premier numéro est ainsi porteur d’un projet fondateur : donner une voix, un lieu, un souffle à une communauté de recherche et d’intérêt autour du Parlement. Il ne prétend pas clore un débat, mais l’ouvrir. Il appelle d’autres explorations, d’autres collaborations, d’autres confrontations d’idées. Il invite à penser le Parlement non seulement comme une institution juridique ou politique, mais aussi comme un espace vivant, traversé de conflits et de compromis, de normes et de pratiques, de récits et de cultures.
Nous remercions chaleureusement celles et ceux qui ont accepté de contribuer à ce premier numéro. Leurs textes constituent la première pierre d’un édifice que nous espérons durable, exigeant et stimulant. La Revue d’étude et de culture parlementaires est désormais ouverte : à la recherche, à la discussion, à la démocratie.