La pandémie de la Covid-19 a mis à rude épreuve le modèle économique africain, notamment en éprouvant significativement la fidélité et la régularité de l’application du droit des affaires en période d’extrême instabilité1. Très rapidement la diversité de règles applicables sur un même champ géographique a révélé les limites de l’ordre juridique des affaires à assurer à l’Afrique une économie prospère2. Le continent africain est en effet marqué par une multiplicité des blocs d’intégration d’ordre politique, juridique et aussi économique3. De ce fait, les États africains se retrouvent membres de plusieurs communautés d’intégration à la fois4.
Cette situation génère des conditions favorables à un chevauchement permanant de cadres. Ainsi sur un même terrain, on peut se retrouver en face d’une confrontation de règles nationales ou de règles supranationales résultant des multiples accords auxquelles les États sont parties5. La coexistence de ces communautés, d’une part entre elles, et d’autre part avec des règles nationales disparates, qui ne se meuvent pas toujours dans la même trajectoire institutionnelle et qui ne partagent pas toujours les mêmes objectifs économiques, ne garantit pas la même cohérence juridique et politique. Cet état de choses est source d’incohérence et d’encombres dans la mise en œuvre des programmes d’intégration économique. Le progrès économique demeure donc assez faible avec un rythme discontinu suivant les régions.
Cependant, ces efforts d’intégration méritent d’être suffisamment exploités pour parvenir à une uniformisation complète des règles applicables aux activités économiques en Afrique. En cela la prospérité du cadre juridique de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) est un exemple remarquable6. On retrouve également des organisations sous-régionales à compétences spéciales qui ont opéré une harmonisation des législations sectorielles. Il s’agit, notamment, en matière d’assurance, de la Conférence interafricaine des marchés d'assurances (CIMA)7 et, en matière de propriété intellectuelle, de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI)8. Il existe également bien d’autres domaines intéressant le droit des affaires comme la concurrence9 dont la compétence est notamment partagée entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)10, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)11 ainsi que la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC)12.
Devant toute cette pléthore de regroupements sous-régionaux, l’encadrement juridique de l’activité économique en Afrique est non seulement lourd, mais aussi budgétivore en raison du financement à consentir pour le fonctionnement de l’architecture institutionnelle de chaque regroupement. L’efficience économique et l’efficacité juridique sont de ce fait amenuisées. Pour seulement un champ géographique, « trop d’intégrations tue l’intégration ». Au regard donc de cette situation, les perspectives d’amélioration de l’espace économique francophone d’Afrique ne peuvent passer sous silence la nécessité d’aller vers l’intégration juridique et l’uniformisation du droit des affaires dans toute l’Afrique francophone. C’est dans cette optique que s’inscrit la présente réflexion afin de mener une étude prospective sur l’uniformisation du droit applicable aux activités économiques dans l’espace économique francophone d’Afrique.
En effet, la Francophonie13 est depuis plusieurs décennies consciente de la nécessité de renforcer la dimension économique de son action sur les territoires ayant en commun l'usage du français14. Si, à la lecture des objectifs premiers de la Francophonie, l’économie ne semble pas ultime, elle n’a jamais été négligée dans le volet coopération de la Francophonie. L’économie occupe désormais une place de choix dans les actions de cette institution depuis le sommet de Dakar de novembre 2014 où elle a décidé de se doter d’une stratégie spécifique en la matière15. La langue française étant la mieux partagée dans la sphère de la francophonie, il convient de l’utiliser pour traiter les sujets importants du présent et du futur de la société francophone, notamment la croissance, l’industrialisation, l’éducation, l’emploi et l’entrepreneuriat, qui se regroupent au sein du terme économie16. En effet, la langue est un facteur d’intégration naturelle des espaces géographiques et des peuples. L’intégration étant idéal pour un développement harmonieux, son maintien et son affermissement exigent plus que le simple fait de partager une langue commune17.
C’est le paradigme qui sous-tend l’institution de la Francophonie, afin de renforcer l’intégration entre les pays ayant le français en commun à travers la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique, de la paix de la démocratie et des droits de l’Homme. L’institution vise également le développement d’une coopération économique au service du développement durable18. Ce dernier axe a permis de jeter les bases d’une réflexion autour des concepts, réalités et perspectives de « l’espace économique francophone ». Une telle réflexion intéresse le juriste, en ce qui concerne particulièrement le cadre juridique qui devrait organiser l’espace et les activités économiques au sein de la communauté. Ceci fait donc appel à l’idée d’uniformisation qui se doit d’être dans l’air du temps, c’est-à-dire adaptée aux contextes particuliers des espaces concernés, tout en mettant en avant les exigences de « globalisation » et du développement durable.
Pour ce faire, il convient de se poser certaines questions capitales. D’abord, sur l’opportunité pour les États africains francophones de se « séparer » des textes hérités de l’époque coloniale (encore disparates et diversifiés) pour asseoir un véritable cadre juridique uniformisé et moderne des affaires. Ensuite, sur le modèle d’uniformisation juridique à implémenter pour améliorer la sécurité juridique dans l’espace économique africain en partant de l’unité par la langue française. Enfin, sur la possibilité de mettre à contribution les organes de la Francophonie, afin de faciliter la construction d’un cadre juridique unique des affaires dans l’espace francophone d’Afrique, à l’aune du cadre juridique OHADA. La conjugaison de toutes ces interrogations permet de ressortir la problématique essentielle de la présente étude. Quelle contribution pour la Francophonie dans la construction d’une intégration juridique des affaires en Afrique francophone ? Répondre à cette question implique de faire un état des lieux de l’existant qui révèlera dans un premier temps une pluralité des normes commerciales sources de chevauchement des accords en Afrique francophone19. Dans un second temps, l’état des lieux permet de faire une rétrospective de l’effort dispersé d’intégration juridique en Afrique, démontrant le rôle qu’a joué la Francophonie dans la mise en place de ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui le « droit africain des affaires »20.
Ces pistes identifiées permettent déjà d’affirmer que la présente réflexion n’a pas pour objet de construire un énième cadre de regroupement régional en Afrique, mais de poser les bases d’une intégration politique et économique unique par le biais du droit des affaires. En perspective, il conviendra de viser en Afrique une uniformisation, à l’instar de l’Union européenne, qui permettra de se passer des petits blocs sous-régionaux d’intégration existants pour aller vers l’unicité dans l’intégration. Le droit des affaires peut servir de banc d’essai, notamment sous les auspices de la Francophonie et de l’OHADA qui seront les moteurs de cette future intégration unique en Afrique pour une croissance durable.
Pour construire une feuille de route réalisable, il convient de revisiter les liens entre les deux institutions en analysant principalement le rôle de la Francophonie dans l’institution de l’OHADA (I). Toutefois, pour partir sur des fondements sûrs, en s’éloignant de tout optimisme béat, il faudrait rechercher une intégration juridique d’abord dans l’« univers » francophone Africain, avant de se lancer dans l’uniformisation totale du droit africain des affaires. En cela, le parachèvement de l’œuvre d’intégration peut facilement reposer sur les épaules de la Francophonie (II).
I. La contribution inachevée de la Francophonie à l’uniformisation du droit des affaires
Le processus d’uniformisation du droit des affaires en Afrique a commencé dans les années 1990 en assurance, notamment à travers la CIMA, voire plus tôt avec la Convention de coopération en matière de contrôle des entreprises et d’opérations d’assurance (CICA) de 1962. Mais ce cadre étant sectoriel, il a fallu l’avènement de l’OHADA pour parvenir à une véritable uniformisation à travers la construction d’un droit matériel unifié pour plus d’un tiers des États africains. Cet instrument d’intégration économique par le droit a bénéficié d’une attention particulière de la communauté internationale. Le rôle de la Francophonie a été déterminant. L’on peut personnifier ce rôle à travers l’engagement manifesté par M. Abdou Diouf, d’abord en tant Président de la République du Sénégal, puis en tant que Secrétaire général de la Francophonie, notamment lors de la signature du traité fondateur de l’OHADA dans l’environnement du sommet de la Francophonie tenu à Maurice le 17 octobre 199321. De même, lorsque l’OHADA traversait sa première crise, c’est par l’expertise de la Délégation à la démocratie, des droits de l’Homme et de la paix de l’OIF qu’une panacée a été trouvée, à travers la signature du traité révisé, en marge du sommet de la Francophonie à Québec le 17 octobre 2008. Si ce positionnement de la Francophonie a été décisif à l’émergence de l’OHADA (I.1.), cela n’empêche pas de remarquer qu’elle a joué un rôle inachevé (I.2.).
I.1. Le rôle décisif de la Francophonie dans la construction de l’OHADA
Certains considèrent à juste titre le droit OHADA comme un droit francophone. C’est notamment parque qu’il s’agit d’un droit d’inspiration française reposant sur le système juridique romano-germanique par opposition au système anglo-saxon ou de la Common Law22. C’est aussi beaucoup plus parce que ce cadre juridique a émergé sous « l’aile » de la Francophonie (I.1.1.) qui n’a, depuis lors, cessé de renforcer son action en vue de parvenir à une intégration juridique aboutie (I.1.2.).
I.1.1. La fondation d’un cadre d’intégration juridique prospère sous l’aile de la Francophonie
La contribution de la Francophonie à la mise en place de l’OHADA n’est pas difficile à démontrer, en raison de son caractère déterminant. En effet, en concevant une réponse africaine aux problèmes d’hétérogénéité législative des États africains dont les intérêts et cultures sont le plus souvent empreints de similitudes, les fondateurs de l’OHADA23 à la recherche d’un soubassement de taille susceptible de servir de fer de lance à leur gigantesque projet, se sont très rapidement relayés sur la Francophonie. C’est pour cette raison qu’aussi bien le traité fondateur de l’OHADA que le traité révisé, ont été signés à l’occasion des sommets de la Francophonie, pour le premier à Port-Louis et pour le second à Québec. Cela dénote le rôle fort considérable qu’ont joué les organes institutionnels de la Francophonie pour la mise en place de ce droit. Il ne faut surtout pas occulter le fait que, pour convaincre les États de partir au traité de l’OHADA, le plaidoyer de la Francophonie a été indispensable afin d’amener les dirigeants d’alors à s’intéresser au projet d’intégration juridique qui avait a priori toutes les chances d’échouer en raison des multiples concessions qu’il requiert de la part des États.
Entre autres écueils fatals que le plaidoyer de la Francophonie a permis de dissiper chez les États parties, c’est l’articulation qu’il fallait faire entre les textes nationaux et les dispositions des futurs actes uniformes24, la difficile répartition de compétences entres les juridictions suprêmes nationales et la future Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA25. L’actualité de ces difficultés se traduit par la réticence à l’adoption de textes uniformes dans certains domaines, tels que l’avant-projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit des obligations26 et de celui sur le droit du travail27.
Il a donc fallu, pour ce faire, démontrer l’anachronisme qui caractérisait le maintien des dispositifs législatifs singuliers internes et qui entravait l’efficacité économique28. Aujourd’hui en dépit des défis d’extension aussi bien matérielle que géographique qui demeurent, l’OHADA a réussi le pari en mettant fin au décalage des règles de droit et à la diversification des dispositifs nationaux qui embrouillait la lisibilité juridique de l’espace économique de l’ensemble des États membres qui sont pour la plupart membres de la Francophonie29. La diversité juridique qui handicapait l’économie de ces pays, a fini par céder la place à l’intégration30. Après plus de deux décennies d’existence, l’OHADA a fait ses preuves et a réussi à s’aligner dans la logique de la mondialisation dont le fil d’Ariane reste la constitution de grands pôles économiques31.
En outre, l’empreinte tangible de la Francophonie dans l’OHADA est l’« imposition » du français comme langue de travail. Ce choix se conçoit aisément dans la mesure où les pays fondateurs de l’OHADA sont tous francophones. Les quelques États non francophones s’accommodent tant bien que mal de l’inconvénient consistant à traduire les textes de l’OHADA dans leur langue officielle. Si le maintien de la langue française comme langue de travail de l’union est la marque de fabrique de la Francophonie32, il reste vrai que cela peut constituer un handicap sérieux à l’extension de l’OHADA à des États non francophones. Un auteur pensait d’ailleurs que si l’OHADA venait à recueillir l’adhésion de nombreux autres pays non francophones, il serait difficile d’imaginer que le monopole du français pourra être maintenu sans aménagement33.
Heureusement, cette crainte connaît un dénouement depuis que les structures de l’OHADA ont décidé de communiquer officiellement en trois langues – le français, l’espagnol et le portugais – en vue de rompre la marginalisation que subissaient les États membres non francophones comme la Guinée-Bissau et la Guinée équatoriale. Cette adaptation est sans doute entreprise dans le but également de lever l’obstacle linguistique vis-à-vis de tous les autres États africains non francophones qui hésitent encore à rejoindre l’OHADA.
Par ailleurs, l’intervention de la Francophonie dans l’espace OHADA va au-delà de l’existence même de l’ordre juridique et s’étend à la recherche de l’effectivité des actes uniformes à travers l’appui à la formalisation des activités économiques qui constitue une étape essentielle à l’émergence. En effet, le premier défi lié à l’effectivité du droit OHADA est l’assaut de l’« économie informelle » qui reste une économie injuste par nature en ce qu’elle se résume quasiment à la loi du plus fort et renforce la marginalisation de l’effort d’un nombre important d’acteurs économiques. Ce défi de formalisation des économies étant une conditionnalité nécessaire à la mise en place d’une protection sociale pertinente par le biais d’une meilleure intégration dans la fiscalité, la Francophonie n’hésite pas à apporter son appui financier et matériel pour faciliter la promotion du « statut de l’entreprenant »34. Pour rappel, ce dispositif juridique vise à faciliter la création d’entreprises et à encourager, auprès des États membres et de leurs acteurs économiques, le passage de l’informel au formel35.
La diversification de l’appui de la Francophonie à l’OHADA se traduit par le soutien de l’OIF à la tenue de séminaires annuels au profit des commissions nationales de l’OHADA en vue de renforcer les capacités des juges et autres praticiens du droit36. En outre, du fait de son objectif de facilitation de la coopération, l’OIF continue à jouer un rôle moteur pour la coordination des partenaires techniques et financiers de l’OHADA37. C’est dans cette logique d’assistance intermittente que la « francophonie juridique africaine tente de s’organiser, de s’embellir et de se rendre plus attractive pour mieux tirer son épingle du jeu de la mondialisation des échanges »38.
I.1.2. Le raffermissement des objectifs de la Francophonie sur l’intégration économique
Au-delà de son intervention précise à l’endroit de cette structure d’intégration juridique, la Francophonie exerce d’autres activités sans lien direct avec le cadre d’intégration OHADA, mais qui dégagent un impact significatif sur l’essor du droit des affaires dans la sphère francophone. C’est notamment l’accroissement de son action économique depuis quelques années à travers la multiplication des initiatives destinées à créer un vaste marché économique efficient dans l’espace de son ressort.
Ainsi, afin de soutenir l’innovation et la créativité au service de l’économie dans une perspective de développement durable, la Francophonie agit résolument dans les domaines privilégiés tels que l’économie de la culture, l’économie numérique, l’économie du savoir, l’économie sociale et l’économie verte39. Dans cette perspective, la mise à contribution de toutes les potentialités de l’espace francophone à travers la mise en réseaux des acteurs, la francophonie a réussi à poser les soubassements de l’espace économique francophone encore appelé « francophonie économique ». Cet espace tourné vers la recherche d’un développement économique cohérent et durable permet, à partir de données précises, de déterminer la valeur économique de la langue française à travers les 77 États et gouvernements membres de l’OIF40.
La régionalisation de cette démarche permet de distinguer l’espace économique francophone africain de celui des autres continents, espaces que la Francophonie tente d’organiser en initiant des orientations économiques uniformes visant un développement homogène en résolvant les difficultés quelques peu similaires41. Elle s’appuie ainsi sur le poids économique de l’ensemble des pays francophones d’Afrique, afin de mener sur le plan mondial un plaidoyer pour une parfaite intégration des programmes de développement de l’Afrique dans une logique de globalisation et faire répercuter ce poids sur la répartition des ressources planétaires.
Cette œuvre d’intégration économique opérée par la Francophonie présente l’apparence de ne point concerner l’OHADA. Elle n’est cependant pas dénuée de tout intérêt pour notre cadre d’analyse. Il s’agit en réalité d’un tremplin pour l’assise et l’effectivité du droit des affaires. Le droit des affaires et l’économie entretiennent des relations significativement étroites en sorte que le terrain de prospérité aussi bien matériel que substantiel du droit des affaires n’est rien d’autre qu’un espace économique favorable42. La francophonie économique se présente alors comme un terreau fertile pour le décollage du droit des affaires en Afrique. Seulement, pour l’heure, ni l’architecture institutionnelle de la Francophonie ni même le résultat de son œuvre en faveur d’une intégration économique n’est suffisamment exploité dans le but de parvenir à une harmonisation totale du droit des affaires en Afrique.
I.2. La mise à contribution limitée de la Francophonie
À vrai dire, il est difficile de reprocher à la Francophonie de n’avoir pas suffisamment contribué à la construction d’un droit des affaires harmonisé en Afrique. Cette relativité peut s’expliquer d’une part par le non-affichage d’un tel objectif dans le champ d’action de la Francophonie. D’autre part, l’OHADA qui se veut un cadre cosmopolite s’étendant au-delà des frontières des États francophones ne pouvait pas uniquement reposer sur cette institution dont les orientations sont essentiellement basées sur la langue française, au risque de s’enfermer dans la sphère francophone43.
D’ailleurs, la stratégie de l’OHADA qui consiste à ne pas dépendre entièrement de la Francophonie lui a valu l’intégration de plusieurs États non-francophones44. À ce prix l’on pourrait se contenter de cette « alliance libre » entre ces deux institutions. Cependant, pour une étude dont l’objet est de faire à la fois une rétrospective et une prospective du rôle de Francophonie dans la construction d’un droit uniforme appliqué aux activités économiques, l’on ne saurait se passer d’une réflexion sur l’amplification du rôle de la seconde dans l’expansion de la première. Pour cela il ne faut surtout pas passer sous silence la mise à contribution limitée de la Francophonie.
En jugeant l’état des rapports entre ces deux structures d’intégration, c’est un oxymore que de parler d’une « alliance libre », car dès lors qu’il existe une alliance, la logique ne devrait pas permettre la possibilité de faire cavalier seul sur des questions intéressant l’alliance. Mais cette expression peut traduire à juste titre le contraste que dégagent les actions d’intégration menées par l’OHADA et l’OIF chacun de son côté. Ainsi l’on observe que l’OIF a œuvré considérablement pour la construction d’un marché d’intégration économique sur une partie significative du territoire africain, notamment depuis que l’économie est au cœur de ses préoccupations45. C’est certes une réussite sans précédent à en croire les statistiques dressées par l’Observatoire de la Francophonie économique de Montréal46. Néanmoins, cette réussite reste partielle à notre avis, tant le volet juridique de l’intégration est resté pendant longtemps ignoré, jusqu’à l’avènement de l’OHADA qui s’en est saisi pour fonder une cadre, somme toute, prospère mais tout de même inachevé.
L’on pourrait estimer l’OHADA à son acmé lorsqu’elle aurait réussi l’intégration de tous les États francophones et d’une part significative des États non-francophones africains, en sorte à construire un espace d’intégration juridique important pour influencer ostensiblement les orientations économiques du continent. De même, l’OHADA du futur peut être vue comme celle qui a réussi l’harmonisation totale de tous les domaines du droit des affaires, de sorte à avoir un unique droit des affaires organisé au sein d’une seule et même structure sans chevauchement de compétences tel que ce qui est observé aujourd’hui47. Pour l’heure, faute d’avoir atteint ce niveau d’intégration, le succès de l’OHADA peut être apprécié comme étant en demi-teinte.
À l’analyse, l’on peut se permettre de rapprocher cette faiblesse du cadre juridique OHADA au fait que la question de son essor ne figure pas expressément dans les objectifs à court et à long terme de la Francophonie ou du moins, de manière formelle, à un défaut de programme commun de développement entre ces deux structures. Plus objectivement, les programmes de développement de la Francophonie n’incluent pas suffisamment le volet de l’intégration juridique des affaires et les activités menées au soutien de l’OHADA ne sont que sporadiques sans appropriation effective des objectifs. Subséquemment, l’intégration économique réalisée en Afrique francophone reste au même titre que l’OHADA, un succès en demi-teinte. Il convient de dépasser le paradigme de l’intégration économique qui occulte le volet juridique. L’on parviendra ainsi à une intégration uniforme entre l’activité économique et le droit y afférent. En attendant d’atteindre ces horizons, l’harmonisation est tout de même en marche en Afrique et une synergie de l’OHADA et de la Francophonie ne peut que renforcer les moyens, afin de relever les défis de l’intégration juridique des règles applicables aux activités économiques sur le continent.
II. Le parachèvement de l’uniformisation du droit des affaires par la Francophonie
L’idée d’aller vers un droit des affaires harmonisé est sous-tendue par des raisons liées à l’ordre économique international, à savoir rompre avec la diversité qui caractérisait les législations africaines afin de mettre fin à l’insécurité juridique et judiciaire qui en découlait, au grand dam des investisseurs étrangers et des opérateurs économiques africains. Aujourd’hui, à travers l’OHADA, ceux-ci peuvent se réjouir de la solution trouvée à la balkanisation juridique. Toutefois, il ne reste pas moins que cette institution a encore bien des défis à relever pour parvenir à un droit totalement harmonisé (II.1.). Entre autres partenaires susceptibles d’apporter leurs concours à l’achèvement de cette noble ambition, l’œuvre de la Francophonie, allié historique de l’OHADA, apparaît non négligeable (II.2.).
II.1. L’OHADA face aux défis de son extension
Les défis d’extension auxquels fait face l’OHADA sont à la fois d’ordre géographique (II.1.1.) et matériel (II.1.2.).
II.1.1. L’extension du champ géographique de l’OHADA
L’OHADA a quasiment conquis tous les pays africains ayant le français pour langue officielle ou comme seconde langue, où désormais les actes uniformes sont directement applicables48. Aujourd’hui, seuls quelques-uns de ces pays – à savoir le Maroc, la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie, Madagascar, le Burundi49 et le Rwanda50 – hésitent encore à intégrer l’OHADA. À côté de ces États, l’on peut envisager les États non francophones : Cap-Vert, Djibouti, Sao Tomé-et-Principe, Maurice et Seychelles. Au total, pas moins de douze États, encore dans le giron de la Francophonie, demeurent dubitatifs à l’idée de rejoindre l’OHADA ou du moins à aller vers une uniformisation du droit des affaires. Pourtant, tous ces États membres de la Francophonie sont parties intégrantes du cadre de la francophonie économique. Ils entrent aussi dans les statistiques économiques que dressent les institutions de la Francophonie autour du marché commun d’intégration visé. Or, tel que souligné plus haut, l’intégration économique qui ne se fait pas suivre par celle juridique n’est pas gage d’un développement économique harmonieux et durable.
Ainsi, lorsque le bilan de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique est envisagé sous le prisme de la Francophonie, l’intégration n’est effective que de moitié et le travail à faire reste encore important pour parvenir à la disparition totale de la divergence des législations en Afrique. Tous ces États, non encore intégrés à l’espace juridique OHADA, conservent leurs différents cadres juridiques avec toute la diversité qui les caractérise. Il en résulte un droit émietté et défavorable à la sécurité juridique recherchée en vue d’asseoir un développement économique total et inclusif en Afrique.
En outre, l’adhésion des pays anglophones et arabophones reste encore une Arlésienne dans l’espace OHADA. Il s’agit du véritable défi de l’extension du droit OHADA. En effet, en dépit des efforts de l’OHADA destinés à s’ouvrir aux pays anglophones51, force est de constater qu’aucun de ces pays n’a donné de réponse favorable. Si l’entrée de tels pays est attendue pour espérer un rééquilibrage du rapport numérique entre francophones et non francophones ou de l’inverser, ceux-ci se font beaucoup attendre, au point où l’on s’interroge encore sur cette éventualité. Le professeur Joseph Issa-Sayegh avait déjà relevé la problématique de la barrière linguistique en droit OHADA52. Sa remarque a eu le mérite d’impulser, dans le cadre de la modification du Traité en 2008, le changement de l’article 42 du Traité qui a fixé depuis lors, en plus du français, l’anglais, l’espagnol et le portugais comme langues de travail de l’OHADA.
Quoiqu’il en soit, le français demeure en pratique la première langue officielle d’autant plus que tous les textes de l’OHADA sont originellement rédigés en français et que toutes les institutions de l’OHADA s’expriment prioritairement en français. Si ce choix implicite exalte la Francophonie, il ne reste pas moins un handicap à l’extension de l’intégration. Certes dans la recherche de la parfaite articulation, l’administration de l’OHADA communique simultanément dans diverses langues, pour « dompter » l’hérésie des non-francophones à intégrer le cadre. Mais cela semble insuffisant, car jusqu’à présent la suprématie de la langue française se révèle une double gêne dans l’applicabilité de l’OHADA. Premièrement pour les non-francophones qui devront plaider devant la CCJA, et secondement pour cette dernière qui devra supporter la contrainte de faire bon accueil aux pièces des dossiers écrites dans une autre langue que le français53, comme toute juridiction recevant des pièces écrites en langue étrangère, notamment avec les difficultés résultant de l’interprétation et de la traduction54. Au demeurant, une intégration massive des non-francophones permettrait de renverser cette pratique et de rééquilibrer le poids linguistique. Mais pour y arriver, il faut lever d’autres obstacles qui ne sont pas nécessairement linguistiques.
À y voir de plus près, la difficulté n’est pas que linguistique. Elle est aussi juridique. En effet, l’instinct répulsif qu’éprouvent les États anglophones vis-à-vis de l’OHADA ne se justifie pas seulement par le choix de la langue française comme langue officielle de l’OHADA. Il y a aussi le défaut d’« affinité » du système juridique de l’OHADA à celui de la Common Law. Le droit harmonisé des affaires de l’OHADA relève du système juridique romano-germanique, donc d’inspiration civiliste, laissant de côté le droit des pays de la Common Law. Or, ces pays représentent l'autre facette non moins importante du paysage juridique africain. Ce défaut d’affinité entretient des clivages entre juristes de deux bords, au nom de la dichotomie droit civil-Common Law. Promouvoir un rapprochement entre le droit OHADA et la Common Law apparaît donc crucial pour prétendre attirer les anglophones dans la sphère de l’OHADA. Parfois, la proximité géographique entre des États membres et certains États anglophones non-membres est telle que l’on s’interroge sur l’efficacité d’une telle intégration qui laisse des ratés55. Au demeurant, conjuguer ces deux systèmes historiquement opposés reste un chantier qui promet d’être difficile. Il s’agira d’un exercice difficile dont Ibrahim Abdouraoufi a posé les jalons en insistant sur l’ouverture de l’OHADA vers « l'autre » système, tout en soulignant l'importance du secteur informel et des us et coutumes56. En travaillant sur tous ces paramètres, l’OHADA peut accroître son champ géographique. Au demeurant, il n’est pas moins vrai que l’essor de l’OHADA ne dépend pas uniquement que de son champ géographique. Son essor dépend aussi du domaine d’application. L’extension du champ géographique peut être intimement lié aux domaines d’application.
II.1.2. L’extension du domaine d’application de l’OHADA
Comparativement aux autres traités de même nature, le traité de l’OHADA présente la particularité non seulement d’envisager une unification progressive et générale des législations, mais aussi et surtout de parvenir à une uniformisation d’une grande ampleur à même de couvrir tous les secteurs de la vie des affaires57. Au regard d’un tel objectif affiché, les enjeux d’extension ne sauraient aujourd’hui se limiter à la seule conquête géographique. Ils s’étendent également aux domaines devant faire l’objet d’une réglementation par des textes de portée communautaire. En effet, jusqu’à présent, l’OHADA compte une dizaine d’actes uniformes dont le champ d’application reste plus ou moins cantonné au droit des affaires au sens classique. Il s’agit du droit commercial et des sociétés, du droit comptable, du droit du recouvrement de créances et des voies d’exécution, du droit des procédures collectives, du droit du transport de marchandises, du droit l’arbitrage et du droit de la médiation58. Le droit des affaires ne saurait se résumer à ces seuls domaines. De grands pans de cette branche du droit privé échappent encore au contexte d’uniformisation de l’OHADA. Si certains semblent déjà harmonisés dans le cadre d’autres regroupements régionaux ou sous-régionaux, en l’occurrence le droit bancaire et financier, le droit des assurances et le droit de la propriété intellectuelle59, les autres sont donc laissés à la discrétion totale des États par un défaut d’harmonisation.
Cette dernière hypothèse concerne les domaines relativement connexes au domaine juridique pur des affaires et pour lesquels l’OHADA hésite encore à proposer un cadre harmonisé. C’est notamment le droit des obligations qui reste le soubassement de tout le droit des affaires ; le droit du travail qui entretient d’étroites affinités avec la vie des affaires ; le droit de l’environnement qui se démarque de moins en moins de la vie des affaires. Il faut aussi y adjoindre le droit du numérique émergeant qui appel à un cadre harmonisé et bien d’autres domaines dont l’uniformisation accroîtrait l’attractivité du droit l’OHADA. Il ne fait donc aucun doute que le chantier de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique est vaste. Pour aboutir à sa réalisation, il faut déjà que les structures de l’OHADA s’approprient ces grands objectifs. Ainsi, des partenariats importants devrons se nouer afin de créer un cadre inclusif de travail dans une logique d’uniformisation. Dans cette dynamique, l’apport de la Francophonie reste déterminant.
II.2. La Francophonie face aux défis de l’OHADA
La recherche permet rarement de tomber sur des études qui mettent en jeu l’OHADA et la Francophonie. Pour autant, cela ne signifie pas que ces de institutions n’ont aucun lien. Tel que démontré précédemment, le rôle de la Francophonie a été déterminant dans la mise sur pied de l’OHADA. Aujourd’hui, les institutions de la Francophonie interviennent sporadiquement dans l’œuvre pour l’atteinte des objectifs de l’OHADA. Il reste néanmoins que son activité, notamment à travers la Francophonie économique, est cantonnée à la construction d’un marché économique en marge d’une véritable intégration juridique. Repenser les rapports de la Francophonie et de l’OHADA implique une mobilisation des institutions de la première (II.2.1.) pour que l’épanouissement de la seconde permettent de parvenir à la construction d’un cadre juridique unique des affaires en Afrique. L’une des pistes pour y arriver est l’adhésion massive des organisations d’intégration régionale afin de rompre la concurrence des cadres normatifs des affaires qui freine l’harmonisation (II.2.2.).
II.2.1. La mobilisation du dispositif institutionnel de la Francophonie
Le dispositif institutionnel de la Francophonie est important. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie et les opérateurs spécialisés, l’Agence universitaire de la Francophonie, TV5MONDE, l’université Senghor d’Alexandrie et l’Association internationale des maires francophones, permettent, à travers une synergie, d’optimiser les actions entreprises pour atteindre les objectifs de la Francophonie60. Fort de ce dispositif institutionnel de taille, le bilan de la Francophonie est remarquable depuis la Convention de Niamey du 20 mars 1970 qui l’a portée sur les fonts baptismaux, à travers l’Agence de coopération culturelle et technique, devenue depuis Organisation internationale de la Francophonie. En tant qu’acteur des relations internationales, la Francophonie a toujours mobilisé toute cette architecture institutionnelle afin de jouer promptement son rôle de plaidoyer et de magistère d’influence sur toutes les questions d’ordre régional ou mondial61.
À la lecture des plans d’action de la Francophonie, l’on ne saurait passer sous silence son objectif de facilitation par la médiation, la concertation et l’échange de points de vue et les convergences entre ses membres destiné à promouvoir le dialogue international. En vertu de ce noble objectif, elle accompagne les États et gouvernements membres dans la préparation et la participation aux grandes négociations internationales62. Elle a aussi pour stratégie de jouer sur la capacité d’anticipation dans des domaines à évolution rapide ainsi que de sa capacité d’innovation dans la conception de programmes expérimentaux pouvant être mis à l’échelle. Pour y arriver, la Francophonie procède suivant des principes directeurs, à savoir le partenariat63 et l’intégration64. Cette dynamique entretenue entre les structures de la Francophonie peut parfaitement épouser les défis d’accroissement de l’OHADA pour la construction d’un droit des affaires unique en Afrique.
Le dispositif institutionnel de la Francophonie peut, en effet, apporter son assistance diversifiée dans la mise en forme du projet de la future OHADA. Il nous semble d’ailleurs que cette assistance pourrait donc se révéler stratégique pour permettre à l’OHADA de relever ses défis. Premièrement, elle peut être d’ordre technique et se traduira par l’appui aux initiatives de l’OHADA. Deuxièmement, elle peut être d’ordre financier. En effet, aux termes du traité de Port-Louis du 17 octobre 1993, l’OHADA fonctionne non seulement sur les contributions des États, mais aussi sur diverses sources de financement dont la contribution des partenaires financiers65. Ainsi, pour la mise en œuvre du vaste programme d’uniformisation du droit des affaires en Afrique francophone, la Francophonie peut bien apporter son assistance financière.
Enfin, la Francophonie peut aussi déployer ses réseaux institutionnels pour soutenir le progrès de l’OHADA. En effet, pour la réalisation de ces programmes, la Francophonie a toujours sollicité l’appui de ses réseaux institutionnels, à savoir la Conférence internationale des Barreaux de tradition juridique commune (CIB), l’Association du notariat francophone (ANF), l’Association des institutions supérieures de contrôle ayant en commun l’usage du français (AISCCUF), l’Association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCPUF), l’Association africaine des hautes juridictions francophones (AAHJF), l’Association des ombudsmans et médiateurs de la Francophonie (AOMF), l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français (AHJUCAF), l’Association francophone des commissions nationales des droits de l’Homme (AFCNDH) et bien d’autres66. Fort heureusement toutes ces institutions œuvrent directement ou indirectement dans le domaine juridique. Leur concours serait donc déterminant dans le processus de construction d’un espace juridique africain des affaires, totalement intégré.
II.2.2. Pour l’adhésion des organisations d’intégration au traité de l’OHADA
Pour accompagner le programme de développement économique de l’espace francophone africain, l’on peut partir du postulat que le cadre OHADA est déjà idéal67 et qu’il convient de l’étoffer structurellement et géographiquement afin d’y arriver. Il s’avère alors nécessaire de réfléchir à une technique d’adhésion particulière pour couvrir un espace géographique conséquent. A priori, l’idée première serait de commencer par arrimer parfaitement les « zones » Francophonie et OHADA de sorte que le reste des États membres de la Francophonie, non membres de l’OHADA, puissent le devenir de facto en raison de leur appartenance à la Francophonie. Cette solution peut pourtant très tôt révéler ses limites, car non seulement elle ne permettra pas d’attirer des États non francophones dans l’OHADA, mais aussi elle ne prend en compte qu’un pan des défis de l’OHADA sans régler le problème de constellation des cadres juridiques spécifiques des affaires.
En réalité, pour endiguer le concours des accords régionaux en Afrique en matière de droit des affaires, la piste qui semble adéquate serait celle qui implique de dépasser les perspectives d’intégration des États pris isolément. Elle implique d’aller vers des programmes destinés à absorber les regroupements régionaux ou sous-régionaux déjà existants, dans le cadre d’une intégration juridique unique, que l’OHADA pourrait porter. Il ne s’agit pas en réalité d’une nouvelle réflexion. Emmanuel Kagisye a eu le mérite de faire cette proposition pertinente qui nous semble indiquée dans le cadre de prospective à mener sur les rapports Francophonie-OHADA68. L’auteur propose de rationnaliser tous les regroupements qui chevauchent l’OHADA afin de faire d’elle « un catalyseur de l’intégration juridique, en faisant de son acte constitutif un vecteur de cohérence de l’action normative des autres organisations régionales »69.
Si l’idée est nouvelle en Afrique, elle a déjà fait ses preuves ailleurs, notamment au sein de l’Union européenne70. Cette adhésion devrait à l’issue, non seulement mettre fin à la balkanisation du droit des affaires, mais aussi permettre aux organisations régionales et sous-régionales de participer comme membres de plein droit à l’adoption des actes uniformes dans tous les domaines. La technique a une double incidence. D’une part, elle permet l’extension de l’espace OHADA. D’autre part, elle donne lieu à une uniformisation totale de toutes règles s’appliquant à l’univers des affaires, dans l’unique cadre juridique de l’OHADA. Ce faisant, l’on parviendra à mettre sur pied un cadre d’intégration du droit des affaires à la hauteur de l’espace économique francophone en Afrique.
Conclusion
Les projections de développement de l’espace économique francophone semblent principalement reposer sur des dimensions conceptuelles à travers un cadre politique d’intégration et sur des dimensions épistémologiques et surtout économiques. Toutefois, la part de la dimension juridique n’est pas négligeable. Au total, le développement économique recherché pour l’espace économique francophone de demain doit pouvoir prendre appui, pour son efficacité et même sa survie, sur un cadre juridique matériel applicable aux activités économiques de l’espace. Cet état de choses révèle tout l’intérêt d’aller vers une uniformisation complète et totale du droit des affaires dans l’espace de la présente étude. Faudrait-il briser la kyrielle de cadres juridiques communautaires existants, en concours avec des cadres nationaux, pour bâtir un cadre uniforme nouveau ? Ce procédé relèverait a priori d’une « révolution » alors même que c’est l’évolution qui est plutôt idéale. Notre démarche est plutôt conciliante et prône l’inclusion de tous les sujets de droit interne et communautaire dans une perspective d’uniformisation du droit applicable aux affaires économiques.
À l’analyse, le succès que connaît le cadre juridique de l’OHADA et son expérience en matière d’intégration juridique permettent de la hisser au premier rang des structures les plus à mêmes de porter un tel projet. Au regard des défis identifiés, l’extension aussi bien géographique que matérielle du droit OHADA permettrait de bâtir du moins un cadre juridique unique des affaires dans l’espace économique francophone et au mieux à travers l’Afrique tout entière. La Francophonie, à la fois promotrice du futur espace économique francophone et alliée historique de l’OHADA, pourrait servir de fer de lance pour la réalisation de ce projet pharaonique. Le concours multiforme de la Francophonie permettra de parvenir au soutien de l’intégration à l’OHADA de toutes les entités juridiques œuvrant dans l’univers des affaires économiques. Il permettra aussi d’apporter un encadrement unique aux domaines des affaires qui se « dissimulent » encore sous un régime juridique balkanisé. Ce faisant, la Francophonie pourra accompagner la construction de l’espace économique francophone par la création d’un cadre juridique unique et uniforme, gage de développement durable.