Recension : Boniface Bounoung Fouda, Économie de la Francophonie, Paris, Éditions du Panthéon, 2021

DOI : 10.35562/rif.1401

Texte

L’ouvrage de Boniface Bounoung Fouda fait partie des rares initiatives qui traitent le thème de l’économie de la Francophonie dont l’ouvrage d'Aymeric Chauprade, L'espace économique francophone. Pour une Francophonie intégrale, paru en 1996. Il permet d’établir une image assez complète du visage économique de la Francophonie en mobilisant des sources documentaires et des données existantes, notamment les rapports de l'OIF sur la langue française dans le monde ou le rapport de Jacques Attali sur La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable en 2014.

Dans la première partie, l'auteur commence par l’analyse des dynamiques spatiales de la Francophonie, ce qui permet de démontrer l’évolution de l’espace francophone au fil du temps. D’un espace regroupant la France et les territoires colonisés ou sous sa tutelle, il s’est élargi vers les pays francophiles et francophilophones1. La détermination des territoires francophones se base sur le statut de la langue française et le pourcentage de locuteurs francophones, ce qui permet d’établir la liste des pays francophones formant le noyau dur de l’espace de la Francophonie où le français est langue officielle ou où au moins 20 % de la population peuvent s'exprimer en français. L’auteur utilise le terme « territoire » pour désigner un État un dépendant ou une région autonome à l’intérieur d’une fédération. Face à une diversité géographique et politique au sein de l'espace francophone, il faudrait être prudent dans l'utilisation des termes « territoire » et « région » car ils risquent d’être compris de façon différente. Mieux vaut-il aborder directement le terme « État francophone » ? En parallèle avec les dynamiques spatiales, l’auteur analyse les dynamiques institutionnelles de la Francophonie, d’un cadre organisationnel dominé par des associations vers une véritable organisation internationale. L’auteur aurait pu enrichir cette présentation en faisant référence à des ouvrages comme le manuel Francophonie et mondialisation de Trang Phan, Michel Guillou et Aymeric Durez dont les deux tomes portent respectivement sur Histoire et institutions des origines à nos jours et Les grandes dates de la construction de la Francophonie institutionnelle. Le champ spatial de la Francophonie est constitué au premier niveau l’ensemble des pays, territoires ou régions membres de plein droit de l'OIF, au deuxième niveau des quatre membres associés et au troisième niveau des 26 pays observateurs. Le croisement de ces deux dynamiques permet de déterminer l'espace économique francophone de 36 pays qui se compose du noyau dur de l’espace de la Francophonie sans l’Algérie car ce pays n’est pas membre de l'OIF. Malgré plusieurs contrastes observés au sein de cet espace, notamment sur les plans démographique et économique, il offre de fortes potentialités économiques grâce à ses ressources naturelles et aux échanges commerciaux intra-espace francophone ainsi que la participation des pays francophones au commerce mondial. Plusieurs données économiques mobilisées par l’auteur dans cette partie sont assez anciennes tandis que les changements dans le monde économique sont rapides aujourd’hui, ce qui nécessite des données plus récentes pour mieux démontrer l’évolution des échanges dans l'espace francophone.

Dans la deuxième partie, l’auteur aborde tout d’abord l’histoire de la Francophonie économique qui commence par le plan d’action de Hanoi en 1997 et qui a pris un tournant majeur avec l’adoption en 2004 d’un cadre stratégique décennal avant d’arriver à l’adoption d’une stratégie économique de la Francophonie en 2014 qui vise à promouvoir une économie plaçant l’Homme au centre du développement économique inclusif recherchant l’équité et la réduction des inégalités sociales. Il a ainsi essayé de démontrer que l’action économique de la Francophonie s’est développée en épousant la complexité croissante des enjeux économiques et que son défi est de conduire l’espace Francophone vers une économie de la Francophonie capable d’être à la hauteur des enjeux pluriels et de répondre véritablement aux défis des pays membres. L’auteur a ensuite présenté plusieurs actions et initiatives économiques de la Francophonie. Cette partie très descriptive permet de comprendre l’évolution des politiques et des actions de la Francophonie au fil du temps. Certes, le sommet de Hanoi constitue un tournant important mais les premières marches de la Francophonie vers l’économie commençaient plus tôt. L’auteur n’a pas abordé le Forum francophone des Affaires (FFA) ainsi que l’évolution de la conception économique à travers les sommets précédant le sommet de Hanoi. Nous pouvons ajouter, dans la liste des activités mentionnées par l’auteur, la nouvelle stratégie économique de la Francophonie (2020-2025) ainsi que les nouvelles initiatives de renforcement des chaînes de valeur interrégionales compétitives comme l'initiative Densification et diversification des industries coton-textile-habillement dans l'espace francophone (DEDICOT) ou les missions économiques et commerciales organisées par l'OIF.

La troisième partie analyse les enjeux et les défis que l’espace Francophone devra relever pour qu’elle soit perçue comme un espace économique visible et fiable. L’auteur rappelle plusieurs études, notamment celle de Lévi-Strauss selon lesquelles la langue, et précisément le français, peut être un facteur de dynamique des échanges. Par conséquent, la consolidation de l’espace francophone comme espace économique en voie d'intégration passera tout d’abord par le renforcement du commerce intra-espace Francophone sans pour autant oublier de renforcer les positions hors espace Francophone. Ensuite, l'auteur insiste sur l’importance du contrôle des migrations car, selon lui, elles peuvent être porteuses de dynamisme économique lorsqu’elles sont mieux contrôlées. Il démontre la réalité des mouvements migratoires au sein de l’espace Francophone à travers l’évolution des flux migratoires et la répartition de ces flux. En se basant sur cet état des lieux, l’auteur a suggéré la mise en place des cadres formels de rencontre entre les opérateurs de l’espace Francophone, l’adoption d’un document de circulation spécifique pour les opérateurs économiques et possiblement l’insertion dans les lois nationales des dispositions spécifiques de préférence en faveur des investisseurs. Enfin, l’auteur présente la réalité des financements privés internationaux et de l’aide publique au développement afin d’insister sur le fait que le renforcement de la coopération financière constitue l’un des leviers sur lequel l’espace Francophone devra s'appuyer pour qu’il soit perçu comme un espace économique véritable.

En somme, ce court ouvrage est une bonne synthèse sur l’état des lieux de la Francophonie économique.

Notes

1 L’auteur a utilisé le terme proposé par Jacques Attali selon lequel aux pays francophones et francophiles, il faut ajouter des personnalités francophones, pour qui l’usage du français revêt une importance dans leur vie professionnelle. Elles constituent un ensemble « francophilophone ». Retour au texte

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Référence électronique

Hong Khanh Dang, « Recension : Boniface Bounoung Fouda, Économie de la Francophonie, Paris, Éditions du Panthéon, 2021 », Revue internationale des francophonies [En ligne], 10 | 2022, mis en ligne le 20 avril 2022, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=1401

Auteur

Hong Khanh Dang

Hong Khanh Dang est docteur en science politique, ingénieur de recherche à l’Institut international pour la Francophonie (2IF) de l’Université Jean Moulin Lyon 3 depuis 2017. Elle a précédemment enseigné à l’Académie diplomatique du Vietnam durant une dizaine d’années.

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