Le format 17+1, promoteur de la coopération Chine-UE ou facteur de troubles au sein de l’UE ?

DOI : 10.35562/rif.1391

Résumés

De la première réunion des dirigeants Chine-pays d’Europe centrale et orientale en 2012 à l'adhésion de la Grèce au Format 16+1 en 2019, la plate-forme de coopération 17+1 a été officiellement constituée. Le mécanisme de coopération 17+1 a atteint une série d’objectifs dans la promotion de la coopération entre la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale (PECO). Cependant, avec l'approfondissement de la coopération, notamment en raison de l’inscription du Format 17+1 dans le cadre de l'initiative « la Ceinture et la Route », l'Union européenne (UE) fait montre d'inquiétude ou même de doutes en ce qui concerne la coopération entre la Chine et les PECO. L'UE est préoccupée par les éventuels impacts géopolitiques et géoéconomiques de l'initiative « la Ceinture et la Route ». L'UE est sceptique quant au Format 17+1 et craint que la coopération entre la Chine et les PECO n'érode les valeurs et la cohérence de l'UE et ne fasse même se diviser l'UE. En fait, à en juger par la motivation de la mise en place de l’association 17+1, le facteur économique est la raison la plus importante. La géopolitique n'est pas la motivation de la coopération entre la Chine et les PECO. En outre, depuis que les PECO ont rejoint l'UE, leurs politiques sont depuis longtemps profondément ancrées dans le processus d'intégration européenne. Par conséquent, la coopération entre la Chine et les PECO fonctionne dans le cadre de l'UE. La coopération 17+1 non seulement ne peut pas être un facteur déstabilisant pour l'unité de l'UE, mais favorisera en fait le développement de la coopération Chine-UE. Sur la base de l'examen du processus et de la motivation de la mise en place du mécanisme de coopération 17+1, cet article analysera les facteurs de l'UE dans la coopération Chine-PECO, et réfléchit à l’avenir de la coopération 17+1 et de la coopération Chine-UE.

From the first meeting of China-Central and Eastern European countries leaders in 2012 to the accession of Greece to the 16 + 1 format in 2019, the 17 + 1 cooperation platform has been officially established. The 17 + 1 cooperation mechanism has achieved a series of objectives in promoting cooperation between China and Central and Eastern European countries. However, with the deepening of cooperation, in particular due to the inclusion of the 17 + 1 Format into the framework of the Belt and Road Initiative, EU is showing concerns or even doubts about the cooperation between China and CEE countries. EU is concerned about the possible geopolitical and geoeconomic impacts of the Belt and Road Initiative. The EU is skeptical about the 17 + 1 Format and fears that cooperation between China and CEE countries will erode EU values and coherence or even “divide” EU. In fact, judging the motivation behind the establishment of the 17 + 1 association, the economic factor is the most important ground. Geopolitics is not the motivation for cooperation between China and CEE countries. Furthermore, since joining the European Union, the policies of CEE countries have long been deeply rooted in the process of European integration. Therefore, cooperation between China and CEE countries operates within the framework of EU. The 17 + 1 cooperation not only is not a destabilizing factor for the unity of the EU. In the contrary, it will in fact promote the development of China-EU cooperation. Based on the review of the process and the motivation of setting up the 17 + 1 cooperation mechanism, this article analyzes the EU factors in China-CEE countries cooperation, and reflects on the future of 17 + 1 cooperation and China-EU cooperation.

Index

Mots-clés

Format 17+1, pays d’Europe occidentale et orientale, Union européenne, coopération Chine-Union européenne

Keywords

Format 17+1, Central and Eastern European countries, European Union, China-European Union cooperation

Plan

Texte

La première réunion des dirigeants Chine-pays d’Europe centrale et orientale (PECO) en 2012 a marqué la mise en place du mécanisme de coopération 16+1. En 2019, la Grèce a rejoint la coopération Chine-PECO et le Format 17+1 a été officiellement formé. La coopération 17+1 est entrée dans une nouvelle phase de développement. Cependant, par rapport au début de la mise en place du mécanisme de coopération en 2012, malgré la série de réalisations dans la coopération entre la Chine et les PECO, l'environnement interne et externe de la coopération 17+1 a subi de nouveaux changements. Les facteurs positifs pour promouvoir la coopération existaient toujours mais ils ont commencé à s'affaiblir. Certains facteurs négatifs ont commencé à apparaître et à se renforcer. Notamment, l'Union européenne (UE) s’est révélée préoccupée voire inquiète à l'égard de la coopération 17+1, ce qui ne peut qu’avoir un impact négatif sur les perspectives de développement de la coopération Chine-PECO et même sur les perspectives de coopération Chine-UE. La coopération 17+1 est-elle alors un facteur positif qui peut promouvoir la coopération Chine-UE, ou est-ce un « facteur de troubles » qui affectera le processus d'intégration européenne ? Il nous faut analyser le processus et la motivation de la mise en place de la coopération 17+1 et le rôle de l'UE dans les politiques des PECO, afin de formuler des attentes raisonnables pour l’avenir de la coopération 17+1 et de la coopération Chine-UE.

I. Processus et motivation de la coopération 17+1

I.1. Processus de développement de la coopération 17+1

Le développement des relations entre la Chine et les PECO est passé par le processus « amitié-détérioration-assouplissement ». Au début de la fondation de la République populaire de Chine, les PECO ont dans l’ensemble généralement été les premiers à reconnaître la République populaire de Chine et à établir des relations diplomatiques avec la Chine. La reconnaissance et le soutien des PECO ont joué un rôle énorme dans le processus de reconnaissance de la Chine par la communauté internationale. L'idéologie commune a rapproché les deux parties. Cependant, pendant la Guerre froide, en raison des changements dans les relations sino-soviétiques d'une part et entre les PECO et l'Union soviétique d'autre part, les relations entre la Chine et les PECO se sont détériorées. De la fin des années 1970 au début des années 1980, la Chine n'a plus eu de controverse idéologique dans ses relations avec les pays d’Europe centrale et orientale et elle est disposée à normaliser ses relations avec les PECO. Après la Guerre froide, les PECO ont entamé une transition nationale à grande échelle et mis en place un nouveau système politique et économique. À ce stade, les PECO considèrent le « retour en Europe » comme leur priorité politique dans leurs réformes internes et externes, et leurs relations avec la Chine sont secondaires. De plus, l'idéologie commune et la base institutionnelle n'existant plus, les relations bilatérales se sont refroidies. Par conséquent, au début de la transition dans les PECO, les relations entre la Chine et les PECO étaient relativement distantes. Dans le même temps, la Chine était également en train de se réformer, de s'ouvrir et de se développer rapidement. Après avoir subi d'énormes changements, la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale doivent se comprendre et se familiariser. En particulier après la disparition du système politique et de l'idéologie commune, la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale doivent explorer de nouvelles voies pour le développement des relations bilatérales. Depuis le nouveau siècle, alors que le développement politique et économique des PECO s’est progressivement trouvé sur la bonne voie, sa politique étrangère a commencé à se concentrer sur l'équilibre. Autrement dit, tout en donnant la priorité au développement des relations avec les États-Unis, l'Europe a de plus en plus apprécié ses relations avec d'autres pays dont la Chine. D'un autre côté, dans le contexte de l'approfondissement de la mondialisation économique et du développement rapide de l'économie chinoise, les échanges économiques et commerciaux de la Chine avec les PECO ont également augmenté rapidement. En 2001, le volume des échanges entre la Chine et les PECO n'était que de 4,3 milliards de dollars, atteignant 52,9 milliards de dollars en 2011, avec un taux de croissance annuel moyen de 27,6 %. Par conséquent, éviter les divergences politiques et établir des relations internationales fondées sur la coopération économique et commerciale sont devenues des préoccupations majeures des relations entre la Chine et les PECO. Cependant, au cours de cette période, en raison des différentes voies de développement et des stratégies diplomatiques, la Chine et les PECO n’étaient pas des priorités diplomatiques l'un envers l'autre. En outre, en raison de critiques fréquentes des affaires intérieures de la Chine, de la part des PECO, le développement des relations bilatérales n'était pas stable.

La première réunion des dirigeants Chine-PECO en 2012 a marqué un tournant important dans le développement des relations bilatérales. Lors de cette réunion, le Premier ministre Wen Jiabao a présenté 12 mesures et 4 principes pour promouvoir une coopération amicale entre la Chine et les PECO. Il a aussi annoncé l'octroi de 10 milliards de dollars de prêts spéciaux aux PECO. Ces propositions chinoises ont reçu un fort soutien des PECO, et tous les pays ont indiqué qu'ils continueraient à mener de telles formes de coopération. Le mécanisme de coopération 16 +1 a été officiellement établi. Lors de la 6e réunion des dirigeants Chine-PECO en 2017, les dirigeants de plusieurs pays ont publié conjointement le Programme de Budapest et la liste des résultats quinquennaux de la coopération entre la Chine et les PECO. Sur la base d'un résumé systématique des réalisations quinquennales en matière de développement de la coopération 16+1, la réunion a présenté les principes directeurs et l'orientation du développement de la prochaine étape de la coopération. Cela signifiait que la coopération 16+1 avait franchi la période de rodage initiale et était entrée dans une nouvelle étape de développement. Lors de la réunion de Sofia en 2018, les participants ont formulé et publié le Programme de Sofia sur le thème « Approfondir la coopération ouverte et pragmatique, promouvoir la prospérité et le développement partagés ». En 2019, la Grèce a officiellement rejoint la coopération 16+1, le Format 17+1 était alors formellement établi et le champ de la coopération entre la Chine et les PECO s'est élargi. Après plusieurs années de développement, le Format 17+1 est devenu une plateforme de coopération concrète et institutionnalisée. Sa structure organisationnelle et son cadre de coopération sont fondamentalement établis, et les pays peuvent régulièrement négocier grâce à des mécanismes de communication efficaces. En outre, la coopération 17+1 et l'initiative « la Ceinture et la Route », précédemment lancée, sont étroitement liées. À l'heure actuelle, tous les PECO ont signé le document de coopération dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ».

La formation d'une coopération 17+1 est le signe important que la Chine et les PECO sont entrés dans une nouvelle étape de développement. Ce mécanisme de coopération présente deux caractéristiques principales. Tout d'abord, de la normalisation des relations diplomatiques entre la Chine et les PECO à la mise en place du mécanisme de coopération 17+1 en 2012, les relations bilatérales entre la Chine et les PECO sont restées majoritairement au niveau des relations de « partenaires amis et de coopération ». La relation étroite entre les deux parties n'est généralement pas élevée et le degré d'attention n'est pas suffisant. L'établissement et le développement du mécanisme du Format 17+1 traitent essentiellement l'Europe centrale et orientale comme une partie importante de la coopération régionale de la Chine avec les pays étrangers. Cela montre l'importance de l'ensemble des PECO dans la stratégie diplomatique de la Chine. Ensuite, le Format 17 +1 est une tentative de la diplomatie chinoise de promouvoir les relations bilatérales dans la région de manière multilatérale et régionale. La Chine et les PECO ont mis en place une plate-forme d'échange et de coopération multilatérale à plusieurs niveaux et multi-domaines grâce à la coopération 17+1, qui comprend la participation politique à plusieurs niveaux à des réunions des dirigeants nationaux, des réunions ministérielles, des réunions des coordinateurs et des réunions des dirigeants locaux. Les domaines de coopération concernent l'agriculture, l'industrie, le tourisme, la culture et d'autres aspects. La coopération 17+1 montre les caractéristiques du multi-niveau et de la diversité. Par conséquent, la coopération 17+1 a clairement pour effet de promouvoir les relations mutuelles entre la Chine et les PECO.

I.2. Motivation de la coopération 17+1

Après que la coopération 17+1 a obtenu une série de résultats, la Chine et les PECO ont également rencontré des problèmes de coopération. En particulier, l'UE fait preuve de méfiance vis-à-vis de la coopération 17+1. L'UE estime que la coopération bilatérale en matière de commerce et d'investissement entre la Chine et les PECO manque de coordination au niveau de l'UE, et le mode de coopération n'est pas transparent, ce qui peut enfreindre les lois fondamentales de l'UE. Bien que la Chine souligne que toutes les réunions précédentes de tous les États membres de l'UE avec la Chine et la coopération pertinente ont été communiquées à l'avance à la Commission européenne et a promis que toute coopération se déroulerait dans le cadre de la Loi fondamentale de l'UE, cela ne suffit évidemment pas à dissiper les doutes de l'UE. En fait, l'UE est plus préoccupée par les tentatives de la Chine d'utiliser des moyens économiques pour créer de « petits groupes » qui ont des attitudes différentes envers la Chine au sein de l'UE, ce qui rendra difficile pour l'UE l’adoption d’une politique chinoise commune, affaiblissant ainsi l’influence de l’UE dans les négociations UE-Chine et la prise de décision concernant la Chine. Par conséquent l’UE critique même la coopération Chine-PECO pour son impact potentiel sur l’unité européenne. Elle craint que la coopération 17+1 n'érode les valeurs et la cohérence de l'UE et ne divise même l'UE. Dès 2012, lorsque le Secrétariat de coopération Chine-PECO a été créé, Catherine Ashton, haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a indirectement averti la Chine et les PECO de ne pas former une sorte d'alliance. Du point de vue de l'UE, la coopération de la Chine avec les PECO est basée sur des considérations géopolitiques, et c'est un moyen pour la Chine de pénétrer en Europe et d'affecter la solidarité de l'UE. La coopération de la Chine avec les PECO deviendra-t-elle donc un facteur affectant l'unité européenne ? Il nous faut donc analyser en profondeur la motivation de la mise en place de la coopération 17+1.

L’établissement du Format 17+1 repose sur de nombreux facteurs mais le facteur économique est sans aucun doute la raison la plus importante de la mise en place de mécanismes de coopération. Avec la fin de la Guerre froide, les PECO ont ouvert une nouvelle ère de transition nationale à grande échelle. Grâce aux résultats économiques des réformes de privatisation et de commercialisation et à l'aide substantielle de l'UE, les PECO ont rapidement réalisé une reprise économique et poursuivi leur développement. Au cours de la décennie qui a suivi, le taux de croissance économique de la plupart des PECO a été supérieur au niveau moyen des pays européens. Cependant, en fonction de la taille du pays et du niveau de développement économique, les PECO sont globalement confrontés à des problèmes liés à la taille modeste des marchés et à un investissement effectif insuffisant. Leur croissance économique dépend fortement du commerce d'importation et d'exportation et de l'investissement étranger, en particulier des investissements des pays de l’UE et du commerce intra-UE. L’exemple de la Slovaquie est éloquent : en 2007, avant le déclenchement de la crise financière internationale, les exportations de la Slovaquie s’élevaient à 47,16 milliards d’euros, dont 40,87 milliards vers les pays de l’UE, soit 86,7 %. Les exportations vers l'Allemagne, l'Autriche, la République tchèque, le Royaume-Uni et l'Italie représentaient à elles seules plus de la moitié des exportations totales. La même année, la Slovaquie a attiré des investissements directs étrangers à hauteur de 2,6 milliards d'euros dont plus d'un milliard provenait de la France, de l'Allemagne, de la République tchèque et de l'Autriche. Cependant, après la crise économique, les PECO et les pays de l'UE ont connu une récession économique importante. Les investissements et l'assistance de l'UE aux PECO ont diminué et le ralentissement économique des pays de l'UE a également affecté le commerce d'importation et d'exportation des PECO, ce qui a aggravé leurs difficultés économiques des PECO. Dans les années qui ont suivi la crise économique, tous les PECO, à l'exception de la Pologne, ont connu une croissance économique négative. Afin de relancer l'économie, les PECO ont commencé à rechercher de nouveaux capitaux étrangers et des partenaires commerciaux. Ils ont accordé plus d'attention aux économies émergentes.

Dans le même temps, après la crise économique, le rythme de la croissance économique de la Chine est passé de rapide à moyen. Le modèle industriel traditionnel fondé sur les avantages tels que la main-d’œuvre et les ressources a été remis en question et le problème de la surcapacité est devenu important. Outre la transformation et la modernisation de la structure industrielle, la recherche de nouveaux partenaires commerciaux et l'ouverture de nouveaux marchés potentiels sont devenus de nouveaux moteurs de croissance économique pour la Chine. L’approfondissement et l'expansion de la coopération économique et commerciale étrangère peuvent non seulement transférer la capacité excédentaire et les fonds d'épargne inutilisés, créer plus d'espace pour la restructuration économique de la Chine, mais aussi réaliser l'intégration effective des ressources économiques à l'échelle mondiale et améliorer la compétitivité économique de la Chine. Dans le contexte de la mondialisation économique, la Chine doit également participer activement au remodelage de la chaîne de valeur mondiale et protéger ses propres intérêts au sein même de cette chaîne. Dans le cadre du développement des relations Chine-UE, les relations diplomatiques avec les principaux grands pays ont toujours été les priorités diplomatiques de la Chine. La coopération économique et commerciale entre la Chine et les PECO a souvent été négligée. En fait, bien que le niveau de développement économique des PECO soit inférieur à celui de l'Europe occidentale, il est supérieur à celui de nombreuses autres régions. La plupart des PECO a un marché plus ouvert, un bon environnement commercial, des lois et réglementations complètes et une main-d'œuvre de haute qualité. Ces facteurs constituent la base pour la coopération économique et commerciale entre la Chine et les PECO. En outre, comme certains PECO sont déjà membres de l'UE ou de la zone euro, l'élargissement de la coopération économique et commerciale avec les PECO peut familiariser les entreprises chinoises avec les lois et règlements de l’UE et les mécanismes de concurrence. Cela est également favorable à une coopération accrue entre la Chine et l'Europe. Par conséquent, en termes de coopération, la Chine considère les PECO comme des régions clés et établit un mécanisme de coopération à travers une combinaison de diplomaties bilatérale, multilatérale et régionale. En résumé, la volonté de la Chine de rechercher de nouveaux partenaires commerciaux et d'ouvrir des marchés potentiels « à l’Ouest » correspond précisément aux exigences des PECO de recherche de nouveaux capitaux étrangers « à l’Est ». C’est la motivation la plus importante de la coopération 17+1.

II. Les facteurs de l’UE dans la coopération 17+1

Les 17 PECO couvrent trois régions géographiques, à savoir l'Europe centrale (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), l'Europe du Sud-Est (Roumanie, Bulgarie, Albanie, Slovénie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro et Grèce) et les pays baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie). D'un point de vue géopolitique, les PECO ont évolué à partir des pays liés à l’URSS pendant la Guerre froide (à l'exception de la Grèce). Avant la Seconde Guerre mondiale, ces pays, qu'ils soient des modèles sociaux ou des modèles économiques, étaient des modèles européens, mais ils sont devenus partie intégrante de l'Union soviétique après la guerre. Les pays d’Europe orientale étroitement liés au modèle communiste de l’Union soviétique ont progressivement évolué en 16 pays après la Guerre froide. Par conséquent, si nous les considérons d'un point de vue géopolitique, ces 16 pays ont la caractéristique commune d'être tous des pays européens. Après la Guerre froide, ils ont abandonné le modèle soviétique et ont choisi de « revenir en Europe ». Depuis que les PECO ont rejoint ou envisagent de rejoindre l’UE, leurs politiques sont profondément ancrées dans le processus d’intégration européenne. En tant que facteurs économique et d’identité européenne, l’UE a une profonde influence sur les politiques de ces pays dans divers domaines.

II.1. Facteur économique

Sur le plan économique, l'UE a une influence importante sur le développement économique des PECO.

Premièrement, les PECO, qu'ils soient des États membres de l'UE ou des États candidats, ont d’une part des tailles économiques relativement modestes, et d’autre part des économies tournées vers l'exportation, c’est-à-dire que leur économie est fortement dépendante des marchés extérieurs. L’UE et la zone euro sont le principal marché des PECO. Par conséquent, les PECO sont fortement dépendants du grand marché de l'UE et de la zone euro.

Les exportations et les importations des PECO en 2018

Destination

Pays

Exportation vers la zone euro

Exportation vers la Chine

Importation de la zone euro

Importation de la Chine

Pologne

57,8 %

0,9 %

56,8 %

7,8 %

République tchèque

65,5 %

1,2 %

58,1 %

8,3 %

Slovaquie

49,2 %

1,7 %

45,4 %

3,6 %

Hongrie

58,6 %

1,4 %

57,2 %

6,2 %

Slovénie

50,8 %

1,4 %

50,7 %

4,9 %

Croatie

56,3 %

0,9 %

59,5 %

3,4 %

Bosnie-Herzégovine

51,3 %

0,3 %

40,1 %

6,9 %

Serbie

43,3 %

0,5 %

40,0 %

0,5 %

Monténégro

18,8 %

3,5 %

33,8 %

10,1 %

Roumanie

56,8 %

0,9 %

53,2 %

5,3 %

Bulgarie

47,5 %

2,6 %

44,3 %

4,1 %

Albanie

69,4 %

1,8 %

52,1 %

8,3 %

Macédoine du Nord

66,2 %

0,9 %

36,6 %

5,8 %

Estonie

47,2 %

1,2 %

54,8 %

4,2 %

Lituanie

36,6 %

0,6 %

46,0 %

2,7 %

Lettonie

44,5 %

1,1 %

55,7 %

2,9 %

Grèce

37,5 %

2,6 %

39,6 %

6,3 %

Source : IMF Data

Comme le montre le tableau ci-dessus, les PECO sont très dépendants du marché de l'UE. Les exportations de la grande majorité des PECO vers la zone euro représentent près ou plus de 50 % de leurs exportations totales, tout comme leurs importations. Les exportations de la majorité des PECO vers la Chine ne dépassent pas 2 %, tandis que les importations représentent moins de 10 %. On peut voir que la zone euro est le marché d'importation et d'exportation le plus important pour les PECO. La dépendance des importations et des exportations montre l'intégration profonde de la région et du marché de l'UE, ainsi que l'influence de l'UE en tant que grand marché pour la région. Cette influence a été plus prononcée lors de la crise de la dette européenne. Après le déclenchement de la crise, les économies des PECO ont été les plus durement touchées en 2009. Parmi elles, le PIB annuel moyen des trois pays baltes a chuté de plus de 15 %, celui de la Lettonie a même chuté de 17,7 %. La baisse moyenne du PIB global des PECO dépasse également de loin celle des autres pays de l'UE.

Deuxièmement, l'UE est la principale source d’investissement étranger pour les PECO. Depuis que les PECO ont rejoint l'UE, en raison de la proximité géographique et des écarts de coûts de main-d'œuvre, les principaux pays de l’UE tels que l'Allemagne, la France, les Pays-Bas et l'Autriche ont transféré certaines chaînes de production industrielle vers les PECO. Ces pays européens deviennent ainsi les principales sources d’investissement étranger. Par exemple, les investissements allemands dans les pays du Groupe de Visegrád ont formé une chaîne de production efficace, et l'afflux de capitaux étrangers allemands est très cohérent avec le développement rapide de l'externalisation de l'activité automobile en Allemagne. En ce qui concerne la Pologne, en 2016, l'Allemagne était le pays le plus important des investissements directs à l'étranger polonais (19,1 %) et la France en deuxième position avec 11 %.

Troisièmement, les fonds européens structurels et d'investissement (FESI) jouent un rôle important en soutenant le développement des PECO. Par le biais de FESI, l'UE promeut, d’une part, l'intégration régionale et la solidarité sociale, améliore la compétitivité des régions sous-développées et favorise l'emploi. D’autre part, elle affecte le processus de réforme des pays membres en y imposant des conditions. Les FESI ont joué un rôle indispensable dans le développement et la transformation des PECO. Prenons encore l'exemple de la Pologne. De 2014 à 2020, elle a reçu un total de plus de 443 milliards d'euros de fonds, ce qui fait d’elle le plus grand pays bénéficiaire de l'UE. Les fonds ont joué un rôle indispensable pour améliorer les infrastructures et la modernisation des zones rurales en Pologne. Par rapport au prêt spécial de 10 milliards de dollars accordé par la Chine dans le cadre du Format 17+1, les PECO estiment généralement que les FESI ont non seulement une plus grande ampleur financière mais ont également des conditions d'utilisation plus favorables.

II.2. Facteur institutionnel

L'UE, en tant que facteur institutionnel, impose des restrictions à la politique nationale des États membres et limitent la pratique de la politique nationale des États. Les caractéristiques du double système de l'UE lui permettent de disposer de différents types de compétence : compétence exclusive, compétence partagée et compétence coordonnée. La soi-disant compétence exclusive signifie que seule l'UE peut promulguer des lois et adopter des lois juridiquement contraignantes dans certains domaines spécifiques. Les États membres ne peuvent prendre des mesures dans ces domaines que s'ils sont autorisés par l'UE ou mettent en œuvre des directives de l'UE. L’UE dispose d’une compétence exclusive dans les domaines suivants : union douanière, règles de concurrence du marché intérieur, politique monétaire, conservation des ressources biologiques de la mer et politique commerciale commune. C'est précisément parce que l'UE a des compétences exclusives dans ces domaines qu'elle aura un impact sur l'investissement et la coopération commerciale entre les PECO et les tiers, en particulier en ce qui concerne les règles de concurrence du marché intérieur et la politique commerciale commune. Au cours du processus de coopération entre la Chine et les PECO, l'UE a appelé à plusieurs reprises à une transparence de la coopération au motif que la coopération viole les règles et la politique commune de l'UE. Les PECO ont également souligné que ce que les pays membres peuvent faire dans le domaine du commerce et de l'investissement, c'est de prendre des mesures promotionnelles plutôt que d'aller au-delà de la compétence de l’UE. Par exemple, l'échec de l’entreprise chinoise dans le projet de l'autoroute A2 en Pologne semble en apparence être dû à la hausse des coûts de construction, mais est en fait lié à une série de restrictions législatives telles que les règles européennes en matière de travail et d'immigration. Pour les compétences partagées, bien que l'UE et les États membres puissent légiférer et adopter des lois et des règles dans certains domaines, l'UE a la priorité. Les compétences partagées entre l'UE et les États membres s’appliquent aux principaux domaines : le marché intérieur, la politique sociale, la cohésion économique, sociale et territoriale, l’agriculture et la pêche, l’environnement, la protection des consommateurs, les transports, les réseaux transeuropéens, l’énergie, l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique. Cela montre que l'UE peut jouer un rôle contraignant pour les pays membres par le biais d'une législation dans des domaines connexes. Par exemple, la directive de l'UE sur l’évaluation des incidences sur l’environnement exige que tous les projets publics ou privés réalisent des évaluations des incidences sur l’environnement. La coopération entre la Chine et les PECO impliquant l'UE dans le domaine de la compétence partagée est soumise aux directives de l’UE sur l'environnement et l'intégration régionale. Par conséquent, les lois et les règles de l'UE jouent un rôle contraignant pour les pays membres. En outre, en termes de compétence coordonnée, l'UE dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres. Les domaines de ces actions sont la protection et l’amélioration de la santé humaine, l’industrie, la culture, le tourisme, l’éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport, la protection civile et la coopération administrative. Bien que l'UE ne dispose pas de pouvoirs législatifs dans ces domaines, elle a une fonction de coordination des politiques, qui a une soft influence sur les politiques des États membres et exerce une pression de convergence sur les États candidats, c'est-à-dire que dans les domaines de la politique extérieure et de la sécurité communes, de l'innovation et des affaires sociales, l'UE a pour fonction de surveiller et coordonner les politiques des États membres. Dans la coopération Chine-PECO, les deux parties pourraient subir des pressions de l'UE ou d'autres États membres. Les politiques des PECO pourraient enfin avoir tendance à être cohérentes avec les politiques d'autres pays sous pression. Le facteur institutionnel de l’UE montre que la coopération entre la Chine et les PECO s'inscrit en fait dans le cadre de l'UE. Les mécanismes institutionnels et le système double de l'UE sont contraignants pour les États membres. Par conséquent, dans le cadre de la coopération 17+1, les investissements de la Chine dans les PECO et la mise en œuvre de projets doivent être conformes aux lois et aux règles de l'UE. Les PECO ne peuvent ignorer le rôle de l'UE et coopérer uniquement avec la Chine.

II. 3. Facteur d’identité européenne

Les PECO ont une identité européenne profonde. Bien que les PECO recherchent activement des opportunités de coopération en dehors de l'UE, ils la considèrent toujours comme la priorité principale de leur politique étrangère. Réaliser les intérêts nationaux avec l’aide de l’UE et renforcer la voix au sein de l'UE sont les principaux objectifs politiques de la plupart des PECO. Depuis que les PECO ont rejoint l'UE, la grande majorité des pays ont atteint un degré de convergence plus élevé avec l'UE dans son ensemble, en particulier en ce qui concerne la Pologne et les pays baltes. On peut dire que sans l'adhésion à l'UE, il est presque impossible pour les PECO de réaliser la transformation économique et politique du pays. Dans le rapport Central Europe fit for the future : Visegrad Group ten years after EU accession, le Groupe de Visegrád a déclaré :

L'histoire de l'Europe centrale et orientale n'a jamais été aussi libre, sûre et prospère qu'elle l'est aujourd'hui. Le Groupe de Visegrád a grandement bénéficié du processus de transformation des 25 dernières années. L'élargissement de l'UE en 2004 est sans aucun doute un succès. La démocratie, l'État de droit et l'économie de marché sont mis en œuvre dans la région. La prospérité de l'Europe centrale et orientale est attribuée au commerce et aux investissements avec d'autres États membres de l'UE. Nous espérons maintenant utiliser notre vitalité et notre adaptabilité pour jouer un rôle plus actif dans l'avenir de l'Europe.1

Depuis que le niveau de développement global des différents pays s'est considérablement amélioré, le sentiment d'identité européenne du public a montré une tendance positive. Selon une enquête menée par la Commission européenne en 2015, la proportion de la population dans les PECO qui est optimiste quant à l'UE est supérieure à la moyenne des États membres de l'UE (25 %). La Roumanie (55 %), la Bulgarie (43 %) et la Lituanie (42 %) sont les trois pays qui ont la proportion la plus élevée. La plupart des habitants des PECO exprime sa confiance dans l'UE, la Lituanie (61 %), la Roumanie (59 %) et la Slovaquie (51 %) ayant les proportions les plus élevées. Les habitants de ces pays font encore plus confiance à l'UE qu'à leurs gouvernements nationaux. Le président tchèque Zeman a également estimé :

Notre adhésion à l'UE était plus que l'adhésion à un marché unique ou à un fournisseur de subventions. C'était en fait une admission dans une famille. En rejoignant une famille, vous partagez leurs règles, leur comportement et leur culture.2

C'est précisément en raison de l’identité européenne que l'ancrage fondamental des politiques étrangères des PECO reste l'UE qui est la principale garantie de la réalisation des intérêts nationaux. Parmi les PECO, seule la politique étrangère du Premier ministre hongrois Viktor Orban met l’accent sur le renforcement de la coopération avec la Chine. Presque tous les autres PECO ont clairement indiqué dans leurs plans d'action que l'UE est leur principale priorité diplomatique. C’est précisément en raison de cette forte identité européenne que le positionnement des PECO dans leurs relations avec la Chine est principalement d’être des « partenaires économiques » plutôt que des « priorités politiques ». De ce fait, la coopération 17+1 ne peut pas être un facteur important qui menace l’unité de l’UE.

III. Perspectives du Format 17+1 et de la coopération Chine-UE

Après des années de développement, la coopération 17+1 a obtenu de nombreux résultats, mais il y a également eu certains problèmes et elle devra faire face à de multiples défis à l'avenir. Tout d'abord, l'instabilité politique dans les PECO et les changements fréquents de gouvernement ont entraîné de nombreuses intentions de coopération qui ne peuvent être encouragées en raison de l'évolution de la situation politique. Cela a créé beaucoup d'incertitudes dans la coopération entre la Chine et les PECO. Ensuite, en raison des origines historiques complexes entre les PECO et la Russie, en particulier après la crise en Ukraine et l'incident de Crimée, les PECO sont préoccupés par l’influence géopolitique de la Russie. Avec le développement progressif des relations sino-russes, les PECO craignent que le partenariat stratégique global de coopération sino-russe ne constitue une autre forme d'« alignement ». Certains PECO ont mal compris la politique étrangère de la Chine, soulevant ainsi des doutes quant aux intentions stratégiques de la Chine. Enfin, les facteurs économiques sont les facteurs fondamentaux qui favorisent la coopération 17+1, de sorte que les intérêts économiques sont souvent l'objectif principal de la coopération entre les PECO et la Chine. Cependant, les avantages de la coopération économique ne sont souvent pas à court terme, en particulier dans le domaine de la construction d'infrastructures, et la réalisation de leurs avantages économiques est à long terme. Cependant, les gouvernements des PECO qui changent fréquemment espèrent souvent que les projets de coopération produiront des résultats au cours de leur mandat et serviront ainsi d'« atout » politique au gouvernement en place. Par conséquent, ils espèrent parvenir à des projets de coopération à court terme et à impact rapide. L'absence de planification à long terme des projets de coopération sera préjudiciable au progrès durable de la coopération 17+1.

Étant donné que l'UE a une influence importante dans la coopération entre la Chine et les PECO, la coopération 17+1 doit également prêter attention aux préoccupations et aux inquiétudes de l'UE. Bien que la coopération 17+1 mette l'accent sur les échanges économiques et culturels entre la Chine et les PECO et que le facteur politique ne soit pas au centre de leurs préoccupations, l'UE a encore des doutes quant à la coopération entre la Chine et les PECO. Les préoccupations de l’UE se concentrent principalement sur les éventuels impacts géopolitiques et géoéconomiques de l’initiative « la Ceinture et la Route ». En particulier, elle craint que la Chine n'exerce progressivement une influence sur les PECO par le biais du Format 17+1, affectant ainsi l’influence de l’UE dans cette région et même « divise » l’Europe. L’UE craint encore que l'influence accrue de la Chine sur les pays qui n'ont pas encore rejoint l'UE n'affaiblisse l'effet de réforme généré par les conditions supplémentaires de l'UE. En fait, comme analysé dans cet article, du point de vue de ses motivations, la coopération 17+1 est centrée sur la coopération économique ; du point de vue de l’UE, les PECO sont profondément dépendants de l'UE. L'UE, en tant que facteur économique, facteur institutionnel et facteur d’identité, influence profondément les politiques des PECO. L'UE manque de communication approfondie sur l'initiative « la Ceinture et la Route » avec la Chine. En raison d'une confiance politique mutuelle insuffisante, la motivation de la politique chinoise a été mal comprise par l’UE. En effet, l'initiative « la Ceinture et la Route » est basée sur les principes de « Concertation, Synergie, Partage » et met l'accent sur la coopération et la connexion entre la Chine et les pays situés le long de « la Ceinture et la Route ». Le Format 17+1 est une plateforme de coopération sous-régionale dans le cadre de l'initiative « la Ceinture et la Route », propice au renforcement des coopérations de la Chine avec les PECO et aussi avec l'Europe.

Compte tenu des problèmes découlant de la coopération 17+1 et des inquiétudes de l'UE concernant la coopération entre la Chine et les PECO, la future coopération 17+1 devrait améliorer le mécanisme de coopération, promouvoir les résultats de la coopération, respecter et jouer pleinement le rôle positif de l'UE dans la coopération, et faire du Format 17+1 un « propulseur » pour la coopération UE-Chine.

Premièrement, pour la future coopération 17+1 et la coopération UE-Chine, la politisation de la coopération Chine-PECO doit être évitée. Des « douze mesures pour la coopération Chine-Europe centrale et orientale (2012) » au Programme de Belgrade (2014), les deux parties mettent tout l'accent sur la coopération économique et les échanges culturels. Lors de sa visite en Roumanie en novembre 2013, le Premier ministre Li Keqiang a souligné que les PECO sont une partie importante de l'Europe. Le renforcement de la coopération entre la Chine et les PECO est propice à leur développement respectif. Il favorise également le développement équilibré de l'Europe et peut enrichir le contenu du partenariat stratégique global UE-Chine. Cela montre que la coopération entre la Chine et les PECO est incluse dans le cadre des relations UE-Chine. Dans le processus de coopération, la Chine devrait communiquer plus clairement les objectifs, mettre en évidence les caractéristiques pragmatiques et gagnant-gagnant et dissiper les doutes de l’UE. La Chine devrait également renforcer la communication avec l'UE, veiller à ce que la coopération respecte les lois et règles de l'UE, et améliorer la transparence de la coopération. En particulier, la Chine devrait prêter attention à la communication avec les grandes puissances de l'UE, comme la France et l'Allemagne. Ces pays ont des liens de chaîne industrielle très étroits avec les PECO. La Chine, la France, l'Allemagne et d'autres pays européens devraient créer une bonne atmosphère de « complémentarité » plutôt que de « concurrence » dans leur coopération avec les PECO.

Deuxièmement, il faut renforcer l’exemplarité du Format 17+1. À l'heure actuelle, les 17 PECO estiment que la coopération 17+1 est une plate-forme importante pour promouvoir les relations bilatérales entre eux et les PECO. Cependant, bien que les 17 pays soient dans un même cadre de coopération, ils manquent encore de reconnaissance de ce « groupe cohérent », et chaque pays a ses propres priorités. Par exemple, les pays du Groupe de Visegrád pensent que l'objectif de la coopération est de résoudre le déficit commercial avec la Chine et d'attirer plus d'investissements chinois ; la Serbie et les autres pays des Balkans ont un besoin d'investissements dans la construction d'infrastructures et de projets de prêts. La coopération actuelle Chine-PECO manque d’adaptation. Les 17 PECO ne sont pas « un tout » sans différence et leurs demandes de coopération ne sont pas identiques. Face aux demandes différentes de coopération de divers pays, les projets de coopération devraient être ciblés pour la coopération et l'investissement en fonction des besoins des différents pays, afin qu'ils puissent être plus conformes aux demandes des PECO, et que la coopération puisse obtenir des résultats plus significatifs et positifs. Par exemple, la sélection de projets d'investissement indispensables, l'augmentation des importations des PECO et l'augmentation de bourses aux étudiants permettront aux PECO de bénéficier de la coopération 17+1 plus rapidement. Le Format 17+1 peut également jouer le rôle des gouvernements locaux, comme EU-Chine Mayors’ Forum, afin de minimiser ainsi l'impact des changements de gouvernement sur les projets de coopération.

Troisièmement, la Chine devrait renforcer la coordination avec 17 PECO, d'autres États membres de l'UE et les institutions de l'UE, en particulier dans les projets de coopération transfrontalière. Le Format 17+1 devrait être utilisé comme plate-forme où les différents pays assureraient un rôle de « pays coordinateur » dans certains domaines en fonction des avantages et demandes souhaités. En outre, la coopération entre la Chine et les PECO ne peut être ignorée de certains États membres de l'UE qui ont une influence profonde dans la région, comme la France, l'Allemagne, l'Autriche et d'autres pays. La Chine devrait renforcer la communication avec ces pays membres et tirer les enseignements de l'expérience avancée de ces pays dans la région. Il faut attacher aussi de l'importance au rôle de coordination des PECO avec l'UE. La Chine et l'UE pourraient également utiliser le Format 17+1 pour rechercher la possibilité d'une coopération avec des tiers. Renforcer la connexion entre l'initiative « la Ceinture et la Route » et la construction paneuropéenne, et étendre la coopération dans la construction d'infrastructures en Europe centrale et orientale, de sorte que 17+1 soit non seulement propice à la coopération entre la Chine et les PECO, mais puisse également devenir un promoteur de la coopération sino-européenne.

Quatrièmement, face aux problèmes posés par l'intégration européenne, l'UE devrait jouer un rôle plus actif. En ce qui concerne les facteurs politiques internes qui affectent l'unité de l'UE, celle-ci devrait veiller à répondre aux intérêts des différentes régions et pays. Par exemple, pour l’Europe « Those who want more do more », les PECO craignent que cette idée ne fasse apparaître des pays essentiels et des pays marginaux au sein de l'UE, ce qui entraînera la marginalisation progressive des PECO. En ce qui concerne les questions d'immigration, les PECO et l'UE ont également des points de vue différents. Ils estiment que l'UE n'a pas accordé une attention suffisante aux pays des Balkans. Par conséquent, l'UE devrait être plus active et pragmatique dans la résolution des problèmes internes, en veillant à équilibrer les intérêts de toutes les parties, à réduire les divergences et à renforcer la solidarité interne de l'UE.

Cinquièmement, la Chine devrait renforcer les échanges culturels avec les PECO et les États membres de l'UE, pour améliorer la compréhension mutuelle et éliminer les malentendus entre la Chine et l’Europe. Les organisations non gouvernementales et les organisations interrégionales devraient jouer un rôle plus important dans les échanges culturels sino-européens. La Chine devrait surtout promouvoir activement la compréhension mutuelle entre les élites politiques et les jeunes de Chine et des pays européens, et promouvoir davantage la communication et la coopération entre les think tanks, les milieux d’affaires et les médias afin de faire comprendre à l'Europe la Chine et la Chine à l'Europe et essayer d'éliminer les barrières de défiance mutuelle des deux côtés.

Conclusion

Le Format 17+1 est un mécanisme de coopération sous-régional dans le cadre de l'initiative « la Ceinture et la Route ». La coopération économique est la motivation de la coopération 17+1 et son moteur pour un développement continu. Bien que les PECO cherchent à renforcer la coopération avec la Chine, l'UE, en tant que facteur économique, institutionnel et d’identité, a une forte influence sur les choix politiques des PECO. Le facteur Chine n'est pas, ni ne doit être le facteur décisif qui affecte la solidarité entre les PECO et l'UE, ni considérer 17+1 comme un « facteur de troubles » au sein de l'UE. À l'avenir, la Chine et l'UE devraient se respecter mutuellement et renforcer la communication, promouvoir la connexion entre l'initiative « la Ceinture et la Route » et la construction paneuropéenne, renforcer la coopération entre les deux parties sur le marché tiers et renforcer encore les échanges dans le domaine culturel, en faisant de 17+1 un « promoteur » pour la coopération Chine-UE.

1 High Level Reflection Group, Central Europe fit for the future: Visegrad Groupe ten years after EU accession, 1er janvier 2014, disponible sur :

2 Georgi Gotev, « Ten years in the EU: Snapshots from Central Europe », Euractiv, 30 avril 2014, disponible sur : https://www.euractiv.com/section/

Bibliographie

Articles

Kong (Hanbing), Wei (Chongxiao), « Étude sur le mécanisme de coopération "16+1" entre la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale », Science sociale, 2017, n° 11, p. 14-23. (孔寒冰,韦冲宵,《中国与中东欧国家“16+1”合作机制的若干问题探讨》,社会科学,第11期,2017,第14-23页.)

Wang (Zhenling), « Perceptions des institutions de l'UE à l'égard de l’initiative "la Ceinture et la Route" et des mesures d'adaptation de la Chine : alignement à plusieurs niveaux basé sur les perceptions et les compétences de l'UE », Pacific Journal, 2019, vol. 27, n° 4, p. 64-77. (王振玲, 《欧盟机构对“一带一路”倡议的认知以及中国的应对策略》,太平洋学报,第4期(总27期),2019,第64-77页.)

Long (Jing), « Relations entre la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale : développement, défis et contre-mesures », International Studies, 2014, n° 5, p. 37-50. (龙静,《中国与中东欧国家关系:发展、挑战及对策》,国际问题研究,第5期,2014,第37-50页.)

Article de presse

Gotev (Georgi), « Ten years in the EU: Snapshots from Central Europe », Euractiv 30 avril 2014 disponible sur : https://www.euractiv.com/section/enlargement/news/ten-years-in-the-eu-snapshots-from-central-europe/, consulté le 23 avril 2020.

Pages web

High Level Reflection Group, Central Europe fit for the future: Visegrad Group ten years after EU accession, 1er janvier 2014, disponible sur : https://bruegel.org/wp-content/uploads/imported/events/demos_Central_Europe_fit_web.pdf, consulté le 2 avril 2020.

European Commission, Europeans in 2015, 28 février 2015, disponible sur : https://data.europa.eu/data/datasets/s2097_83_1_430_eng?locale=en, consulté le 7 juin 2020.

European Commission, White paper on the future of Europe, 1er mars 2017, disponible sur : https://ec.europa.eu/commission/sites/betapolitical/files/white_paper_on_the_future_of_europe_en.pdf, consulté le 23 avril 2020.

Bureau du groupe dirigeant pour la promotion de la construction de « la Ceinture et la Route », « la Ceinture et la Route » Progrès, contribution et perspectives, avril 2019, disponible sur : https://www.yidaiyilu.gov.cn/wcm.files/upload/CMSydylgw/201904/201904240811001.pdf, consulté le 16 avril 2020.

Notes

1 High Level Reflection Group, Central Europe fit for the future: Visegrad Groupe ten years after EU accession, 1er janvier 2014, disponible sur : https://bruegel.org/wp-content/uploads/imported/events/demos_Central_Europe_fit_web.pdf, consulté le 2 avril 2020.

2 Georgi Gotev, « Ten years in the EU: Snapshots from Central Europe », Euractiv, 30 avril 2014, disponible sur : https://www.euractiv.com/section/enlargement/news/ten-years-in-the-eu-snapshots-from-central-europe/, consulté le 23 avril 2020.

Citer cet article

Référence électronique

Lin Qiu, « Le format 17+1, promoteur de la coopération Chine-UE ou facteur de troubles au sein de l’UE ? », Revue internationale des francophonies [En ligne], 10 | 2022, mis en ligne le 20 avril 2022, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=1391

Auteur

Lin Qiu

Lin Qiu est maître de conférences à l’université de Qingdao (Chine) et doctorante en langue et littérature française de la faculté d’études françaises et francophones de l’

Université des langues étrangères de Beijing

(Chine).

Droits d'auteur

CC BY