Sur ses deux sites, la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) conserve approximativement 3 millions de documents imprimés et manuscrits (à Nanterre) et 1,5 millions d’images (aux Invalides). Deux localisations pour des collections sur supports multiples… mais complémentaires.
Si, par facilité, on emploie parfois, pour désigner les collections du site des Invalides, le terme de « collections iconographiques » (il s’agit majoritairement d’images) ou « collections muséographiques » (le département se nomme Musée d’histoire contemporaine), il apparaît que, dans un établissement qui, dès l’origine, a mis en avant la valeur documentaire de l’ensemble de ses collections, ces appellations ne recouvrent pas strictement une réalité plus complexe, que l’entrée prochaine des images fixes et objets dans Calames vient rappeler.
Dénominations : histoire des collections
La BDIC a pour origine une collection privée, celle de Louise et Henri Leblanc, qui rassemble dès le début de la Première Guerre mondiale tout type d’élément permettant de documenter le conflit dans tous ses aspects : politiques, militaires, mais aussi sociaux et culturels. Après le don de la collection à l’État en juillet 1917, la nouvelle institution reçoit le nom de « Bibliothèque et Musée de la Guerre fondés avec les Collections Henri Leblanc » dans ses statuts de 1920. En 1931, afin de refléter l’accroissement des collections au-delà de 1918‑1919, un changement de nom est proposé : l’institution s’appellera « Bibliothèque de documentation internationale contemporaine et Musée de la Grande Guerre » (la partie musée changera encore de nom : « Musée des deux Guerres mondiales », puis « Musée d’histoire contemporaine » en 1987).
Félix Vallotton, Bolante (Argonne). Les premières lignes allemandes, 1917, huile sur toile.
Aussi appelé Tirs sur fils de fer allemands, plateau de Bolente [sic], ce tableau fait partie des premières acquisitions du musée : avec deux autres tableaux, il est acheté à Vallotton lui-même en mai 1919
Coll. BDIC
Typologies et répartitions : géographie des collections
L’ensemble des collections est tout d’abord conservé par les Leblanc dans un grand appartement, où l’écrit et l’image sont mêlés, les espaces de lecture et de visite confondus.
En 1925, ouverts au public au Château de Vincennes, la bibliothèque et le musée occupent des étages différents, répartition que reflète aussi le catalogue de la collection Leblanc1. Les « documents bibliographiques » comprennent, outre les ouvrages et périodiques, les cartes géographiques et les affiches texte ; tandis que les « documents iconographiques » regroupent « œuvres originales » (peintures et dessins), « affiches illustrées », photographies, cartes postales, mais aussi programmes, menus, diplômes ; « divers » et « objets divers » recouvrent quant à eux les éléments en trois dimensions (armes, jouets, artisanat de tranchées, vaisselle, etc.).
Avec la séparation de la bibliothèque et du musée sur deux sites au début des années 1970, la répartition des collections se stabilise peu à peu : l’image fixe et les objets aux Invalides ; le texte (imprimé ou manuscrit) et l’image animée à Nanterre. L’actuel projet de nouvel équipement réunira bientôt de nouveau l’ensemble sur le campus de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense.
Usages documentaires
La répartition entre types de documents, usages et publics semble tranchée depuis l’époque des Leblanc : à la bibliothèque et aux textes sont associés la consultation et un public spécialisé ; au musée, aux images et objets sont liés la visite d’exposition, une « mission d’éducation populaire » et donc un public moins savant.
La réalité est plus nuancée : le musée accueille un public spécialisé pour la consultation des collections non exposées, tous les types de documents (presse, manuscrits, affiches, photographies, etc.) sont mis à contribution lors d’expositions thématiques, ainsi que dans les programmes de formations proposées aux lycéens et étudiants. Selon leur contexte de présentation, journaux, ouvrages et manuscrits deviennent des objets de musée ; images et objets sont traités comme des sources de l’histoire, et non comme l’illustration de textes écrits au préalable (usage que suppose souvent l’emploi du terme « iconographie »).
En adéquation avec cette approche de l’image et de l’objet comme source, ou plus largement comme document, et anticipant la réunion dans des espaces communs, l’entrée des collections du musée dans Calames va faciliter la mise en évidence de fonds, la perception du contexte de production et de diffusion des images et objets. L’outil de signalement devient ainsi un des instruments de dépassement de clivages typologiques réducteurs et complète projets architecturaux, expositions et formations pour assurer une meilleure visibilité (et lisibilité) à des collections trop souvent encore confinées au rôle d’illustration.
Section photographique des armées, Musée Leblanc, Paris : autre vue de la salle de la section ennemie, [1917]
Coll. BDIC