La création de postes d’archivistes dans les universités est très récente : le premier service a été créé en 2002, soit environ 33 ans après la mise en application de la loi Faure, acte de naissance des universités telles que nous les connaissons actuellement. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
La question d’une politique de gestion documentaire fiable et harmonisée, constituée en concertation avec l’ensemble des services et composantes et soutenue hiérarchiquement, n’a jamais été une évidence pour les présidents ou directeurs de services des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Pourtant, de nombreux textes existent pour encadrer la création d’une fonction « archives » intégrée au sein des établissements publics : d’abord le Code du patrimoine, puis la circulaire du premier ministre de 20011, et enfin les textes d’instructions de tri et de classement des archives de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche2. En effet, les documents produits par les universités, qu’ils soient administratifs, pédagogiques ou scientifiques, sont des documents produits par un établissement public et sont à ce titre des archives publiques au sens donné par le Code du patrimoine3.
Des contraintes logistiques et réglementaires
Deux raisons principales ont cependant amené les établissements d’enseignement supérieur et de recherche à créer des fonctions archives.
La plus répandue, car la plus visible, c’est d’abord la raison logistique : un manque d’espace dédié à la conservation des archives ou, plus exactement, un engorgement des locaux de travail tel qu’il nécessitait l’intervention d’un professionnel. En effet, au bout d’une quarantaine d’années s’empilaient des « strates » de documents dans les armoires, les personnels nouvellement en poste n’osant pas détruire la masse de documents du prédécesseur par manque de temps pour contrôler cette destruction ou par manque d’intérêt. Parmi ces raisons logistiques pourraient également être ajoutés les déménagements de services (ayant comme cause en partie la dévolution du patrimoine aux universités), la réorganisation des organigrammes ou encore les priorités des équipes de gouvernance.
La deuxième raison, c’est l’adaptation aux exigences légales et réglementaires : en effet, le contexte d’autonomie des établissements a eu des conséquences en matière de gestion et de gouvernance, donc en gestion de la preuve – et particulièrement de la preuve écrite – du document. Il est ainsi devenu vital, pour les universités, d’être en mesure de quantifier, qualifier, prouver et démontrer leurs performances, leurs effectifs, leurs dépenses, pour obtenir des moyens : construire un système pouvant gérer et retrouver toutes ces données est donc nécessaire.
Des missions adaptées au cycle du document
Les missions de l’archiviste, professionnel intégré dans son établissement, suivent l’ensemble du cycle de vie du document.
L’archiviste répond à la question de la collecte des archives par des outils pratiques pour mieux comprendre le contexte de création du document, le circuit de l’information au sein de l’établissement et identifier le moment propice pour archiver le document. L’archiviste veille également au respect des exigences de bonne conservation des archives, à l’élimination – selon les bonnes pratiques et la règlementation – des documents devenus inutiles pour l’administration et pour l’histoire, et doit gérer des risques de pertes d’informations, de survenue de sinistres et leur prévention.
Le classement des fonds est une autre mission qui permet d’organiser les archives, parfois en reflétant exactement le mode d’administration des affaires (c’est le principe du respect de provenance), parfois en devant le reconstituer lorsque les fonds d’archives sont dispersés ou déclassés. Le classement donne lieu à la production d’instruments de recherche pour retrouver un article, un document, dans l’ensemble de la masse du fonds.
La communication et la gestion des accès sont évidentes et justifient à elles seules les étapes précédentes : cet accès se fera en fonction des différents droits du citoyen, de l’usager, du service ou de l’établissement, ainsi que des directives réglementaires protégeant les individus et les affaires de l’État. Enfin, l’archiviste a pour mission de s’assurer que le patrimoine est aussi valorisé par différents biais : communications scientifiques, expositions, numérisation et indexation collaborative...
Aujourd’hui, de plus en plus d’universités prennent conscience de l’importance de leur patrimoine archivistique et cela conduit invariablement au recrutement puis à la pérennisation des postes de professionnels.
3 km linéaires d’archives scientifiques à l’université Paris-Diderot
© O. Azzola, Université Paris-Diderot
La constitution d’un réseau professionnel
Constitué en 2007, le réseau des archivistes des universités, rectorats, organismes de recherche et mouvements étudiants (Aurore) s’est consolidé avec l’adhésion de collègues d’universités et d’organismes de recherche sur des postes créés entre 2005 et 2010 et, depuis 2011, est devenu une section de l’Association des archivistes français (AAF).
Le réseau rassemble aujourd’hui plus de 110 professionnels des archives dans les universités, rectorats et organismes publics de recherche, mais également des collègues belges et suisses, dont l’avancée dans le domaine archivistique universitaire reste un exemple à suivre.
Depuis 2011, le bureau de la section Aurore de l’AAF a établi une liaison avec l’International Council on Archives (ICA) et sa section des universités, ouvrant ainsi la voie vers l’échange de pratiques au niveau international.
Ses objectifs prioritaires sont la mise en réseau des archivistes en fonction dans ces services de proximité pour échanger, élaborer des outils de travail et des réflexions collectives, les diffuser et les promouvoir4, être force de proposition dans les projets de révisions d’outils de travail nationaux, aider à la professionnalisation de la fonction « archives » dans le secteur Recherche et Éducation, favoriser le dialogue interprofessionnel avec les collègues des autres secteurs (archives municipales, départementales, régionales, nationales et d’entreprises) et avec les autres professionnels de l’information (documentalistes, bibliothécaires, bibliothéconomistes, informaticiens...) et soutenir la coopération avec les chercheurs de toutes disciplines travaillant à partir des archives.
Le réseau Aurore est organisé en groupes de travail et de projets, ayant tous pour mission d’accompagner les organismes de la collecte vers la construction d’une politique d’archivage : les premières réalisations de ce réseau ont consisté à définir un rythme de rencontre bisannuel pour favoriser le partage d’expériences sur des thèmes variés comme les archives électroniques, la valorisation des documents et de la fonction « archives » ou encore la collecte et le classement.
D’autres réalisations plus concrètes ont été menées afin de définir des outils de gestion d’archives communs. Ainsi, des groupes de travail thématiques ou sectoriels, rassemblés autour de problématiques communes à un certain nombre d’établissements, sont chargés par exemple :
- de définir les tableaux de gestion communs à l’ensemble des établissements, en cherchant à harmoniser les durées de conservation et à déterminer où se trouve l’information originelle (groupe de travail « tableaux de gestion ») ;
- de déterminer les démarches professionnelles à adopter pour la collecte et la valorisation des archives scientifiques et les partenariats à nouer avec les chercheurs : ce groupe organise également des journées d’études et de sensibilisation à la question du droit d’auteur et du droit patrimonial, en direction des enseignants chercheurs, et produit régulièrement des « fiches conseils » pour traiter les fonds de ces derniers (groupe de travail « archives scientifiques ») ;
- de rassembler des indicateurs fiables sur nos services pour avoir une vision au plus juste des effectifs et moyens de nos structures (groupe de travail « enquête »).
Enfin, en 2012 s’est créé un nouveau groupe de travail qui a pour mission d’accompagner et de valoriser le processus de classement des fonds dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche français et francophones, qu’ils soient dans le réseau Aurore ou non. Une étape liminaire à ce travail consistera à recenser les fonds classés et conservés dans les organismes, avec pour objectif de créer le premier volet d’un instrument de recherche national signalant les fonds des instances et des gouvernances de ces établissements.