Le « e-Dépôt » néerlandais dans un contexte international

DOI : 10.35562/arabesques.2156

p. 10-11

Plan

Texte

L’histoire du e-Dépôt à la KB

La Koninklijke Bibliotheek, bibliothèque nationale des Pays-Bas, fut l’une des toutes premières institutions patrimoniales à prendre conscience de l’importance croissante des ressources électroniques. Dès 1998 elle passa un accord avec l’Association des éditeurs néerlandais pour étendre le système de dépôt volontaire aux publications électroniques, et en 1999 un appel d’offres fut lancé pour le développement d’un outil de stockage à long-terme des ressources électroniques. Comme aucun produit commercial adéquat n’existait alors, la KB se lança dans un projet commun avec IBM pour développer le Système d’archivage de l’information numérique (DIAS). Le « e-Dépôt » ainsi nommé devint opérationnel en janvier 2003 et constitua le premier outil de stockage conçu exclusivement pour l’archivage et la maintenance de documents numériques, qui ne durerait pas seulement quelques années mais indéfiniment, conformément à la mission de dépôt légal de la Koninklijke Bibliotheek.

Des incidences sur l’organisation

Il devint vite évident que le e-Dépôt n’était pas un quelconque outil de stockage de documents qui pouvait être mis en place sans aucune incidence sur l’organisation. Bien au contraire, de nouveaux circuits de travail devaient être définis et comme l’archivage électronique était une pratique nouvelle il apparut tout de suite que l’on devait également organiser un important travail de recherche et d’exploitation. La KB décida de créer deux départements distincts chargés du e-Dépôt : un département de gestion du e-Dépôt au sein de la division des acquisitions et du traitement documentaire, et une unité de recherche et d’exploitation à l’intérieur de la division du même nom. En intégrant la gestion du e-Dépôt à la division des acquisitions et du traitement documentaire, la KB soulignait déjà le parallèle entre les circuits papier et électronique : les tâches à effectuer restaient relativement identiques (acquisitions, catalogage et stockage), seules les méthodes différaient. Au lieu de travailler sur des entités distinctes, comme il était d’usage avec les imprimés, on traitait les ressources électroniques globalement et de façon automatique. Aussi évident que cela puisse paraître d’un point de vue logique, il fallait s’attendre à ce que les pratiques professionnelles ne s’adaptent pas aussi facilement. Les catalogueurs , qui pendant des années avaient tiré fierté de la qualité de leurs descriptions minutieusement effectuées livres en mains, ne s’enthousiasmèrent pas spontanément à l’idée de métadonnées générées automatiquement, et la fragilité du support électronique ainsi que des données elles-mêmes les inquiétait. Les préoccupations du personnel étaient certes fondées , mais avec le flot des millions de publications électroniques il devint très vite évident que le catalogage manuel n’était tout simplement pas une option. Six ans plus tard, il est encourageant de constater que les circuits de l’électronique et de l’imprimé convergent et qu’au sein de l’équipe les connaissances des uns sont bénéfiques aux autres. Le groupe de recherche, quant à lui, profite largement d’une expérience acquise par la gestion quotidienne des archives électroniques.

La politique documentaire

A l’origine le e-Dépôt était destiné à archiver les publications électroniques des éditeurs néerlandais, en accord avec le système de dépôt volontaire. Certains des premiers accords d’archivage furent signés avec des éditeurs scientifiques majeurs basés aux Pays-Bas, tels qu’Elsevier et Kluwer. Comme il s’agissait d’éditeurs publiant à l’étranger, on se demanda rapidement comment des ressources électroniques parues simultanément partout dans le monde pouvaient rentrer dans les schémas traditionnels du dépôt national. La réponse était simple : elles ne le pouvaient pas.

La KB en conclut qu’un nouveau cadre de travail devait être développé sur le plan international pour une conservation à long terme des publications électroniques. Comme de tels accords ne se passent pas en un jour, la KB décida d’ouvrir son système de e-Dépôt à toutes les ressources électroniques publiées par des éditeurs néerlandais à l’international, ainsi qu’à tous les principaux éditeurs scientifiques internationaux. Un certain nombre d’éditeurs a depuis conclu des accords d’archivage avec la KB : Elsevier, Springer, Blackwell, Oxford University Press, Taylor & Francis et Sage. En outre, le e-Dépôt conserve les fichiers résultant des principaux programmes néerlandais de numérisation, le contenu des archives institutionnelles du pays ainsi que les archives du web national. Depuis juin 2008, le e-Dépôt a traité plus de 11 millions de documents numériques.

Une portée nationale et internationale

Les défis lancés par un accès pérenne sont assez impressionnants, d’un point de vue technique mais aussi organisationnel et financier. Il n’existe aucune institution ni même pays capable de résoudre seul ces nombreux problèmes. On en appelle alors à une coopération nationale et internationale.

La KB a activement recherché une telle coopération. Le département de la recherche sur l’archivage électronique participe à nombre de grands projets européens destinés à faciliter l’accès pérenne à la documentation électronique, tels que PLANET, Driver et récemment PARSE.insight et KEEP (Keeping Emulation Environments Portable) mené entre autres par la Bibliothèque nationale de France.

Koninklijke Bibliotheek

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Vue extérieure des nouveaux magasins

Photo : Inge Angevaare

Besoin de partenariats durables

Mais il ne s’agit là que de projets provisoires et une fois les projets menés à bien et les financements arrêtés, leurs résultats risquent de disparaître dans le cyberespace. Un document électronique demande de l’attention de A à Z, et aucune étape de son cycle de vie ne peut être ignorée. On éprouve donc un grand besoin de partenariats durables, avec des financements appropriés, pour prendre le relais des projets provisoires. La KB a pris la tête du développement de ces partenariats à plusieurs niveaux : Sur un plan national la KB participe à la Coalition des Pays-Bas pour la conservation numérique (NCDD), transversale à plusieurs domaines, qui réunit des acteurs majeurs de la communauté des chercheurs, du gouvernement et des institutions patrimoniales autour d’un débat commun visant à pérenniser l’accès aux données numériques du pays.

Afin de coordonner diverses initiatives nationales, la KB et la British Library ont créé l’ Alliance pour l’ accès pérenne, au sein de laquelle de grands organismes de recherche tels que ESF et CERN travaillent, conjointement avec l’association internationale des éditeurs de STM et différents regroupements nationaux, au développement d’une infrastructure durable pour les données de la recherche. On compte aussi parmi les partenaires plusieurs organismes des Pays-Bas, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, de Suisse et des Etats-Unis. Malheureusement aucune organisation française n’a encore rejoint l’ Alliance.

À l’échelle mondiale la KB encourage l’idée d’un réseau solide d’archives numériques préservées, dont les membres partagent la même responsabilité de sécuriser les publications électroniques sur un plan international.

Assurer l’accès pérenne à la documentation électronique est une tâche complexe qui requiert des collaborations aux niveaux national, européen et mondial. Il est à espérer que de plus en plus d’organisations et de pays rejoindront les initiatives existantes pour créer une infrastructure durable capable d’encourager l’accès pérenne aux documents numériques à l’échelle mondiale.

Pour plus d’informations

e-Dépôt Koninklijke Bibliotheek
http://www.kb.nl/dnp/e-depot/e-depot-en.html

Dioscuri emulator
http://dioscuri.sourceforge.net/

PLANETS, Preservation and Long-term Access through Networked Services
http://www.planets-project.eu/

DRIVER, Digital Repository Infrastructure Vision for European Research
http://www.driver-community.eu/

Netherlands Coalition for Digital Preservation
http://www.ncdd.nl/en/index.php

Alliance for Permanent Access
http://www.alliancepermanentaccess.eu

Illustrations

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Vue extérieure des nouveaux magasins

Photo : Inge Angevaare

Citer cet article

Référence papier

Inge Angevaare et Marcel Ras, « Le « e-Dépôt » néerlandais dans un contexte international », Arabesques, 53 | 2009, 10-11.

Référence électronique

Inge Angevaare et Marcel Ras, « Le « e-Dépôt » néerlandais dans un contexte international », Arabesques [En ligne], 53 | 2009, mis en ligne le 10 septembre 2020, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2156

Auteurs

Inge Angevaare

Coordination du groupe néerlandais pour la préservation numérique

inge.angevaare@kb.nl

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Marcel Ras

Directeur du e-Dépôt KB (Koninklijke Bibliotheek) - Bibliothèque nationale des Pays-Bas

marcel.ras@kb.nl

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Traducteur

Laure Valentin

Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0