La politique documentaire, un enjeu dans les stratégies des universités

DOI : 10.35562/arabesques.2294

p. 8

Plan

Texte

Avec des dossiers tels que la science ouverte ou les acquisitions de ressources numériques, les gouvernances des universités intègrent aujourd’hui plus fortement la politique documentaire dans leurs stratégies.

La politique documentaire des universités est un sujet dont la Conférence des présidents d’université s’est emparée, en particulier par le biais du dossier des acquisitions de ressources numériques et de celui de la science ouverte. La CPU est très impliquée dans les instances nationales de Couperin, de l’Abes et du plus récent Comité de la science ouverte. Elle s’est dotée d’une conseillère science ouverte et un réseau des référents science ouverte des universités vient de se constituer.

Les bibliothèques ont vécu en semi-autonomie à partir des années 1960, avec une forte coordination centrale, un budget à part et une insertion plus ou moins aboutie dans les stratégies locales des universités. Elles se sont progressivement rapprochées de ces dernières depuis les années 1980. À partir de 2007, la loi LRU, favorisant l’autonomie et la prise de responsabilité des universités, a contribué à ce rapprochement. Aujourd’hui, la politique documentaire fait de plus en plus partie de l’ensemble des stratégies des universités.

Les BU, chevilles ouvrières de la transition numérique

Les bibliothèques ont ressenti l’impact de la transition numérique et s’y sont adaptées remarquablement grâce à l’implication et aux compétences de leurs personnels.

Un gros effort, coordonné par l’Abes, a été accompli dans le catalogage et le partage numérique des métadonnées, de même que pour la numérisation et le partage des documents (programme Gallica de la BnF, Persée, Istex) mais une coordination d’ensemble de ces programmes reste à faire. La transition numérique a rendu nécessaire l’évolution des espaces documentaires, désormais plus centrés sur l’accueil et les services et moins sur la conservation des documents. Aussi, de nombreux chantiers immobiliers ont eu lieu dans les bibliothèques universitaires, pris en charge dans le cadre des contrats de plan Etat-Région et du plan campus. Les nouveaux aménagements ont permis de développer les espaces de travail connectés pour les utilisateurs, auxquels les BU offrent des services numériques diversifiés, accompagnant la transformation des usages. Les bibliothécaires ont développé des activités de conseil, de formation et d’appui aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs, en particulier pour l’utilisation des services numériques. Ils se sont organisés pour faire face à ces évolutions importantes et rapides, avec un accompagnement de l’État qui n’a cependant pas permis de rattraper le retard pris en ce domaine par la France au sein des grandes nations. De grandes infrastructures partagées sont mises en place, mais le manque de personnel et de budget de fonctionnement dans les bibliothèques reste criant.

Feuille de mousse murale vue au microscope

Feuille de mousse murale vue au
            microscope

© Odra Noel

Améliorer la coordination stratégique pour la science ouverte

La transformation numérique a rendu nécessaire l’union de tous les acteurs de l’ESR pour négocier les acquisitions numériques auprès des éditeurs, en particulier des gros groupes internationaux dont les prix et les marges se sont envolés. Les bibliothécaires ont été à la pointe de ce combat et ont créé avec quelques universités le consortium Couperin, qui regroupe maintenant universités, écoles, ONR, CHU et quelques autres membres.

Les équipes de gouvernance des universités ont pris conscience plus récemment de l’importance de ce dossier avec la montée en puissance du mouvement de la science ouverte : largement soutenu, il conjugue la volonté de partage de la science avec celle de retrouver la souveraineté sur ses productions, souvent détournées aux fins d’un profit commercial privé disproportionné par rapport au service rendu. De nombreuses initiatives individuelles se sont développées et un plan national pour la science ouverte a été lancé en 2018 dans lequel les bibliothèques ont toute leur place.

Ces évolutions sont mondiales, comme l’est le partage de la science, et l’Europe doit trouver sa place dans ce concert. L’ESR français doit se coordonner pour porter un message unifié. Des efforts ont été faits en ce sens et de nombreux organes de coordination existent : Couperin, l’Abes, l’ADBU, Eprist, le CCSD, toutes les infrastructures nationales, le Comité pour la science ouverte. Toutefois, si la coordination technique est plutôt bonne, la coordination stratégique peut encore progresser. Elle seule nous donnera la force collective nécessaire pour résister aux puissants éditeurs internationaux, défendre la position de la France dans les échanges internationaux, et construire ensemble des solutions alternatives, accessibles à tous sur tout le territoire et au-delà de façon équitable.

Illustrations

Feuille de mousse murale vue au             microscope

Feuille de mousse murale vue au microscope

© Odra Noel

Citer cet article

Référence papier

Gilles Roussel, « La politique documentaire, un enjeu dans les stratégies des universités », Arabesques, 100 | 2021, 8.

Référence électronique

Gilles Roussel, « La politique documentaire, un enjeu dans les stratégies des universités », Arabesques [En ligne], 100 | 2021, mis en ligne le 13 janvier 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2294

Auteur

Gilles Roussel

Président de la Conférence des présidents d’université

Autres ressources du même auteur

Droits d'auteur

CC BY-ND 2.0