Accompagner la bascule vers le tout numérique

Interview de Laurent Romary, président du Conseil scientifique de l’Abes

DOI : 10.35562/arabesques.2316

p. 9

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Pour le président du Conseil scientifique de l’Abes, les prochains défis à relever seront le passage au tout numérique, la construction du hub de métadonnées et la formation des chercheurs à la science ouverte.

Laurent Romary

Laurent Romary

Arabesques : quel rôle joue le conseil scientifique de l’Abes ?

Laurent Romary : nous avons la chance d’être là pour conseiller mais sans la responsabilité d’avoir à décider. Nous avons accès aux projets dès qu’ils émergent et nous pouvons travailler précisément sur des sujets qui touchent étroitement au réseau des bibliothèques et qui sont souvent aussi de grands sujets d’actualité dans le domaine de l’information scientifique au sens large comme l’indépendance numérique, les métadonnées.

Quel sera le principal chantier de l’Abes dans les années à venir ?

Laurent Romary : ce sera certainement ce fameux hub de métadonnées. Comment articuler des données que l’on achète, via les licences nationales notamment, avec celles produites par des institutions comme la Bibliothèque nationale de France, ou encore par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ? C’est un sujet extrêmement complexe qui pose des questions de ressources humaines, car cela nécessite des compétences spécifiques, mais aussi des questions stratégiques telles que : qui est propriétaire de ces données ?

Quels sont les enjeux autour de l’accès aux données de la recherche ?

Laurent Romary : aujourd’hui, les chercheurs n’ont aucune idée de ces enjeux. Ils ont des séminaires sur les bibliographies, l’accès à l’information, mais jamais sur la méthodologie des données numériques. Ils génèrent de grandes quantités de données dans leurs disciplines, qu’ils ne savent pas gérer. Le gros enjeu, c’est de transmettre les compétences en la matière à tous les chercheurs qui produisent des données au sens large, de faire de la pédagogie en leur expliquant ce que cela va leur apporter de déposer leurs jeux de données bien identifiées dans des réservoirs fiables, comme c’est le cas pour les publications dans HAL.

Où en est la France sur ces questions ?

Laurent Romary : la France dispose d’un cadre légal, organisationnel, humain que beaucoup de pays nous envient. On a la chance d’avoir un plan pour la science ouverte, la loi Pour une République numérique et tout un ensemble d’outils comme HAL. Le challenge, pour l’Abes, sera de repérer les jeux de données et d’élaborer un schéma d’organisation pensé avec l’ensemble des acteurs car on ne pourra pas travailler en silos avec les métadonnées de la recherche d’un côté et celles de l’enseignement supérieur de l’autre.

Vous êtes impliqué dans des projets européens. Est-ce que cela pourrait être une échelle pertinente pour la construction des données ?

Laurent Romary : cela me paraît difficile car les missions de l’Abes sont à destination nationale. Pour l’Europe, il faut passer par des associations de professionnels comme Liber ou, pour certains dossiers, aller observer sur place dans d’autres pays. On ne collabore bien à l’échelle européenne que lorsqu’on a une assise nationale solide. Dans le projet européen Dariah que j’ai piloté, la France, disposant d’une infrastructure telle que Huma-Num, connaissait bien l’offre de services destinée à une communauté de chercheurs en sciences humaines et sociales. Dans le même ordre d’idée, l’Abes, de par son expérience autour d’IdRef, doit pouvoir contribuer au volet identifiants pérennes à EOSC, European Open Science Cloud, en s’affranchissant, au moins partiellement, de la tutelle multinationale imposée par des consortiums tels qu’Orcid.

Quels sont les grands enjeux à venir pour l’Abes ?

Laurent Romary : ce sera d’accompagner la bascule vers le tout numérique, qui arrive au grand galop dans les universités et que la crise sanitaire actuelle a contribué à accélérer. On doit offrir des services numériques qui permettent aux étudiants et aux enseignants-chercheurs de travailler partiellement ou entièrement à distance. L’enjeu, pour l’Abes, n’est pas tant technique, car la technologie suivra toujours, qu’humain. Il faut accompagner les personnels des bibliothèques de l’enseignement supérieur dans cette évolution. Par exemple, qui va expliquer à un chercheur l’importance qu’on puisse tracer son jeu de données jusqu’à lui et à l’expérience qu’il a faite ? Il me paraît souhaitable que ce soit les bibliothécaires, même si cela représente une tâche immense, car la BU est un lieu de proximité et les questions de contenus, de description, de documentation relèvent du travail des bibliothèques.

Interview réalisée par Véronique Heurtematte, coordinatrice éditoriale d’Arabesques

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Laurent Romary

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Référence papier

Laurent Romary, « Accompagner la bascule vers le tout numérique », Arabesques, 100 | 2021, 9.

Référence électronique

Laurent Romary, « Accompagner la bascule vers le tout numérique », Arabesques [En ligne], 100 | 2021, mis en ligne le 26 janvier 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2316

Auteur

Laurent Romary

Président du Conseil scientifique de l’Abes

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