Michel Marian, sous-directeur des bibliothèques et de l’information scientifique, répond aux questions de l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur.
1 Le projet d’établissement de l’ABES a été voté par le conseil d’administration du 6 juin 2008. En quoi ce projet vous semble-t-il nécessaire ?
Ce projet, qui n’est pas à proprement parler un contrat, a pour ambition de clarifier les attentes de l’État à l’égard de l’ABES et les priorités de l’établissement sur une base pluriannuelle. Il a fait l’objet de nombreuses discussions entre les services de la SDBIS et ceux de l’ABES, et répond à une triple exigence : scientifique, car il fait des choix audacieux pour mieux servir la communauté universitaire et de recherche ; stratégique, car il procède d’une vision partagée de l’avenir de l’ABES dans un contexte évolutif ; démocratique enfin, car il a été adopté en CA après une large consultation des acteurs concernés par les services de l’ABES. À l’heure du passage à l’autonomie des universités, un tel exercice était indispensable. Je me réjouis des conditions exceptionnelles dans lesquelles il s’est déroulé, alors même que plusieurs points du projet faisaient légitimement débat.
2 Selon la SDBIS, comment ce projet se situe-t-il dans le paysage de l’IST, actuellement en pleine restructuration ?
Ce projet fait suite à la réorganisation de l’ABES, mais précède la réforme attendue de la politique d’IST. Les principales préconisations du comité présidé par Jean Salançon, dont l’une des plus significatives vise à mettre en cohérence les tutelles et les opérateurs de l’IST, sont bienvenues. Le ministère réfléchit actuellement aux suites qu’il compte leur donner. La réorganisation et le projet d’établissement placent l’ABES en position très favorable pour affronter les changements à venir, car ils renforcent sa crédibilité en donnant à ses activités une visibilité accrue.
3 Comment le projet d’établissement de l’ABES se situe-t-il dans le contexte des réformes universitaires (LRU, PRES…) et institutionnelles en cours ?
Le contexte des réformes universitaires doit conduire l’ABES à adapter son offre aux attentes de clients de plus en plus exigeants et hétérogènes. Le modèle initial de développement du Sudoc visait à élargir le catalogue par cercles concentriques afin de lui assurer une taille critique, au moyen de candidatures déposées par les bibliothèques universitaires. Avec la LRU et la création des PRES, l’ABES est invitée à adapter ses services aux attentes diversifiées de réseaux territoriaux et thématiques. En même temps, elle doit garantir à ses clients une visibilité internationale maximale de ses catalogues, afin de contribuer à leur compétitivité. Le projet d’établissement me semble répondre à ces deux défis : adaptation aux besoins spécifiques dans de nombreux domaines (interopérabilité, profilage des interfaces, signalement des plans de conservation, fourniture d’outils d’analyse des collections, etc.) et visibilité mondiale sur la Toile en particulier grâce à une politique ambitieuse de partenariats. Il faut souligner que la réalisation d’un tel projet sera rendue possible par la réorganisation de l’établissement, qui devrait améliorer la réactivité et la qualité de ses services, au premier rang desquels le Sudoc, qui reste la colonne vertébrale pour la visibilité de la documentation universitaire.
4 Quels sont, pour la SDBIS, les points prioritaires de ce projet (portail des thèses, ressources pédagogiques, fonds patrimoniaux …) ?
Tous les points du projet d’établissement ont bien sûr leur importance. Me semblent cependant prioritaires les projets qui aideront les universités à s’inscrire dans une logique d’autonomie. Pour cela, tout établissement doit désormais entrer dans une démarche d’amélioration continue de son offre documentaire en se dotant d’outils d’évaluation de la qualité de cette dernière. De ce point de vue, la participation à des cartes documentaires à différents niveaux (local, disciplinaire, international), ainsi que l’usage d’outils d’analyse des collections me semblent indispensables : s’évaluer, c’est d’abord se comparer ! Deuxième priorité : doter les universités d’outils fiables de signalement et de valorisation de leur patrimoine documentaire au sens large (imprimés, manuscrits, thèses, mais aussi ressources pédagogiques), car la diffusion de ce patrimoine est un élément majeur de compétitivité de l’enseignement et de la recherche. Des projets comme le portail des thèses, NUMES, le cadre de cohérence des ressources pédagogiques, etc. sont conformes à cette exigence, car tout ne peut être fait à l’échelle de l’établissement.
L’ABES doit élargir sa mission de coordination bibliographique à des domaines qui n’étaient pas tous couverts par les SCD. Enfin, l’enrichissement des catalogues et le développement de leur visibilité sur la Toile me semblent constituer une troisième priorité.
5 Pour mettre en œuvre l’ensemble des objectifs du projet, la SDBIS prévoit-elle l’attribution de moyens spécifiques (humains, financiers) ?
Si l’on exclut les groupements de commandes, qui obéissent à des principes de financement particuliers, la subvention DGES représente 61 % des recettes de l’ABES, contre 39 pour la production vendue, c’est-à-dire les prestations facturées aux établissements. L’État prend par ailleurs en charge la masse salariale, comme vous le savez. L’autonomie des universités devrait progressivement modifier leurs rapports avec l’ABES, qui est l’un de leurs prestataires publics de services. Le projet d’établissement légitime quant à lui le soutien financier de l’État à des projets innovants ou hautement stratégiques. L’horizon devrait donc être celui d’un coïnvestissement de l’État et des établissements dans les projets portés par l’ABES.
6 De nombreux projets à l’échelle européenne prennent corps. Le projet d’établissement de l’ABES vous semble-t-il en cohérence avec ceux-ci ?
Chaque pays européen tente de répondre aux enjeux de l’IST avec son génie propre. Mais partout, une tendance lourde se dégage : le besoin d’outils collaboratifs de politique documentaire. Qu’il s’agisse de modifier le rapport de forces avec les éditeurs, d’enrichir les catalogues collectifs, ou de valoriser le patrimoine scientifique des universités, des communautés d’intérêts se forment autour de projets parfois ambitieux. L’ABES est un opérateur majeur dans ce domaine. Elle jouera son rôle d’autant plus efficacement qu’elle renforcera sa présence européenne et internationale.