L’action culturelle en bibliothèque universitaire, est-ce bien sérieux ? Les BU n’ont-elles pas d’abord pour mission de répondre aux besoins documentaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, de former leur public au bon usage de la documentation, de développer des bibliothèques numériques, de créer de nouveaux outils d’accès aux ressources, etc.? La liste est longue qui mobilise budgets, temps et compétences. Dans ces conditions, organiser des expositions, accueillir des auteurs et des artistes, créer une bibliothèque de culture générale, passent, au mieux, pour la danseuse du directeur, au pire, pour un dévoiement des bibliothèques universitaires et, bien souvent, pour un gaspillage des deniers publics.
Concert de l’orchestre universitaire - Soliste : Carlotta Persico (violoncelliste) - Mars 2007
Photo : Évelyne Ducrot
Le dossier de ce numéro en apporte pourtant la preuve : les initiatives pour installer l’action culturelle à l’université, si elles restent encore peu nombreuses, ne sont pas nouvelles et ont su s’inscrire dans la politique des universités. Faut-il rappeler aux indifférents, aux sceptiques et opposants déclarés, encore nombreux dans la communauté universitaire, que la loi sur l’enseignement supérieur du 26 janvier 1984 stipule que « le service public de l’enseignement supérieur contribue […] à la réduction des inégalités sociales et culturelles […] en assurant […] l’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche ». Quant aux personnels de bibliothèques, le même texte précise qu’ils « participent […] à la mission d’animation scientifique et de diffusion des connaissances ».
Cette diffusion vise à la fois les non universitaires (avec des manifestations comme la Fête de la science) et la communauté universitaire, au premier chef les étudiants. En leur proposant une large palette d’activités culturelles (musique, littérature, théâtre, écriture…), l’université ouvre et diversifie leurs champs d’intérêt. Cet éveil de la curiosité intellectuelle est indispensable pour contrecarrer l’hyperspécialisation des études universitaires contre laquelle Edgar Morin nous met en garde : « Il ne faut pas éliminer l’hypothèse d’un néo-obscurantisme généralisé produit par le mouvement même des spécialisations, où le spécialiste lui-même devient ignare de tout ce qui ne concerne pas sa discipline, où le non spécialiste renonce d’avance à toute possibilité de réfléchir sur le monde, la vie, la société, laissant ce soin aux scientifiques, lesquels n’en ont ni le temps ni les moyens conceptuels. Situation paradoxale que celle où le développement de la connaissance instaure la résignation à l’ignorance, et où le développement de la science est en même temps celui de l’inconscience »1
Proposer un programme d’action culturelle permet en outre de renforcer la dimension conviviale de la bibliothèque, à l’heure où la fonction documentaire du bâtiment bibliothèque décroît en raison de la concurrence du numérique. La virtualisation des services renforce la demande toujours plus forte de lieux conviviaux, au premier rang desquels la bibliothèque qui a toujours été l’âme du campus, le lieu de convergence des étudiants. L’action culturelle renforce cette fonction d’espace de sociabilité et de brassage des connaissances.
Nier la vocation des bibliothèques universitaires à mener des actions culturelles, soutenir que les lieux de convivialité mettraient à mal le climat d’étude et de calme des bibliothèques, témoignent d’une incompréhension des usages de la bibliothèque par les étudiants.