La TB en action

La TB, ou le battement d’ailes du papillon à l’échelle d’un réseau

DOI : 10.35562/arabesques.268

p. 14-15

Plan

Texte

Depuis les débuts de RDA-FR, chacun de nous, professionnels de la documentation, suit avec attention son évolution pour y adapter ses pratiques quotidiennes. À l’échelle de l’Abes, le défi n’est pas mince, puisque c’est près de 3 000 catalogueurs répartis sur 164 établissements qu’il faut veiller à former avec constance et régularité.

C’est en juin 2015 que les premiers éléments du code RDA-FR sont publiés. Depuis, ses enrichissements successifs obligent chacun des acteurs à suivre avec attention l’évolution de la normalisation pour y adapter ses pratiques quotidiennes. En effet, une évolution normative n’a de sens qu’une fois traduite à des machines et expliquée à ceux qui la mettront en pratique. Sa réussite dépend de l’appréciation de ses conséquences aussi bien techniques et qu’humaines.

Les spécifications techniques…

Une norme doit être pourvue d’un manuel applicatif écrit pour un format donné : à l’Abes, c’est le format Unimarc, tel que le définit le PUC, lequel l’adapte annuellement aux changements de paradigme. C’est dans ce manuel que seront définies les consignes sur l’usage quotidien du code au sein d’un réseau. Cet applicatif ne peut jamais, pour autant, être strictement fidèle aux directives de la norme, car il est contraint par les spécificités techniques de l’application qui le portera. C’est ainsi qu’à l’Abes, chaque élément RDA-FR appliqué dans le Sudoc l’est à l’aune des possibilités du CBS – le socle technique du catalogue, qui est un outil dont la complexité informatique réserve parfois de douloureuses surprises1. Ces spécificités techniques vont porter sur la structuration de la zone Unimarc concernée et sur les tables de validation, de fusion et d’indexation appropriées, qui devront être reproduites à l’identique sur les bases de tests et de formation.

… Et leurs impacts sur les machines et les outils…

Une fois ces consignes de catalogage formulées de façon lisible par une machine, toute une série de conséquences doivent être examinées et appréciées : impacts sur les différentes applications en lien avec le Sudoc (STAR, thèses.fr, IdRef…) et les affichages (courts ou longs) de leurs interfaces professionnelles ou publiques ; impacts non seulement sur les exports vers les SIGB impliquant des alertes en direction de leurs fournisseurs, mais aussi sur les imports de notices réalisés par l’Abes dans le Sudoc (chargements de notices BnF ou d’ISSN, de bouquets électroniques…) ; impacts sur les webservices gravitant autour des applications, sur l’exploitation des données exposées, etc.

… Sur les consignes de catalogage…

S’il arrive, heureusement, que des évolutions normatives n’induisent aucune modification technique, elles doivent toutes, en revanche, être traduites en consignes de catalogage. Or, ce point peut se révéler sensible, d’autant plus lorsqu’il concerne des données importantes dans le signalement de la ressource. Il est rare en effet qu’une donnée fonctionne de manière isolée dans une notice. C’est bien l’ensemble des données présentes qui fait sens, et c’est parce qu’elles sont cohérentes entre elles que les machines savent les exploiter et les donner à lire sous forme intelligible : d’où la nécessité d’envisager les évolutions de signalement dans leur globalité. En cette année 2017, l’onde de choc créée par la mention de l’adresse dans le Sudoc (zone 219) a frappé bien d’autres zones en retour (100, 4XX…) de manière parfois imprévue, et ce ne fut pas là la moindre des difficultés de son application.

… Et sur l’accompagnement du réseau

Dernier maillon de la chaîne : la formation à apporter aux collègues du réseau, qui doit prendre des formes variées : documentation actualisée (guide méthodologique, mémos, règles de catalogage pour des ressources particulières), tutoriels en ligne ou formations en présentiel dont les supports sont préparés en collaboration avec les formateurs du réseau (groupe des formateurs Transition bibliographique ou plus spécifiquement à l’échelle de l’Abes, coordinateurs, correspondants catalogage et formateurs Sudoc), échanges via les listes de diffusion (SUCAT…) qui permettent de traiter des cas pratiques... L’accompagnement ne saurait bien sûr se réduire à un seul de ces aspects, si l’on veut qu’il soit complet et de durable portée. Ce serait toutefois une grave erreur que de concevoir la Transition bibliographique comme un « simple » changement de règles de catalogage. Elle oblige chacun des acteurs à reconsidérer les données qu’il enregistre dans une notice. Elle oblige à réfléchir à ce que signifie exactement chaque élément disponible sur la ressource décrite, et à les répartir selon des entités conceptuelles aux contours encore insolites (les notices d’œuvre et d’expression, aujourd’hui inexistantes, seront traduites dans un manuel applicatif prévu fin d’année 2018). Et c’est là sans doute un des principaux enseignements à tirer de l’introduction dans le Sudoc des nouveaux éléments RDA-FR concernant la zone de l’adresse en 2017. Au-delà d’un important changement de pratique, ces nouvelles consignes ont mis en pleine lumière la nécessité de redéfinir les données d’une notice de manifestation, contraignant les catalogueurs à s’interroger sur la signification de chacun de ses éléments2. Cette rupture profonde dans la compréhension d’une ressource a exigé – et exigera dans les années à venir – un accompagnement soutenu du réseau, pour lui permettre de s’approprier la nouvelle définition des données, et lui donner confiance dans sa capacité à comprendre les informations disponibles.

Riche d’enseignements, cette première expérience concrète de la Transition bibliographique dans le Sudoc laisse l’Agence très humble dans son expertise à apporter au réseau. « J’ai raison, et j’aurai tort », a pu dire l’immense linguiste Georges Dumézil3. Parce que le code RDA-FR s’élabore chaque jour, parce que l’Abes l’apprend et le construit en même temps que le réseau, parce que le monde du livre se soucie peu des normes, les coulisses de la Transition bibliographique resteront encore longtemps teintées de clair-obscur, parfois d’incertitudes, voire d’erreurs d’interprétation. Pour mieux en éclairer les aspérités, l’Abes aura plus que jamais besoin du réseau, de sa vigilance et de ses mises en perspective pratiques : la Transition bibliographique ne saurait s’écrire ni se faire autrement qu’à deux mains.

… FRBRisation du Sudoc : une esquisse

Ce que nous appelons « FRBRisation » est le processus automatique qui vise à rapprocher les informations contenues dans les notices bibliographiques existantes du modèle FRBR. Pour le Sudoc, il impulse une trajectoire d’évolution des données vers le modèle, tel que décliné dans le code de catalogage RDA-FR.

Il existe autant de méthodes et d’outils que de rapprochements visés. L’Abes entreprend la FRBRisation des données du catalogue Sudoc en exploitant, dans le système CBS qui les héberge, des algorithmes développés par OCLC. Leur rôle : regrouper les notices bibliographiques signalant une même œuvre, et créer pour chacune une notice d’autorité qui sera liée à toutes les notices bibliographiques regroupées.

Cette première phase de FRBRisation est limitée et imparfaite :

• les données existantes sont de qualité inégale ;
• les algorithmes ne génèrent pas de notices d’expression : l’articulation manifestation expression œuvre demeure incomplète ;
• une notice d’œuvre n’est générée que si deux notices bibliographiques au moins sont regroupées ;
• les agrégats et les ressources continues n’entrent pas dans le périmètre des données traitées.

D’ici à la fin de l’année, les résultats obtenus seront visibles dans l’interface professionnelle de production du Sudoc. Ils ne prendront cependant tout leur sens et leur intérêt que lorsque le catalogue public en bénéficiera à son tour. Pour y parvenir, il reste encore à consolider les premiers résultats, améliorer les processus de traitement, développer des interfaces de recherche et d’affichage adaptés.

Enfin, les règles complètes de description des œuvres conformes à RDA-FR devront également être élaborées.

Olivier Rousseaux
Abes

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Notes

1 Ce fut le cas lors de l’application récente de la zone 219, étiquette choisie pour signaler les différents éléments relatifs à la zone de l’adresse tels que définis par RDA-FR. Il n’a pas été possible d’introduire dans les commandes du CBS la complexité induite par le jeu de valeurs multiples entre les indicateurs 1 et 2. Retour au texte

2 Les contours mêmes du circuit du livre ont dû faire l’objet d’un J.e cours, tant les termes de « publication », « production », « diffusion », « distribution », « fabrication » devenaient source d’hésitation, de doute, de questionnements. Retour au texte

3 Georges Dumézil, lors de la remise de son épée d’académicien en 1979 : « Je sais que cette œuvre, dans cinquante, peut-être dans vingt, dans dix ans, n’aura plus qu’un intérêt historique, qu’elle sera, en mettant les choses au pis, ruinée, en mettant les choses au mieux […] élaguée, retaillée, transformée. […] Je vis donc avec ces deux certitudes, qui ne seraient contradictoires que si l’on faisait abstraction de notre maître à tous, le temps : j’ai raison, et j’aurai tort ». Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Laure Jestaz, « La TB, ou le battement d’ailes du papillon à l’échelle d’un réseau », Arabesques, 87 | 2017, 14-15.

Référence électronique

Laure Jestaz, « La TB, ou le battement d’ailes du papillon à l’échelle d’un réseau », Arabesques [En ligne], 87 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=268

Auteur

Laure Jestaz

Expert métadonnées, Abes

jestaz@abes.fr

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