Depuis 2020, la mission interministérielle numérique écoresponsable accompagne les ministères dans la mise en œuvre de leur plan de réduction des impacts environnementaux de leurs activités numériques avec, comme mesure phare, la réduction du renouvellement des équipements.
« Dématérialisation, informatique en nuage, réalité virtuelle… ». Par cette sémantique, le numérique semble immatériel. Or, la face cachée du numérique, c’est une méga-infrastructure désormais planétaire avec l’arrivée d’Internet à la fin du siècle dernier : terminaux, réseaux filaires, câbles sous-marins, antennes, serveurs, centre de données…
Selon les sources (Shift Project1, Green IT2), le numérique représente aujourd’hui 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Au niveau français, sa part est de 2,5 % dans l’empreinte carbone nationale, selon l’étude Ademe-Arcep sur l’empreinte environnementale du numérique en France3. Si cette part est modeste comparativement à d’autres secteurs comme les mobilités ou l’alimentation, la croissance des usages numériques interroge. Selon le rapport de la mission d’information du Sénat4 sur l’empreinte environnementale du numérique, les émissions en GES du numérique pourraient augmenter de manière significative si rien n’est fait pour en réduire l’empreinte : + 60 % d’ici à 2040, soit 6,7 % des émissions de GES nationales. De plus, le numérique, loin d’être immatériel, est très consommateur de métaux5 avec les problèmes environnementaux (dérèglement climatique, pollution sol-air-eau, consommation d’eau…) et sociaux (conditions de travail, travail des enfants, impact sur la santé…) que cela génère. La phase de production des terminaux concentre 70 % de l’empreinte carbone du numérique en France, selon le même rapport du Sénat.
Les actions de la mission interministérielle numérique écoresponsable
Dans la circulaire du Premier ministre du 25 février 20206, l’État s’engage pour des services publics écoresponsables notamment concernant le numérique : « l’État développe une stratégie de réduction de l’empreinte du numérique public ». La commande publique est reconnue comme un moyen efficace pour soutenir les politiques publiques en termes social et environnemental. Outre l’impact environnemental immédiat, il s’agit d’un levier significatif pour montrer l’exemple et ainsi dynamiser un secteur économique plus vertueux et durable.
C’est pourquoi depuis 2020, l’évaluation et l’amélioration de l’impact environnemental du numérique de l’administration publique sont coordonnées par la mission interministérielle numérique écoresponsable (MiNumEco)7, mission copilotée par la direction interministérielle du numérique et le ministère de la Transition écologique.
La MiNumEco accompagne l’ensemble des ministères en s’appuyant sur des correspondants. Depuis 2022, chaque ministère s’est doté d’un plan d’action de réduction des impacts environnementaux de leurs activités numériques par des actions sur la sensibilisation, la formation, la réduction du suréquipement, l’allongement de la durée d’usage des équipements, le réemploi des équipements ou l’écoconception de services numériques.
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Quelles bonnes pratiques pour un numérique plus responsable ?
En plus de l’accompagnement des administrations, des documents-cadres ont été élaborés par la MiNumEco et publiés en licence ouverte et accessibles à tous, en s’appuyant sur un écosystème riche d’acteurs comme la Direction des Achats de l’État, l’Ademe, l’Inria, EcoInfo du CNRS, l’Institut du numérique responsable, Halte à l’Obsolescence Programmée, ainsi que des ministères, organisations publiques ou privées…
Le Guide « Bonnes pratiques Numérique responsable dans les organisations »8 couvre l’ensemble des thématiques pour améliorer les activités numériques d’une organisation : stratégie et gouvernance, sensibilisation et formation, mesure et évaluation, réduction des achats, achat durable, usage, conception des services numériques, salle serveur et centre de données, fin d’usage, réemploi et gestion des DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques). Beaucoup de ministères et d’organisations publiques ont établi leur plan d’action et les indicateurs suivis en se basant sur les recommandations de ce guide. Le Guide pratique pour des achats numériques responsables9 s’adresse aux acheteurs souhaitant intégrer des clauses environnementales et sociales dans leurs achats et leurs marchés.
Quant au Référentiel général d’écoconception de services numériques10 (RGESN), il est à la fois un outil pédagogique et un moyen de vérifier la conformité d’un service numérique. Le référentiel contient 79 critères, tous vérifiables, génériques et intemporels. L’objectif de l’écoconception et de ce référentiel est avant tout de réduire l’obsolescence des équipements numériques.
Enfin, une boîte à outils11 propose une sélection non-exhaustive de logiciels libres et open source dédiés aux impacts environnementaux du numérique. Le référencement de ces outils, volontairement limités en quantité pour en faciliter l’appropriation, la classification et les descriptions ont été réalisés et sont mis à jour régulièrement par la MiNumEco.
Quelles bonnes pratiques pour la gestion des données ?
Dans le Guide « Bonnes pratiques Numérique responsable », il est recommandé de « mettre en place une stratégie de gestion de données12 ». En effet, une stratégie d’archivage pérenne peut être mise en place afin de limiter le plus possible les impacts écologiques. Cette pratique permettra de libérer de l’espace de stockage primaire. Il est donc important de définir clairement les conditions d’archivage. Cette démarche implique la mise en place également d’une stratégie de suppression. Une autre bonne pratique invite à « réduire le volume de données stockées13 ». Par ailleurs, dans le Référentiel général d’écoconception de services numériques (RGESN), quelques critères ciblent la gestion des données. Dans la thématique « Contenus », il est demandé : « le service numérique a-t-il une stratégie d’archivage et de suppression, automatiques ou manuelles, des contenus obsolètes ou périmés ? ». Pour la thématique « Backend », on trouve deux critères interdépendants sur la définition des durées de conservation des données et documents qui le nécessitent et sur l’archivage - ou la suppression - des données et documents après expiration de cette durée de conservation. Enfin, dans la thématique « hébergement », se pose la question de la redondance des données : « le service numérique duplique-t-il les données uniquement lorsque c’est nécessaire ? ».
Sur la question de maîtrise de l’impact environnemental des données, notamment des données ouvertes, l’association OpenDataFrance a publié un guide « GreenData14 » inspiré du Guide des bonnes pratiques numérique responsable. L’objectif de ce guide est, d’une part, de sensibiliser les différents acteurs aux impacts de certaines pratiques rencontrées au sein des organisations et, d’autre part, de partager des exemples de bonnes pratiques qui peuvent participer à la réduction de l’empreinte environnementale du numérique à travers le prisme de la donnée ouverte.
Synergies entre écoconception, sécurité et protection des données
Les phases d’extraction et de fabrication des équipements concentrent la majorité des impacts environnementaux du numérique. Il est donc indispensable d’allonger la durée de vie de ces équipements. Or, les systèmes d’exploitation, les logiciels et les services numériques sont de plus en plus gourmands en ressources informatiques. Les utilisateurs sont tentés de changer le matériel qui ralentit plus fréquemment. L’un des leviers pour lutter contre l’obsolescence matérielle induite par le logiciel est l’écoconception de service numérique. Mais les enjeux environnementaux du numérique se heurtent parfois à des injonctions contradictoires liées à la cybersécurité et à la protection des données. Pourtant, des synergies existent entre ces différents sujets.
Un atelier organisé par la MiNumEco avec la participation de différentes organisations (Dinum, ministère de la Transition écologique, ANSSI, CNIL, Université de Rennes, Campus Cyber, Institut du numérique responsable, Banque de France, etc.), a permis d’identifier et documenter les synergies entre écoconception, cybersécurité et protection des données15 : minimisation des données et des fonctionnalités, maîtrise et souveraineté des systèmes et des données, conformité aux référentiels, approche cycle de vie, démarches en amélioration continue,… Les impacts environnementaux du numérique et les moyens de les atténuer sont désormais connus. En impliquant toutes les parties prenantes dans l’organisation, et au-delà des écogestes individuels, l’urgence est de se focaliser sur les actions permettant de réduire le nombre et la fréquence de renouvellement des équipements.