Certains métiers ont radicalement changé en quelques décennies et n’ont plus que très peu à voir avec la situation des années antérieures. Celui de bibliothécaire en fait partie, la transformation des catalogues en ligne en témoigne. Au cours des 40 dernières années, les OPACs des bibliothèques universitaires (BU) ont connu plusieurs progrès significatifs du point de vue des utilisateurs. Illustration.

Coup d’oeil dans le rétroviseur

Dans les années 1980 et 1990, les catalogues étaient souvent basés sur des systèmes de terminaux où les utilisateurs devaient naviguer à l’aide de commandes spécifiques. Au fil du temps, ces systèmes ont évolué vers des interfaces web conviviales, offrant une expérience plus intuitive et accessible à partir de n’importe quel navigateur web.

Les catalogues ont aussi évolué pour offrir des fonctionnalités de recherche avancées, telles que la recherche par mots-clés, la recherche avancée avec des filtres multiples (par type de document, par langue, par date de publication, etc.), et la possibilité de trier les résultats selon différents critères.

L’essor des ressources électroniques telles que les livres électroniques, les articles de revues en ligne et les bases de données ne pouvait pas ne pas affecter les OPACs. D’abord timidement présentes via des imports réalisés dans les SIGB, les collections d’ebooks et d’e-journaux ont progressivement été complétées par des articles en ligne, chapitres, rapports, thèses et mémoires, brevets, comptes rendus, articles de magazines, etc., grâce au développement de solutions de découverte et d’index centralisés de métadonnées et ce, avec le coup de boost décisif des technologies EZproxy et VPN. À ces données distantes en provenance d’éditeurs et d’agrégateurs, certaines bibliothèques ajoutaient leurs propres fonds numérisés (collections locales spécifiques, collections patrimoniales).

En parallèle, les catalogues ont commencé à offrir de plus en plus de fonctionnalités de personnalisation pour les utilisateurs, telles que la possibilité de créer des profils personnels, de sauvegarder des recherches, de créer des alertes et listes de références, et même de recevoir des recommandations de lecture basées sur les habitudes de recherche et les intérêts des usagers.

Enfin, avec la prolifération des appareils mobiles tels que les smartphones et les tablettes, les catalogues ont évolué pour être accessibles et conviviaux sur toutes les tailles d’écran, offrant des interfaces réactives et des applications mobiles dédiées pour permettre aux utilisateurs de rechercher et d’accéder aux ressources de la bibliothèque dans une vision « anywhere, anytime ».

Ces quelques changements ont été motivés par la nécessité de répondre aux besoins des usagers, en leur offrant une expérience de recherche et d’accès à l’information plus efficace, plus pratique et plus personnalisée.

 

Crédit Adobe Stock / PaulShlykov / généré à l’aide de l’IA

Challenges et défis à venir

Les catalogues des BU sont dès aujourd’hui confrontés à des défis majeurs qu’ils sont sans doute condamnés à devoir relever pour continuer à rencontrer les attentes de leurs usagers, certains de ces challenges n’étant qu’une nouvelle mouture des transformations déjà concrétisées au cours des dernières années.

• Gestion des données massives : avec la croissance continue des collections numériques et des ressources en ligne, les bibliothèques universitaires sont plus que jamais confrontées à un défi croissant en matière de gestion des données massives. Cela inclut non seulement le stockage et la gestion efficace de ces données, mais aussi leur organisation, leur qualité, leur accessibilité et leur pérennité.
• Intégration de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique : l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) et de l’apprentissage automatique dans les catalogues en ligne offre des possibilités pour améliorer la recherche, la découverte et la recommandation de ressources : attribution automatique de mots-clés libres ou d’indexation1, génération de résumés, génération de synthèses sur les points forts et nouveautés apportés dans une publication, découverte conversationnelle, outil de croisement et de comparaison de recherches, fonctionnalité de fact-checking (par exemple en fournissant des liens vers des sources fiables, en affichant des avertissements concernant les informations controversées ou non vérifiées ou en intégrant des outils de vérification des faits), etc. En 2023, en l’espace de quelques mois, les principaux acteurs du marché des systèmes documentaires que sont EBSCO, OCLC et Ex Libris/Clarivate ont annoncé leur volonté d’investir dans cette voie2. Toutefois, les investissements dans le développement et l’intégration de ces technologies ainsi que des efforts pour garantir leur transparence, leur éthique et leur utilité réelle pour les utilisateurs sont colossaux, sans parler des impacts environnementaux ni des conséquences financières que ces nouveaux services auront sur les budgets des BU.
• Adaptation aux besoins changeants des utilisateurs : les besoins et les attentes des usagers évoluent constamment, en particulier dans nos environnements numériques en mutation rapide. Les catalogues en ligne doivent s’adapter pour répondre à ces besoins changeants, en proposant des fonctionnalités plus personnalisées, des interfaces conviviales et une expérience utilisateur intuitive bien plus performantes que précédemment. Les nouveaux catalogues seront-ils en mesure d’offrir une pertinence des résultats de recherche optimale et personnelle sans tomber dans les travers de l’enfermement dans les idées reproché aux algorithmes de certains réseaux sociaux ?
• Interopérabilité et normalisation des données : pour garantir une expérience utilisateur fluide et cohérente, les OPACs devront encore plus être capables d’interagir et d’échanger des données, quelle que soit leur origine (bibliothèque, autre bibliothèque, usager)3, avec d’autres systèmes et plateformes et offrir de plus en plus de services grâce à l’exploitation de l’approche par entités4 et du web de données5. Pour assurer une intégration efficace, cela nécessite une poursuite de la normalisation et de l’interopérabilité des données et des systèmes, parfois concurrents.
• Protection de la vie privée et sécurité des données : avec la collecte croissante de données sur les utilisateurs, notamment leurs habitudes de recherche et de navigation dans la perspective d’offrir une expérience de navigation améliorée, les solutions doivent être vigilantes quant à la protection de la vie privée et à la sécurité des données. Les récentes déconvenues à la British Library nous le rappellent amèrement6. Cela inclut la mise en œuvre de mesures de sécurité robustes, la conformité aux réglementations sur la protection des données telles que le RGPD, ainsi que la transparence et le contrôle des utilisateurs sur leurs données personnelles. Trop souvent, les droits octroyés par les articles 15 (Droit d’accès de la personne concernée) et 20 (Droit à la portabilité des données) du RGPD ne sont pas encore pleinement satisfaits par les fournisseurs de solutions7.

Et donc…

En abordant ces défis de manière proactive, les BU ne peuvent qu’espérer garantir que leurs catalogues resteront pertinents, efficaces, utiles et sécurisés dans un paysage numérique en évolution constante… Si les prestataires de services sont à la hauteur des défis car de nombreuses clés ne sont pas dans les mains de la bibliothèque8.