En septembre 2024, l’université de Londres a accueilli le congrès annuel de l’Open Library Foundation, acteur incontournable des logiciels libres spécifiques au monde des bibliothèques. En 2024, la fondation offre son soutien à plusieurs initiatives qui prennent de l’ampleur et peuvent constituer un écosystème de gestion documentaire : Folio, système de gestion des bibliothèques qui commence à s’implanter de plus en plus aux États-Unis et en Europe ; GOKB, une base de connaissance collaborative ; VuFind, un outil de découverte open source ; OpenRS et ReShare, initiatives proposant des solutions innovantes pour le prêt entre bibliothèques. Et, à partir de 2025, Koha fera également partie des solutions que la fondation soutiendra.
Congrès relativement atypique dans le monde des bibliothèques, WOLFcon rassemble des communautés d’informaticiens et bibliothécaires, ainsi qu’une diversité notable de prestataires autour des logiciels libres. La variété des profils explique la richesse impressionnante du programme : une vingtaine d’ateliers par jour, tantôt des présentations très techniques sur des sujets comme l’architecture des bases de données ou la conception des API, tantôt des groupes de discussion sur des formats de métadonnées ou la gestion de projets de réinformatisation, ou des ateliers sur les nouvelles fonctionnalités et feuilles de route des produits.
Construire une communauté d’utilisateurs
Le dynamisme porté par la communauté Folio - 165 bibliothèques à missions très diverses : petites ou grandes structures documentaires universitaires, bibliothèques nationales ou consortia regroupant des bibliothèques académiques et de lecture publique - donne une forte coloration aux sujets, plus de 90 % concernant l’évolution de ce produit. Les ateliers ont ainsi abordé les besoins émergents d’une communauté fortement impliquée dans les choix mêmes d’évolution : mise en place d’un module de catalogage basé sur le modèle entités-relations, enrichissement du module ERM avec des bases de connaissance externes ou création de fonctionnalités de gestion de droits adaptée à un réseau de bibliothèques complexe. Ce qui ressort de tous les ateliers et échanges est l’implication forte dans une communauté de pratiques, en termes de développement informatique et d’organisation de la remontée des besoins des bibliothécaires.
L’approche exposée dans le développement d’un module de catalogage en entités-relations s’avère particulièrement séduisante pour les bibliothèques impliquées dans la transition entre les formats Marc et de nouveaux modèles conceptuels. Ainsi, grâce à une démarche UX auprès de catalogueurs habitués à Marc21, l’enjeu était de proposer une interface de saisie adaptée, qui garde les avantages de la présentation compacte d’une notice en Marc, tout en proposant une visualisation matérialisant les niveaux du modèle Bibframe (notamment l’équivalent de l’expression et de la manifestation). Pour les catalogueurs, l’existence d’un tel module de catalogage renouvelé a représenté un bon levier de compréhension et d’appropriation des nouveaux modèles conceptuels, à l’épreuve de la pratique de catalogage.
Les SGB et au-delà
Les ateliers et échanges du WOLFcon présentent aussi l’intérêt majeur de mieux placer les SGB dans un écosystème global. Ainsi, les ateliers assurés par les consortia allemands sur les fonctionnalités et usages de la base de connaissance libre et collaborative GOKB montrent l’importance de l’interfaçage d’un tel outil (qui nous rappelle, en France, la base de connaissance nationale Bacon) avec des catalogues des bibliothèques. Alimentée par une communauté de bibliothèques consciente de l’importance de la souveraineté sur les métadonnées, GOKB utilise fortement les données de référence du catalogue allemand des périodiques et peut facilement s’intégrer par API dans le module ERM de Folio, pour une gestion complète et fiable des ressources électroniques.
Enfin, un mot sur un service parfois oublié, le PEB : des solutions comme OpenRS ou ReShare, utilisés par des consortia à l’étranger et interfaçables avec tous les logiciels de gestion locaux, montrent les potentialités des nouveaux systèmes en termes de qualité de service rendus à la fois aux bibliothécaires et aux usagers.
Open source et open data
Bien que ne s’agissant pas de notions synonymes, le logiciel libre et le libre accès aux données vont de pair. C’est du moins l’approche présentée par le CERN, organisation de recherche dont la place centrale dans le monde scientifique et le développement du numérique n’est plus à prouver : pour la gouvernance du CERN, l’open access total se double d’une politique volontariste pour l’open data et aussi de l’utilisation systématique de logiciels open source. Les communautés des bibliothécaires sont effectivement idéalement placées pour saisir les enjeux de l’ouverture des logiciels et des métadonnées.