Initié en 2010, le projet SGBm est aujourd’hui en phase de déploiement dans les établissements, tout en préparant la suite de l’accord-cadre actuel.
S’il est sans doute exagéré d’écrire que le projet SGBm est aujourd’hui « à la croisée des chemins », le temps est venu d’en dresser un bilan et, surtout, de préparer l’avenir.
Il ne semble pas inutile de rappeler l’originalité de ce projet dans le paysage bibliothéconomico-informatique français.
Fondamentalement, le projet SGBm était – et reste – destiné à faire évoluer l’offre logicielle à destination des bibliothèques de l’enseignement supérieur et de la recherche, afin que soient mieux pris en compte les usages numériques issus du web mais également la nécessité de gérer, au-delà des catalogues recensant des documents matériels, la description et l’accès aux ressources immatérielles (base de connaissances, outil de découverte, résolveur de liens, gestion de droits d’accès,…) sans oublier l’interfaçage avec les systèmes d’information des universités (service de scolarité, fédération d’identités,…) – et bien d’autres évolutions, absentes des SIGB « classiques ».
Après avoir songé à développer son propre SGB1 pour pallier la très grande hétérogénéité technique2 des établissements membres du réseau Sudoc, l’Abes a fait le choix d’une solution administrativement et techniquement innovante : un dialogue compétitif donnant lieu à un accord-cadre. Mené en relation étroite avec 9 sites pilotes, le dialogue compétitif a permis de retenir quatre prestataires3 répondant aux caractéristiques techniques et aux recommandations fonctionnelles. Ceux-ci ont ainsi intégré l’accord-cadre négocié pour quatre ans par l’Abes et les engageant sur un certain nombre de garanties, notamment en termes de plafond tarifaire. Sur ces bases, l’Abes a accompagné les établissements membres du groupement de commandes qui ont bénéficié de l’accord-cadre lors de la passation de leurs marchés subséquents.
La désignation d’un nombre limité de prestataires habilités à concourir aux appels d’offre des établissements répondait à plusieurs objectifs : peser sur la négociation tarifaire, source d’économies d’échelle pour les établissements ; garantir à chaque prestataire la possibilité de participer à plusieurs appels d’offre pour une concurrence pérenne entre les fournisseurs, s’adressant, potentiellement, à une cinquantaine d’établissements ; mutualiser les ressources et homogénéiser les pratiques, pour lutter contre l’hétérogénéité stigmatisée plus haut.
Un chantier sur dix ans, et plus encore
Quatre années (2010-2014) ont été nécessaires pour mener à bien la phase d’étude, avant le lancement de la phase pilote (2014-2016) et du dialogue compétitif. En avril 2017, le déploiement des sites pilotes débutait avec une première installation4, celle de la médiathèque d’Universciences, l’ancienne Cité des sciences et de l’industrie de la Villette. Début 2019, ce sont 29 établissements qui sont engagés dans leur réinformatisation, soit 65 % des membres du groupement de commandes.
Pour accompagner les établissements dans leur processus, l’Abes s’est engagée dans des « prestations » d’assistance à toutes les étapes des projets de réinformatisation des établissements : mise en œuvre et pilotage des marchés ; organisation de l’appel d’offres et négociation post-marché ; maîtrise d’ouvrage sur le déploiement du système choisi, aussi bien pour les aspects techniques (migration des données) qu’humains (formation des personnels) ; coordination et dialogue avec les prestataires sur les évolutions souhaitées des produits.
Un bilan d’étape et une démarche prospective
Il a semblé indispensable de dresser un bilan d’étape en recueillant l’avis des partenaires de l’Abes, tant sur le présent que sur l’avenir de l’accompagnement proposé. Il s’agit en effet – et la pression des établissements « hors-groupement » est forte en ce sens – de s’interroger sur un « SGBm V2 », le paysage informatique ayant, en presque dix ans, beaucoup évolué. Pour ce faire, deux enquêtes et une analyse prospective ont été menées, cette dernière pilotée par Marc Maisonneuve, spécialiste reconnu des solutions informatiques pour bibliothèques5.
La première enquête, envoyée aux 24 établissements qui, en septembre 2018, avaient bénéficié de l’accompagnement de l’Abes dans leur réinformatisation, avait pour but de relever leur degré de satisfaction par rapport à cet accompagnement, mais aussi de les interroger sur leur vision de « l’après accord-cadre ». Même si, au moment de l’enquête, seulement sept établissements avaient déjà bénéficié de l’ensemble des prestations d’accompagnement prévues, les répondants ont apprécié l’implication de l’Abes et de ses services dans l’aide à la migration des données ainsi que la gestion administrative du marché, l’espace collaboratif mis en place par l’Abes ayant été particulièrement plébiscité. Par ailleurs, au-delà des relations avec l’Abes, c’est la qualité des relations avec les autres établissements impliqués dans l’accord-cadre qui a été relevée comme un point extrêmement positif de collaboration, l’accord-cadre tel que mis en place ayant permis des échanges bien différents de ceux autorisés, par exemple, dans une association d’utilisateurs d’un logiciel.
Le satisfecit décerné aux équipes de l’Abes influe sur les propositions de « l’après ». En particulier, la mise en place d’un espace mutualisé d'échanges au sujet des ré-informatisations des établissements (partage de documents et de bonnes pratiques, analyse des coûts et tarifs,...) semble indispensable, et devrait en toute logique être gérée par l’Abes. Amplifiant la formule de l’accord-cadre, les répondants souhaiteraient aussi la mise en place d’un groupe d’experts qui labelliserait les solutions du marché sur la base d’un cahier des charges type. Une autre option est majoritairement écartée, celle de l’absence de dispositif d’accompagnement, qui privilégierait uniquement le contact direct entre les prestataires et les établissements, même si celui-ci reste indispensable.
La seconde enquête concernait les 90 établissements hors groupement de commandes, pour évaluer leur intérêt, d’une part à la création d’un espace partagé et mutualisé sur les expériences de réinformatisation comme celui évoqué plus haut, d’autre part à la création et à l’accompagnement d’un nouvel accord-cadre qui pourrait démarrer dès la fin du groupement en cours, vers fin 2020.
Les résultats de cette seconde enquête sont plus complexes à interpréter, et le nombre de répondants plus faible en proportion. Si un certain nombre d’établissements se déclarent intéressés par un nouveau groupement de commandes, la majorité d’entre eux souhaiterait s’orienter vers une solution informatique « open source », questionnement qui fait le lien avec l’étude demandée à Marc Maisonneuve. Celui-ci souligne en effet que le marché est tout à la fois en baisse constante en volume depuis 2000 et l’objet d’importantes concentrations aboutissant à un nombre plus restreint de prestataires, mais pas forcément d’offres logicielles. D’un point de vue technique, l’open source est en progression constante, tout comme le mode Saas6, qui avait déjà été privilégié dans le choix des quatre prestataires de l’accord cadre.
Et maintenant ?
Si le projet SGBm a encore rapproché l’Abes et les bibliothèques, notamment en termes de méthodes de travail7, il s’est également traduit par une montée en compétences des équipes sur les offres logicielles pour les bibliothèques et, d’un point de vue technique, par une meilleure synchronisation entre les SGB et les outils de l'Agence. Pour les établissements, des économies substantielles, tant de coût que de temps, ont abouti à la mise en place efficiente de systèmes adaptés à leurs nouvelles contraintes, tandis que l’aspect collaboratif a permis d’émousser les demandes spécifiques au profit d’une standardisation accrue et profitable à tous.
Plusieurs scénarios sont actuellement à l’étude, parmi lesquels : l’identification d’une solution de type « marque blanche et/ou libre » ; la mise en œuvre d’un nouvel accord-cadre dans des conditions plus adaptées au marché du libre, avec l’appui éventuel d’un établissement co-coordonnateur ; la labellisation de solutions du marché ; l’accompagnement de projet étendu ou, plus simplement, l’animation de comités de suivi des déploiements. Les établissements seront consultés au travers de la commission ADBU-SSI pour mener à bien ces études de faisabilité qui aideront le Comité de pilotage national, lors des réunions prévues en mai et novembre 2019, à statuer sur les mesures d’accompagnement à venir.