Dans l’ensemble des pratiques sociales, médico-sociales, médico-psychologiques, les désignations, catégories et autres classifications posent de délicats problèmes conceptuels, cliniques et éthiques… Nombre de praticiens se montrent très réticents, sinon franchement hostiles à toute désignation en arguant qu’on ne saurait réduire la personne qui vient consulter ou qui demande une aide à son statut d’usager voire de patient. Le souci de la globalité de la personne devrait l’emporter sur toute autre considération, comme celui de ne pas la réduire comme certains le diraient à « un appareil psychique ». Je préférerais dire que chacun d’entre nous est un citoyen.
La notion d’usager en particulier, qui s’est imposée peu à peu au rythme de l’emprise libérale sur les institutions et les pratiques, tire la personne qui vient consulter vers une position de consommateur. De plus en plus, certaines personnes viennent consommer du soin comme elles viendraient consommer autre chose, et du coup les offres de pseudo pratiques soignantes se font jour, faisant miroiter des rémissions des symptômes à court terme, sans chercher à savoir ce que le symptôme vient répéter dans la problématique globale de la personne. Un symptôme a cette particularité d’insister…
Dans un autre registre, l’espoir ou le mythe du zéro souffrance vient polluer la part nécessaire de la dimension tragique qui procède de toute existence. Le deuil, et le travail psychique qui l’accompagne, n’est parfois plus vécu comme un processus normal, certes douloureux, mais peut faire l’objet d’interventions clôturantes qui dérobent au sujet l’expérience de la confrontation au réel douloureux et aux affects que cela entraîne (le deuil ne suffit plus, on se voit affubler d’un trouble de dépression majeure ou d’un PTSD : post-traumatic-stress-disorder). La notion de victime s’impose et fait coïncider alors le sujet, transformé en objet, avec un ensemble global soignable par la victimologie. Dans ces conditions on confond allègrement un événement traumatique avec le trauma, qui est un événement psychique, c’est-à-dire la manière dont un individu réagit selon son histoire à une situation éventuellement traumatique. Enfin, nous sommes de plus en plus confrontés à des usagers, qui – forts des renseignements trouvés sur Internet sur les comportements et les symptômes qui les dérangent, mais qu’ils entretiennent – viennent consulter en exhibant la documentation qu’ils ont choisie. Ils se présentent alors comme hyperactifs, bipolaires, sujets de TOC (troubles obsessionnels compulsifs) voire pré-schizophrènes, coupant par là même dans un premier temps la nécessaire confrontation de deux subjectivités, hors d’une organisation psychique modélisée ou pré-établie. Cependant, ce qu’il va falloir expérimenter dans les entrelacs des subjectivités, ce sont des zones de gris (ni noires, ni blanches) de flous partagés, de savoirs mis à l’épreuve, une praxis qui cherche à psycho dynamiser la clinique, c’est-à-dire à créer du lien et à vivre l’altérité.
Cette clinique-là implique une créativité sociale et institutionnelle, une inventivité relationnelle, des professionnels qui sachent se renouveler. Cela suppose toutefois de laisser à sa juste petite place les lubies obsessionnelles de l’idéologie managériale (le PMSI, programme médicalisé des systèmes d’information, et autres fredaines accréditrices) qui chercheraient à protocoliser nos pratiques en les vidant de leurs assises relationnelles. Cette psychiatrie industrielle transforme le patient en objet et propose aux institutions de soins de fonctionner à flux tendu. Elle emprunte au monde industriel, à celui de la grande surface sa logique de régulation, de dérégulation en fait, en s’appuyant sur le tout économique et les nouvelles technologies appréhendées sans beaucoup de préoccupations éthiques, notamment dans ce qu’elles imposent de logique binaire. On pourrait nous faire croire que les individus et les rapports humains fonctionnent sur le modèle d’une machine animée qu’on pourrait programmer à loisir : il suffirait de connaître le bon code d’utilisation pour la faire agir comme on l’entend. Tout devient intégré dans un schéma comportementaliste où les mots d’ordre seraient : inclusion, uniformisation, homogénéisation. Remarquons que cette logique s’appuie sur le noyau le plus archaïque de l’être humain, celui où par crainte de la séparation, il s’agglutine pour ne pas se différencier, à un monde maternel tout puissant.
On l’aura compris, je pense, je revendique une pratique artisanale sinon bricolée, dans laquelle la pensée peut continuer à vagabonder, à errer. Il est intéressant à ce sujet de s’interroger sur la définition du mot bricolage, non pas tant celle courante qui fait état d’un travail d’amateur peu soigné, ce qui nous éloignerait du professionnel, mais plutôt dans son acception anthropologique qui évoque un travail dont la technique est improvisée, adaptée aux matériaux et aux circonstances. Je pourrais ce faisant rajouter une troisième définition, celle d’une expérimentation qui entraîne un résultat incertain et aléatoire, pour m’éloigner du sérieux et du scientifique chers aux professionnels qu’on voudrait instituer de nos jours.
En ce sens, je suis plus à l’aise pour parler de ces lieux interstitiels, non institués ou peu institués, que j’anime ou je fréquente au même titre que d’autres collègues (psy et travailleurs sociaux) et où l’on entend immanquablement récriminations, inquiétudes, doutes sur la pertinence des actions menées ; un peu comme si, face à notre surmoi pétri d’orthodoxie, ces lieux-là représentaient une frange, une marge, une forme de dérive, d’illégitimité. Ce sont des lieux précaires, mais précieux à la fois, qui cherchent à accueillir les errances, les instabilités, les abandonismes, les vulnérabilités et leurs traumatismes éternellement irrésolus. Leur modèle tient plus à la marginalité qu’à l’institutionnalisation d’un cadre précis et strict, encore faut-il alors que le cadre soit dans notre tête, pour tenter de promouvoir ce que j’appellerai « une institution mentale », après Jacques Hochman.
Sans doute aussi, comme chaque fois, des fragments de nos histoires personnelles sont-ils à l’œuvre dans le choix de ce type de clinique. L’usage que nous en faisons en transporte l’empreinte. Ainsi pour ma part, je porte l’empreinte du métissage, mais permettez-moi d’en garder la discrétion. Mais revenons au bricolage, celui dont je vous parle rappelle l’époque héroïque de cette psychiatrie communautaire, cette invention qui empruntait à Racamier « La psychanalyse sans divan » (1970). C’est bien évidemment une référence respectable qui m’a légitimé à la maintenir, parce qu’elle ouvre à une clinique (en grec : au chevet du patient), une clinique qu’on qualifierait rapidement de psychosociale (terme que je n’aime pas beaucoup, car il aurait tendance à minimiser le psychisme), mais une clinique en fait, qui s’intéresse à la manière dont le sujet se débat dans le social et la quotidienneté. Dans cette clinique, il est parfois urgent de contenir, d’endiguer le désespoir, le recueillir, ne pas le laisser dévorer le sujet ; car celui-ci peut en mourir : de déchéance, d’auto-exclusion, de participation active à sa destruction (cf. les SDF, les sans-papiers, les demandeurs d’asile que j’évoquerai à la fin). Le bricolage, c’est d’abord « amarrer » ce sujet à une vie minimale, une vie psychique minimale, c’est-à-dire l’aider à retrouver le goût de penser ; « amarrer » à un lien social précaire, fragile qui lui servira de contrat narcissique supplétif, qui le reliera à l’ensemble narcissique humain. En d’autres termes, « faire société » ensemble.
Cependant, ces situations banales que nous rencontrons dans nos dispositifs d’accueil puis de soins ne sont pas sans soulever des difficultés. Les travailleurs sociaux et les soignants sont en effet confrontés à des sujets en état de grande détresse psychique, physique et sociale. Un mouvement spontané nous porte alors au secours de l’autre, c’est la sollicitude qu’il va falloir apprendre à tempérer. L’affect de sollicitude est au cœur de toute démarche soignante, et le processus psychique en œuvre dans son apparition est évidemment l’identification. Par empathie nous voilà donc à la place de l’autre, en train de vivre cette incapacité, ce manque, cette détresse. C’est le même mécanisme qui est à l’œuvre chez la mère attentive à la détresse de son bébé, ce qui la conduit à répondre de façon adéquate aux attentes de son enfant. Je vous passe les aléas de cette relation et le minimum de frustration nécessaire au développement du bébé, mais ce qui est important c’est l’identification à la détresse, à la souffrance de l’autre, c’est l’étape initiale, c’est en quelque sorte ce que nous prêtons à l’autre : notre sollicitude. Racamier avait ces mots tout simples : « Un patient psychotique ne s’identifiera qu’à celui qui aura au préalable accepté de s’identifier à lui. » (1980.) Au-delà du patient psychotique, toute personne d’ailleurs. Toutefois, cette attitude n’est pas anodine, car le besoin impérieux de venir en aide à l’autre, risque d’enclencher une succession d’attitudes dommageables pour la suite de la relation. En effet nous prenons le risque d’amener notre interlocuteur à un vécu humiliant d’impuissance qui réveille en lui le vécu archaïque du nourrisson impotent et envahi par les pulsions envieuses envers la mère. Trop de sollicitude et le sujet se sent envahi, blessé dans son amour-propre, confronté à son incapacité à venir à son propre secours ; il peut alors disqualifier ses propres capacités, tout en se montrant envieux à notre égard et donc attaquant. Il nous faut donc tempérer cette sollicitude, c’est-à-dire accepter de différer une réponse agie à leur détresse pour leur laisser le temps d’élaborer la leur (que nous soutiendrons). Leur solution peut ne pas nous convenir, mais il est assez remarquable que quand ça marche, les emprunts sont assez partagés, ce qui veut dire que l’identification a fonctionné dans les deux sens. Plus globalement, cela signifie pour le sujet que sa capacité à se venir en aide à lui-même est reconnue et soutenue par un autre être humain, qui accepte d’en payer le prix ; c’est-à-dire, ses affects d’inquiétude, les reproches de son surmoi et éventuellement ceux de ses collègues.
Remarquons cependant que l’impératif de sécurité, doublé de sa référence au droit1, aujourd’hui dominant dans tous les secteurs de l’activité humaine, et la protocolisation des réponses qui neutralise les affects de sollicitude en les remplaçant par des éléments codifiés de réponse, sont les deux obstacles majeurs qui limitent la liberté intérieure de chaque soignant ou travailleur social, en ne favorisant guerre le libre exercice d’une authentique sollicitude tempérée (la relation est transformée en procédure éventuelle). Aussi nous faut-il résister à ces nouvelles pratiques institutionnelles et soignantes qu’on voudrait nous imposer ; non pas tant parce qu’elles apportent des réponses codifiées, mais surtout parce qu’elles privent le sujet d’exercer envers lui-même ses propres capacités de sollicitude, qui est un des éléments constitutifs de l’estime de soi. Le nouveau sujet promu ainsi sera un usager, consommateur de réponses stéréotypées, homogénéisées, typique en fait du talon d’Achille paradoxal du nouveau monde libéral, c’est-à-dire son aspect totalitaire. Voilà le sens actuel de l’histoire institutionnelle : l’institution totale !
Continuons donc à promouvoir des pratiques institutionnelles et soignantes où les processus fondamentaux d’identification à la communauté humaine continuent à œuvrer. Quitte encore une fois à ce que le résultat ressemble à un bricolage, aléatoire, improvisé, finalement peu soigné. Ce bricolage est cependant exigeant, puisqu’à partir du moment où l’on n’est plus retranché derrière les protocoles et codifications, les personnes que nous rencontrons nous ressemblent comme des frères ; c’est-à-dire qu’elles suscitent en nous des identifications singulières. C’est donc à partir de notre éprouvé, dont j’ai rappelé les précautions d’usage, que le sujet va capter en lui-même ce que l’autre y a déposé, pour se le traduire, afin d’en restituer quelque chose à l’autre, en lui rendant « détoxiqué », et petit à petit une relation peut s’installer.
Adeline Bidon (adeline.bidon.illustration@gmail.com, http://methylaine.blogspot.com)
Je voudrais finir par une illustration concrète de ce que je viens d’exposer. Je travaille, entre autres, dans un dispositif d’accueil et de consultations somatiques et psychologiques pour des personnes en situations très précaires, sans droits pour la plupart. Il y a là beaucoup de sans-papiers, des demandeurs d’asile voire des titulaires de la CMU (couverture médicale universelle) que des médecins récusent. Au même titre que mes collègues somaticiens et psychistes, j’essaye de leur proposer un cadre régulier d’entretiens et de rencontres, afin d’établir une régularité qui peut permettre à la continuité psychique de s’installer et par là même de recouvrer une certaine estime de soi. Dans ce dispositif, pour des raisons qui tiennent à une partie de mon histoire professionnelle (Maqueda F., 1998), on m’adresse prioritairement des personnes, demandeurs d’asile, victimes principalement de conflits armés, de violences de guerre extrêmes (et en particulier des jeunes mères ou des futures mères).
À ce titre, je vais accueillir, une jeune femme bosniaque de 23 ans, réfugiée depuis peu avec son mari et qui viennent de fuir la Bosnie, plus de 10 ans après les accords de Dayton (1996), ceux qui ont scellé une paix précaire en ex-Yougoslavie. Les raisons qu’elle donne à sa fuite sont les suivantes. Quelques mois auparavant, ils ont essayé de récupérer la maison familiale à cheval sur une ligne de séparation du conflit inter-communautaire, et à cette occasion, alors que son mari est roué de coups et assommé, elle se fait violer par plusieurs individus dans une violence extrême et intentionnelle. Bien évidemment, elle connaît ses agresseurs, issus d’un voisinage hostile, mais intouchable. La plainte qu’ils déposent est insuffisamment reçue ; ils sont menacés de représailles (nous sommes là encore dans les soubresauts de la purification ethnique où le narcissisme des petites différences coule à flots). Terrorisés, ils s’enfuient et rejoignent à Lyon une sœur et sa famille ayant obtenu l’asile précédemment. Enceinte de 4 mois à l’époque de l’agression, elle perd son bébé suite aux violences et quand elle vient me rencontrer, elle est de nouveau enceinte de 4 mois ; mais sidérée, anéantie, empêchée de penser par la collusion des dates. Elle ne peut se déprendre de l’idée qu’elle va perdre son nouveau bébé, au summum d’une angoisse amplifiée par le rejet d’une première demande d’asile. Elle est menacée d’expulsion dans son pays d’origine. Autant vous dire que même si j’ai un peu l’expérience de ces situations, elle m’inquiète excessivement. J’en arrive même à penser à une hospitalisation préventive afin de surveiller cette grossesse et prendre soin de son état psychique. Mais prenant en compte, finalement, le fait qu’elle a survécu à toutes ces épreuves et pour ne pas la disqualifier, je vais mettre en place un travail (« d’accouchement ») au plus près, avec l’aide de l’interprète, lui faisant accepter peu à peu des entretiens réguliers, réglés, qui font appel à ses capacités de prendre soin d’elle-même. J’ai perçu par ailleurs qu’un transfert de type maternel pouvait s’installer avec l’interprète tout comme un transfert de type paternel avec moi-même. En d’autres termes, une alliance thérapeutique était possible. Cependant, elle maintiendra chez moi, une ligne de tension d’inquiétude, alimentée par les fantasmes qu’elle exprime crûment d’une éventuelle pollution après-coup des violeurs sur ce nouveau bébé. En fait, elle est traversée par la pensée folle que le bébé pourrait être celui des agresseurs, pensée alimentée par les photos des échographies, où elle projette une ressemblance avec le visage d’un des agresseurs. L’accouchement approchant, elle est de plus en plus angoissée ; je découvre à ses questions qu’elle n’a pas bénéficié de cours d’accouchement, parce qu’elle ne les a pas demandés ; et je vais intervenir (très en colère) auprès des sages-femmes de la plus grande maternité hospitalière de Lyon, où elle doit accoucher. Dans les derniers jours, rompant une fois de plus avec toutes mes protections orthodoxes, je vais même lui donner mon numéro de téléphone portable (demandant à l’interprète de faire de même) et nous communiquerons par SMS, dans un sabir mi-français, mi-anglais, parfois bosniaque, qui m’obligera à appeler l’interprète un dimanche. Elle accouchera, finalement en retard (je pensais : elle le garde au chaud ou elle veut l’asphyxier) au petit matin du jour d’une séance que nous devions avoir, et me téléphonera à l’heure dite de la séance alors que je l’attends (nous étions convenus de ne rien déroger au cadre, ne serait-ce que pour prévenir une éventuelle reconduite aux frontières). Vous conviendrez que c’est remarquable d’un processus thérapeutique, alors que le cadre était éminemment fragile et bricolé.
Je suis donc allé la voir, avec un peu de retard, celui du temps pris pour me rendre à la maternité. Elle me le fit remarquer, comme je le lui reprochais souvent. Mais j’étais à la maternité, bien évidemment dans des conditions non protocolisées (en dehors des heures de visites, assez tôt le matin, et décidé à ne pas faire état de ma position de soignant au cas où je serais arrêté, pour deux raisons : l’une, afin de ne pas alerter faussement le personnel sur ce qu’il interpréterait par ma présence comme une éventuelle pathologie de cette jeune femme, l’autre, de ne pas être reconnu comme celui qui avait râlé pour les cours d’accouchement). Je me surprendrais moi-même à être rassuré par l’extrême ressemblance de cette petite fille avec son père, présent au chevet de sa femme puisque l’accouchement datait de quelques heures. Depuis, elle continue à venir me voir, souvent accompagnée du bébé, au sujet duquel elle me questionne parfois, quant à l’évolution normale de son développement. Elle va finir par bénéficier d’un titre de séjour provisoire pour raison médicale.
C’est une histoire qui ressemble à d’autres que je connais, et que d’autres professionnels rencontrent probablement. Mais je vous l’ai livrée pour finir, parce qu’elle fait partie de nos histoires, de nos héritages, de nos temps institutionnels et soignants ; c’est une histoire comme d’autres où nous sortons de nos cadres institutionnels pour que quelque chose se transforme. Reste que pour faire cela, il faut avoir un cadre mental, une institution mentale qui nous donne confiance, qui nous permet d’exercer cette sollicitude tempérée faite d’identification à l’autre et qui permet à l’autre de s’identifier à nous ; ce va-et-vient d’identifications croisées, si on veille à les maintenir, nous protège en fait de l’institution totale. L’héritage, c’est la durée et la transmission ; j’ai essayé de vous dire le mien : la psychiatrie communautaire et la psychanalyse sans divan. Nous nous livrons en fait à un travail de passeur (Maqueda F. 2008).
Mais enfin quand on s’interroge, comme moi aujourd’hui, somme toute à la fin d’une carrière sur l’histoire institutionnelle, c’est la première fois, je crois, où les institutions tutélaires et leur mode de management, essayent autant de nous imposer un mode de fonctionnement unique basé sur l’économique. Ce mode de fonctionnement se présente, qui plus est, comme anhistorique, en tentant de ne pas tenir compte de ce qui s’est passé auparavant. Je reste optimiste cependant ; car il reste toujours au cœur des hommes cette faculté d’inventer le monde, c’est-à-dire les institutions, celles qui garantissent qu’une vie humaine « suffisamment bonne » puisse durer. Ces institutions articulées entre elles, sont les pièces élémentaires de ce que l’on peut appeler la culture ou l’ordre symbolique. Elles disent tout à la fois, ce qu’est le monde et ce que sont les sujets qui l’habitent. Je crois qu’il est possible de penser, de soutenir, qu’un temps pourrait advenir où les institutions seront jugées à leur capacité de respecter la vie, à construire du « vivre ensemble ».