Tous les étudiants de psycho connaissent probablement J.-B. Pontalis (du couple Laplanche et Pontalis). Certains savent qu’il est non seulement psychanalyste, de moins en moins, ai-je envie d’ajouter, directeur de la défunte Nouvelle revue de psychanalyse, mais aussi écrivain. À ce palmarès, il convient d’ajouter qu’il est le directeur d’une très belle collection chez Gallimard, « l’un et l’autre », l’un étant l’auteur du livre, l’autre celui dont il est question, d’une manière toujours singulière, personnelle, souvent poétique. À moins que ce ne soit le contraire.
De Michel Séonnet, J.-B. Pontalis avait déjà publié Sans autre guide ni lumière un très beau texte sur le pasteur allemand Dietrich Bonhoeffer qui fut pendu par Hitler pour avoir participé à un complot contre lui. En lisant La marque du père, le lecteur comprend la nécessité pour l’auteur de passer par une telle figure, hautement héroïque et d’une impressionnante exigence éthique. En effet, là où Bonhoeffer, membre de la haute bourgeoisie allemande, choisit de résister à son propre pays (l’un de ses principaux ouvrages s’intitule Résistance et soumission), le père de M. Séonnet a choisi (mais dire les choses ainsi est trop simple) la collaboration avec l’occupant nazi en participant à la légion Charlemagne, légion composée d’étrangers sous l’ordre des nazis.
La marque du père, c’est celle que l’auteur, enfant, a vue tatouée sous son aisselle. Cette marque, dont jamais il ne fut question en famille, il lui a fallu en chercher le sens dans les livres d’histoire. Au long de ce texte d’une grande sensibilité, M. Séonnet ne fait pas le procès du père. Il essaie plutôt de comprendre celui-ci, tout autant que de comprendre comment il s’est construit comme fils avec ce père-là, un père plutôt aimant, plutôt présent, un père avec, aussi, sa part d’ombre. Comment il s’est construit en se donnant une nouvelle figure de père, Armand Gatti, immense homme d’un théâtre engagé dans le monde, Armand Gatti résistant à quinze ans. Comment il s’est construit en tendant des perches à son père, des provocations adolescentes à ce livre fondateur Que dirai-je aux enfants de la nuit ? (Verdier, 1994).
Freud écrivait que l’on est adulte lorsque l’on a compris ses parents et qu’on leur a pardonné. La marque du père est le livre d’un auteur adulte. C’est sûrement aussi un livre qui a aidé son auteur à devenir plus adulte. En effet, jamais il ne cherche ni à excuser ni à accabler. Toujours il cherche à comprendre puisqu’il est le fils de ce père-là et que ce dernier a su être présent dans sa vie sans lui imposer ses choix ou ses rancœurs.