Ilas et Solvas. Fragments d’un roman (en vers) de la Table ronde inconnu

  • Ilas and Solvas. Fragments of an Unknown Arthurian Novel (in Verse)

DOI : 10.35562/iris.2267

Résumés

L’objet de cet article est de publier une traduction inédite en français moderne avec, en regard, le fragment original, décrit en détail par Ernest Langlois en 1913, et d’en donner une analyse linguistique et philologique. Ce fragment ouvre d’intéressantes perspectives pour la compréhension de la littérature arthurienne tardive.

This paper’s purpose is to publish a modern French unpublished translation opposite the original fragment, described in detail by Ernest Langlois in 1913, and to provide a linguistic and philological analysis. This fragment opens up interesting perspectives for the understanding of late Arthurian literature.

Plan

Texte

En 1913, le paléographe Ernest Langlois a publié quatre morceaux de parchemin qui avaient servi de charnières dans la couverture d’un livre de la Renaissance (Langlois, 1913, p. 384‑389). Une fois réunis, ces fragments ont restitué cent-vingt octosyllabes en rimes plates d’un roman totalement inconnu du cycle breton des environs de 1325.

D’un point de vue linguistique, Ernest Langlois a relevé les particularités suivantes :

  • Le o + nasale > ou : desfioumes, houmes, preudoume, dounés, pardounés.

  • Assimilation de –ens à –ans (inconnue du picard) : grans rime avec gens (v. 1‑2).

  • Le graphème q n’est pas suivi d’un u : qi, qerre, reqiert, oqoison.

  • se < si est orthographié ce.

  • La deuxième personne du pluriel du futur en –ois (inconnu du picard) : tenrois, avrois, serois.

  • Réduction de z à s (caractéristique du picard) : grans, gens, armés, drois.

  • Autres traits picards : fieus (vs ancien français filz), vo (vs ancien français vostre).

  • Distinction morphologique de genres des articles (trait qui exclut le picard) : la forest, la vile (v. 3), sa parole (v. 20).

Le paléographe en conclut que « le poète et le copiste pourraient être de la Champagne ou des pays limitrophes ».

À ma connaissance, il n’existe ni traduction ni analyse de ces fragments. Dans ma copie, j’ai reproduit le texte établi par Ernest Langlois : entre crochets sont placées les lettres restituées ; les italiques représentent les signes d’abréviation dans le manuscrit (mlt = mout). La seule initiative de ma part consiste à signaler le nombre de syllabes manquantes qui est indiqué entre crochets dans les vers incomplets1.

Outre la traduction en français moderne, l’objectif de cette publication est de proposer une analyse onomastique et littéraire de ces fragments afin de tenter de les positionner dans la tradition arthurienne.

Traduction juxtalinéaire

[…]

 

[…]

Ou l’asamblee estoit si grans

où le rassemblement était très grand

Del roi A[rtu] et de ses gens.

du roi Artu et de ses troupes.

Entre la forest et la vile

Entre la forêt et la ville,

En a logié plus de .c. mile ;

là, ont campé plus de cent mille hommes2

5

Et li baron adès venoient,

les hommes arrivaient toujours

Qi la contree pourprenoient.

et ils envahissaient la contrée.

Li rois atout maint compaignon

Le roi avec maints compagnons

Seoit devant son paveillon ;

était assis devant sa tente.

Lors vit venir .II. rois armés

C’est alors qu’il vit arriver deux rois en armes

10

Qe il avoit ja mout a[mé]s,

qu’il avait beaucoup aimés jusqu’à présent :

Le roi Ilas, le roi Sol[va]s ;

le roi Ilas et le roi Solvas.

Et furent mout bien [a] cheval,

Ils montaient très bien à cheval,

Et chevalier hardi et preu,

et de chevaliers courageux et vaillants

Qe lor parans n’avoi[t] nul leu.

avec leur prestance, aucun lieu n’en possédait.

15

Solvas fu sires des [.]enois (ou d’Es[.]enois)

Solvas était le seigneur des [.]enois3

Et Ilas fu d’Irlande rois.

et Ilas était roi d’Irlande.

Devant le roi sont aresté,

Ils se sont arrêtés devant le roi

Qui se seoit devan[t son tré].

qui était assis devan[t sa tente].

Maint roi i ot, maint duc, maint comte,

Il y avait maints rois, maints ducs, maints comtes,

Et Ilas sa parole conte :

Ilas profère ces paroles :

« Roi », fait il, nous vous desfioumes,

— Roi, dit-il, nous retirons notre foi envers vous,

Ja ne nous tenés pour vos houmes ;

ne nous considérez plus comme vos vassaux ;

Car tant avés vers nous mespris

car vous avez commis tant de fautes envers nous

Qe ja nus drois n’en seroit pris.

que rien ne saurait nous rendre justice.

25

Ou il a amour ne concorde,

Là où il n’y a ni charité4 ni réconciliation,

Trop est vilaine la descorde.

la discorde est par trop ignoble.

Mais ce vous iestes5 ci trouvés,

Mais si vous vous êtes trouvés dans cet état d’esprit jusqu’à présent,

Vous vous tenrois pour fol prouvés

vous vous considérerez comme un fou

Ainz qe qinzaine soit passee.

avant que quinze jours soient passés.

30

Ja tant n’avrois gent amenee

Jamais vous n’auriez amené une telle armée

C’onques n’aiés en vous fiance. »

si vous aviez confiance en vous. »

Qant il ont fait lor desfian[ce],

Lorsqu’ils ont achevé de lancer leur défi,

Les chiés de lor chevaus retournent,

ils tournent bride

Tout droit vers la forest s’en tournent ;

et s’en retournent tout droit vers la forêt.

35

Et li rois est remés pensis,

Le roi demeure absorbé dans ses pensées,

Tous merveillous et tous pensis,

abasourdi et profondément soucieux :

Q’il ne sét mot de l’oqoison

il ne connaît pas la raison

Pour quoi dient tel desraison.

pour laquelle ils lui ont tenu de tels propos injurieux.

S’en parloient li baron tuit.

Tous les nobles ne parlaient que de cela.

40

Toute la cours frem[i]t et bruit,

Toute la cour s’agite et pousse des cris d’indignation,

Li plus preudoume, li plus sage

Les plus valeureux, les plus sages

Dient qe ci a grant outrage

déclarent qu’il y a là une grave offense

Q’ensi ont desfié le roi

d’avoir ainsi défié le roi

Par tel orguel, par tel desroi.

avec tant d’insolence, avec tant d’agressivité.

45

Et li rois conseil en reqiert

Le roi leur demande conseil

Lon la raison qui li afiert :

sur la conduite à tenir6 :

« Sire », fait li rois Uriens7,

« Sire, dit le roi Urien,

« [6/7 s.]8 … biens

… bienfaits / bénéfices / bonnes intentions

Qe vous en voissïés après :

que vous envoyiez quelqu’un les rattraper :

50

Encor sont il de ci mout près.

Ils sont encore tout près d’ici.

Ne sai de quel force se sentent.

Je ne sais d’où ils tirent leur puissance

Mais de grant outraje se vantent,

Mais ils se vantent avec une grande audace,

Et nous soumes desarmé tuit,

Et nous, nous sommes complètement désarmés,

Venu a joie et a deduit ;

étant venus pour nous amuser et nous divertir,

55

S’il vous faisoient ore .I. lait,

de sorte que si, maintenant, ils vous faisaient affront,

Jamais tant ne seroit de fait.

Celui-ci ne pourrait être lavé en aucune façon9. »

— Si m’aït Dieus », ce dist li rois,

— Que Dieu me vienne en aide10 ! dit le roi,

« Cis consaus est bons et adrois.

Ce conseil est de bon sens et juste

Or commandés cil qi ira

Faites venir celui qui qui sera envoyé

60

Et ma parole lor dira

Et qui leur portera mon message

[lacune 8 syllabes]

...

[6 s.] … ues forfait

… délit

[3 s.] … es sires forfait

… seigneurs délit

[3 s.] … rtel orguel

… [mo]rtel (?) orgueil

65

[4 s.] … [i]re vous en weil

…[i]re vous en tienne rigueur

[4 s.] … t gaires qe face

… pas beaucoup d’importance à ce que je fasse

[3 s.] … eslés en la place

… combattu11 à l’endroit même

[3 s.] … ement li vendra

… lui conviendra

[3/4 s.] … us bien veoir

… bien voir

70

[5 s.] … re pooir

… pouvoir

[3 s.] … p]arole escouta

… parole écouta

[4 s.] … honte douta

… le déshonneur craignit

[2 s.] … fu plus jentis honi

… plus noble a été déshonoré

[4 s.] … sor son blason

… sur ses armoiries

75

[6 s.] … biau sire

… cher seigneur

[3 s.] … orroie je vous dire

… [p]ourrais-je vous dire

[4 s.] … et par franchise

… et par noblesse (ou générosité)

[3 s.] … e]stre en nule guise

… être en aucune façon

[4 s.] … je faire seüsse

… que je susse (ou fusse capable de) faire

80

[4 s.] … e amour eüsse

… que j’eusse … amour

[4 s.] … ve]rs vous mespris

… commis une faute envers vous

[4 s.] … a dame apris

… a pris …. dame

[4 s.] … gnies orendroit

… sur-le-champ

[4 s.] … rai si bon droit

… à bien juste titre / très justement

85

[3 s.] … A]rtus de Bretaigne

… A]rtus de Bretagne

[4 s.] … r et sa compaigne

… et sa suite

[5 s.] … vostre non

… votre nom

[5 s.] … m]’appel’on

… on me nomme

[6 s.] … par foi

… par ma foi

90

[4 s.] … t] li fieus le roi

… le fils du roi12

[2 s.] … mon cors me fu mescheü

… il m’est arrivé un malheur

[2 s.] … e grant anui eüsse eü ;

… et j’aurais eu une grande peine ;

[C]ar li mieudre estes des meillo[urs]

Car vous êtes le meilleur des meilleurs

[j’]ai bien oï parler de vous,

J’ai entendu parler de vous favorablement,

95

[D]e vo pris et de vostre los.

de votre valeur et de votre réputation.

[M]ais, se pour Dieu qerre vous os

Mais, par Dieu, si je vous demande ce service13

[Qe] vous si haut don me douné[s],

que vous m’accordez avec tant de libéralité

[1 s.] … vostre ire me pardounés.

… votre colère me pardonnez.

[G.] li respondi : « Amis,

Gauvain lui répondit : « Ami,

100

[N]’avés pas tant vers moi me[spris]

ne vous trompez pas sur mes intentions

[Qe] vous encor m’amour n’aiié[s] ;

bien que vous n’ayez pas encore toute ma confiance (ou estime),

[J]a de ce ne vous esmaiés.

vous ne devez pas vous inquiéter de cela.

[M]ais vous referois tant pou[r moi] :

Mais vous en fer(i)ez autant pour moi :

[Ja] vous m’acointerois au roi.

bientôt vous me présenterez au roi.

105

— [C]ertes », fait li rois, « biaus dous s[ire],

— Assurément, dit le roi, cher seigneur,

[C]e ne vous convient il ja dire,

il n’est pas besoin de vous dire

[Qe] bien i serois acointiés

que vous lui serez effectivement présenté

[Et] de nouveles apointiés. »

et que vous serez habillé de vêtements frais.

[L]ors font lor hiaumes desla[cier],

Alors ils font enlever les lacets de leur heaume14,

110

[S]i se coururent enbracier

et ils se précipitèrent dans les bras l’un de l’autre

[C]’onques de si fiere bataille

car jamais une si furieuse bataille

[N]e fu si riche dessevraille ;

ne s’est terminée par une séparation avec tant d’effusion d’amitié15 ;

[Et] montent andui a cheval.

Et ensuite ils montent tous deux à cheval.

[J]a fust crevés li seneschaus

Le sénéchal serait mort,

115

[S]’il ne li eüst auques dit :

S’il ne lui avait dit :

« [G]avains », fait il, « se Dieus m’aït.

— Gauvain, fait‑il, que Dieu m’aide16 !

[M]aufé vous font porter escu :

Ces diables vous prennent pour leur écuyer17,

[T]ost avés or cestui vencu.

alors que vous venez de vaincre celui-ci.

[P]ar foi, ce cele lange dure,

Par ma foi, si ce ton perdure,

120

[Qi] est si combatans et dure …

qui est si agressif et insupportable …

Analyse

Les personnages

Ces fragments mentionnent des personnages célèbres de la petite communauté arthurienne : Arthur, Gauvain (v. 116) sur lesquels il n’est pas utile de revenir si ce n’est pour signaler que la forme Artur (v. 85) sans le « h » après le « t » est spécifiquement française ; un personnage qui est désigné par périphrase et enfin deux personnages inconnus. Apparaît également le nom d’Urien en sorte que la forme de ces quatre derniers noms est susceptible de fournir quelques informations sur le contexte littéraire de ce fragment.

Keu

À la fin du vers 114 apparaît le personnage « li seneschaus » (au CSsg.), terme qui n’assone pas avec le mot à la rime du vers précédent, « cheval » : c’est l’indice, d’une part, de l’intervention d’un copiste qui a rétabli le CSsg. à la place de senechal (au CRsg.) grammaticalement erroné mais qui rimait avec « cheval » ; que, d’autre part, ces fragments sont la copie d’un texte plus ancien. Par ailleurs, cette périphrase avec l’article défini li (senechaus), lequel suppose le référent connu18, désigne très vraisemblablement Keu, issu du latin Caius mais qui a été assimilé en vieux français au mot queux « cuisinier » (< latin coquus). Or, ce rôle d’intendant auprès d’Arthur apparaît seulement à partir de l’Historia Regum Britanniae (1138) dans l’œuvre de l’écrivain gallois d’origine bretonne Geoffroy de Monmouth19.

Urien(s)

Ernest Langlois voit une faute contre la flexion dans la leçon « Uriens » (v. 47). Cependant la tradition légendaire connaît un Urien, sans –s et un Uriens, avec –s.

Le premier est un personnage historique du vie siècle qui est glorifié dans les plus anciens textes insulaires : les manuscrits gallois présentent les leçons uryen, Vryen ou Urien20. Dans les textes en latin, il est appelé au Nsg. Urbagen ou Urbgen seigneur du Rheged (auj. région de Dumfries and Galloway, au sud-ouest des Uplands écossais) au viiie siècle21. En ancien français, ce roi écossais est nommé Urian / Urien par Wace22 et Urïen par Chrétien de Troyes23.

Ce nom propre procède vieux celtique *Orbogenos « de noble naissance » selon Holger Pedersen (1909, p. 255) complété par Rachel Bromwich (1961, p. 508 et suiv.). Pour le gallois, la chaîne d’évolution est la suivante : proto-celtique *ōrbó-gĕnos litt. « Héritier-Né (de) » → brittonique *ōrβáγenos24 → yrβáγen- = graphie Urbagen25 → *ýrβγen = graphie Urbgen26 → *ýrïen (amuïssement de β, vocalisation de γ27, hiatus –ïe–) → ýrǝɛn écrit Uryen en moyen gallois (prononcé aujourd’hui [ꞌɨrǝɛn]), Urïen [y’riẽn] en ancien français28 (prononcé aujourd’hui [y’ʁjɛ̃]). Le CSsg. n’est donc pas marqué par un –s final depuis la deuxième partie du vie siècle, période au cours de laquelle le brittonique perd la morphologie casuelle (apocope).

Le second Uriens, avec –s, apparaît dans les récits plus tardifs. Il dérive du précédent mais il est souvent tenu pour être à la fois le souverain du royaume mythique de Gorre, l’époux de Morgane la fée et le père d’Yvain. Il est mentionné sous cette forme dans Le Chevalier aux deux épées (vers 1225, v. 81 Urïens), dans une version unique de Of Arthur & of Merlin (Ms Auchinleck, entre 1330 et 134029) comme « king Vriens […] þat [qui] was king of Schorham » (v. 2613‑2614) ou comme « kinge Uryens of the lond (sic à lire “land”) of Gore [pays de Gorre] » et aussi « Uryence » chez Thomas Malory (Morte d’Arthur, 147030). Cette forme avec un -s final est une prononciation à la française (voir anglais Charles /ꞌtʃɑːlz/) avec un –s de CSsg.31. Elle procède sûrement du Nsg. Urianus, Gsg. Uriani32, rex Murefensium « roi de Mureif » (auj. Monreith, Dumfries and Galloway) que l’on trouve au plus tôt dans l’Historia Regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth33.

En conséquence, la présence du –s de flexion peut être un choix du copiste ou renvoyer à la tradition arthurienne franco-anglaise.

Ilas et Solvas

Le premier constat qui s’impose est de voir dans ces deux noms des hapax puisqu’ils sont attestés uniquement par ces fragments.

La finale commune en –as indique peut-être un lien (de parenté ?) entre eux. Toutefois, elle ne fournit pas un indice décisif pour résoudre l’énigme de ces deux appellatifs car les noms propres en –as sont fréquents dans notre ancienne littérature : ce peut être des noms latins (Aeneas) ou des termes en ‑atis latinisés34, des noms germaniques (Ossa, Offa, Horsa) ou brittoniques présents dans les romans français (gallois –as35, breton –oas = gallois –(g)was36). Étant donné que les récits arthuriens se déroulent le plus souvent en terre britannique, qu’un des deux personnages est roi d’Irlande et qu’Urien est roi d’Écosse, c’est sûrement du côté des terres du nord de l’île de Bretagne qu’il faut chercher la solution de ces noms énigmatiques37.

Il se trouve que les annales irlandaises (d’Ulster, de Tigernach) ainsi que les chroniques écossaises mentionnent un personnage historique, Nsg. Selbach, Gsg. Selbaigh (latin Selbacus)38 actif à partir de 698 et décédé en 730. Il était le chef du clan de Loarn (en irlandais cenél Loáirn) et contrôlait l’Argyll (capitale Lismore) à l’ouest des Highlands. À ce titre, il est qualifié de « roi du Dál Riada » de 698 à 723, date de son abdication et de son entrée au monastère (Annales de Tigernach, 723 « Clericatus Selbaigh regis Dal Ríada »). Il est connu en particulier pour les batailles qu’il mena victorieusement contre les Brittons du royaume de Strathclyde en 704, 705 et 717. Or, une liste légendaire des rois d’Écosse, rédigée notamment par George Buchanan (Rerum Scoticarum Historia, 1582) à partir de sources plus anciennes, signale un Solvathius en 767 que les spécialistes identifient unanimement à Selbach, écrit également Selvach dans les chroniques écossaises39.

Solvas pourrait être ce roi écossais d’autant que l’auteur des fragments que nous étudions précise qu’il « fu sires des [.]enois » (ou « Es[.]nois », v. 15), terme mystérieux que je propose de rétablir en *des Cenois, francisation d’un mot vieux celtique *kenetlom « famille » qui aboutit en irlandais à cenél « peuple, clan, race40 ». Les Annales de Tigernach (719) rendent d’ailleurs cenél par le latin genus « famille » dans le syntagme Selbac c[um] genere Loairn « S. avec le clan de Loarn ». Le gaélique Nsg. cenél [ꞌkjenje:l] devient cenéoil au Gsg.41, forme qui est très proche graphiquement42 de celle que je propose de restituer. Le mot cenél, cenéoil aurait été compris comme un ethnonyme mais « Sires des Cenois » est à traduire par chef de clan ou seigneur de la maisnie.

Pour expliquer le nom du roi d’Irlande Ilas (v. 16), il faut peut‑être alors s’intéresser au frère aîné de ce Selbach historique, à savoir Ainbceallach même si la forme de ce nom et de celle d’Ilas paraissent fort éloignées. Doit-on considérer que ce nom gaélique, souvent abrégé ailleurs en Ceallach — d’où la forme Killian (–an diminutif) qui en dérive —, a pu être lu *Ealach [ꞌela(x)] par fausse étymologie43 et/ou par fausse coupe, le groupe –nbc– ayant été pris pour Nsg. mac, Gsg. mic souvent réduit en mc « fils de » ? Les éditions diplomatiques donnent en effet les leçons (je souligne) Armchallach et Arimchellac44 (Gregg, 1910, p. 239 ; Ritson, 1828, p. 51) rétablies en Ainbceallach par les paléographes. De plus, alors que le digramme ea représente /ɛ:/ en moyen anglais (d’où son nom amberkelethus chez les auteurs anglophones), il note parfois /i/ en gaélique comme l’attestent le nom de l’église soit cell / ceall / cill (gaélique écossais [ꞌkji:lj]) ou, au Moyen Âge, les formes elig, Ailigh pour le NP Aileach dans les Annales d’Ulster (année 915) (Hudson, 1988, p. 145‑149). Quoi qu’il en soit, Ainbceallach fut non pas roi de l’Irlande mais du Dál Riada seulement une année, après quoi il fut envoyé douze années en Irlande comme otage45 après avoir été détrôné par Selbach. Les deux frères s’affrontèrent lors de la bataille de Finnglen (719 en Argyll) au cours de laquelle Ainbceallach perdit la vie46.

Si mon hypothèse est exacte et si ces noms ne sont pas une invention de l’auteur alors les –s de Solvas et Ilas seraient des marques de cas sujet en français rajoutées à des noms propres d’origine gaélique.

La scène et les motifs

Ces fragments conservent une scène presque complète qui revient souvent dans le cycle breton et que l’on trouve, en général, au début des romans47 : lors de festivités (v. 54 Venu a joie et a deduit) qui peuvent prendre la forme d’un tournoi (peut-être v. 1 et 3), la cour (v. 39‑40 […] li baron tuit / Toute la cours […]) du roi Arthur est réunie. Survient alors un être extraordinaire — ici deux (v. 14 lor parans n’avoi[t] nul leu) — parfois sauvage (v. 34 […] vers la forest s’en tournent) qui menace et provoque un ou plusieurs membres de la cour : Solvas et Ilas, en armes, dénoncent publiquement la déloyauté d’Artus. L’image sombre de ce souverain devenu imprudent, jaloux ou encore avide de soumettre des territoires apparaît dans plusieurs romans à partir du xiiie siècle48. Sur les conseils du sage Urien, le roi envoie un ambassadeur choisi parmi ses barons. Que ce rôle d’éclaireur et même d’ambassadeur incombe à Gauvain s’inscrit dans une tradition qui remonte à Chrétien de Troyes. En effet, dans Le Conte du Graal (1181), c’est finalement Gauvain qu’Arthur dépêche auprès de Perceval fasciné par des gouttes de sang sur la neige. Grâce à son art de parlementer, Gauvain parvient à radoucir le jeune Perceval. De même, dans les fragments que nous étudions, Gauvain semble rétablir une situation de paix grâce à son éloquence, mais également après avoir combattu en duel.

Quant au sénéchal Keu, une tradition fort ancienne, puisqu’elle est héritée des mondes celtes préchrétiens, accordait à ce personnage les fonctions de sacrificateur49 et de satiriste dévolues exclusivement aux druides. Mais, lors du passage de la mythologie celtique au roman arthurien50, ses anciennes fonctions sacerdotales ont été requalifiées et dévalorisées respectivement en fonction nourricière et en mauvaise langue. La périphrase « li senechaus » ainsi que ses paroles acerbes et irrépressibles (v. 114‑115 [J]a fust crevés li seneschaus / [S]’il ne li eüst auques dit) sont conformes à la tradition romanesque en ce qui concerne ce personnage.

Histoire et légende arthurienne

Si l’on nous a suivi dans notre démonstration, on tiendra Solvas et Ilas pour les projections dans une fiction de princes historiques qui vivaient à l’ouest de l’Écosse vers la fin du viie et au début du viiie siècle. Mais, pour que cette hypothèse ait quelque force, il convient à présent de comprendre comment l’auteur de ces fragments a raccroché ces deux personnages à la légende arthurienne.

À la fin du vie siècle de notre ère, quatre groupes culturels vivaient dans le nord de la Grande-Bretagne : les Brittons au sud, les Irlandais au nord‑ouest (Dál Riada), les Pictes au nord‑est et les Angles sur la frange sud‑est (Bernicie). Ces peuples se combattaient ou formaient des alliances, par des mariages ou pour mener des attaques contre un des autres groupes. Ainsi, l’année 573 est marquée par la bataille d’Arfderydd en Cumbria (région de Carlisle) au cours de laquelle une coalition dirigée par le roi du Galloway, Gwenddoleu ap (fils de) Ceido avec son barde Myrddin, et le roi du Dál Riada, Áedán mac (fils de) Gabráin, fut écrasée par une autre coalition menée par des princes brittons dont Rhydderch Hen (l’Ancien) et précisément Urien de Rheged (mort vers 590). Or, Áedán mac Gabráin (mort en 609) est le père d’un Artúr (mort vers 590‑595) que quelques médiévistes considèrent comme la figure historique à partir de laquelle la légende du roi Arthur s’est organisée (Chadwick, 1953 ; Caroll, 2012).

Par ailleurs, au cours de l’histoire du Dál Riada, établie à partir des annales celtes, il apparaît nettement qu’à la fin du viie et au viiie siècles le cenél Gabrán (le clan d’Áedán et d’Artúr) perd sa souveraineté au profit du cenél Loairn, c’est-à-dire le clan de Ferchar le Long et de ses fils, Ainbceallach et Selbach.

Ainsi, chez Adomnán de Iona (Vie de St. Columba, vers 697‑700)51 et dans les chroniques irlandaises, écossaises et galloises dont les chronologies sont assez flottantes, le poète des fragments a‑t‑il pu apprendre l’existence d’une rivalité entre clans du Dál Riada dans lequel apparaissaient ensemble les noms d’Artúr, de Ainbceallach et de Selbach. Cela expliquerait la déloyauté dont Artus est accusé dans les fragments. En outre, comme l’Historia Brittonum (chap. 56) reste plutôt vague en ce qui concerne la localisation de certaines batailles d’Arthur dans le Vieux Nord britton, le poète a eu le champ libre pour imaginer une nouvelle aventure, transposer et adapter cette matière historique à la légende arthurienne déjà bien établie au xive siècle.

Pour conclure, trois points sont à considérer.

D’un point de vue linguistique, les formes Solvas (1325) / Solvathius (1582) en face de Selbag / Selbach, font problème car, contrairement à ce qu’on reconstruit en synchronie pour l’indo-européen, l’alternance e/o n’est pas pertinente en irlandais (Jakusła, 2006, chap. 4 « Old Irish Short Vowels and Consonant Qualities », p. 171‑232 et en particulier § 4.3.7.4., p. 214‑215). Solvas et ses variantes paraissent bien trop tardifs pour refléter un thème *sol‑u̯- au degré o, dont l’attestation est d’ailleurs incertaine en vieux celtique52, en face du thème au contraire bien établi *selu̯o au degré e53. La solution serait à rechercher du côté de l’allophonie /ε/ et /ɔ/ défendue par certains celtisants (Ní Chiosáin, 1994, p. 157‑164) : le « o » de Solvas noterait une articulation (dialectale ?) postérieure /ɔ/, due à la présence d’un /l/ vélaire subséquent comme l’atteste l’irlandais moderne Npl. sealbha [ꞌʃaəvˠə] ([lˠ] = /l/ vélaire + /ə/ épenthétique) en face de Nsg. seilbh [ꞌʃɛəvʲ] ([lʲ] = /l/ palatal), tous deux prolongeant la déclinaison du vieil irlandais selb « propriété » (< *selvā54 < *selwā < *selh1eh2) que l’on retrouve dans le radical de Selbag / Selvac.

D’un point de vue mythologique : il est improbable qu’Artúr du clan Gabrán soit le prototype historique d’Arthur, car le seul élément qui peut se hisser au rang de la preuve réside dans la proximité de leurs deux noms. Ni Áedán mac Gabráin qui est pourtant célèbre, ni le royaume de Dál Riada ne sont signalés dans les premières sources arthuriennes. En revanche, Artúr mac Áedáin a probablement contribué à l’édification et au succès de la figure mythique d’Arthur.

D’un point de vue littéraire : ces fragments nous apprennent que, au bas Moyen Âge, un écrivain francophone (oïl), bon connaisseur du monde arthurien, a imaginé une nouvelle aventure des chevaliers de la Table ronde à partir d’un matériel onomastique et narratif postérieur à Geoffroy de Monmouth. Quant aux noms de Solvas et de Ilas, il est difficile de décider s’il faut suivre la piste d’une création onomastique d’un auteur français inspiré par le modèle puissant et récent que sont au xive siècle les romans arthuriens en prose et en vers des décennies précédentes, ou bien si cet auteur a eu accès à des sources insulaires. Aurait‑il fréquenté un centre culturel anglais ? Il se trouve que plusieurs sources que nous avons citées ne sont guère attestées en dehors des îles Britanniques avant les temps modernes, à l’exception d’une vie de Saint Columba (bibliothèque municipale de Schaffhausen, Suisse) qui a été copiée dans le nord de la France à partir du milieu du ixe siècle (Saint-Omer, Paris, Metz et Le Mans) (Picard, 2002).

Bibliographie

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Skene William Forbes, 1867, Chronicles of the Scots and Other Early Memorials of Scottisch History, Édimbourg, General Register House.

Notes

1 Abréviations utilisées : N. : nominatif, G. : génitif, LOC : locatif, sg. : singulier, pl. : pluriel, CS : cas sujet, CR : cas régime, C : consonne. Retour au texte

2 Le verbe logier indique que les hommes se sont construits des abris en bois recouverts de feuillage. Retour au texte

3 Je ne trouve aucun peuple historique ayant un nom en C+enois ou EsCenois en Grande-Bretagne (C = n’importe quelle consonne). Il faut probablement exclure Genois et Fennois (Finlandais). Voyez dans l’analyse mon interprétation et mes arguments en faveur de Cenois, une francisation du gaélique cenéoil « clan ». Retour au texte

4 Il s’agit d’amour du prochain, concept central au Moyen Âge, d’où ma traduction. Retour au texte

5 Variante de l’indicatif présent qui vient d’un préroman *essĕtis (infinitif estre / iestre < éssĕre) avec diphtongaison du e tonique encore libre. Décalage temporel normal en français entre la protase au présent (ce vous iestes trouvés) et l’apodose au futur (vous vous tenrois). Retour au texte

6 Littéralement : selon le propos qui lui convient. Retour au texte

7 Ernest Langlois voit une faute contre la déclinaison dans le –s dans la leçon Uriens (p. 385). Cette forme de cas sujet me paraît être un indice intéressant (voyez l’analyse). Retour au texte

8 Six syllabes en cas de diérèse de biens. Voyez le vers précédent U‑ri‑ens, trisyllabique comme en gallois /y.rǝ.ɛn/. Retour au texte

9 Ernest Langlois propose de lire desfait au lieu de de fait. Littéralement, si lait est le sujet de seroit desfait : jamais un tel [affront] ne serait détruit. Mais si, grammaticalement, tant est le sujet, il faut alors lire : jamais un tel nombre [d’ennemis] ne serait vaincu. Retour au texte

10 Littéralement : qu’ainsi (–si = adverbe) Dieu m’aide. Tournure lexicalisée et christianisée en ancien français qui prolonge la formule sacramentelle latine sī(c) me di ament, ut … « qu’ainsi les Dieux m’aiment, afin que … ». Voyez la note 14 ci‑dessous. Retour au texte

11 Je propose de voir une forme du verbe [m]esler avec le sens de « combattre ». Retour au texte

12 Construction absolue probable : li fieus + le roi (complément du nom de « fieus »). Retour au texte

13 Os pour ost avec le sens féodal de « service en armes et en chevaux que le vassal doit à son seigneur en raison de son fief, pour la défense de la seigneurie ». Retour au texte

14 Le heaume est attaché au haubert au moyen de lacets en cuir pour l’assurer sur la tête et lui protéger la gorge. Retour au texte

15 Réminiscence de Chrétien de Troyes, Érec et Énide, v. 3925‑3926 : Onques de si dure bataille / Ne fu si dolce dessevraille. Retour au texte

16 Littéralement : s’il est vrai que je souhaite que Dieu m’aide. Se a remplacé la conjonction si, car s’il s’agissait de l’adverbe, se ou si (< latin sīc), le sujet serait postposé au verbe, si m’aït Dieus, comme on le constate au vers 57 de ces fragments. Sur ce point grammatical, voir Foulet (1927, p. 301‑324). Retour au texte

17 Littéralement : ces diables vous font porter le bouclier (escu < latin scutum « bouclier »). C’est une manière de dire que Gauvain, qui est un chevalier, est traité comme un subalterne. L’écuyer, c’est-à-dire étymologiquement celui qui porte l’écu, est un jeune noble qui n’est pas adoubé et qui est au service d’un chevalier. Retour au texte

18 Soit parce qu’il a été cité plus haut, soit parce que l’article témoigne de la notoriété du personnage. Retour au texte

19 Kaius dapifer « Keu le Maître d’hôtel » (liv. IX, l. 351 ; X, l. 354, édition Hammer). Retour au texte

20 Manuscrits gallois consultés : A. Trioedd Ynys Prydein (ixe s. au plus tard) : Owain mab Urien, « Yvain fils d’Urien », B. Mabinogion (entre le xie et xiie s.) : 1. Culhwch ac [et] Olwen : moruyd merch uryen reget « Morfydd fille d’Urien de Rheged » (84ro ligne 2 du Livre Blanc de Rhydderch, Peniarth MS 4. Même orthographe dans la version du Oxford Jesus College MS 111, 202vo ligne 18), 2. Breuddwyd Rhonabwy (Le Songe de R.) : owein uab uryen « Owein fils d’Urien » (Livre Rouge de Hergest, 136vo ligne 41). C. Livre de Taliesin (Ms du xiiie s.) : uryen / vryen dans une dizaine d’occurrences. D. Livre Noir de Carmarthen (v. 1250) : vrien (folio 54a, poème 39, v. 9). Retour au texte

21 Historia Brittonum (Ms Harley 3859) : Contra illum quattuor reges, Urbgen et Riderchen et Guallanc et Morcant, dimicaverunt, « Contre lui [le roi Hussa de Bernicie] quatre rois livrèrent bataille, à savoir Urien, Rhydderch Hen [Le Vieux], Gwallog et Morgant ». Retour au texte

22 Wace, Brut (1150) : De Moraife Urian, li reis, « Urien de Mureif, le roi » (v. 10251) ou Ewein, le fiz Urien, « Yvain, le fils d’Urien » (v. 13189). Retour au texte

23 Yvain ou le Chevalier au lion, v. 1016‑1017 : Filz estes au roi Urïen / Et s’avez non messire Yvains, « Vous êtes le fils du roi Urien, et vous vous appelez Yvain » (traduction de Ph. Walter). Retour au texte

24 Peter Schrijver, 1996, p. 133 (3. 4. 1 Proto-Celtic *og > British *). Retour au texte

25 o fermé prétonique se ferme en /y/ ; apocope de –os. Retour au texte

26 Remontée de l’accent d’où l’amuïssement de la voyelle post-tonique a. Retour au texte

27 Phénomène de vocalisation dans la séquence VrgV > gallois VriV attesté dans le proto-celtique *argn̥tom « argent » > vieux gallois argant > gallois ariant en face du gaulois arganton, du vieil irlandais argat et du vieux breton argant (moderne arc’hant). Cf. Delamarre (2001, p. 46). La forme attestée Urbien (Pedersen, 1909, p. 255), avec maintien graphique du b, doit être une influence de nom d’origine latine Urbain (< Urbánus « Policé »). Retour au texte

28 D’où la rime avec biens [bjẽns] dans le texte. Retour au texte

29 Manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale d’Écosse. Retour au texte

30 Liv. I, chap. 2 et 7, édition de W. Caxton. Retour au texte

31 Issu d’un latin en –us ou –es (voir Kar(o)lus > Charles, comes > cuens « comte ») ou d’un celtique –is (LOCplu. Dubris « Les Eaux » > français Douvres = anglais Dover, Kent en GB). Retour au texte

32 Historia Regum Britanniae, chap. 11 : Huivenius filius Uriani, « Yvain fils d’Urien ». Retour au texte

33 Forme utilisée par les textes latins postérieurs comme, par exemple, l’Historia Meriadoci regis Cambriae (xiiie s.) où il est précisé que Vrianus vero rex erat Scocie, « Urien était roi d’Écosse ». Retour au texte

34 Solteras dans la Chanson de Roland (v. 3242). Toponymes : Mélas (Ardèche, Mellatis en 877), Sarcenas (Isère, Cercinatis en 858). Retour au texte

35 Cleolas, Dorilas, Dubglas (Douglas), Drudwas ou, dans le Lancelot en prose : Claudas, Argodras, Cardoas de Lanvale. Source : Langlois (1904). Retour au texte

36 Par exemple Moloas (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, v. 1810), gallois Melwas composé de mael « prince » et d’un deuxième élément incertain (–bás « mort » ou gwas « serviteur »). Retour au texte

37 Les pistes suivantes me semblent être des impasses : 1. Σολούα (Ptolémée) / Solvā (Itinéraire d’Antonin) actuellement Esztergom (Hongrie) ; 2. Rivière et village du Pembrokeshire Solva, gallois Solfach [solvax] (Saleuuarch, vers 1200) ; 3. Les Selgouae / Σελγοουαι (Ptolémée, Géographie, liv. III, chap. 3, § 8), un peuple des Lowlands (Écosse) et 4. Ιλα (Ptolémée, Géographie, liv. III, chap. 3, § 5) / Ilā, en gaélique écossais Ilidh, aujourd’hui la rivière Helmsdale (Highlands). Retour au texte

38 Autres variantes graphiques : Sealbach, Selbachus (Annales irlandaises), Selvac (Cronica regum Scotorum, xiie s.), Selwathius (Jean de Fordun, vers 1385), Sewald (Andrew de Wyntoun, Orygynale Cronykil of Scotland, vers 1420), Soluathius (1611). Retour au texte

39 DCCXII Obsessio Abente apud Selvacum, soit « 712, Siège d’Aberte [Dunaverty Castle, Kintyre] par Selvac ». Retour au texte

40 Vieux gallois cenetl « nation, clan » et vieux cornique kinethel glosé generatio. Cf. Schrijver (1995, p. 36). Retour au texte

41 eDIL, article cenél. Retour au texte

42 Phonétiquement la séquence –éoi– note diphongue éo + i diacritique pour indiquer la palatalisation du /lj/ subséquent. Retour au texte

43 Eallach « bétail » existe en irlandais et se prononce aujourd’hui [ꞌalɣa] ou [ꞌalɣǝx] selon les dialectes. Retour au texte

44 Amberkelethus (George Buchanan, 1582), Amberkilletus (David Chalmers, Chronicle of the Kings of Scotland, 1611). Retour au texte

45 Annales d’Ulster, année 698. 4 : Expulsio Ainfcellaig filii Fercair de regno & uinctus ad Hiberniam uechitur, soit « Expulsion du royaume de Ainbceallach fils de Ferchar et il fut emmené captif en Irlande ». Retour au texte

46 Annales d’Ulster, année 719. 6 : Bellum Finnglinne inter duos filios Fercair Fotti in quo Ainfceallach iugulatus est die quinte ferie uii Id. Septimbris, soit « Bataille de Finnglen entre les deux fils de Ferchar le Long dans laquelle Ainbceallach fut tué le jeudi 7 septembre ». Même information dans les Annales de Tigernach : 719 Cath Finnglinne itir da meic Fearchair fota […] = Bellum Finnglinne inter duos filios Fercair Fotti. Cf. Skene (1867, p. 74). Retour au texte

47 Par exemple Sir Gauwain and the Green Knight, fin xive s. Retour au texte

48 Entre 1200 et 1250 : Yder, Hunbaut, Chevalier as Deus Espées. Retour au texte

49 En Grèce ancienne, cette fonction est assurée par le personnage bien connu, grâce aux comédies attiques, du mágeiros, à la fois sacrificateur dans les fêtes publiques et privées, boucher et cuisinier. Retour au texte

50 Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal, v. 4206‑4207 : Et Keus, qui onques ne se pot / Tenir de vilenie dire. Retour au texte

51 Vita Sancti Columbae Adamnano, liv. I, chap. 9 De filiis [Arturius, Echodius, Domingartus] Aidani regis sancti columbæ prophetia, soit « La prophétie de saint Columba à propos des fils du roi Áedán », p. 35 et suiv. (Adamnanus, 1857). Retour au texte

52 Peut-être représenté par le vieux celtique Σολούα / Solvā (Hongrie), Vosolvia (Rhénanie, *Vo‑solv‑iā). Cf. Delamarre (2001, p. 240, col. B). Retour au texte

53 Illustré par le nom de femme gaulois Lugu-selua « Possession de Lugus », vieil irlandais selb « propriété, possession » et le gallois ar helw « en possession de » (s– > h–). Cf. Delamarre (2001, p. 229). Retour au texte

54 Proto-celtique liquide (r/l) +  > gallois –w [u] en face de irlandais –b [v] : gallois tarw [ꞌtaru], vieil irlandais tarb [ꞌtarv], tous signifiant « taureau » ; gallois elw [ꞌεlu] « gain, profit », irlandais ealbh(a) « troupeau ». Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Jean-Charles Berthet, « Ilas et Solvas. Fragments d’un roman (en vers) de la Table ronde inconnu », IRIS [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 28 novembre 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2267

Auteur

Jean-Charles Berthet

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