Massimo Bonafin, Il comico, il sacro, l’osceno et altri nodi della letteratura medievale

Macerata, Eum edizioni università di Macerata, 2021, 236 p.

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Massimo Bonafin, Il comico, il sacro, l’osceno et altri nodi della letteratura medievale, Macerata, Eum edizioni università di Macerata, 2021, 236 p.

Texte

Cette très suggestive étude d’anthropologie littéraire du Moyen Âge part du constat que le rire et l’obscène aiment surgir, à l’improviste, dans le domaine médiéval du sacré. Mais les deux premières notions sont porteuses d’un pouvoir et de valeurs étrangères à la troisième. Les croisements inattendus, sinon dangereux, entre ces trois termes sont fort habilement scrutés dans cet essai novateur. L’ouvrage commence par une étude de mythologie sur le rire, le sacré et l’obscène à travers la figure de Baubo, servante de Déméter. Elle se dénude devant sa maîtresse déprimée par le deuil de sa fille Perséphone. En exhibant sa vulve, Baubo sort définitivement Déméter de sa dépression. Une scène comparable se trouve dans la mythologie japonaise avec Ame-no-Uzume ou dans la Sheela-na-gig des sculptures médiévales. Ce scénario confère une valeur apotropaïque au rire de désacralisation (la nudité ayant une fonction d’intimidation). À propos de Baubo, on pourra ajouter en bibliographie l’étude de Georges Devereux (Baubo, la vulve mythique, Payot, 2011). L’essai aborde ensuite la question de la parodie médiévale, celle de la démythification de l’aventure chevaleresque, les questions de représentation de l’espace et du temps dans une perspective « bio-sociale » où sociologie et biologie croisent leurs observations (toute étude anthropologique est nécessairement pluridisciplinaire). Il se conclut sur six chapitres concernant Renart, car ce personnage relie à la perfection les trois notions au cœur de l’essai. Se succèdent des analyses comparatives sur la fable médiévale et l’épopée animale, sur les « masques du filou » (Tristan et Renart), la « conspiration du renard et de la fouine » en lien avec « la rhétorique du filou », « la ruse des renards et des fées » entre Orient et Occident, avant des analyses sur « la satire, la parodie et les obscénités », puis « la satire, les fictions et les folies » dans le Roman de Renart. C’est toujours dans leurs zones d’intersection que le comique, l’obscène et le sacré sont en mesure de questionner les normes, les comportements, les attentes et les préjugés du monde réel (non fictif). Ils remettent en cause ce qu’une culture tient généralement pour convenu et convenable. On aurait envie d’emboîter le pas de l’auteur et d’enchaîner des études sur le risus paschalis (rire pascal) dans les églises du Moyen Âge, la fête de l’âne (ou fête des fous) lors des Douze Jours entre Noël et l’Épiphanie, ainsi que quelques fabliaux obscènes et truculents. Là où l’esprit moderne étudie souvent des dissociations ou oppositions (comme culture savante/culture populaire), la civilisation médiévale nous incite à penser et à réunir ce que nous avons arbitrairement séparé, opposé voire « déconstruit » avec nos modes de pensée contemporains (comme le matérialisme historique bakhtinien ou la psychanalyse). Cet essai nous invite donc avec subtilité et pertinence à réviser notre regard critique. Petite remarque incidente : le vieil adage selon lequel le rire serait le propre de l’homme est aujourd’hui démenti par l’éthologie, puisque le rire des singes fait désormais l’objet de nombreuses études scientifiques très documentées. On peut donc le reléguer dans l’arsenal des croyances anciennes.

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Philippe Walter, « Massimo Bonafin, Il comico, il sacro, l’osceno et altri nodi della letteratura medievale », IRIS [En ligne], 42 | 2022, mis en ligne le 19 décembre 2022, consulté le 19 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=3029

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Philippe Walter

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