Entre distanciation philosophique et indignation pamphlétaire : le rire des morts face à l’actualité

DOI : 10.35562/pfl.421

Résumés

Entre le rire pamphlétaire qui agresse, qui dégrade l’ennemi, et le rire philosophique typique des dialogues de Lucien, les dialogues des morts écrits en France dans la première moitié du xviie siècle auront hésité. Il y a de l’engagement, mais aussi du détachement dans les deux textes sans doute les plus réussis relevant de ce genre, Les Entretiens des Champs Élysées (1631) attribués à Paul Hay Du Chastelet, soutien de Richelieu, et les Entretiens de Saint-Maigrin et de Manzini aux Champs Élysiens (1652), participant de la campagne des mazarinades anonymes. Dans les deux cas, les morts, paradoxalement passionnés par l’actualité, discutent des événements les plus récents arrivés chez les vivants. Qu’ils répercutent une propagande royale (dans le premier cas), ou une propagande rebelle (dans le second), ils entendent philosopher, au-delà de leurs partis pris, sur ce que c’est que l’action politique.

The little known dialogues of the dead written in France during the first half of the 17 th century seem to hesitate between two types of laughter : the aggressive laughter of political pamphlets, which trashes the enemy, and the philosophical laughter of Lucianic satire. We consider here the dialectics between commitment and detachment in two of the best written texts pertaining to this genre, Les Entretiens des Champs Élysées (1631) attributed to Paul Hay Du Chastelet, a close associate of Richelieu, and the Entretiens de Saint-Maigrin et de Manzini aux Champs Élysiens (1652), which belongs to the vast body of anonymous mazarinades. In both cases, the dead prove passionate about actuality, quite paradoxically, and they will discuss the most recent events happened among the livings. They may echo a royal propaganda (in the first case), or a rebellious one (in the second), but they nevertheless offer the reader some philosophical considerations on political action, whatever side they take.

Plan

Texte

Rien de plus inactuel, a priori, que le dialogue des morts en tant que genre : lorsque Lucien de Samosate confronte Alexandre, Hannibal et Scipion pour organiser une dispute sur leurs mérites respectifs en tant que grands capitaines1, ou lorsque Fontenelle apparie, dans ses fameux Nouveaux dialogues des morts de 1683-1684, un certain nombre de morts Anciens et de morts Modernes, ce n’est certes pas pour évoquer la chronique du temps présent, mais pour adopter une position de surplomb face à l’histoire. Sous les allures plaisantes de l’anachronie fictionnelle, il s’agit d’en juger les acteurs, de méditer sur les époques et sur la part de la différence culturelle, de confronter les mémoires ou les versions des faits, jusqu’à manifester, parfois, un soupçon emblématique du pyrrhonisme historique de la première modernité – puisque des faits d’histoire sont tout de même clairement évoqués et discutés chez Fontenelle et chez ses nombreux successeurs2. Quant à la réalité immédiate qui pourrait être celle de l’auteur, elle semble le plus souvent mise entre parenthèses, peut-être parce que le choix de ce genre de dialogue, léger et moraliste à la fois, satirique et philosophique – philosophique parce que satirique –, constitue justement une échappatoire face à une réalité malheureuse ou quelconque, trop oppressante quand elle est celle des tyrans actuels (qu’il vaut mieux critiquer de biais, par figures interposées), ou trop hasardeuse quand c’est Fortune qui sévit, exerçant la tyrannie de la contingence (peut-être la plus difficile à admettre entre toutes).

Pourtant, l’actualité s’est bel et bien frayé une voie dans les dialogues des morts, tout particulièrement dans la première moitié du xviie siècle en France. Notons que la chose n’est pas nouvelle, les humanistes de la Renaissance ayant déjà fait plus d’un pas en ce sens, et ce, dès la première réception de Lucien. Enea Silvio Piccolomini et Giorgio Valagussa, dans des dialogues lucianesques des années 1450, mettent en scène des discussions sur la progression ottomane. Dans ses Dialogues rédigés vers 1467, Giovanni Pontano évoque, par la voix de Charon, de Mercure et des juges des Enfers (Eaque, Minos, Rhadamante) des événements très précis affectant l’Italie contemporaine, tels que le passage de la comète de 1457 et ses répercussions, ou les guerres déclenchées par le pontife Adrien VI pour étendre les États pontificaux. De même, certains dialogues des morts du xvie siècle, comme l’ « Alastor » d’Érasme ou le De Europæ dissidiis (1526) de Juan Luis Vives, décrivent les conflits en cours dans toute l’Europe. Mieux, avec son Diálogo de Mercurio y Carón, l’humaniste castillan Alfonso de Valdés, par ailleurs conseiller de Charles Quint, propose en 1527 une véritable chronique des guerres d’Italie, envisagées d’un point de vue hostile aux Français. Les Ragguagli di Parnasso de Trajano Boccalini rédigés vers 1610, constituent un texte de bascule, qui fusionne écriture d’information et satire, signalant l’intrusion massive de l’actualité dans un cadre fictionnel inspiré de Lucien. Certes, il s’agit du Parnasse et non de l’Hadès, mais certains des « avis » de Boccalini imitent les dialogues des morts et la réversibilité entre dialogues des morts et dialogues des dieux, reliés par un continuum chez Lucien, explique que l’influence de Boccalini se cumulera souvent avec celle de l’écrivain grec3, ainsi que la facilité avec laquelle le dialogue des morts va s’approprier l’actualité dans cette longue préhistoire du genre avant Fontenelle, qui reste largement à explorer4.

On prendra l’exemple de deux textes qui se singularisent par leur intérêt. Le premier, mentionné par certaines études générales sur l’histoire du dialogue des morts comme celle de Johan Egilsrud5, s’intitule Les Entretiens des Champs Elizees6. Il s’agit d’une œuvre publiée sous anonymat mais attribuée à Paul Hay Du Chastelet, homme d’État et publiciste de Richelieu, qui met en scène un roi honorable entre tous, Henri IV, s’informant depuis l’autre monde des derniers développements de la politique du Cardinal, qu’il applaudit tout en condamnant les intrigants qui ont voulu le renverser. On est au lendemain de la journée des Dupes (10-11 novembre 1630) : en butte à l’hostilité de Marie de Médicis et du chancelier Michel de Marillac, Richelieu s’était cru perdu avant de se voir confirmer de manière inopinée par Louis XIII, qui emprisonne ou éloigne à la suite les membres du parti dévot. Soudaine, imprévisible, décisive, cette journée a tout d’un événement par excellence, qui fait l’objet d’une section importante du dialogue. Ces Entretiens participent de la contre-attaque de Richelieu, ils entérinent même son triomphe. Si rire il y a dans ce texte assez sérieux, « politique » dans tous les sens du terme, il s’agit surtout d’un rire euphorique, celui de la victoire, qui se veut aussi rire de lucidité : la clairvoyance est justement le fondement de la puissance, le génie de Richelieu consistant à décrypter les manigances des fourbes. La satire n’est pas oubliée, mais elle est orientée contre les ennemis et les rivaux, et elle ne prend sens que par rapport au panégyrique de Richelieu dressé par l’ombre d’Henri IV. Ce dialogue des morts a ceci de singulier qu’émanant des cercles du pouvoir, il renverse le sens de la modalité épidictique propre au modèle lucianesque, laissant peut-être plus de place à l’éloge – inévitablement sérieux – qu’au blâme railleur.

Quant au second exemple, on privilégiera, parmi plusieurs textes rapportables au vaste corpus des mazarinades, Les Entretiens de Saint-Maigrin et de Manzini7. En effet, ce dialogue assez subtil et riche d’effets, qui s’inscrit pleinement dans la campagne des écrits hostiles à Mazarin au moment du siège de Paris par les forces royales, est intéressant à un double titre. D’une part, en raison de l’évocation d’une actualité très précise, la bataille du faubourg Saint-Antoine (2 juillet 1652), journée confuse qui voit les Frondeurs repousser un assaut des troupes royales, et permettre à Condé, venu les rejoindre à la tête d’une armée de secours, de rompre le siège pour se réfugier dans la ville. Cette demi-victoire suscite une certaine allégresse, mais ne dissipe pas les inquiétudes dans les Enfers de ce dialogue, rédigé alors que le siège se poursuit : en l’absence de dénouement, le sens de la péripétie reste peu clair. D’autre part, il vaut par le recul que sait prendre son auteur anonyme, tant dans la mise en scène fictionnelle, haute en couleur, que dans le jugement sur les acteurs de l’histoire : Mazarin y apparaît dans son rôle topique de demi-diable, mais sa figure a moins d’intérêt que celle des acteurs secondaires mis en valeur par le dialogue, et pas tout à fait dupes de la comédie qu’ils ont jouée pour servir des intérêts plus grands. Surtout, ce dialogue ménage une place au comique proprement dit, ce qui est somme toute plutôt rare parmi les textes comparables.

La question, en effet, est de savoir si le rire, en tant que détachement ironique propre à l’attitude ménippéenne – celle de Lucien, de ses personnages, mais aussi de ses émules et de ses lecteurs –, peut résister à une actualité porteuse de chocs et de violences, d’événements malheureux et parfois tragiques. Par son désengagement apparent vis-à-vis de toute cause politique, l’attitude ménippéenne se distingue de l’attitude pamphlétaire8, et même de la satire de mœurs ordinaire, qu’elle peut rejoindre dans une certaine indignation face au vice. Mais que devient-elle lorsque la guerre impose l’évidence de la mort très concrète, que les gloires vacillent, ou lorsqu’il s’agit d’une actualité dont le sens même reste à écrire ? On pourrait renverser le problème en se demandant si l’actualité ne provoque pas le rire, mais la réponse est si peu évidente que ce serait mal poser la question – il suffit de penser à notre difficulté pour nous amuser de notre propre actualité (catastrophes écologiques, attentats terroristes, mainmise insidieuse de certains pouvoirs…). A fortiori lorsque l’on parle de textes partisans, engagés dans les conflits de leur époque, qui n’utilisent le cadre lucianesque que pour constituer une fiction d’impartialité. Rire manipulé en vérité, orienté comme on l’a dit, partisan et donc combattant… Et pourtant, ce rire signale toujours une forme de recul, un désir de prendre du champ par l’imaginaire, et peut-être une conscience critique de leur propre limitation de la part des acteurs de l’histoire, qui échapperait ainsi à toute thèse simplificatrice au sujet des rapports entre pouvoir et littérature au xviie siècle.

Rire de connivence, entre gens de pouvoir : Les Entretiens des Champs Elysees (1631)

Partons du contexte des années 1630, et des Entretiens des Champs Elyzees, qui auront contribué à faire de Paul Hay Du Chastelet, celui qu’on nommera le « gaîtier de Richelieu », l’une de ses plumes privilégiées. Magistrat de formation, élu au parlement de Bretagne en 1618 puis maître des requêtes en 1623, l’auteur deviendra conseiller d’État en 1633. Il aura activement participé à une campagne propagandiste menée dans les frontières de France, comme à l’extérieur, par le Cardinal, depuis un Discours au roi touchant les libelles faits contre le gouvernement de son état (1631), écrit en prison dans un moment de disgrâce, jusqu’à la publication d’un Mercure d’État en 16349. Identifié de son vivant comme l’auteur de ces Entretiens parus sous anonymat10, il les reprend dans une compilation de ses libelles et écrits politiques préparée par lui-même, le Recueil de diverses pièces pour servir à l’histoire, paru en 1635 et plusieurs fois republié, qui montre bien l’insertion du dialogue des morts dans une campagne publicitaire à la gloire de Richelieu11.

Les Enfers de ces Entretiens sont une chambre d’écho de l’actualité des deux décennies écoulées, les événements évoqués couvrant toute la période qui sépare la mort d’Henri IV de l’écriture du dialogue, avec un accent particulier sur l’année 1630. L’attitude des morts, avides de nouvelles et excités par l’arrivée de « paquets12 », reflète avec humour la situation du lectorat. On réagit vivement lorsqu’on apprend que Richelieu a été éloigné de la cour : […] tous les assistans firent un cry, avec un Jesus, les mains jointes, qui fut entendu de toutes les campagnes voisines, […] l’estonnement d’une telle nouvelle » causant des émotions diverses, « les uns dolents, & les autres qui s’en resjouyssoient »13.

Les « despesches estrangeres14 » ne sont pas moins courues, dont une certaine envoyée « par quelqu’un de l’autre monde, tres-bon Italien, mauvais Espagnol, & qui ne hayt pas les François15 », cette périphrase revenant à désigner Boccalini comme modèle. La nouvelle du renversement du duc de Lerme par Olivarès (octobre 1618), en Espagne, suscite la consternation ; l’ombre d’Henri IV se fait lire par son ministre Villeroy des lettres évoquant les affaires italiennes, et il est ravi d’apprendre que le maréchal de Schomberg a réalisé les desseins inachevés de son règne. La fin du dialogue est marquée par l’arrivée de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs à la cour de France, qui apporte en riant des « nouvelles fraisches16 », mais refuse de les donner publiquement. Le dialogue se termine sur son aparté avec Henri IV, qui congédie la compagnie, de sorte que Bonneuil peut se confier à lui en déambulant dans une allée… S’il lève un coin du voile sur les coulisses du pouvoir, le dialogue ne sera pas indiscret. On rappelle ainsi que toutes les nouvelles ne sont pas bonnes à dire, en invitant le lecteur à fantasmer sur les secrets des princes…

La partie centrale du dialogue tourne en effet à l’apologie de la politique de Richelieu, que l’ombre d’Henri IV approuve sur tous les points. Sur sa politique intérieure de répression du protestantisme, tout d’abord. Henri IV est médusé d’apprendre que La Rochelle a été rasée, Alès brûlée, et les places fortes huguenotes réduites. Mais il s’en réjouit ! Le lecteur moderne ne pourra manquer de frémir devant une telle récupération de la mémoire du « Grand Henry17 », mais la propagande infernale, si l’on peut dire, de Paul Hay Du Chastelet, ne s’arrête pas à de tels scrupules. Henri IV, explique-t-on, protégeait les huguenots en tant qu’alliés, pas en tant qu’hérétiques… De même, bien entendu, pour la politique extérieure de Richelieu, parvenue à borner les ambitions infinies de l’Espagne et à faire de la France « l’arbitre des differents de la Chrestienté18 », une politique saluée même par ses ennemis historiques en Enfer. Notons que quelques années plus tard, un dialogue intitulé Rencontre du gouverneur de La Motte et d’Aldringer (1634) mettra en scène Mercure et Caron, figures mythologiques familières des dialogues des morts, accueillant des acteurs historiques de second plan, mais valeureux, à savoir le général luxembourgeois Johann von Aldringen, l’un des principaux commandants des armées impériales, tué le 22 juillet 1634 lors la bataille de Landshut, et son allié Antoine d’Isches gouverneur lorrain de La Mothe, tué le 21 juin de la même année en tentant de défendre sa forteresse contre les Français, qui l’ont finalement emporté comme il l’apprend chez les morts. Et les personnages de rendre hommage à la valeur française, présentant les succès de leur ennemi comme entièrement mérités… La tonalité de ce dialogue circonstancié est plaisante depuis le début – où Aldringen, arrivant dans une barque trouée, paye Charon de « nouvelles19 » en lieu et place de l’obole normalement due – jusqu’à la fin, où l’on ironise sur le rôle de « nostre Dame d’esperance20 », qui fait courir les guerriers… Mais le comique n’y a pas vraiment de place.

A contrario, le rire est assez présent dans Les Entretiens aux Champs Elizees de 1631, en premier lieu le rire de l’outrance satirique, qui mitige son agressivité par une forme de bouffonnerie. Plus encore que dans la filiation de Lucien ou de Rabelais, les Entretiens s’inscrivent sur ce point dans celle de la Satyre ménippée de la vertu du Catholicon d’Espagne (1594), comme on le voit dans les premières pages, qui mettent en scène l’entrée aux Enfers d’Ambrogio Spinola en vain glorieux, dont le discours dénonce son propre camp. Le dialogue s’ouvre sur un retentissant « Me han quittado la honrra21 » (« Ils m’ont osté l’honneur », précise la manchette), lancé en espagnol dans le texte par ce fameux général génois, dernier des condottieri, maudissant ses maîtres espagnols. La première scène réunit les protagonistes ennemis de la France pendant la seconde guerre de succession de Montferrat, qui avait tourné en 1630 à l’avantage de la couronne française : Spinola retrouve l’aventurier Rambaldo di Collalto et le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, qui se disputent au sujet de leurs responsabilités partagées dans l’échec. Ces nouveaux venus, tous trois emportés en 1630 par des fièvres, moralisent sur l’inconstance du sort, mais surtout sur l’ingratitude de l’Espagne, avant que d’autres serviteurs malheureux des Habsbourg durant les décennies antérieures, comme le duc d’Albe, le cardinal Ximenes, le prince d’Oria, le prince de Parme, etc. ne confirment les uns après les autres ! Si cette manière burlesque de mettre en scène les doléances et les regrets des grands hommes est bien lucianesque – Rhadamanthe est obligé d’intervenir pour empêcher les trois dialoguants d’en venir aux mains –, il ne s’agit pas moins d’une propagande anti-espagnole, qui développe par ailleurs une analyse géostratégique des mouvements du conflit, tels que la prise de Pignerol par les forces françaises en 1630. Si seulement les forces impériales avaient occupé le sol français, regrette Spinola… Cazal et Mantoue étaient prises, Rome assujettie, la guerre remportée22. Rêve de gloire ridicule, picrocholin, de la part du vaincu, dont se moquerait l’auteur français ? Ou bien véritable réflexion sur la contingence de la victoire, sur le mode contrefactuel d’une if history ? Notons le respect généralement accordé aux grands capitaines ennemis, victimes de leur maître Habsbourg. Mais certains anti-héros de l’actualité (du point de vue français) sont dénoncés : nul n’est plus ridicule que le duc de Savoie lorsqu’il proteste de sa foi inviolable, alors que tous le dénoncent comme le spécialiste des revirements d’alliance – la politique d’équilibre des puissances menée par Charles-Emmanuel ressortant comme une sournoiserie dans ce passage. De même, la politique des papes suscite la « risée23 ».

Relatant les revers de fortune de Richelieu puis son rétablissement spectaculaire à la fin de l’année 1630, la section centrale, consacrée aux affaires intérieures, mérite un gros plan. Le portrait satirique de Michel de Marillac, l’intrigant rival de Richelieu, prend tout son sens lorsqu’on sait le rôle joué par l’auteur du dialogue, Paul Hay Du Chastelet, dans le procès de son frère, le maréchal Louis de Marillac, qui devait aboutir à sa décapitation24. On commence par ridiculiser la dévotion de Michel : n’a-t-il pas employé 4 000 écus pour faire rallumer une lampe de Charlemagne à Aix-la-Chapelle ? L’anecdote, contée avec amusement par le chancelier Sillery (« il songea à une affaire que je confesse qui me fis rire »), se conclut par la réaction hilare des auditeurs (« Dequoy tous se mirent à rire25 »). Comme l’écrit Christian Jouhaud, il s’agit d’un portrait à charge, qui vaut par son outrance comique26. La suite est plus subtile, détaillant les faits : un dialogue entre Servin, héraut du gallicanisme et « bon français », et le cardinal Bérulle, chef du parti dévot soutenu par Michel de Marillac, débouche sur un verbatim d’un monitoire de Bérulle, avant qu’on n’évoque l’affaire du code Micheau (ou Michau) voulu par Marillac, ce « ridicule Code » destiné, en réalité, à brider le pouvoir royal selon les dialoguants des Entretiens. On rapporte notamment le discours ampoulé de Marillac devant le Parlement, qui prouve son « impertinence » par la « moquerie » générale qu’il s’attire27. Le procédé n’est pas sans évoquer les harangues des chefs de la Ligue dans la Vertu du Catholicon d’Espagne, Paul Hay Du Chastelet s’inscrivant dans le sillage politique et idéologique de ces auteurs de la génération précédente, volontiers « moyenneurs », « Politiques » et gallicans, hostiles aux dévots. Le contradicteur de l’Apologie, favorable à Michel de Marillac, se plaint justement des moyens comiques employés par l’auteur des Entretiens, qu’il nomme Misalèthe (« l’ennemi de la vérité ») : « [il] introduit ici des risées et arlequinades de la comédie dont il tire des exemples, plus accoutumé à cela qu’aux sentiments de la vraie vertu28 ».

C’est effectivement la métaphore théâtrale qui fait le mieux comprendre le spectacle du pouvoir, notamment le modèle tragi-comique, qui permet de représenter le déroulement de la journée des Dupes (10-11 novembre 1630), dont il est rappelé dans le dialogue qu’elle a été nommée comme telle par Bautru. Au moment où on croit Richelieu à terre, trois nouvelles éclatent : « la cullebute du Garde des Seaux [Marillac], L’establissement en sa place de Chasteau-neuf, & le jay fait premier President » : « tout le monde changea de visage, les gais du jour precedent devindrent Melancholiques, & les affligez recommencerent à rire »29. La joie gagne les ombres à l’annonce de ce dénouement heureux pour la France. Henri IV affiche plus loin un visage plein de « gayeté lumineuse30 » – ce qui est un comble pour une ombre ! – à l’annonce des bonnes nouvelles parvenues de surcroît d’Italie. La métaphore dramaturgique revient pour qualifier l’actualité internationale de 1630 : la « Comedie » qui se joue devant Casal assiégée est une chose « assez plaisante31 », la Diète de Ratisbonne un « theatre32 ». On pense à la manière dont Naudé, dans ses Considérations politiques (1639), et tant d’autres théoriciens de la Raison d’État, en feront la clef d’un pouvoir efficace.

L’auteur des Entretiens aux Champs Elizees n’aspire certes pas à l’impartialité. Il faut choisir sa troupe et son rôle, et il préfère clairement figurer parmi les gens de bonne compagnie qui entourent Henri IV, en attendant l’arrivée de Richelieu, dont on imagine le futur triomphe aux Champs Élysées. L’entourage royal est justement cimenté par un rire de bonne compagnie : « [Nous] avions accoustumé de rire souvent ensemble quand nous estions de loisir33 », note le président Janin à propos de l’excellent Bullion. On ne saurait mieux théoriser la fonction de ce dialogue des morts, passetemps divertissant et utile qui traduit à la fois une vision idéalisée et chargée historiquement du conseil royal d’Henri IV, et une vision d’actualité du conseil de Louis XIII, où œuvrait l’auteur, en nous donnant une idée des discussions qui pouvaient s’y mener. Depuis le sommet de l’État, on pouvait entretenir une vision amusée d’une actualité pourtant sérieuse, éventuellement grave. Rire de connivence, depuis le pouvoir, entre les destinataires du dialogue, bien vivants, et leurs grands prédécesseurs morts représentés, qui est encore une forme de séduction par l’humour exercée à l’égard des lecteurs extérieurs aux cercles du pouvoir.

Entre révolte et désabusement, le rire de dérision des Entretiens de Saint-Maigrin et de Manzini (1652)

C’est d’un tout autre contexte qu’il s’agit évidemment, lorsque dans Paris assiégé par les troupes royales envoyées par Mazarin, les Frondeurs ressuscitent à leur tour la forme du dialogue des morts, parmi tant d’autres empruntées par les mazarinades. Hormis les Entretiens de Saint-Maigrin et de Manzini sur lesquels nous allons centrer notre propos, ces textes ont peu attiré l’attention34. Littérature de combat, qui utilise surtout le rire de dégradation, les mazarinades, à vrai dire, ne sont guère dialogiques par nature, elles laissent peu de place à une parole autre, sinon pour la dénigrer. Les Nouvelles apportées au roi Louis XIII dans les Champs Elisees sont significatives. Certains héros de la Fronde récemment décédés y accueillent Tancrède de Rohan, tué dans une embuscade l’année même de la parution du dialogue, en 1649, puis Gaspard IV de Coligny, duc de Châtillon, l’un des commandants de l’armée royale lors de l’assaut de Charenton, où il perd la vie la même année. Le jeune Châtillon se repent d’avoir ainsi mal honoré la mémoire de ses aïeux, et d’avoir choisi le mauvais camp, au point de s’accabler lui-même (« je vous confesse que le Ciel m’a puny très justement, de me faire périr en cette guerre35 ») : oui, ce démon de Mazarin a fait de la France un Enfer, admet-il, et le tableau brossé dans ce texte fanatisé n’a rien de drôle. Un seul personnage se prend à rire : Richelieu s’amusant des succès apparents de cet « ignorant & inconsideré Ministre36 » qu’est Mazarin, lequel ne sait pas que la Fortune l’attend au tournant… Mais ce rire de supériorité est difficile à pratiquer : l’ombre de Louis XIII, qui reçoit ces nouvelles, est « outré[e] de douleur & de colère », et pour le reste, note la voix du duc de Rohan, « l’éstat present des affaires nous oblige de souspirer37 ».

D’autres dialogues manifestent plus de distance. Ainsi de l’Enfer révolté, récit dialogué dont le narrateur, évoquant ce que « Lucian a mis en sa Fable38 », imagine ses déambulations plaisantes dans Paris assiégé par les troupes royales, à la recherche de nourriture. Il va d’évasion en évasion jusqu’à ce qu’il se retrouve en Enfer, où il assiste à une critique en règle des tyrans antiques par leurs conseillers et leurs sujets, avant qu’une simple allusion à Marie de Médicis ne ramène à la situation présente. Son auteur anonyme a choisi la voie proprement lucianesque, le détour par un imaginaire historique lointain, afin d’évoquer de manière ironique les oppressions contemporaines, sans véritablement désigner Mazarin comme la cible du texte. Élidée, l’actualité n’en est pas moins présente en sourdine. Quant au Dialogue d’Estat, ou Entretiens des roys Louys XI et Louys XII és Champs Elisées, il ne s’agit pas d’une mazarinade, mais d’un dialogue des morts assez sérieux, d’allure théorique, évoquant les avantages et inconvénients respectifs de deux manières de gouverner, l’une sévère et l’autre clémente, publié à un moment où Mazarin victorieux pouvait justement hésiter sur la politique à tenir39. Plus intéressant est le bref Équiproquo de l’autre monde, où Charon croit enfin accueillir Mazarin, mais s’aperçoit que le manteau de cardinal est usurpé par son frère, Michel de Mazarin, cardinal de Sainte-Cécile, rapidement pardonné. Entre-temps, Richelieu, admis quant à lui incognito un peu plus tôt – sans quoi, suggère le texte, il aurait dû rendre compte de trop d’affaires « delicates40 » – aura tenté en vain d’intercéder pour Jules Mazarin auprès de Pluton, l’estimant « plus mal-heureux que meschant41 ». Sans convaincre. La liste des crimes reprochés, égrenée par Pluton, produit un contraste glaçant avec la tonalité légère, comique, qui précédait. Le quiproquo rappelle que l’art de la satire consiste à dévoiler les impostures, mais aussi que les jugements peuvent être révisables, ou relatifs. La mise en regard de Mazarin et de Richelieu suggère que de toute façon, exercer le pouvoir, c’est avoir du sang sur les mains… une idée qui se retrouvera de manière très constante dans le corpus des dialogues des morts au xviiie siècle.

Parmi les quelques dialogues des morts relevés par Adrianna Bakos dans son étude sur les images de l’Enfer dans les pamphlets de la Fronde42, qu’elle distingue clairement du genre des « apparitions » mettant en scène des ombres s’adressant aux vivants, se singularisent donc Les Entretiens de Saint-Maigrin & de Manzini, texte aussi évoqué par Hubert Carrier ou Lise Andries43. En effet, son auteur anonyme, qui intègre aussi bien des vers burlesques captés au vol dans le flot des mazarinades que des citations érudites des classiques, souvent pour produire un effet de décalage humoristique typique des satires ménippées humanistes, tient la gageure d’associer une description pathétique des malheurs du temps avec une représentation outrageusement comique des illusions des Grands – notamment, mais pas seulement, ceux de l’armée royale ennemie.

L’objet du dialogue est la bataille du faubourg Saint-Antoine (2 juillet 1652), cette victoire en trompe-l’œil des Frondeurs assiégés qui repoussent les forces dépêchées par Mazarin. Hommage est rendu au Grand Condé pour son action résolue. Mais l’auteur, citant Salomon après avoir évoqué quelques doutes quant aux croyances sur la survie de l’âme après la mort, adopte une position claire vis-à-vis des rêves de gloire dès le début du texte : mieux vaut être parmi les chiens vivants que parmi les lions morts (Ecclésiaste, 9, 4)44. Observation digne du cynisme de Ménippe et de Lucien ! Ces Enfers abritent de beaux paysages et des oiseaux chantant des chants magnifiques, mais il s’agit seulement d’un paysage « phantastique & vain45 », de souvenirs nostalgiques de notre monde.

Comme Paul Hay Du Chastelet vingt ans plus tôt, l’auteur s’amuse de la soif d’actualité de ses contemporains. Arrivé le premier en Enfer, Saint-Maigrin (Mesgrin), lieutenant-colonel de chevaux légers dans l’armée royale, décédé des suites d’une blessure reçue au début des combats, suscite un attroupement, mais il ne peut que décevoir les ombres, ayant quitté trop vite le champ de bataille, et l’esprit trop distrait, par ailleurs, lors de sa longue agonie, pour se préoccuper de son issue. Le personnage calme l’impatience des curieux en les assurant qu’il sera bientôt rejoint par beaucoup d’autres… Jaloux de savoir « Manzini » – il s’agit en réalité du jeune Paul Mancini, neveu du Cardinal –, lui aussi blessé, toujours entre la mort et la vie, Saint-Maigrin prie Proserpine d’accélérer son trépas. Son vœu est exaucé, et la seconde section du texte est constituée par l’arrivée burlesque de ce Mancini au nom écorché en « Manzini », comme pour faire de lui une créature de l’oncle qui l’a envoyé au front, un « petit Mazarineau46 » parlant un patois mi-français, mi-italien, dont on se moque à satiété. Comme il demande un traitement de faveur à Charon, lui promettant de la monnaie trébuchante alors qu’il n’a rien sur lui, le nautonier rudoie le neveu de Mazarin, et s’amuse à le berner, en multipliant les tours sur le Styx puant pour lui donner la nausée ! Dommage qu’il ne s’agisse pas de l’oncle, regrette Charon.

Ce petit « Manzini » apparaît vraiment comme l’équivalent de l’idiôtes de Lucien, inquiet de savoir que « ceux de Paris font [toujours] les diables » et l’ont poursuivi de « mille railleries » jusque dans la mort. Leurs « traits les plus aigus & les plus picquants » n’arrivent plus en enfer, se console-t-il, ce qui est probablement une allusion métatextuelle à d’autres mazarinades à son sujet47. Face à lui, le bon Saint-Maigrin, promu au rôle d’eirôn, sait qu’il est mort uniquement pour servir les desseins rusés de l’« Oncle », comme on l’appelle, et il fait prendre conscience au neveu que Mazarin a fait de la France un Enfer. Les plaisanteries d’usage sur le Cardinal, y compris sexuelles, sont recyclées dans ce texte, qui conduit les deux personnages jusqu’à une vallée des supplices, puis au palais de Mazarin, décrit comme une casemate située dans un locus horribilis absolu. Considérée comme impressionnante par Adrianna Bakos48, cette mise en situation de Mazarin comme nouveau Lucifer a en réalité des allures de pastiche qui évoquerait presque les pratiques des Lettres de Cyrano à la même époque, l’auteur jouant sur les topoï accumulés par les précédentes mazarinades. Le texte se termine sur des nouvelles de Pontoise menacée par les Frondeurs, qui rend notre « Manzini » « fort triste », alors que l’ombre de Saint-Maigrin, officier des troupes royales repenti, auquel le texte rend hommage, se sent « un peu plus gaye »49.

Ce contraste dessine deux manières de percevoir l’actualité, l’une aveugle, l’autre lucide, et l’auteur anonyme fait quelque effort pour se ranger à la seconde. C’est que les deux personnages ont entre-temps été rejoints par un troisième, le duc de Nemours, plus précisément Charles Amédée II de Savoie-Nemours. Or, il s’agit cette fois-ci d’un chef frondeur, auquel ses anciens ennemis rendent hommage en Enfer, Manzini trépignant comme un enfant de le voir (« Nemours, Nemours, c’est le vrai Duc de Nemours50 »). Sa mort étonne : il n’est pas tombé sous les coups des armées royales, mais dans un duel avec le duc de Beaufort, avec qui il se disputait le gouvernement de Paris après la victoire du faubourg Saint-Antoine. Les Frondeurs ont la main forte, mais ils l’emploient contre eux-mêmes ! Si la remarque charrie un élément de langage de la propagande de la Fronde – on explique plus facilement ses défaites, à tort ou à raison, en les attribuant à la désunion –, elle n’en reste pas moins un diagnostic désabusé sur la situation présente, et elle offre un aperçu typiquement lucianesque sur la stupidité du désir de gloire. Les veuves, pendant ce temps, peuvent continuer à pleurer, celle de Nemours comme celle de Saint-Maigrin… La nouvelle de la reprise de Pontoise par les Frondeurs résume dans les dernières lignes la tonalité générale : elle cause aux autres du chagrin, « & à nous une joye qui nous soulage de nos maux passez, & qui adoucit mesme la souffrance des presens, qui finiront du tout, quand le supplice de ce Tyran proscrit commencera dans les Enfers51 ». Si la dernière proposition rappelle que ce dialogue s’inscrit dans le cadre d’une littérature commanditée, pamphlétaire, qui diabolise l’ennemi topiquement, les précédentes acquièrent une portée métatextuelle en désignant la fonction même du dialogue des morts : causer une joie qui soulage des maux passés, adoucir la souffrance des présents.

Une allusion probable à la situation d’écriture des Entretiens de Saint-Maigrin et de Manzini nous permettra de conclure : comme l’auteur assure qu’« il n’est rien de tel, lorsque l’orage se passe en cette contrée entre les Mazarins & leurs adversaires, que d’en recevoir les nouvelles par la Poste », tout en faisant « grande chere en Bretagne ou en Normandie, où l’on peut juger des coups en sûreté »52, on pense au suave mari magno de Lucrèce (De rerum natura, II, v. 1-19). De l’autre côté du Styx, les dialogues des morts n’offrent-ils pas une rive imaginaire d’où contempler les tempêtes du présent ? Rive mouvante, certes, elle-même embarquée dans l’histoire et partie prenante de l’actualité, plutôt que simple représentation. Mais dans ce cas comme dans celui des Entretiens rédigés vingt ans plus tôt par Paul Hay Du Chastelet, s’agit-il vraiment d’une littérature d’action, ou d’une littérature de réflexion sur l’action, à chaud ? La médiatisation du discours propagandiste ou pamphlétaire par la fiction du dialogue des morts n’est pas sans introduire un filtre. Et ce filtre n’est pas seulement un écran pour faire circuler un discours anonyme plus prudemment et plus efficacement, c’est un tamis qui ne retient de l’actualité que ce qui fait réfléchir sur le rôle des acteurs. On évoque les vivants encore en lutte par la voix des morts, mais ce sont aussi ces derniers que l’on juge. La soif des nouvelles, colportée par le texte, est elle-même ironiquement mise à distance. Certes, cette littérature, comme l’a rappelé Christian Jouhaud, qui oppose « littérature d’action » et « littérature d’idées », ne constitue en rien un « contre-pouvoir »53, pas même un anti-pouvoir, dans la mesure où nos textes, quand ils n’émanent pas des premiers cercles du gouvernement royal, comme les Entretiens de 1631, émanent d’autres pouvoirs, comme les pièces hostiles à Mazarin et à la Reine mère entre 1649 et 1652. Pris dans des rapports de force, nos auteurs n’en dessinent pas moins un autre lieu où l’écriture de l’actualité, dépaysée et utopisée parmi les morts, devient immédiatement une forme d’écriture de l’histoire, saisie sur le vif.

Notes

1 Considéré comme le dialogue xii dans la classification traditionnelle des Dialogues des morts de Lucien, ce trialogue, très apprécié dès le début de la Renaissance et souvent édité indépendamment, montre que la rhétorique épidictique ne va pas toujours unilatéralement dans le sens du blâme chez Lucien, et se prête à un examen nuancé et comparatif des figures historiques (voir Lucien de Samosate, Œuvres complètes, éd. A.-M. Ozanam, Paris, Les Belles Lettres, 2018, p. 1263-1267).

2 Sur ce rapport critique à l’histoire, voir notre article « Les dialogues des morts : tribunaux des légendes historiographiques ? », dans Nathalie Grande et Chantal Pierre (dir.), Légendes noires, légendes dorées. Ou comment la littérature fabrique l’histoire (xviie-xixe siècle), Rennes, PUR, « Interférences », 2018, p 133-158.

3 Rappelons que la première « centurie » de dialogues boccaliniens est traduite en français sous le titre Les Cent premières nouvelles et advis de Parnasse, trad. de Th. de Fougasses, Paris, Adrien Périer, 1615.

4 La thèse fondatrice de Johan S. Egilsrud (Le « dialogue des morts » dans les littératures française, allemande et anglaise (1644-1789), université de Paris, faculté des Lettres, 1934), relevait déjà l’existence de dialogues des morts antérieurs à l’ouvrage de Fontenelle. Nous avons plaidé pour cette prise en compte d’une préhistoire humaniste, avant que le genre ne s’autonomise clairement, dans Nicolas Correard, « Les dialogues des morts : forme, genre ou module générique ? », actes du 41e congrès de la SFLGC « Migrations des genres et des formes artistiques », en ligne sur le site de la SFLGC, « Bibliothèque comparatiste », 2019, URL : https://sflgc.org/acte/correard-nicolas-les-dialogues-des-morts-forme-genre-ou-module-generique.

5 J. Egilsrud, Le « dialogue des morts » dans les littératures…, op. cit., p. 37-38.

6 [Paul Hay Du Chastelet], Les Entretiens des Champs Elizees, s. l., s. n., 1631.

7 Les Entretiens de S. Maigrin et de Manzini, aux Champs Elisiens. Et l’arrivée du duc de Nemours au mesme lieu, avec la description de l’appartement qu’on prepare à Mazarin dans les Enfers, Paris, s. n., 1652.

8 Voir l’étude de Marc Angenot, La Parole pamphlétaire. Typologie des discours modernes, Paris, Payot, 1982.

9 Sur la biographie et l’activité pamphlétaire de cet auteur, voir Pierre Maulny, Paul Hay du Chastelet ou la quotidienneté du pouvoir, thèse de doctorat, École nationale des chartes, 2017.

10 Cette identification, bien établie par les dictionnaires biographiques, est postérieure à la parution, puisque l’Apologie pour le sieur de Marillac… contre ung libelle diffamatoire publié soubz le tiltre d’Entretiens des Champs Elisées, ms. BnF, fonds Français 5183, rédigée la même année (1631) dans l’entourage du grand rival de Richelieu, Michel de Marillac, attribue la rédaction du dialogue des morts à Richelieu lui-même. Voir Christian Jouhaud, Richelieu et l’écriture du pouvoir. Autour de la journée des Dupes, Paris, Gallimard, « L’Esprit de la cité », 2015, notamment chap. 11, p. 245-278, qui oppose les deux récits des événements ayant abouti à la chute de Marillac.

11 [Paul Hay Du Chastelet], Recueil de diverses pieces pour servir a l’histoire, s. l., s. n., 1640, p. 204-240.

12 [P. Hay Du Chastelet], Les Entretiens des Champs Elizees, op. cit., p. 21.

13 Ibid., p. 34.

14 Ibid., p. 52.

15 Ibid., p. 62.

16 Ibid., p. 71.

17 Ibid., p. 19.

18 Ibid., p. 65.

19 La Rencontre du gouverneur de la ville de La Motte et du marquis d’Aldringuer…, Paris, J. Brunet, 1634, p. 3.

20 Ibid., p. 16.

21 [P. Hay Du Chastelet], Les Entretiens des Champs Elizees, op. cit., p. 3.

22 Ibid., p. 11.

23 Ibid., p. 28.

24 Après s’être distingué dans la répression des places fortes huguenotes, Louis II de Marillac est élevé à la dignité de maréchal de France en 1629. Sa participation au complot manqué contre Richelieu, lors de la journée des Dupes, cause son emprisonnement. Présidée par Charles de l’Aubespine, nouveau garde des Sceaux qui remplace Michel de Marillac, la commission à laquelle participe Paul Hay Du Chastelet conclut à sa culpabilité. Louis de Marillac est exécuté en place de Grève le 10 mai 1632.

25 [P. Hay Du Chastelet], Les Entretiens des Champs Elizees, op. cit., p. 38.

26 C. Jouhaud, Richelieu et l’écriture du pouvoir, op. cit., p. 256 : « Les Entretiens des Champ Élysées couvrent Marillac de sarcasmes, daubent sur sa carrière, ridiculisent son activité de législateur, vilipendent son comportement de chef de la magistrature, et derrière tout cela voient le spectre de l’hypocrisie bigote ».

27 [P. Hay Du Chastelet], Les Entretiens des Champs Elizees, op. cit., p. 46.

28 Cité par C. Jouhaud, Richelieu et l’écriture du pouvoir, op. cit., p. 251.

29 [P. Hay Du Chastelet], Les Entretiens des Champs Elizees, op. cit., p. 47.

30 Ibid., p. 54.

31 Ibid., p. 62.

32 Ibid., p. 63.

33 Ibid., p. 51.

34 On ne les trouve guère mentionnés dans les ouvrages de référence d’Hubert Carrier, qui consacre pourtant une section à la forme du dialogue des morts (Les Muses guerrières. Les Mazarinades et la vie littéraire au milieu du xviie siècle, Paris, Klincksieck, 1996, p. 288-292) ou de Christian Jouhaud (Mazarinades. La Fronde des mots [1985], Paris, Aubier-Flammarion, « Collection historique », 2009).

35 Nouvelles apportées au roi Louis XIII dans les Champs Elisees, s. l., s. n., [1649], p. 10.

36 Ibid.

37 Ibid., p. 11-12.

38 L’Enfer révolté, sur l’Estrange desordre qui y est arrivé depuis peu, Paris, s. n., 1649.

39 Dialogue d’Estat, ou Entretiens des roys Louys XI et Louys XII és Champs Elisées, Paris, s. n., [1652].

40 L’Equiproquo de l’autre monde sur l’arrivee du Mazarin. Et l’arrest irrevocable rendu contre ce Cardinal du mesme nom, Paris, J. Brunet, 1649.

41 Ibid., p. 6.

42 Adrianna E. Bakos, « Images of Hell in the Pamphlets of the Fronde », Historical Reflections / Réflexions historiques, vol. 26, no 2, 2000, p. 335-353. URL : https://www.jstor.org/stable/41299179 [accès institutionnel]

43 Lise Andries, « Querelles et dialogues des morts au xviiie siècle », Littératures classiques, no 81, 2013/2, p. 131-146. DOI : https://doi.org/10.3917/licla.081.0131

44 Entretiens de S. Maigrin et de Manzini, op. cit., p. 5.

45 Ibid., p. 21.

46 Ibid., p. 12.

47 Ibid., p. 15-16.

48 Adrianna Bakos, « Images of Hell in the Pamphlets of the Fronde », art. cité, p. 344.

49 Entretiens de S. Maigrin et de Manzini, op. cit., p. 31-32.

50 Ibid., p. 25.

51 Ibid., p. 32.

52 Ibid., p. 5-6.

53 C. Jouhaud, Mazarinades. La Fronde des mots, op. cit., notamment chap. 4, p. 95-130.

Citer cet article

Référence électronique

Nicolas Correard, « Entre distanciation philosophique et indignation pamphlétaire : le rire des morts face à l’actualité », Pratiques et formes littéraires [En ligne], 19 | 2022, mis en ligne le 20 janvier 2023, consulté le 06 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/pratiques-et-formes-litteraires/index.php?id=421

Auteur

Nicolas Correard

Nantes Université – LAMo UR 4276

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