À l’origine, la chaire (du latin cathedra qui tire son origine d’un mot grec signifiant « siège à dossier ») est le siège de l’évêque dans son église. Elle désigne à la fois le mobilier et la tribune élevée sur laquelle le prêtre s’adresse à l’assistance mais également la prédication ou le discours prononcé. Contenant et contenu, les deux sont liés. Par analogie, la chaire universitaire désigne le poste de professeur titulaire dans l’enseignement supérieur et le siège élevé et surmonté où ce professeur se place pour faire ses leçons et d’où il parle. Une chaire est ainsi l’aboutissement de la reconnaissance pleine et entière d’une discipline dont un professeur éminemment reconnu assure l’enseignement.
Aujourd’hui, si la « chaire » reste associée à l’université, elle permet de mettre en lumière le lien entre la formation, la recherche et le monde socio-économique autour de la thématique qu’elle propose. Sans réelle définition légale ou réglementaire, une chaire est le plus souvent abritée par une fondation universitaire et conduit à la rencontre du monde académique et du monde professionnel, permettant la création de liens de complémentarité.
Les chaires se développent dans de très nombreuses disciplines (mathématiques, grandes civilisations, physique, chimie, biologie, médecine, philosophie, littérature, sciences sociales et humaines) et abordent des thématiques très variées. On peut citer, par exemple, pour ce qui concerne les sciences humaines et sociales, la digitalisation, l’économie sociale et solidaire, la logistique, le sport, les industries culturelles et créatives, la transition énergétique.
Par ailleurs, cet instrument prend différentes formes et appellations tant les universités et les grandes écoles ont trouvé dans cette voie une propension à solliciter davantage l’entreprise et les professionnels de différents secteurs prompts à s’associer et donc à financer une chaire. De plus, les programmes « Chaires d’excellence » de l’Agence nationale de la recherche (ANR), les Chaires Jean-Monnet ou les Chaires internationales sont autant de mise en lumière de la notion de chaire qui, sans recouvrir nécessairement la même forme, ont pour objet commun de créer des ponts et de faire prospérer une discipline ou une thématique abordée de manière pluridisciplinaire. Elles sont alors le réceptacle d’un projet scientifique spécifique répondant à un appel à projets national ou européen sur une thématique précise et pendant un temps défini.
C’est dans cette diversité que s’inscrit la Chaire Eugène Pierre – Études en droit des assemblées parlementaires et locales et droit des élections1.
Genèse et contenus
Créée en juillet 2020, la Chaire est hébergée par la fondation Amidex d’Aix-Marseille Université. Son nom complet vise explicitement les thématiques retenues : le droit des assemblées délibérantes, le droit des élections et de tous types d’expression citoyenne et, plus largement, le droit constitutionnel et institutionnel. Quant à Eugène Pierre, son nom s’est naturellement imposé. Son Traité de droit politique, électoral et parlementaire reste, encore aujourd’hui, une référence riche et incontournable dans ces domaines. En outre, l’acronyme, CEP, témoigne de la volonté d’ancrer la Chaire et ses contenus sur les territoires européen, national ou local, et l’activité en résultant, tant scientifique que pédagogique, en devient ainsi la concrétisation, telle la terre qui nourrit le cep et la vigne tout entière.
La CEP aspire donc à devenir un pôle d’excellence francophone sur ces thématiques, qui contribuent en définitive à la valorisation de la démocratie sur les territoires. Les enseignants-chercheurs appartiennent à l’Institut Louis-Favoreu – Groupe d’études et de recherches sur la justice constitutionnelle (GERJC-UMR 7318) et travaillent sur les institutions, le droit des assemblées délibérantes et le droit électoral. Leurs travaux participent ainsi à la compréhension et l’analyse du fonctionnement des assemblées délibérantes, de leurs processus décisionnels ainsi que du droit des élections politiques par lesquelles le citoyen désigne ses représentants. Ils appréhendent les évolutions issues notamment de la sphère politique et favorisent l’émergence de nouveaux processus décisionnels et pratiques s’inscrivant dans un cadre démocratique. On en trouvera dans la publication numérique, le Journal de la Chaire Eugène Pierre (JCEP), une restitution allégée, sous forme d’une actualité périodique, revenant sur des événements juridiques et politiques jalonnant l’année2.
La CEP s’inspire de la démarche inaugurée par la Chaire de recherche en études parlementaires de l’université de Luxembourg (Luxembourg) et la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’université Laval (Canada). Ceci dit, eu égard à la différence de traitement administratif et financier de ces chaires présentes à l’étranger, la CEP n’a ni les mêmes moyens de subsistance ni la même expérience en matière de réseaux puisque ces deux chaires sont bien antérieures à la Chaire Eugène Pierre.
Dès lors, depuis quatre années, la CEP s’est développée en structurant une formation ad hoc en master. En ce qui concerne la recherche, chaque enseignant-chercheur construit son propre parcours scientifique et la Chaire a régulièrement participé à des appels à projets. Trois thèses ont été soutenues en cotutelle avec l’université du Luxembourg et ont interrogé la place du Parlement à l’égard de l’évaluation des politiques publiques, de la recherche scientifique et du statut des élus.
Formations
Quant à la formation, dès septembre 2020, en partenariat avec Aix-Marseille Université (France), l’université Babeș-Bolyai (Roumanie), l’université Laval et l’université du Luxembourg, les membres de la Chaire Eugène-Pierre ont mis en œuvre le master Études parlementaires – Études législatives. Ce master en codiplomation, labellisé Erasmus+, prévoyait une première année dans chacune des universités partenaires et la seconde année à l’université du Luxembourg. La convention a pris fin et la dernière promotion de M2 a réalisé son année de formation à l’université du Luxembourg en 2023-2024.
À partir de la rentrée universitaire 2024-2025 a été créée une nouvelle formation sur deux années : le master Études parlementaires et droit des assemblées. Ce master, adossé à la mention droit public, est porté par la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille Université. En tant que formation entièrement juridique, sur deux années, elle s’inscrit pleinement dans les thématiques de droit public mais apporte une dimension marquée en droit parlementaire, droit des assemblées et droit des votations ; elle est intégralement dispensée à Aix-en-Provence. Les cinq années écoulées ont en outre permis de tisser de solides relations avec différentes structures professionnelles institutionnelles européennes, nationales et locales ainsi qu’avec des cabinets d’affaires publiques non seulement grâce aux enseignants-chercheurs déjà dotés d’un réseau partenarial, mais également grâce aux différents intervenants professionnels qui ont su s’approprier la formation.
Mais le développement d’une formation doit aussi être pensé en fonction des débouchés professionnels de ses étudiants. C’est pourquoi, fort de l’expérience acquise, le master 2 ouvrira à l’apprentissage dès 2025-2026 afin de favoriser l’employabilité de ses étudiants.
Objectifs
La CEP se veut un outil de promotion d’une discipline, le droit des assemblées délibérantes, constitutive d’une interface entre le milieu universitaire et, pour l’essentiel, les institutions politiques nationales, tout en prospérant dans le secteur du conseil en affaires publiques. En l’absence de partenariats contractualisés, la CEP soutient les études portées par ses membres spécialistes de ces sujets et l’ILF-GERJC, laboratoire auquel ils appartiennent, afin de favoriser la transmission des connaissances et de développer une recherche experte. C’est donc davantage par un financement émanant de l’université que se concrétisent les projets. À cet égard, l’obtention d’un projet financé par la fondation Amidex d’Aix-Marseille Université permettra de soutenir le développement d’une réflexion d’envergure. Ce projet, intitulé « Réformer et refonder le processus décisionnel dans une démocratie » (R2D2), ambitionne de proposer une révision de la Constitution sur les processus décisionnels délibératifs à partir des travaux d’un comité de réflexion. Son originalité réside à la fois dans sa composition et dans sa méthodologie de travail. Sur le premier point, le comité de réflexion est exclusivement composé d’universitaires d’AMU, experts des questions liées aux processus décisionnels dans différentes disciplines. Sur le second point, la collégialité est privilégiée, tant pour dresser le constat des dysfonctionnements que pour proposer une remédiation à l’aune des concepts théoriques mobilisables et de l’audition de personnes qualifiées tout en y associant les citoyens, destinataires des décisions publiques, sollicités via un site internet et la presse. La CEP trouvera donc toute sa place dans ce projet, d’une durée de quatre années (2025-2028), notamment par la mobilisation de son site internet, devant contribuer à la sollicitation des publics interrogés et à la diffusion des travaux.
La démocratie libérale est aujourd’hui en crise, tant sur le plan de la représentativité des assemblées que sur le processus délibératif, la place du citoyen ou l’acceptation des décisions quelles qu’elles soient. La Chaire Eugène Pierre, avec l’appui de ses membres, de l’ILF-GERJC, de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence et de la fondation Amidex, en faisant avancer la recherche académique et en élaborant des programmes de formation innovants, souhaite participer à la régénérescence d’un modèle juridique et politique d’organisation des pouvoirs en collaborant avec l’ensemble des acteurs. Telle est son ambition.