La Chaire des Études parlementaires a été inaugurée le 1er octobre 2023 à l’université de Lille et présentée publiquement au Sénat, le 4 octobre 2023, lors du 65e anniversaire de la Constitution de la Ve République. Elle relève de l’Initiative d’excellence de l’université (iSite) attachée aux problématiques des transitions et s’intègre dans les Objectifs de développement durable (ODD 16) de l’ONU, « Paix, justice et institutions efficaces ».
Ayant vocation à servir l’édifice démocratique, la raison d’être de la Chaire repose sur la nécessité d’un (re)dynamisme démocratique (I), tant dans son fonctionnement que dans son appréhension et sa diffusion. Une structure opérationnelle et stratégique se déploie alors (II) pour satisfaire son ambition scientifique : devenir un haut lieu identifié de recherches parlementaires, pour les spécialistes et au-delà (III).
I. Un constat alarmant : raviver la démocratie par le prisme parlementaire
La théorie des apparences démocratiques revêt une importance capitale au sein des démocraties constitutionnelles. La démocratie ne doit pas seulement fonctionner de manière abstraite, mais également susciter l’adhésion des citoyens qui y prennent part. En cela, elle rejoint une dimension collective et personnelle. Si la démocratie se définit comme « l’identité du sujet et de l’objet du pouvoir1 », c’est-à-dire la fiction juridique reposant sur la coïncidence entre auteurs et récepteurs du droit vers laquelle tendre, encore faut-il que les citoyens s’y identifient à travers leurs institutions. Cela implique, afin d’y adhérer, qu’ils leur fassent confiance et, pour cela, qu’ils en comprennent le fonctionnement.
Or, la part des Français défiants envers leurs institutions l’atteste2 : la crise de la représentation s’est muée en une crise de la démocratie, qui irrigue désormais l’enceinte même de l’espace parlementaire. La crise parlementaire accentue la crise démocratique, comme la crise démocratique alimente la crise parlementaire. Si consacrer des dispositifs permettant d’associer les citoyens à l’élaboration de la loi constitue une piste d’évolution et de réponse à ces crises, c’est sur le terrain de la croyance qu’il faut agir préalablement pour ressusciter le sentiment d’adhésion du peuple à l’ordre constitutionnel, à ses institutions et à la loi qui en découle. La légitimité ne se décrète plus a priori, mais elle s’alimente en continu, faute de quoi l’équilibre institutionnel instauré ne peut perdurer.
Un effort de démocratisation s’avère nécessaire dans le fonctionnement, l’appréhension et la diffusion de la vie parlementaire. D’abord, l’activité démocratique et parlementaire doit être revivifiée dans son fonctionnement. Le Parlement constitue le pilier des régimes démocratiques constitutionnels. Les assemblées structurent l’offre politique partisane, adoptent les lois et contrôlent l’action gouvernementale. Le processus de délibération démocratique ne saurait, dès lors, se déployer sans un organe législatif à même de débattre, de décider, de contrôler. À l’aune de la crise parlementaire que nous traversons, il apparaît nécessaire de s’interroger également sur les conditions permettant au processus décisionnel démocratique de rester viable. Pour ce faire, l’appréhension de tout système démocratique doit s’effectuer de manière englobante et plurielle pour en saisir les subtilités, les enjeux et les mutations. La diffusion des connaissances et l’analyse du droit parlementaire sont en effet capitales pour éclairer à la fois les utilisateurs du droit parlementaire et les auditeurs du processus de délibération : les citoyens. Il convient alors d’agir à plusieurs niveaux : décrypter l’actualité parlementaire, être force de propositions et de solutions pour les acteurs institutionnels et éduquer les citoyens à la chose publique, notamment en perfectionnant les initiés, dont le savoir et la capacité d’analyse auront vocation à se disséminer dans l’espace public.
II. Une structure opérationnelle multiniveaux
Un comité de pilotage restreint composé du porteur de la Chaire, du postdoctorant et d’universitaires spécialistes de droit parlementaire se réunit régulièrement pour dresser les lignes stratégiques de la Chaire, à savoir le plan d’action et le thème annuel, et en assurer le suivi.
Le premier temps a consisté à former le réseau « Amis de la Chaire » et le conforter. Celui-ci s’appuie sur plusieurs cercles concentriques : d’abord, les spécialistes universitaires et acteurs institutionnels français, puis étrangers. Matériellement, il s’est agi de créer le site Internet de la Chaire3 afin de concrétiser son ambition : étudier, analyser, diffuser. Des canaux de communication internes aux Amis de la Chaire permettent une fluidité et une réactivité dans les échanges : chacune et chacun peut alerter sur une actualité et se saisir d’un sujet.
Différentes manifestations ont été organisées en 2024, notamment un séminaire sur l’ouvrage La fabrique de la loi4 avec l’un des coauteurs, Pierre Januel, le 14 mars ; une conférence avec la Défenseure des droits, le 24 septembre ; une table ronde à l’occasion de la Nuit du droit, le 4 octobre ; sans compter les journées labellisées par la Chaire, à l’instar de la journée décentralisée de la Commission de la jeune recherche constitutionnelle, qui s’est tenue à l’université de Lille, le 28 novembre. La Chaire a également eu l’occasion de dresser des partenariats à l’extérieur, comme lors de la Journée du droit avec le ministère des Affaires étrangères, à travers une série d’événements labellisés par la Chaire en Irlande. Des partenariats institutionnels français et étrangers sur le long terme sont en discussion, ainsi que l’élaboration de projets transversaux avec d’autres laboratoires de recherche.
En dehors de ces aspects organisationnels, humains et matériels, la Chaire puise sa force, du point de vue méthodologique, à travers la science constitutionnelle. Cette méthode d’appréhension s’appuie sur la complémentarité entre sciences juridiques et politiques, permettant de saisir le droit parlementaire dans son entièreté. Elle s’y trouve confortée par différentes dimensions : juridique, politique, mais aussi historique et comparée (nationale, européenne, internationale). L’analyse des institutions se veut donc englobante : d’abord, en partant des normes qui les fondent et desquelles elles tirent leur compétence d’agir et, fonctionnellement, par leur mise en œuvre par les acteurs institutionnels (élus, administrateurs, citoyens) dans une perspective comparée5. La science constitutionnelle sert l’ambition de la Chaire : devenir un centre de référence dans le domaine des études parlementaires.
III. Une ambition scientifique : un haut lieu identifié de recherches parlementaires
L’ambition scientifique de la Chaire consiste à devenir un centre de référence en matière parlementaire. Elle se concrétise à travers des projets structurants, notamment en assurant une veille d’analyse en France et à l’étranger, à travers une plateforme électronique. Le site Internet est ainsi régulièrement alimenté avec les productions écrites de spécialistes sous forme de billets d’actualité publiés quasi instantanément, d’articles de fond poussés, mais également de comptes rendus effectués par les étudiants sur les différentes manifestations organisées au sein de la Chaire. Celles-ci concernent un éventail diversifié pour toucher un public élargi : conférences, séminaires, colloques, forums internationaux, ateliers de jeunes chercheurs à destination des doctorants et sensibilisation du grand public aux enjeux démocratiques. La Chaire a donc vocation à diffuser le savoir parlementaire, voire à revigorer le sentiment d’appartenance des citoyens à leurs assemblées. Les étudiants y sont mobilisés et placés au cœur du processus décisionnel avec diverses simulations organisées (procédure législative, questions au gouvernement, motion de censure, commission d’enquête, etc.). Dans la même veine de spécialisation et de diffusion, des formations à destination de ceux qui souhaitent parfaire leur connaissance en matière parlementaire (collaborateurs d’élus, journalistes, etc.) sont à l’étude.
De façon plus systémique, une thématique scientifique annuelle est dégagée par le comité de pilotage de la Chaire. Elle ouvre alors un cycle d’événements scientifiques. Le thème annuel identifié pour l’année 2024-2025 est celui de la présidence des assemblées, une institution fondamentale tant pour le fonctionnement interne des assemblées que pour la représentation extérieure qu’elle assure. Cette figure incontournable nécessite de s’arrêter sur ses différentes fonctions pour en cerner les spécificités, son champ de compétences, et conformément à la méthode de la science constitutionnelle, ses incidences sur la vie politique. Les différentes manifestations se clôturent ensuite par une journée d’études de restitution qui aura lieu courant 2025.
La Chaire des Études parlementaires entend ainsi jouer son rôle de veille, de perfectionnement et de diffusion des savoirs en matière parlementaire, une manière d’apporter sa pierre à l’édifice démocratique à l’aune de la crise parlementaire que nous traversons.