Les auteurs tiennent à remercier les professeurs Valérie-Anne Mahéo, titulaire de la Chaire et professeure au Département de science politique de l’université Laval, et Patrick Taillon, professeur à la Faculté de droit de l’université Laval, pour leurs précieux commentaires lors de la rédaction du présent article.
La Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires (CRDIP) « a pour mission d’améliorer la compréhension des enjeux et des difficultés auxquels sont confrontés les systèmes parlementaires et les démocraties contemporaines1 ». Née de l’initiative conjointe des Facultés des sciences sociales et de droit de l’université Laval (située dans la ville de Québec) et de l’Assemblée nationale du Québec, la CRDIP étudie et fait rayonner par ses activités le parlementarisme pratiqué au Québec. Ce dernier, bien qu’établi sur les racines du système parlementaire britannique de type Westminster, se distingue par sa singularité issue historiquement d’un clivage entre la dualité francophone/anglophone et de l’affirmation identitaire québécoise au sein de la fédération canadienne2. Dans ce contexte, il était pertinent, dès l’année 2006, de réunir l’Assemblée nationale du Québec et l’université Laval autour d’une même table d’échanges et de discussions visant à la création de la CRDIP, le tout dans le cadre du 400e anniversaire de la ville de Québec3. La CRDIP est ainsi le seul regroupement de recherche qui étudie le parlementarisme québécois4 et l’un des seuls au Canada qui se penche sur le parlementarisme comme objet de recherche5.
I. Création de la CRDIP
Les raisons ayant mené à la création de la Chaire sont nombreuses. Comme l’expliquait l’ancien président de l’Assemblée nationale au moment de sa création, M. Michel Bissonnet :
Les assemblées parlementaires sont les maisons de la démocratie et sont les seules à posséder la véritable légitimité démocratique, à savoir l’élection au suffrage universel. Pourtant, peut-être parce qu’elles sont désormais considérées comme un acquis, trop peu de citoyens connaissent leurs institutions démocratiques. Cette méconnaissance, répandue dans toutes les démocraties occidentales, constitue un obstacle de taille pour tous les acteurs de la vie publique que nous sommes, car elle alimente, à l’endroit du système représentatif, l’indifférence, la méfiance et, parfois, la défiance6.
Cette réflexion, toujours de grande actualité, dessine en toile de fond les objectifs pédagogiques de la Chaire. En effet, les défis auxquels s’attaque la CRDIP portent principalement sur la méconnaissance du public du fonctionnement des institutions parlementaires, ainsi que des enjeux contemporains rencontrés par ces systèmes, tels que d’assurer une représentation plus juste des citoyens et de la diversité de la société et de conforter le rôle des parlements face à l’exécutif, pour ne nommer que ces derniers7. Pour répondre à ces défis, plusieurs constats s’imposent, notamment la nécessité du travail multidisciplinaire pour mieux cerner la complexité des questions liées au fonctionnement des sociétés démocratiques, la remise à niveau des connaissances et de l’enseignement fondée sur les changements que connaissent les évolutions des problématiques parlementaires et, enfin, le développement d’une recherche universitaire s’intéressant à la crise de la représentation8.
Actuellement, les partenaires de la Chaire9, outre l’Assemblée nationale comme membre fondateur, sont des personnes indépendantes désignées par cette dernière, à savoir le Commissaire à l’éthique et à la déontologie10, Élections Québec11, Lobbyisme Québec12 et le Protecteur du citoyen13. La collaboration avec ces partenaires a mené, au fil des ans, à plusieurs projets de recherche en partenariat direct. La mission de ces partenaires s’inscrit en effet directement dans le programme de recherche de la Chaire, notamment de contribuer au débat public sur le parlementarisme et de favoriser la confiance du public dans ses institutions. La CRDIP bénéficie par conséquent de soutiens institutionnels d’importance des partenaires afin de mener ses activités.
La Chaire allie le savoir-faire des institutions partenaires et celui du milieu universitaire. En d’autres mots, elle permet de « réunir une masse critique de chercheurs, de professeurs, d’étudiants et de spécialistes issus de la pratique14 ».
II. Axes de recherche et activités
La CRDIP adopte une approche multidisciplinaire dans ses activités de recherche, et inclut des chercheurs issus de la science politique, du droit, des sciences de la communication, de l’histoire et de l’anthropologie. Cette multidisciplinarité permet d’envisager la démocratie et les institutions parlementaires sous des angles variés et complémentaires, afin d’en faire une étude plus complète.
Les activités de recherche de la CRDIP se déclinent en quatre axes15.
Le premier axe s’intitule « Parlementarisme et représentation politique », et englobe non seulement les questions de représentation, mais également de confiance et de participation. Un accent particulier est mis sur la représentation et la participation des groupes minoritaires à la démocratie, entre autres des immigrants. Le deuxième axe est nommé « Procédure parlementaire comparée et processus législatif ». La recherche de cet axe s’articule principalement autour de questions juridiques et procédurales, notamment dans une perspective comparée entre le Québec et les autres systèmes parlementaires. Le troisième axe, « Parlement et exercice de la gouvernance », s’intéresse particulièrement au partage des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, au contrôle des activités gouvernementales et à l’intégrité et à l’éthique publique. Par exemple, des études ont été réalisées sur l’encadrement du lobbyisme et le rôle des ombudsmans. Finalement, le quatrième axe de recherche s’intitule « Parlementarisme et élections ». Il couvre des thèmes tels que les règles électorales, l’influence des sondages sur l’opinion publique, et la communication politique, incluant le rôle des nouvelles technologies et des médias sociaux dans le contexte électoral.
Ces quatre axes de recherche se déclinent en trois types d’activités : des activités de recherche, de diffusion et de formation. En effet, il est entendu que le rôle principal d’une Chaire de recherche consiste à rassembler des chercheurs ayant des intérêts communs afin de favoriser la réalisation de projets de recherche novateurs et influents. Toutefois, la CRDIP considère qu’il est également important qu’elle participe à la diffusion des connaissances acquises par ses propres chercheurs, ainsi que par les chercheurs de son réseau, à un vaste public. Pour ce faire, la CRDIP organise plusieurs événements de diffusion par année, sous la forme de conférences, de tables rondes ou de colloques. Par exemple, en février 2024, alors que des enjeux de financement des partis politiques secouaient l’actualité au Québec, la CRDIP a organisé une table ronde de quatre experts sur les enjeux liés à cette question, qui ont pu présenter leur recherche et leurs perspectives sur les sujets du moment devant un public composé d’universitaires, de journalistes et de citoyens16. Cette table ronde a également été diffusée dans les médias québécois, car deux des chercheurs de la Chaire ont été interviewés à la suite de cet événement.
De plus, la CRDIP utilise son expertise sur les questions de démocratie parlementaire afin de proposer une offre de formation variée à divers publics. D’abord, elle offre des activités aux étudiants-chercheurs, qui ont plusieurs occasions de présenter leur recherche en cours lors de séminaires de recherche afin de bénéficier de la rétroaction et de discuter avec des chercheurs et des professionnels en dehors du monde universitaire pour parfaire leur formation. La CRDIP offre également des formations sous la forme d’écoles d’été. Elle coorganise l’Université d’été sur la démocratie avec plusieurs universités francophones, soit l’université libre de Bruxelles, Sciences Po Bordeaux, l’université du Luxembourg et l’université de Lausanne. La dernière Université d’été sur la démocratie a été organisée par la CRDIP, à Québec en juin 2024, sous le thème « Générations et démocratie ». Pour cette occasion, la CRDIP a pu compter sur la participation de conférenciers de six universités québécoises, canadiennes et européennes afin d’offrir cette formation à une trentaine d’étudiants et de professionnels. Finalement, la CRDIP et l’Assemblée nationale du Québec sont également partenaires dans la réalisation du Programme international de formation parlementaire, qui vise à soutenir la formation et le perfectionnement de cadres parlementaires de toute la Francophonie, en leur faisant bénéficier de formations pratiques dispensées par l’Assemblée nationale et d’une formation théorique dispensée par les chercheurs de la CRDIP17.
III. Réunir la recherche et la pratique
Le projet principal de la CRDIP consiste à rassembler des chercheurs et des professionnels de diverses organisations publiques autour de la recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. Cette collaboration entre chercheurs académiques et institutions démocratiques est la raison d’être de la Chaire, mais elle est aussi au cœur de toutes ses activités de recherche, de diffusion et de formation. En effet, les institutions partenaires de la CRDIP sont une partie intégrante des activités de la Chaire, auxquelles elles participent non seulement comme public, mais également comme conférenciers et formateurs. Les partenaires institutionnels de la Chaire jouent aussi un rôle non négligeable dans les activités de recherche de la CRDIP, puisqu’une importante partie des projets de recherche sont menés en collaboration avec ceux-ci. En ce sens, les intérêts et préoccupations de ces institutions informent la recherche réalisée à la CRDIP, puisque les partenaires ont la possibilité de proposer des projets de recherche.
Conclusion
En somme, la CRDIP est une chaire de recherche qui se démarque par son approche multidisciplinaire à l’étude de la démocratie et des institutions parlementaires, en plus de constituer un réseau de chercheurs et de professionnels consacré à l’épanouissement de la démocratie au Québec. La CRDIP a comme projet pour les prochaines années d’élargir son réseau afin d’inclure de nouvelles disciplines qui lui permettront d’avoir une vision encore plus complète de la démocratie et du parlementarisme.