Institutionnaliser la francophonie : une longue quête de sens enfin résolue par le gouvernement français ?

DOI : 10.35562/rif.1100

Résumés

Si la France est aujourd’hui un pilier incontestable – et incontournable - de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), cette vocation fut longue à se dessiner. L’État français a longtemps brillé par son refus puis ses réticences à l’encontre de la création d’une institution de coopération intergouvernementale à vocation politique qui serait fondée sur une langue en partage. Le propos vaut tout particulièrement pour le général de Gaulle qui, dans le cadre de sa politique d’indépendance nationale, entendait faire de la langue française un outil de la diplomatie culturelle de la France. En témoigne notamment son attitude lors de la création de la première organisation intergouvernementale de la francophonie : l’Agence de coopération culturelle et technique. Ses réserves ne se sont pas démenties au cours des décennies suivantes. Et tout au long de la création progressive de l’OIF, la France a systématiquement privilégié le secrétariat général et d’autres opérateurs, comme l’AUF et l’AIMF, à l’Agence internationale de la Francophonie ex-ACCT, montrant une constante défiance à son encontre.

Cette attitude et sa constance à travers plusieurs décennies interpellent le chercheur qui travaille sur les processus d’institutionnalisation de la francophonie. La France étant au cœur de la francophonie, n’aurait-elle due pas naturellement être le principal moteur de sa construction institutionnelle ? Ses fortes réserves trouvent leur justification dans les conceptions et les moyens de la puissance française héritée du général de Gaulle. Elles peuvent également s’expliquer par le rapport singulier des dirigeants français à leur langue. Le contexte linguistique de l’Hexagone est celui d’une appropriation instinctive qui banalise le français et rend peu audible la notion de francophonie.

If France is today an incontestable - and unavoidable - pillar of the International Organization of the Francophonie (OIF), this vocation was long to take shape. The French state has long shone with its refusal then its reluctance against the creation of an intergovernmental institution of political cooperation that would be based on a shared language. This is particularly true for General de Gaulle, who, as part of his policy of national independence, intended to make the French language a tool of France's cultural diplomacy. This is reflected, in particular, in the creation of the first intergovernmental organization of the Francophonie: the Agency for Cultural and Technical Cooperation. Its reserves did not falter in the following decades. And throughout the progressive creation of the OIF, France has systematically favored the general secretariat and other operators, such as AUF and AIMF, at the International Agency of the Francophonie ex-ACCT, showing a constant defiance against him.

This attitude and its consistency over several decades challenge the researcher who works on the processes of institutionalization of the Francophonie. France being at the heart of the Francophonie, would not it naturally have been the main engine of its institutional construction? His strong reservations find their justification in the conceptions and the means of the French power inherited from General de Gaulle. They can also be explained by the singular relationship of French leaders to their language. The linguistic context of the Hexagon is that of an instinctive appropriation that trivializes French and makes the notion of Francophony little audible.

Index

Mots-clés

francophonie politique, langue française, France, OIF, Présidents français

Keywords

Political Francophony, French langage, France, OIF, French presidents

Plan

Texte

Le gouvernement français a longtemps été réticent à l’égard de l’institutionnalisation de la francophonie au niveau de la coopération intergouvernementale. En témoigne notamment son attitude lors de la création de la première organisation intergouvernementale de la francophonie : l’Agence de coopération culturelle et technique. Ses réserves ne se sont pas démenties au cours des décennies suivantes. Et tout au long de la création progressive de l’OIF, la France a systématiquement privilégié le secrétariat général et d’autres opérateurs, comme l’AUF et l’AIMF, à l’Agence internationale de la Francophonie ex-ACCT, montrant une constante défiance à son encontre.

Cette attitude et sa constance à travers plusieurs décennies interpellent le chercheur qui travaille sur les processus d’institutionnalisation de la francophonie. La France étant au cœur de la francophonie, n’aurait-elle due pas naturellement être le principal moteur de sa construction institutionnelle ?

L’article s’organise autour d'un questionnement en quatre temps sur le pourquoi de l'institutionnalisation de la francophonie côté français. Le premier temps se caractérise par le scepticisme gaullien, pour des raisons essentiellement géostratégiques. Dans la continuité de celles-ci, la seconde partie souligne combien l'acceptation de la création puis du développement de l'ACCT au cours des décennies suivantes se sont longtemps conjugués avec une défiance certaine. Un troisième temps ouvre le champ des raisons explicatives de ce ralliement en direction de considérations de politique intérieure française (perception gauche-droite, « néocolonialisme ») et le quatrième traite du rapport singulier des élites françaises (et des Français) à leur langue qui constitue un autre élément essentiel d'explication ; le contexte linguistique de l’Hexagone étant celui d’une appropriation instinctive qui banalise le français et rend peu audible la notion de francophonie.

I. Un processus d’institutionnalisation longtemps jugé non nécessaire

La réticence de la France à l’égard de l’ACCT puis de ses avatars tient d’abord à une longue incapacité à faire cadrer le projet de francophonie multilatérale, cette forme de diplomatie et ses modalités conceptuelles et pratiques avec la politique extérieure française.

Au cours des années 1960, les initiatives des présidents sénégalais (Léopold Sédar Senghor) et nigérien (Hamani Diori) en faveur de la création d’une organisation de coopération intergouvernementale de la francophonie se heurtent au scepticisme du général de Gaulle. Le Président français adresse une fin de non-recevoir à leur proposition, acceptée par les membres de l’Organisation de coopération africaine et malgache (OCAM) en juin 1966, de constituer une communauté francophone définie comme « une communauté spirituelle de nations qui emploient le français, que celui-ci soit langue nationale, langue officielle ou bien langue d’usage ». Le Général ne veut plus d’une organisation multilatérale après l’échec en 1960 de sa grande ambition : la Communauté franco-africaine. Une organisation de coopération intergouvernementale de la francophonie remettrait, pour l’essentiel, la France avec les États africains sortis de la Communauté dans ce type de schéma institutionnel, même s’il était élargi à d’autres pays.

Pour Charles de Gaulle, le « rang » de la France ne peut être que celui d'une grande puissance, c'est-à-dire, suivant la définition donnée par Raymond Aron, « celle qui avait des moyens et des responsabilités telles que toutes les questions importantes lui étaient soumises, au moins pour consultation. Ce n’est pas une question de domination, mais c’est une notion de possession d’une place telle que l’on soit toujours consulté quand sont prises les décisions qui engagent l’avenir de tous. »i Cette exigence fondamentale d'indépendance et de grandeur nationales implique de développer les moyens économiques, commerciaux et monétaires de la France tout autant que ses instruments militaires (force de frappe nucléaire, forces d'intervention). Mais, « une telle politique de grandeur – souligne Philipp Cerny - implique que la France soit en mesure d’exercer une influence hors de proportion avec ses moyens matériels »ii. De sorte que le Général entend appuyer le rôle mondial de la France sur des ensembles politico-géographiques qui formeraient sa sphère d’influence propre. Au centre du dispositif, la France doit prendre la tête d'une Europe organisée sur le mode de la coopération intergouvernementale, celle proposée par le Plan Fouchet. Puissance euro-africaine, elle doit également susciter autour d’elle la création d’un bloc maghrébin et d’un bloc africain (Afrique subsaharienne) qui doivent former le socle instrumental d'une grande politique à l'égard du Tiers-mondeiii. Ces sphères d'influence doivent servir de facteur de démultiplication de la puissance française à l'échelle mondiale. C'est à ce prix que la France pourra recouvrer son « rang » d'avant 1945. La politique de « Coopération » trouve pleinement sa place dans ce schéma gaullien de la puissance française.

Le fait même d’user du terme de « Coopération », pour qualifier les nouvelles relations franco-africaines issues du mouvement d’indépendance et au-delà avec d’autres pays et continents, relève d’un choix parfaitement réfléchi et assumé par le général de Gaulle. La coopération régionale et internationale constitue un des « principes opératoires » de sa conception du système international. Il ne peut pas y avoir de politique durable de « grandeur » si la France ne représente que le seul intérêt national français. Elle doit « invoquer un principe universel ou assez largement connu pour obtenir le soutien actif ou tacite d’autres États »iv. « Liberté et dignité des nations – écrivait en ce sens le ministre des Affaires étrangères Maurice Couve de Murville : de l’une et de l’autre de Gaulle devenait ainsi en quelque sorte un symbole parce que mieux et plus fortement que quiconque il exprimait au nom de la France ce que les autres auraient voulu exprimer »v. Or, la coopération consiste fondamentalement en une relation partenariale. Elle fonde entre des parties égales une association contractuelle pour agir ensemble dans un intérêt commun. La coopération suppose donc un certain rapport à autrui qui reconnaît l’autre comme autre, mais aussi comme un autre utile pour son ou ses propres desseins. Ce concept appliqué aux relations internationales se veut porteur d’un nouvel ordre mondial dans lequel les nations souveraines et indépendantes travailleraient ensemble au « progrès, à la sécurité et à la paix »vi. Le monde régi par la coopération se refuserait à accorder au seul marché un rôle moteur dans le développement et les relations interétatiques. Elle s’oppose à la notion fondatrice de concurrence – sous sa forme antagonique - pour privilégier celle de collaboration librement acceptée entre partenaires égaux, au moins du point de vue juridique. Ce nouvel ordre mondial doit surtout permettre à la France de recouvrer pleinement sa liberté internationale en dépassant les clivages de la Guerre froide.

Dans ce schéma gaullien, la politique de coopération franco-africaine constitue rapidement le modèle d’aide au développement propre à la France et par là une nouvelle expression de sa vocation universelle. Par cette politique, la France du général de Gaulle (puis de ses successeurs) entend reprendre le flambeau dont elle se considère être la détentrice, à savoir de « témoigner » et d’« inspirer » le mondevii. Au-delà de la représentation de la France que le Général veut donner – arme essentielle sur la scène internationale pour une puissance de deuxième ordre – et de la conception des relations entre nations qui la sous-tend, la politique de Coopération se rattache à la tradition pluriséculaire de la realpolitik. La Coopération forme ainsi « l’outil grâce auquel la France a pu transformer un espace de souveraineté en zone d’influence »viii. Elle constitue donc une politique d’influence et ce à tous points de vue. En effet, elle ne consiste pas seulement à maintenir certains territoires africains devenus indépendants dans le giron diplomatique et militaire de la France. Il s’agit également qu’ils demeurent dans ce qui progressivement commence à être qualifié de « francophonie », au sens d’un ancrage dans la langue et la culture françaises considérées comme des facteurs d’influence et donc de puissance. En outre, tant le Gouvernement que certains industriels français – comme dans les textiles – n’entendent pas rompre brutalement des courants commerciaux qui, jusqu’ici, leur assurent des débouchés privilégiés. Mais cela coûte cher, d’autant plus qu’à l’heure de la libéralisation progressive des échanges et de l’intégration économique européenne, la puissance française ne se décline plus avec empire et pacte colonial. La politique de « Coopération » mondialisée, prolongement de l’ambition africaine de la France, mais aussi préfiguration d’une nouvelle forme de relations internationales, dépasse assurément les moyens de la France, y compris durant les « Trente glorieuses ».

Dans cette conception de la puissance et ses modalités opératoires, la défense active de la langue française est devenue, aux yeux des dirigeants de la toute jeune Ve République, une nécessité tant son recul est avéré. Le constat est sans appel : il ne s’agit plus désormais de conserver au français « sa place d’antan – explique Maurice Couve de Murville -, mais tout de même une place »ix. La langue, antichambre de la civilisation, constitue un vecteur de premier ordre de ce que Couve de Murville nommait l’« audience universelle ». Faute des ressources matérielles suffisantes, la France doit faire appel, pour satisfaire son « besoin de rayonnement », à « l’œuvre d’hommes prêts à s’expatrier et à une culture prétendant à l’universalité »x. Elle doit s’appuyer sur « son capital d’ordre spirituel, culturel et affectif » que constituent la langue et la culture françaisesxi.

Pour faire face à cette menace de déclassement de la France à l’échelle mondiale, le général de Gaulle et les dirigeants français entendent, à partir de 1958, mener une grande politique extérieure – qualifiée de « grandeur » - qui comporte un important volet linguistique et culturel. Le concept de « Coopération » est au cœur de cette politique et de sa pratique. Bien que réduite, par une certaine postérité, à la seule coopération franco-africaine, la coopération est, dans l’esprit du Général, un concept et une politique à vocation mondiale. Mais la défense et illustration de la langue française est d’abord conçue pour et à travers des instruments français. La création d’une grande organisation multilatérale de la francophonie n’entre pas dans ce schéma fondé sur le respect intangible de la souveraineté de la France.

Pour de Gaulle et ses successeurs, l’Afrique subsaharienne francophone se trouve donc d’emblée au cœur de cette stratégie planétaire d’influence qui se fonde tout particulièrement sur la permanence de la langue et de la culture françaises. La priorité de la France est et demeure le maintien de relations privilégiées et bilatérales entre la France et son « pré carré » africain. Or, compte tenu de la composition de la francophonie, elle ferait largement doublon, au moins au début, avec la France-Afrique. Tant dans les années soixante qu’au seuil de la décennie suivante, le Chef de l’État français voit dans la création d’une francophonie multilatérale et politique plus d’inconvénients que d’avantages dans la gestion de cette priorité franco-africaine. D’ailleurs, depuis les indépendances, la priorité de la diplomatie française consiste à s’efforcer de rassembler les Africains francophones dans un même ensemble (Union Africaine et Malgache puis OCAM, mais sans la France) et non à dépasser ce cadre franco-africain très particulier.

Parallèlement à cette politique de coopération linguistique et culturelle, fortement concentrée sur le continent africain, la France appuie les initiatives privées allant dans le sens de la défense de la langue française, voire même d’une plus grande solidarité entre les pays francophones. Le ministère des Affaires étrangères soutient en ce sens la création, sur une initiative canadienne, en septembre 1961, de l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF). Elle appuie également, en 1967, la création du Conseil international de la langue française, de l’Association de la jeunesse francophone et de l’Association internationale des parlementaires de langue française.

Surtout, le 25 février 1965, un accord bilatéral est signé entre la France et le Québec sur un programme d’échanges et de coopération dans le domaine de l’éducation. Il est suivi quelques mois plus tard, le 24 novembre, par un nouvel accord bilatéral sur la coopération culturelle qui engage les deux Gouvernements à « coopérer étroitement à la promotion et à la diffusion de la langue française ». La France gaullienne se lance alors dans une politique québécoise qui vise à payer « la dette de Louis XV »xii.

Mais d’institutionnalisation de la francophonie au niveau gouvernemental, il n’est toujours pas question. Le Général adresse ainsi une fin de non-recevoir à la proposition de Senhgor, acceptée par les membres de l’OCAM lors de la réunion de juin 1966, de constituer une communauté francophone définie comme « une communauté spirituelle de nations qui emploient le français, que celui-ci soit langue nationale, langue officielle ou bien langue d’usage » : « C’est bien, mais ce sont des mots. Il existe une réalité francophone, mais créer, comme Senghor le souhaite, une espèce d’ensemble de la francophonie me semble dépassé. »xiii

Au-delà du refus de tout engagement pouvant restreindre la liberté de manœuvre de la France sur la scène internationale et l’engager dans un processus de fortes dépenses sans véritable contrepartie politique, il y a probablement chez le général de Gaulle une défiance à l’égard même d’un concept de « francophonie » qui dépasserait le seul outil linguistique pour se fonder sur la notion de culture commune. La langue française est d’abord, à ses yeux, la langue de la nation française et constitue un des éléments fondamentaux de l’identité de la France et des Français. De plus, la « francophonie » est très largement le fruit de l’ancien empire colonial français et de la politique d’assimilation culturelle pratiquée par la France dans ses prolongements ultramarins. Or, le Général n’a jamais été convaincu par la nécessité et la possibilité de faire des populations colonisées des Français au même titre que les métropolitains. Son projet impérial s’est toujours appuyé sur la philosophie de l’association. On peut sérieusement se demander si le président français est réceptif à l’idée d’une culture francophone commune qui se déclinerait de différentes manières suivant les pays et les continents. Outre le fait qu’elle pourrait constituer une entrave éventuelle à l’action internationale de la France, ne risque-t-elle pas de constituer un jour un risque pour l’identité même de la France si cette culture se « multilatéralise » trop ?

Au cours des années 1967-1968, le processus qui doit conduire à terme à la naissance de la « francophonie », au sens institutionnel du terme, s’engage néanmoins et ce suivant des modalités qui excluent volontairement – exigence de la France - une organisation très structurée avec un contenu politique assez dense. Ce processus doit beaucoup à la politique québécoise du général de Gaulle ; le projet de francophonie institutionnelle ne rencontrant finalement, chez de Gaulle, qu’un soutien extrêmement limité tant le concept et son utilité ne lui paraissent pas répondre aux canons de sa politique de « grandeur » et d’ « indépendance nationale ». D’ailleurs, plus que le développement du fait francophone, c’est l’affirmation du « fait français au Canada » et au-delà dans le monde, qui est poursuivi par de Gaulle dans sa politique québécoisexiv.

Senghor comme Diori ont eu cependant le mérite d’aller jusqu’au bout de leur démarche, espérant dépasser les réticences françaises. La création de l’ACCT en 1970 ne représente finalement qu’ « un pâle reflet – suivant la formule du conseiller Afrique Jacques Foccart des présidents de Gaulle puis Pompidou - du projet du président sénégalais et de certains de ses homologues africains ». Elle respecte les conditions françaises : « un organisme dont le programme d’opérations serait complémentaire des actions de coopération bilatérale, doté au départ du moins d’un budget modeste »xv. Il ne faut toutefois pas se tromper de perspective sur les intentions de la France. L’idée d’une communauté francophone organisée à l’échelle mondiale a été longue à mûrir chez les dirigeants français. La Francophonie, au sens d’Organisation intergouvernementale, ne constitue pas un projet alternatif qui succéderait immédiatement à celui de bloc africain francophone. La volonté de développer et d’institutionnaliser une francophonie politique, ne commence à se traduire véritablement en actes qu’à partir de la réunion d’une conférence à Paris des chefs d'État et de gouvernement ayant en commun l'usage du français en 1986. Avant cette date, le concept de francophonie demeure très ambigu et ne constitue pas une priorité de la politique extérieure de la France. Côté français, l’évolution du concept de « francophonie » est d’abord très largement tributaire de celle de la politique de Coopération – essentiellement franco-africaine-, puis à partir de la deuxième moitié des années 1960, également de la rivalité franco-canadienne autour de la question de l’affirmation internationale du Québec. La France s’en tient donc, au cours des années suivantes, à un « discret concours » à l’ACCTxvi. Le ton et l’objectif de la France en matière de francophonie multilatérale sont donnés.

La France s’oppose ainsi à la relance du projet de Léopold Sédar Senghor qui réclame, à partir de 1977, la réunion d’une conférence des chefs d’État francophones, démarche fortement appuyée par le gouvernement fédéral d’Ottawa qui y voit l’opportunité de faire rentrer dans le rang le Québec. Le Président sénégalais part d’un constat : l’échec de l’ACCT conduit à rechercher un nouveau cadre d’action pour la Francophonie. « Il s’agit – écrit-il à une amie -, en un mot, de remplacer l’Agence par une organisation qui englobera tous les États francophones : à peu près trente. »xvii L’objectif du Président sénégalais consiste à mettre en place une ambitieuse « Communauté organique des pays partiellement ou entièrement de langue française (COPPELF) »xviii. Paris ne partage pas les conceptions – jugées maximalistes – du Sénégal et prône une organisation la plus souple possible sur le modèle de la conférence franco-africaine et qui soit fondée sur la notion de « pays » et non d’« État » afin de préserver la représentation du Québecxix. Si la France accepte de dépasser le cadre institutionnel de l’ACCT, pour atteindre le niveau décisionnel de la réunion des chefs d’État et de gouvernement, elle n’entend pas modifier les choix stratégiques des années 1969-1970 qui confinent la francophonie institutionnelle à des domaines fondamentalement culturel et technique et non politique. L’échec est donc au rendez-vous à l’automne 1980. Il reste à inventer cette francophonie politique et l’initiative en revient au président François Mitterrand qui, en 1986, réunit le premier sommet des chefs d’État et de gouvernement ayant en partage le français. Il enclenche un laborieux processus d’institutionnalisation d’une francophonie à vocation politique dont la conclusion revient à Jacques Chirac dans un contexte international post-Guerre froide et d’accélération du processus de mondialisation économique et culturelle.

II. Une ACCT mal aimée

Une fois l’ACCT créée en 1970, la France s’en est tenue à une même ligne de conduite : ne pas développer, à partir de la charte et des statuts, une organisation trop contraignante avec des procédures et des engagements automatiques. Constante dans sa politique, la France ne doit pas se trouver prisonnière d’une structure multilatérale par trop rigide. D’autant que l’Agence ne doit pas entrer en concurrence avec sa politique de coopération bilatérale qui demeure le cœur de la relation franco-africainexx. Il s’agit de mettre en place les programmes de l’ACCT de manière complémentaire à ceux de l’aide bilatérale française, à l’instar de ce qui se fait avec les aides européennes du Fonds européen de développement (FED) parallèlement aux financements du Fonds d’aide et de coopération (FAC de la coopération française). L’ACCT ne doit pas constituer un centre de pouvoir et de rayonnement. Elle doit tout au plus avoir un « rôle de bourse d’échange des offres et des demandes »xxi. De manière générale, l’ACCT souffre du fait que les administrations françaises lui sont indifférentes voire hostilesxxii.

Les autorités françaises lui reprochent rapidement des méthodes de travail et des programmes d’action peu conformes aux objectifs qui lui ont été assignésxxiii. Outre des dysfonctionnements internes, qui vont s’aggraver avec le départ du secrétariat général de Jean-Marc Léger en 1974, le gouvernement français lui reproche surtout ses « ambitions excessives »xxiv et une trop forte indépendance à son égard, que ce soit au niveau des nominations importantes – y compris de ressortissants français – comme des programmes. Paris a alors beau jeu de souligner les dysfonctionnements (structures administratives déficientes, mauvais fonctionnement de la collégialité au niveau du secrétariat généralxxv, etc.) d’une Agence qui concurrence – parfois - les opérations de sa coopération bilatérale. Le gouvernement français entend mieux contrôler l’ACCT et, pour cela, réclame la réforme de ses structures administratives. Sous couvert de la recherche d’une plus grande cohérence, il s’agit surtout de les rendre moins dépendantes de l’échelon politique multilatéral.

Cela n’empêche pas le gouvernement français de vouloir en faire un outil efficace, ce qui suppose une réforme profonde de son mode de fonctionnement. Le comité interministériel pour les Affaires francophones du 21 octobre 1975 fixe en ce sens pour instructions aux délégués français de « faire prévaloir dans le fonctionnement de l’Agence des principes d’économie et de logique ». Paris serait prêt à accepter un renforcement de l’exécutif du secrétariat général de cet organe multilatéral sous réserve de la mise en place d’ « une structure plus simple et moins coûteuse ». Il soutient le remplacement du collège élu du secrétariat général (un secrétaire général et désormais quatre secrétaires adjoints) par un unique secrétaire général assisté par des directeurs ou chefs de service nommésxxvi. Avec l’aide de partenaires africains – le Sénégal notamment, Ottawa bloque le projet français pendant de longues années, comme lors de la conférence générale de l’ACCT de Lomé, en décembre 1979. Le gouvernement français obtient néanmoins partiellement gain de cause lors de la Conférence générale extraordinaire de Paris (25-27 mars 1980) : remplacement des secrétaires généraux adjoints par des directeurs généraux nommés par le CA sur proposition du secrétaire généralxxvii.

Outre des questions conceptuelles sur la politique étrangère, cette défiance tient aussi aux rivalités avec le gouvernement d’Ottawa. Ainsi, lorsqu’au printemps 1975, les autorités canadiennes proposent de créer un fonds international de coopération technique et d’aide au développement (FICTAD) au sein de l’ACCT et de le doter de deux millions de dollars, le gouvernement français s’efforce de le contrerxxviii. Paris entend maintenir l’Agence dans le cadre de la coopération culturelle et technique et non d’en faire un instrument d’aide au développement économique et financier qui permettrait au Canada de pénétrer économiquement dans sa « chasse-gardée » en Afrique francophone. Le gouvernement français met de nouveau l’accent sur la nécessité d’une structure « aussi légère et économique que possible » et sur le fait que « l’aide au développement soit considérée comme incluant la formation humaine », fondement de tout développement. Ce n’est finalement qu’en 1978 qu’un Programme spécial de développement est crééxxix. Cela n’empêche pas la France, lors du CA de l’ACCT, en décembre 1979, de réclamer la réintégration des opérations de développement dans le programme général de l’Agence avec l’idée – récurrente - de recentrer ses actions sur la formation, préalable au développement ; le tout suivant des règles de gestion plus rigoureusesxxx. L’ACCT est alors perçue à Paris, ainsi qu’au cours des décennies suivantes, comme un instrument de la pénétration canadienne en Afrique, ce qui nourrit, pour partie, la persistance de la défiance de la France à son encontre.

La relance du projet francophone par la France en 1986 – première réunion des chefs d’État et de gouvernement de pays partiellement ou entièrement de langue française à Paris – ne fait paradoxalement que renforcer sa défiance structurelle contre l’Agence. Ce premier sommet, qui est un grand succès, se conclut par un engagement sur un ensemble de 28 mesures à réaliser. La question de leur mise en œuvre pose celle de l’organisme capable d’en assurer le suivi. Pour le gouvernement français, la solution ne peut être que « la constitution d’un organe intergouvernemental de la francophonie », ce qui revient à condamner l’ACCT. Le conseiller Afrique du président François Mitterrand, Guy Penne, propose, pour la « guérir », « en partant de la charte de l’ACCT, de créer une institution nouvelle, à laquelle seraient dévolues les compétences et les acquis des institutions existantes et la mise en œuvre des nouvelles orientations de la francophonie »xxxi. Finalement, le sommet aboutit prudemment à la création d’un Comité international de suivi (instance finale qui approuve les projets et affecte les budgets) et d’un Comité international de préparation (instance finale de préparation des propositions de programmation et d’affectation budgétaire à présenter aux sommets) ; l’ACCT étant le principal opérateur. Cela permet d’éviter une réforme frontale et très délicate, du point de vue politique, de l’Agence et de s’engager immédiatement dans la création – très compliquée – d’une structure intergouvernementale plus robuste.

L’objectif du gouvernement français n’en demeure pas moins, jusqu’à la modification du traité de Niamey en 2005, de ne pas faire de l’ACCT l’instrument unique de la francophonie. D’abord parce qu’il la juge incapable de mener à bien une telle mission. Ensuite parce qu’il entend développer et s’appuyer sur d’autres opérateurs tels TV5, l’AUPELF (programme des Universités des Réseaux d’Expression Française devenu Agence universitaire de la francophonie) ainsi que, dans un registre plus politique, sur l’AIPLF et l’AIMF. Il s’agit de maintenir la diversité des acteurs de la francophonie afin de ne pas concentrer l’action sur le seul organe multilatéral de coopération intergouvernementale existant. La réserve de la France à l’égard de l’ACCT ne relève donc plus seulement d’une certaine méfiance à l’endroit du multilatéralisme, comme précédemment, mais aussi et surtout du souci d’éviter que celle-ci ne puisse constituer un obstacle dirimant à la création d’une organisation francophone à vocation politique. La position française, notamment de François Mitterrand, brille dès lors par sa constance : l’ACCT ne peut pas être « autre chose qu’un opérateur des décisions prises par les sommets »xxxii. La capacité d’influence de la France sur la constellation francophone est à ce prix. Le renforcement institutionnel voulue par la France vise donc à « restaurer le rôle du politique sur l’opérationnel au sein de la Communauté francophone »xxxiii afin de permettre un renforcement du contrôle politique des actions menées par les opérateurs, tout particulièrement l’Agence.

L’institutionnalisation de ce projet politique rencontre de nombreux obstacles. Ils sont d’abord internes en ce sens que tous les décideurs et les administrations français, s’ils partagent désormais le bien-fondé de la politique de la francophonie, ne la placent pas forcément au rang des priorités de la France. Tous considèrent pourtant que les mutations profondes du système international post-Guerre froide modifient les paradigmes hérités d’une conception gaullienne de la puissance et de ses instruments. L’exemple de la défense multilatérale de la langue française en 1993 et 1994 dans les négociations du GATT (sur « l’exception culturelle ») souligne ces prises de conscience et ces nécessaires adaptations. Pas plus que les coopérations bilatérales menées par la France, la coopération culturelle et technique via l’ACCT ne peut plus constituer une réponse suffisante au maintien de la place du français dans le monde. Il faut pouvoir peser sur la scène internationale. L’intérêt d’une organisation internationale de la francophonie, à vocation politique, n’est donc plus à démontrer pour les autorités françaises, du moins pour le président Jacques Chirac et ses collaborateurs. Toutefois, l’activisme du service des Affaires francophones, appuyé par le Président de la République, se heurte souvent à une ligne diplomatique dominante, au sein du Quai d’Orsay et des cabinets du Premier ministre, très timide à l’égard du projet d’organisation internationale de la francophonie.

Autre obstacle de taille : le Quai d’Orsay n’entend pas froisser les Canadiens qui veulent préserver leur influence politique en Afrique francophone via l’ACCT. Les projets français de francophonie politique se heurtent donc de nouveau au verrou canadien qui n’est plus cette fois sous la forme de l’opposition politique entre Ottawa et Québec : « Le Canada/Québec s’étant approprié l’ACCT – analyse Maurice Portiche-, la perspective d’une Francophonie politique centrée sur une véritable organisation internationale et incarnée par un Secrétaire général était perçue comme une remise en question de son influence dominante au sein de l’Agence. »xxxiv

Le sommet de Hanoi (novembre 1997) constitue le couronnement de plusieurs années d’efforts diplomatiques de la France en faveur de la mise en place d’une véritable francophonie politique, tant dans sa dimension institutionnelle que dans le choix des hommes. L’ordre de préséances entre les instances francophones est bien celui souhaité par le gouvernement français : sommet, Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF), Conseil permanent de la Francophonie (CPF), Secrétaire général, Assemblée parlementaire (APF) et opérateurs (le premier d’entre eux étant la nouvelle Agence intergouvernementale de la Francophonie qui remplace l’ACCT). Dans ce schéma, Paris obtient que le nouveau Secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, soit bien au cœur du nouveau dispositif politico-institutionnel de la Francophonie. Mais, les autorités françaises doivent accepter des compromis qui rendent encore incomplète leur victoire puisqu’elles n’ont pas pu éviter la transformation de l’ACCT en AIF. La dualité potentielle entre le Secrétaire général et l’Administrateur de l’AIF est maintenue puisque l’architecture institutionnelle mise en place laisse à l’Administrateur général (Roger Dehaybe), la gestion des affaires administratives et financières – en particulier du Fonds multilatéral unique (FMU) de la Francophonie. Le Secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, ne dispose pas d’un fonds propre – sauf pour le Secrétariat général sur lequel il a prise directement tant sur le plan budgétaire et administratif – ce qui lui permet d’assurer une indépendance très limitée par rapport à l’AIF. Mais il « ne peut rien – souligne Christian Valantin – dans la conduite de l’OIF sans l’Administrateur général, sauf sur le plan politique »xxxv. Il est donc condamné à un rôle de coordinateur et d’impulsion stratégique.

Au cours des années suivantes, Paris maintient son objectif d’une réforme institutionnelle permettant un resserrement politico-administratif autour de l’autorité du secrétaire général. Il faut attendre la CMF d’Antananarivo (novembre 2005) pour voir aboutir la réforme souhaitée par la France. L’OIF succède à l’AIF - seule organisation régie par un traité intergouvernemental -, l’ensemble étant placé sous l’autorité directe du Secrétaire général. Celui-ci devient ainsi seul maître à bord de l’OIF/AIF. Ses pouvoirs en sortent renforcés puisqu’il est non seulement le représentant légal de l’OIF, investi de fonctions politiques, mais aussi devient responsable de son administration et de son budget. Il en délègue la gestion à un administrateur qu’il nomme après consultation de la CMF.

L’OIF trouve ainsi pleinement sa place dans la diplomatie de la France autour du triptyque défini par le représentant personnel du Président français au CPF, Maurice Ulrich, dans sa note de synthèse à la veille de quitter l’Élysée, le 9 mai 2007xxxvi :

« - Un appui précieux voire indispensable pour le maintien du français comme langue de communication internationale (…).

- Un espace de solidarité politique qui nous permet, sans être en première ligne, d’aider à la prévention et à la sortie de crises dans l’espace francophone (…), d’œuvrer au respect de la démocratie et des droits de l’Homme (préparation et suivi des élections).

- Un relais d’influence pour nos idées (…) ».

La Francophonie est pour la France à la fois un miroir et un projecteur. Elle est un révélateur de ses ambitions à vocation mondiale, celle d’une puissance qui entend encore peser dans les grandes affaires du monde. La Francophonie lui offre une force de projection et d’influence incomparable. Mais elle est aussi une représentation de ce que la France est de par son histoire et de ce qu’elle entend montrer de son identité au monde. En plaçant au cœur de son action internationale sa volonté de jouer les premiers rôles dans la régulation de la mondialisation, elle réactualise sa vocation messianique. La France de 1789, précurseur en matière des droits de l’Homme et du citoyen, s’ouvre, au XXIe siècle, sur une France et une Francophonie porteuses des valeurs relatives à l’État de droit, à la bonne gouvernance et à l’égalité entre les hommes et les femmes. À travers la Francophonie, la République française entend continuer à être le pays développé qui défend la cause de ses homologues en voie de développement. La Francophonie participe pleinement à ce positionnement de « championne du tiers-monde » qui associe désormais étroitement développement économique et bonne gouvernance. Elle en est un des volets instrumentaux comme sa politique en faveur du développement en constitue un autre. Surtout, précurseur dans le développement durable, la France en a fait un des chevaux de bataille de la Francophonie. La France trouve ainsi une capacité de décupler son message en faveur d’une mondialisation plus respectueuse des hommes et de leur environnement. La Francophonie constitue un cadre multilatéral idéal pour cette défense et illustration d’une mondialisation régulée. D’abord parce que la République française occupe en son sein une place unique qui en fait un outil d’influence potentielle remarquable. Ensuite parce qu’elle place la question du respect de la diversité linguistique et culturelle au cœur de sa démarche. La Francophonie est ainsi pour la France un outil et un message non seulement de maîtrise de la mondialisation mais aussi de son humanisation. Cette ambition francophone a été partagée et pratiquée par les présidents François Mitterrand puis Jacques Chirac. On peut néanmoins s’interroger sur la priorité donnée par leurs successeurs à cette politique.

III. Une francophonie peu ou mal considérée

Si le gouvernement français a longtemps brillé par ses réticences à l’institutionnalisation de la francophonie intergouvernementale, les raisons ne relèvent pas que des principes et moyens de la politique étrangère. L’explication est aussi culturelle. Les élites françaises n’ont, dans leur ensemble, jamais vraiment admis cette politique. Certains la critiquent pour des raisons idéologiques qui tiennent au refus de ce qui est considéré comme du « néocolonialisme culturel » plus ou moins directement associé aux vicissitudes de la France-Afrique. D’une manière très révélatrice, le conseiller du président François Mitterrand, Régis Debray, donnait bien le ton général, lors des premières années de mandat mitterrandien, en évoquant une naissance entachée d’un « péché originel ». « La francophonie – écrivait-il le 2 novembre 1982 – a eu le tort de naître à droite, dans les années soixante, comme substitut à l’Empire perdu. »xxxvii Malgré l’empreinte du président François Mitterrand (1981-1995) sur cette politique, la francophonie demeure encore, consciemment ou inconsciemment, associée à la droite et à ses velléités de politique de grandeur nationale. Pourtant, pour l’ancienne ministre socialiste de la francophonie Catherine Tasca et bien d’autres, cette critique est « sans fondement ». Elle « constitue souvent un faux nez pour celles et ceux qui sont en réalité réfractaires à l’idée même de protéger et promouvoir notre langue, considérant, par facilité ou renoncement, qu’elle n’a plus son rôle à jouer dans l’évolution du monde »xxxviii. Le socialiste belge et militant francophone passionné, Roger Dehaybe, se plaît en ce sens à expliquer aux réfractaires français que « la francophonie, c’est un projet néocolonial qui a bien tourné ! »xxxix

Le paradoxe est entier à l’heure où l’affaiblissement des liens franco-africains aurait dû définitivement libérer la francophonie de ses origines. Or c’est le contraire qui se produit. Les successeurs de Jacques Chirac, les présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande (2012-2017) n’ont pas manifesté un militantisme particulier, au-delà d’un service minimum très conformiste, pour la question de la Francophonie. Cela tient, de manière générale, à un manque d’intérêt et de sensibilisation pour les questions de l’action culturelle extérieure. Cela s’explique aussi par un manque d’intérêt et de culture franco-africaine : leurs conceptions des relations franco-africaines sont bien moins étroites et « familiales » que par le passé. Si les États de l’ancien « pré carré » africain de la France ne sont pas devenus des étrangers comme les autres, une certaine distance s’est néanmoins établie. Mais ce redimensionnement des relations France-Afrique n’a pas produit d’effets sur la considération dont jouit la francophonie auprès des élites françaises.

Plus fréquente a été et est aujourd’hui encore la réaction de désintérêt, tant par ignorance que par indifférence. Cette position s’appuie notamment sur le refus de mettre sur le même plan, comme le fait la Constitution française, l’appartenance de la France à la Francophonie et à l’Union européenne. Avec la révision constitutionnelle du 21 juillet 2008, le nouveau titre XIV s’intitule désormais « De la francophonie et des accords d’association ». Son article 87 dispose que « la République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage ». Il est le pendant de l’article 88-1 du titre XV (« De l’Union européenne ») qui pose, depuis nombreuses années, que « la République participe à l’Union européenne ».

Ces deux raisons associées, suivant des nuances et des intensités qui varient en fonction des individus et des sensibilités politiques, forment un mur quasi infranchissable, au mieux d’un désintérêt dédaigneux, au pire d’une sourde hostilité. C’est probablement le problème de fond numéro un que rencontrent les autorités françaises, du moins lorsqu’elles entendent mener une grande politique de la francophonie avec des partenaires francophones qui attendent de la France qu’elle croie en cette politique, sans pour autant la monopoliser à son profit. Pendant des décennies, ces réticences ont été la toile de fond d’une conception de la politique étrangère française qui ne voyait pas l’intérêt de créer une grande organisation francophone de coopération intergouvernementale. Et lorsqu’elle fut créée, elle demeura largement le fait du président Chirac et de quelques personnalités, ne mordant que superficiellement sur l’establishment français.

Au fond, le désintérêt voire l’opposition des élites françaises joue contre l’OIF et toute forme d’institutionnalisation de la francophonie. C’est une constante depuis les années 1960, même si, au-delà des groupes militants (« lobby francophone »), un certain consensus s’était fait jour, au cours des années 1990, sur la nécessité d’une telle politique face à la mondialisation économique et culturelle. Conscient de ce manque d’enthousiasme voire d’une véritable désaffection, Jacques Chirac avait, au cours de ses deux mandats présidentiels (1995-2007), souhaité et tenté de constitutionnaliser la francophonie afin d’en faire un élément définitif de la politique extérieure française. Les contingences politiques et le refus de nombre de parlementaires de mettre sur le même plan Union européenne et Francophonie ne lui avaient pas permis d’aboutir, pas plus en 1995 que par la suite. Son successeur Nicolas Sarkozy (2007-2012) l’a finalement réalisé. Pourtant, dès l’été 2008, son représentant personnel pour la francophonie, Christian Philip, relevait que cette réforme avait été quasiment passée sous silence par les médias qui n’avaient relayé que les modifications apportées aux pouvoirs du Parlement. Surtout, Philip s’inquiétait qu’il « rest(ait), en France, à convaincre nos élites que la francophonie est, non pas un combat "ringard", un relent de notre passé, mais un élément de la modernité »xl. Son propos était d’une grande lucidité passée, présente et future.

IV. Une langue nationale à partager ?

Le devenir de la francophonie, au sens politique du terme, interpelle les contemporains, du moins ceux qui ont conscience de son existence, ce qui, en France, en réduit considérablement le nombre. La question vaut très probablement plus pour un pays comme la France que pour le Québec/Canada où les questions de pluralité linguistique et donc de diversité culturelle sont, depuis des lustres, au cœur des constructions sociétales.

Pour les Français, le rapport à leur langue relève bien souvent d’une forme de schizophrénie. En effet, la France s’est construite, à partir de la Révolution de 1789, autour de l’épure d’une République une et indivisible qui supposait l’usage d’une langue unique – le français – facteur d’unité nationale par la cohésion culturelle et identitaire qu’elle donnait au projet du vivre ensemble républicain. Le français a ainsi été longtemps considéré par les dirigeants français – et les citoyens – comme la langue de la France. La Constitution de 1791 en a d’ailleurs fait la langue de la République française. Ce n’est qu’à partir des accords de coopération franco-québécois de 1965, que le gouvernement français a admis que le français pouvait constituer une langue partagée avec d’autres entités politiques. Pour autant, la doctrine juridique extérieure de la France – souligne le directeur des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, François Alabrune - n’a que faiblement évolué depuis plusieurs décennies sur la question linguistiquexli. La participation de la France à des traités ou accords est encore régulièrement entravée par leur incompatibilité avec des dispositions constitutionnelles. D’abord parce que le français étant la langue de la République, la France ne peut en principe être liée par un traité ou accord qui ne comporterait pas une version française faisant foi. Surtout, en raison des principes d’indivisibilité de la République, d’unicité du peuple français et d’égalité des citoyens devant la loi, elle ne peut souscrire à un instrument reconnaissant l’existence de droits collectifs à un groupe défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance. « C’est ce qui explique – analyse François Alabrune – qu’elle ne soit pas partie à la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales ou la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ».

Parallèlement, la IIIe République s’est évertuée, grâce notamment à ses instituteurs, les « hussards noirs », à éradiquer la pratique des langues et patois régionaux auprès de générations successives de petits Français. Il a fallu attendre les années 1970 et la politisation croissante du débat sur les langues régionales, à travers la question des rapports entre pouvoirs centraux et pouvoirs déconcentrés et/ou décentralisés, pour que ce rapport unitaire et officiel des Français à leur langue nationale commence timidement à évoluer.

Le rapport des Français à leur langue paraît donc très ambigu. Il procède d’abord d’une forme de normalité socio-culturelle : c’est la langue maternelle qui est aussi celle de la République et de la France au sens de Communauté nationale de destin. La République reconnaît les langues régionales, finance leur enseignement mais se refuse à les reconnaître, sur une portion donnée du territoire national, comme des langues co-officielles avec le français. C’est tout le sens de l’intervention du Premier ministre Manuel Valls, le 4 juillet 2016, devant l’Assemblée de Corse sur « les lignes rouges » :

« La République a une seule langue officielle – le Français – car elle est pratiquée par tous. Nous ne reviendrons pas sur ce principe. Mais elle reconnaît aussi pleinement la langue corse, ciment de votre culture, fruit d’une histoire riche, témoin de traditions ancrées et perpétuées au fil des générations. Votre attachement à la pratique de cette langue est légitime. L’État l’a entendu (…) L’État met tout en œuvre pour que le bilinguisme se généralise à l’école. »xlii

Mais la véritable concurrence linguistique ne vient pas des langues régionales, le plus souvent très limitées, à l’exception de quelques territoires particuliers. Elle est d’abord le résultat de la mondialisation économique et du mouvement d’uniformisation culturelle à travers les modes de vie et de consommation suivant le modèle états-unien. Le rapport à la langue française évolue en ce sens que l’anglais incarne de plus en plus, à plus forte raison auprès des jeunes générations, la langue de la modernité et du divertissement. L’ambition éducative officielle, depuis le président Georges Pompidou, de l’apprentissage de deux langues étrangères se focalise fortement sur l’anglais triomphant, car idiome international par excellence. Pour s’en convaincre au quotidien, il n’est que d’écouter les chansons diffusées par les radios – hors quota créations en langue française – ou sur les chaînes de télévision musicales. Il est désormais jusqu’aux artistes français de choisir de chanter leurs œuvres en langue anglaise plutôt que dans leur langue maternelle. Il est tout aussi caractéristique de constater que le doublage des films et séries anglophones se réduit de plus en plus à des sous-titres en français. La part des films anglophones diffusés en version originale a considérablement cru en vingt ans ; ce qui était, il y a encore peu, une exception est en train de devenir la norme tout autant que le film en langue française. Le coût financier du doublage ainsi que le respect de l’œuvre originale ne sont pas seuls en cause. Si ce coût devient un obstacle, c’est parce que le public français, en particulier les jeunes, se rendent de plus en plus nombreux aux séances en version originale anglophone. C’est là, nous semble-t-il, un marqueur, parmi d’autres, de l’évolution d’une partie croissante de la société dans son rapport à la langue française. Dans ces conditions, la défense et illustration du français, tout particulièrement pour les jeunes générations, mais pas seulement, ne constitue pas un objectif parlant pour des Français qui croquent à pleines dents la mondialisation économique et socio-culturelle. Le français n’est donc pas ressenti comme un élément fondamental de l’identité française ou alors avec une distance certaine, comme une sorte d’ailleurs, officiel, un peu en dehors de la vraie vie, celle des séries télévisées, du cinéma, des réseaux sociaux sur internet, etc. La militance en faveur de la langue française n’est donc pas une donnée fondamentale en France, à la différence du Québec et de la Communauté francophone de Wallonie.

Le problème du rapport des Français à leur langue tient non seulement aux formes de la mondialisation, tout particulièrement sur la jeunesse. Il relève aussi du lien entre élites françaises et langue nationale et, de manière générale, du rapport au national. Le problème n’est certes pas nouveau puisque le poète Joachim du Bellay, cité par le Premier ministre Georges Pompidou, dans son discours d’ouverture du Haut comité de la défense de la langue française, le 29 juin 1966, en faisait déjà état au XVIe siècle :

« Pourquoi donc sommes-nous si grands admirateurs d’autrui ?

Pourquoi sommes-nous tant iniques à nous-mêmes ?

Pourquoi mendions-nous les langues étrangères comme si nous avions honte d’user de la nôtre ? »

Ce mur d’indifférence, voire d’opposition à la francophonie, relève d’une forme perverse de French bashing que s’appliquent les Français à eux-mêmes. Il prend tout particulièrement sa source dans la technostructure et les élites économiques françaises. Elles sont focalisées sur une vie économique qui, pour l’essentiel, se déroule dans l’Union européenne et dans le monde transatlantique. L’influence mondiale que la France peut tirer de sa culture répandue sur les cinq continents avec la francophonie n’est perçue que comme une variable économique et politique négligeable au regard d’une construction européenne et d’une mondialisation fondamentalement anglophone. C’est là une erreur stratégique que toutes les élites non anglophones ne pratiquent pas avec la même détermination négative.

« J’ai récemment eu la chance – souligne l’ambassadeur Jérôme Bonnafont, qui fut notamment en charge des questions francophones auprès du président Jacques Chirac - d’être ambassadeur en Espagne, et j’ai regardé de très près comment les Espagnols vivent l’hispanité. Ils la vivent avec un nationalisme alors même qu’ils sont les plus européistes des Européens et que la question de la nation espagnole est posée. Mais l’hispanité est un élément essentiel de leur Constitution et ils ont parfaitement conscience, en particulier leurs élites économiques, que le salut de l’Espagne passe par la capacité de leurs grandes entreprises à construire une base solide, pour ensuite rebondir sur le reste du monde. Il y a la conscience que l’expansion de l’espagnol en Amérique, y compris au Nord, les remplit à la fois de fierté et d’optimisme pour l’avenir. On voudrait que les Français face à la mondialisation fassent la même observation. Cela devrait inspirer à nos élites la conscience que nous avons une " surdémultiplier" grâce à la francophonie. »xliii

Au fond, les élites françaises ne perçoivent-elles pas les pays francophones, qui appartiennent au sud dans leur très grande majorité, comme des pays au second rang de la mondialisation et qui sont donc pour nous une charge plus qu’un atout ? Ne retrouve-t-on pas de vieux réflexes cartiéristes des années 1960, au moment des débats sur le maintien ou non de liens forts avec les anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne alors que la réussite de la CEE produisait déjà ses effets macroéconomiques ? La francophonie ne se heurte-t-elle pas à un vieux fonds de cartiérisme réactualisé oublieux du poids de la dynamique démographique de l’Afrique et de l’importance de la formation de ses jeunesses pour l’avenir, notre avenir ? Cette vision à court terme d’un repli sur soi, au sens d’une Europe forteresse, est assurément lourde de conséquences car elle se fonde sur une mauvaise compréhension des enjeux et dynamiques mondiaux.

« Il y a – analyse l’ambassadeur Jérôme Bonnafont - une espèce de fascination pour la culture forte qui est celle de l’Amérique, de résignation devant le tout anglais et de méconnaissance du fait que le monde ne va pas vers la domination du tout anglais mais vers l’affirmation concurrente de plusieurs langues et de plusieurs cultures. Les Chinois ne vivront pas en anglais, les Hispaniques ne vivront pas en anglais, les Arabes non plus. Pourquoi les Francophones auraient-ils vocation à vivre en anglais ? Mais, comme en Europe, la vie se structure plus autour de l’anglais que du français, et comme nous avons des moyens de coopération déclinants – en particulier en Europe de l’Est -, on est un peu dans une hésitation, voire un refus de donner une priorité politique à cette dimension francophone, à notre identité. »xliv

Conclusion

À l’heure où les questions identitaires sont plus que jamais au cœur des interrogations des peuples à travers le monde, ce paradoxe français à l’égard de la francophonie et de son institutionnalisation ne peut qu’interpeller l’analyste contemporain, en attendant, un jour peut-être, les citoyens et leurs élites.

En matière de francophonie, il n’y a pas vraiment eu, depuis près d’une décennie, de relève à François Mitterrand et à Jacques Chirac au-delà de la continuation formelle de ce qui avait été mis en place. Depuis leur passage à l'Élysée, la fibre francophone des présidents français s'est fortement estompée. Il n'y a pas eu non plus véritablement de relève du point de vue franco-africain, ce qui a un fort impact sur la politique de la francophonie qui voit ainsi s’affaiblir une de ses raisons d’être.

Or, depuis trois ans, le président Emmanuel Macron a renoué avec une ambition francophone hautement réaffirmée comme en témoigne notamment son discours du 20 mars 2018. Il a présenté un « grand plan d’ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme » et lancé 33 propositions pour apprendre, communiquer et créer en français à travers le monde. Reste toutefois à voir si cette grande ambition retrouvée se déclinera plus autour et avec l’OIF ou s’il s’agira surtout de revitaliser les instruments nationaux de défense de la langue française. C’est de nouveau le sens même de cette politique de la francophonie, avec la place de son institutionnalisation au sens multilatéral, qui est interrogé. La pérennité d’une telle ambition suppose également qu’elle devienne une cause nationale. Le chantier est vaste et, pour le moment, les résultats ne correspondent aux discours volontaristes.

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Note de fin

i Raymond Aron : « De Gaulle révèle sa vision du monde », mars 1960, Réalités, p. 49 (cité dans Christian Malis, Raymond Aron et le débat stratégique français. 1930-1966, Paris, Economica, 2005, p. 578).

ii Philipp Cerny, Une politique de grandeur : aspects idéologiques de la politique extérieure de De Gaulle, Paris, Flammarion, 1986, p. 146.

iii Voir notamment la lettre du général de Gaulle au président en exercice de l’Union Africaine et Malgache Maurice Yaméogo, Paris, 3 mars 1964 (Archives nationales, fonds privé Jacques Foccart, FPR132).

iv Philipp Cerny, op. cit., p. 145.

v Maurice Couve de Murville, Une politique étrangère. 1958-1969, Paris, Plon, 1971, p. 447.

vi Discours d’ouverture de la session du Sénat de la Communauté, 15 juillet 1959 (Charles de Gaulle, Discours et messages. T.3. 1958-1962. Avec le renouveau, Paris, Plon, 1970, p. 112).

vii Maurice Couve de Murville, op. cit., p. 431.

viii Jacques Adda, Marie-Claude Smouts, La France face au Sud. Le miroir brisé, Paris, Karthala, 1989, p. 27.

ix Maurice Couve de Murville, op. cit., p. 450.

x Rapport Jeanneney de la commission d’études de la politique de coopération avec les pays en voie de développement, présidée par Jean-Marcel Jeanneney, 1er juillet 1963 (AN, FPR305).

xi Note du ministre de la Coopération, Jean Foyer, mars 1962 : « Les États africains et malgache : décolonisation réussie » (Fondation nationale des sciences politiques, fonds Michel Debré, 2DE34).

xii xii. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle. Tome 3, Paris, Fallois/Fayard, 2000, p. 340.

xiii Propos du général de Gaulle cité dans Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Paris, Fayard, 1994, p. 1552.

xiv Lettre manuscrite du général de Gaulle au Premier ministre du Québec Daniel Johnson, 8 septembre 1967 (Citée dans Les cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle (Québec), n° 7, printemps 1997, p. 97-98).

xv Note de Pierre Billecocq, secrétaire d’État à l’Éducation nationale, pour le Président Georges Pompidou, 25 mars 1970 (AN, fonds de la présidence de la République de Georges Pompidou, 5AG2/1038).

xvi Jean-Marc Léger, Le temps dissipé. Souvenirs, Montréal, Hurtubise HMH, 1999, p. 353.

xvii Lettre de Léopold Sédar Senghor à Mme Bétoule Lambiotte, Dakar, 3 avril 1979 (AN, 5AG3/1479).

xviii Compte-rendu de la réunion d’information sur le projet d’organisation des États partiellement ou entièrement de langue française tenue à Dakar le 22 juin 1979 et note du service des Affaires francophones (direction des Affaires politiques), Paris, 25 juin 1979 (AN, fonds de la présidence de la République de Valéry Giscard d’Estaing, 5AG3/1479).

xix Note de Jean-Bernard Raimond pour le ministre des Affaires étrangères (Jean François-Poncet), Paris, 30 septembre 1980 (AN, 5G3/1424).

xx Note de Jacques Foccart à René Journiac, Paris, 14 septembre 1970 (AN, 5AG3/1185).

xxi Note du directeur adjoint de la direction des Affaires politiques, ministère des Affaires étrangères, Paris, 13 juin 1970, « Président informé » (AN, FPR559).

xxii Note du secrétariat général pour les affaires africaines et malgaches (Alain Richard) au sujet des relations entre les administrations françaises et l’ACCT, Paris, 21 septembre 1972 (AN, FPR560).

xxiii Note du SGAM (Alain Richard) pour le Président au sujet des activités de l’ACCT, Paris, 10 avril 1972 (AN, FPR560).

xxiv Note du SGAM pour le Président de la République, Paris, 21 avril 1972 (AN, FPR560).

xxv Jean-Marc Léger, La Francophonie : grand dessein, grande ambiguïté, Montréal, Hurtubise HMH, 1987, p. 120 et op. cit. ; Le temps dissipé, p. 415.

xxvi Télégramme de la direction des affaires politiques à AmbaFrance Bruxelles, Yaoundé, Kigali, Ottawa et consulatFrance Québec, Paris, 14 novembre 1978 (AN, 5AG3/1424).

xxvii Christian Valantin, Une histoire de la Francophonie. 1970-2010, Paris, Belin, 2010, p. 17-18.

xxviii Télégramme de la direction des Affaires politiques (Affaires francophones) à AmbaFrance Ottawa et Bruxelles et Fransulat Québec Paris, 25 avril 1975 (AN, 5AG3/1424).

xxix Note de synthèse du service des Affaires francophones au sujet de la francophonie, Paris, 20 novembre 1978 (AN, 5AG3/1424).

xxx Compte-rendu du Service des Affaires francophones de la réunion restreinte sur la conférence générale de l’ACCT de Lomé des 10-15 décembre 1979, Paris, 7 décembre 1979 (AN, 5AG3/1424).

xxxi Note de Guy Penne au Président de la République, Paris, 10 février 1986 (AN, 5AG4/CD/42).

xxxii Note de Paulette Decraene au Secrétaire général, Paris, 18 novembre 1991 (AN, 5AG4/PDC/7).

xxxiii Note de Maurice Portiche du service des Affaires francophones du ministère des Affaires étrangères, au sujet de la préparation du sommet de Chaillot, Paris, 11 septembre 1991 (AN, 5AG4/PDC/7).

xxxiv Entretien de l’auteur avec Maurice Portiche, ancien directeur du service des Affaires francophones du ministère des Affaires étrangères (courriel du 13 juin 2016).

xxxv Christian Valantin, op. cit. (Une histoire de la Francophonie), p. 62-63.

xxxvi Simone Ulrich, Maurice Ulrich. Témoin et acteur de l’histoire, Paris, France-Empire, 2015, p. 508-510.

xxxvii Note de Régis Debray au Président de la République, Paris, 2 novembre 1982, au sujet de l’instauration d’une Communauté francophone (AN, fonds de la présidence de la République de François Mitterrand, 5AG4/EA/36).

xxxviii Catherine Tasca, « Et si la francophonie regardait loin devant elle… », dans Louise Beaudoin, Stéphane Paquin (dir.), Pourquoi la francophonie ? Montréal, VLB éditeur, 2008, p. 75.

xxxix Entretien de l’auteur avec Roger Dehaybe, 23 février 2017.

xl Christian Philip, Le Figaro, « La Constitution consacre enfin la francophonie », 13 août 2008.

xli Communication de François Alabrune devant l’Académie des sciences morales et politiques, 4 juillet 2016, disponible sur : https://academiesciencesmoralesetpolitiques.fr/2016/07/04/la-politique-juridique-exterieure-de-la-france/.

xlii Discours du Premier ministre Manuel Valls devant l’Assemblée de Corse, 4 juillet 2016.

xliii Entretien de l’auteur avec l’ambassadeur Jérôme Bonnafont, 4 juillet 2016.

xliv Entretien de l’auteur avec Jérôme Bonnafont, op. cit.

Citer cet article

Référence électronique

Frédéric Turpin, « Institutionnaliser la francophonie : une longue quête de sens enfin résolue par le gouvernement français ? », Revue internationale des francophonies [En ligne], 7 | 2020, mis en ligne le 29 mai 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/rif/index.php?id=1100

Auteur

Frédéric Turpin

Frédéric Turpin est professeur d’histoire contemporaine et titulaire de la Chaire Senghor de la Francophonie à l’Université Savoie Mont Blanc. Il est notamment l’auteur de Jacques Foccart. Dans l’ombre du pouvoir (Paris, CNRS éditions, 2015) et de La France et la francophonie politique. Histoire d’un ralliement difficile (Paris, Les Indes savantes, 2018).

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