Discussions ouvertes sur les licences nationales. Éléments de réflexion du GFII

DOI : 10.35562/arabesques.1293

p. 21

Text

Le Groupement français de l’industrie de l’information (GFII) regroupe les différents acteurs du marché de l’information et de la connaissance, publics ou privés, qu’il s’agisse de producteurs d’information, d’éditeurs, d’intermédiaires, de diffuseurs d’information, de prestataires, d’éditeurs de logiciels ou de bibliothèques et organismes acheteurs d’information. Le GFII anime des groupes de travail, qui permettent à ces organismes de se rencontrer, de confronter et d’échanger leurs points de vue sur les aspects juridiques, techniques et économiques de leur secteur. De par sa composition, le GFII est un lieu privilégié pour faire progresser la connaissance mutuelle des différents acteurs de l’information sur leurs métiers, sur leurs objectifs et sur leurs contraintes respectives.

Suite aux premières annonces liées au lancement d’un programme de « licences nationales » français, le GFII a souhaité constituer un groupe de travail sur cette thématique en décembre 2010. En effet, le déploiement des licences nationales est susceptible de modifier certains équilibres du marché de l’information et ces évolutions doivent être anticipées par les acteurs.

L’objectif de ce groupe est de partager les informations autour du programme de « Licences nationales », de comprendre leurs motivations sous-jacentes et d’échanger sur les modèles qui pourraient être mis en œuvre, à partir de projets menés dans d’autres pays. Le groupe a ainsi procédé à une analyse comparée de différents programmes nationaux, voire transnationaux, à partir d’une grille de 10 critères, qui sont progressivement apparus comme structurants. Le groupe a par ailleurs procédé à l’audition de responsables de ces programmes quand cela a été possible.

Ce premier travail a ensuite été complété par l’audition d’économistes, qui ont analysé des phénomènes similaires dans d’autres secteurs comme dans l’industrie musicale, par exemple. Ces auditions ont notamment permis de décrire les mécanismes conduisant à la mise en place de « monopsones » (marchés où la demande est très fortement concentrée), réponse courante à la situation de marchés qualifiés « d’oligopoles à frange concurrentielle » où l’offre est elle-même fortement concentrée. Nous avons également évoqué avec nos interlocuteurs l’impact potentiellement négatif de ces phénomènes de concentration en termes d’innovation.

Lors de ces différentes séances, le groupe a identifié quelques enseignements tirés de l’expérience des programmes menés à l’étranger ou de la comparaison avec d’autres secteurs.

Un premier facteur de réussite des programmes de licences nationales est une large communication, à destination de l’ensemble des acteurs du secteur de l’information scientifique et technique (IST), sur l’agenda des projets, le périmètre des ressources potentiellement concernées par le programme et son organisation générale. La diffusion de ces informations constitue un moyen de dépasser l’analyse de l’offre actuelle, de permettre aux prestataires de proposer des offres innovantes mais aussi d’associer les différentes communautés scientifiques à cette démarche, en s’intéressant à leurs besoins dans le cadre d’enquêtes ou par le truchement d’entretiens avec des experts. Ce type de démarche a, par exemple, été adopté dans le cadre du programme de licence nationale canadien, qui a procédé à de larges concertations de la communauté scientifique canadienne pour la définition de ses orientations, afin de recueillir ses besoins en termes de contenus mais aussi pour affiner progressivement les modalités de ce programme et envisager des opérations de communication ciblées.

En France, ce type de projet peut être en effet l’occasion de remédier à plusieurs déséquilibres, comme le faible nombre de ressources électroniques de langue française ou l’existence de demandes insatisfaites dans certains champs disciplinaires. Lors de nos discussions, le groupe de travail s’est montré attaché au bon équilibre de l’offre documentaire des établissements pour que les acquisitions envisagées soient, autant que faire se peut, équitablement réparties entre les sciences dures et les sciences humaines et sociales, entre des ressources en français et des ressources dans d’autres langues et entre des fonds anciens et des fonds plus récents.

L’expérience allemande a notamment montré qu’un programme centré sur l’acquisition d’archives pouvait, dans le temps, avoir un certain nombre de conséquences sur l’ensemble des acquisitions de ressources électroniques, y compris potentiellement sur les publications récentes et courantes accessibles dans le cadre d’abonnements. En effet, le programme allemand lie désormais les deux problématiques en incitant financièrement les établissements à investir leurs budgets d’abonnement dans des ressources ayant préalablement été sélectionnées dans le cadre du programme d’archives.

Plusieurs responsables de programmes que nous avons pu auditionner ont par ailleurs insisté sur l’importance de constituer, dès le début du projet de licence nationale, une équipe stable d’experts qui organise et anime le programme. La pérennité des infrastructures mises en place est également un point d’attention identifié lors de nos discussions : comment garantir le financement à moyen et long terme de cette infrastructure technique, notamment en ce qui concerne l’archivage et la restitution pérenne des accès selon les droits acquis nationalement ?

Enfin, les travaux du groupe ont permis de faire apparaître d’autres interrogations quant à l’articulation de l’infrastructure technique mise en place avec les plateformes des éditeurs/agrégateurs, ou encore les plateformes des établissements eux-mêmes :

Le programme des licences nationales est une chance pour une meilleure diffusion de l’information scientifique sur l’ensemble de notre territoire. L’objectif du GFII dans ces travaux n’est pas d’intervenir dans les relations contractuelles entre le ministère et les prestataires, éditeurs ou agrégateurs, mais, à partir de la confrontation de différents points de vue et des retours d’expérience d’autres pays, de suggérer des bonnes pratiques, de mettre en lumière d’éventuels déséquilibres et de lister les obstacles à éviter lors du déploiement de ce programme.

Pour poursuivre les échanges, un atelier sera organisé sur cette thématique lors du salon i-expo, le mercredi 13 juin 2012 (9h30-11h30).

Les autres groupes de travail du GFII, actifs en 2012, et leurs objectifs

Groupe Données publiques : favoriser les synergies entre les différents acteurs, publics et privés, afin de faciliter la réutilisation des gisements d’informations publiques et contribuer de manière dynamique au développement de l’économie de la connaissance.

Groupe Intelligence économique et économie de la connaissance : producteurs de contenus professionnels, éditeurs de logiciels et professionnels de l’information mettent en commun leurs expériences, partagent leurs connaissances et capitalisent leur savoir-faire autour des nouvelles tendances en matière de veille.

Groupe e-learning (en partenariat avec Cap Digital) : réaliser une analyse stratégique du secteur de la formation professionnelle et animer une communauté rassemblant des profils variés pour faire émerger idées innovantes et projets fédérateurs.

Groupe e-book : observer les usages, pratiques, modèles économiques et difficultés techniques de l’édition professionnelle, universitaire et de recherche ; créer un livre numérique synthétisant les réflexions du groupe de travail et valorisant les retours d’expériences de ses membres (éditeurs, agrégateurs, responsables de bibliothèques universitaires, libraires…).

Groupe Réseaux sociaux d’entreprise : capitaliser les expériences des membres du groupe et mieux connaître les potentialités des réseaux sociaux d’entreprise, dans un contexte de production et de diffusion d’informations professionnelles, à partir d’une enquête réalisée au sein des professionnels de l’information.

Groupe Libre accès et édition : échanger autour des enjeux du développement du libre accès et travailler à des expérimentations entre acteurs économiques concernés (instituts de recherche, éditeurs, agrégateurs, plateformes de revues, agences d’abonnements, bibliothèques universitaires…).

Groupe Gestion des connaissances à l’heure des médias sociaux : à partir d’auditions de professionnels présentant des retours d’expériences, observer l’utilisation par l’entreprise des médias sociaux (aspects techniques, enjeux économiques et risques juridiques).

Groupe Web sémantique : permettre aux différents acteurs (producteurs de contenus, éditeurs professionnels, organismes publics, entreprises) d’appréhender toutes les dimensions du web sémantique afin de faire évoluer leur système d’information, en partageant bonnes pratiques et méthodes.

IDF GFII organise le salon annuel i-expo, Porte de Versailles à Paris

IDF GFII organise le salon annuel i-expo, Porte de Versailles à Paris

© i-expo/Alain Delpey

Illustrations

References

Bibliographical reference

Ruth Martinez, « Discussions ouvertes sur les licences nationales. Éléments de réflexion du GFII », Arabesques, 66 | 2012, 21.

Electronic reference

Ruth Martinez, « Discussions ouvertes sur les licences nationales. Éléments de réflexion du GFII », Arabesques [Online], 66 | 2012, Online since 16 octobre 2019, connection on 03 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1293

Author

Ruth Martinez

Groupement français de l’industrie de l’information (GFII), déléguée générale du GFII. http://www.gfii.fr, http://www.i-expo.net

ruth.martinez@gfii.fr

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