Qui, comment, combien ?

Les services à la recherche au défi de l’organisation

DOI : 10.35562/arabesques.1299

p. 4-5

Plan

Texte

Une enquête initiée par l’ADBU identifie trois modèles d’organisation pour les services aux chercheurs en bibliothèque.

Science ouverte, bibliométrie, fouille de texte et de données,… Le développement récent des services à la recherche a conduit les bibliothèques à réinterroger leur organisation et à adapter leur structuration. Cruciale pour la mise en œuvre d’une offre de qualité, cette évolution s’effectue selon des approches et avec des rythmes variables en fonction du profil, de la taille et des ressources des établissements.

De fait, chaque bibliothèque en vient à son tour à se (re)poser la question : comment structurer une organisation au service des chercheurs et de la recherche, dans un univers fortement changeant et dans un contexte contraint en termes de ressources humaines ? A la demande des membres de l’ADBU, la Commission Recherche et Documentation s’est saisie de cette interrogation depuis 2018 et s’est donnée pour objectif d’accompagner la réflexion des établissements sur la (ré)organisation des services à la recherche. Cette démarche a débuté par une enquête1 menée entre mai et juin 2018 auprès d’un échantillon de 15 bibliothèques représentées au sein de la Commission Recherche et Documentation.

 

 

Un périmètre à cerner

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Les premières tentatives de la Commission pour définir la place des services à la recherche au sein des organisations se sont heurtées à la difficulté de cerner de manière univoque le périmètre de ces services. Ainsi, le prêt entre bibliothèques, la gestion des thèses, l’acquisition des ressources électroniques, le renseignement bibliographique aux chercheurs sont-elles des fonctions qui relèvent des services à la recherche ? De fait, en fonction de leur historique et de leurs disciplines dominantes, les bibliothèques ont construit des réponses diverses à cette question : tel établissement inclut la fourniture de documents dans le périmètre en raison de la forte utilisation du service par les chercheurs ; tel autre a positionné les services liés à l’open access et à la bibliométrie en lien direct avec l’acquisition des ressources électroniques, afin de conserver une vision globale sur l’évolution du paysage de l’information scientifique et technique.

La première question posée aux établissements a donc porté sur la nature des missions incluses dans l’entité « Services à la recherche » de leur organigramme, ce qui a permis de faire émerger un cœur de missions partagé par la majeure partie des bibliothèques (science ouverte, bibliométrie, droit d’auteur, identité numérique) et des missions associées plus ou moins régulièrement aux services à la recherche : thèses et formations doctorales, numérisation et bibliothèques numériques, accompagnement bibliographique, acquisition de ressources et fourniture de documents, réserve patrimoniale, archives scientifiques,…

Cellules

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© Pixabay

Trois modèles d’organisation

En matière d’organisation, ces éléments ont conduit la Commission à formuler un premier constat : dans la mesure où il n’est pas possible de regrouper dans une seule entité toutes les fonctions liées au public des chercheurs, il est préférable de favoriser une logique de regroupement partiel et de penser ensuite les liens fonctionnels et la coordination entre les différents points de contact avec le public des chercheurs. L’ampleur du regroupement de fonctions demeure aujourd’hui fortement variable selon les bibliothèques. L’analyse des organigrammes a permis à la Commission Recherche et Documentation de dégager trois modèles possibles d’organisation, qui constituent une grille d’analyse des structurations possibles, admettent tous de nombreuses variantes et présentent chacun des avantages et des inconvénients.

Le premier modèle consiste en la centralisation d’un maximum de fonctions au sein d’un service ou d’un département dédié. Si ce modèle facilite le développement d’une vision globale, la gestion d’outils centralisés et la mise en place d’expérimentations, il présente généralement l’inconvénient d’un plus grand isolement du service ou du département vis-à-vis des bibliothèques physiques, des équipes de recherche et du personnel de la structure documentaire.

À l’opposé de cette approche, le second modèle consiste à mettre en place une mission (chargé de mission, service transversal, commission permanente,…) chargée de la coordination des services et de l’animation d’un réseau de référents. Une telle organisation va généralement de pair avec la création de profils de référents mêlant sur leur fiche de poste des missions relatives aux services à la recherche et à d’autres activités du SCD (par exemple, ressources électroniques, gestion des thèses, formation,…). Ce modèle favorise ainsi les liens entre activités et le développement de contacts avec les équipes de recherche. En revanche, il pose des difficultés de priorisation des activités des agents et de développement d’une vision stratégique globale.

Enfin, le troisième modèle consiste à intégrer la fonction services à la recherche dans un service ou un département à vocation plus large. Les rattachements varient alors, de l’informatique documentaire aux services aux usagers, en passant par les collections. La nature du rattachement peut influencer l’orientation des services offerts et le profil et les compétences des agents impliqués. Cette organisation permet ainsi de créer une relation structurante avec certaines fonctions de l’établissement, au détriment parfois du lien avec d’autres activités. À mesure que les services à la recherche prennent de l’importance dans l’activité de la bibliothèque, l’intégration de la mission au sein d’une autre entité en vient parfois à poser des problèmes de convergence des objectifs et d’animation d’équipe.

La Nébuleuse de la Lyre

La Nébuleuse de la Lyre

© NASAJPL-CaltechESA, the Hubble Heritage Team

Et les ressources humaines ?

Les modèles analysés ont conduit la Commission Recherche et Documentation à conclure qu’il n’existait pas de modèle organisationnel parfait mais des choix variables en fonction de l’historique, de la vision stratégique portée et des ressources humaines disponibles : qui porte initialement la mission ? Combien d’emplois peut-on mobiliser ? D’où viennent-ils ? L’analyse des bibliothèques de l’échantillon confirme que les ressources humaines dédiées aux services à la recherche proviennent en grande majorité de réaffectations internes : postes repris de bibliothèques associées à l’occasion de restructuration ou évolution de fiches de poste, sur des pourcentages de temps de travail variables.

Ces évolutions concernent généralement des postes jusqu’alors dédiés aux collections. Dans certains cas, la participation accrue d’agents de catégorie C à des fonctions liées par exemple à la saisie de métadonnées descriptives permet ensuite de réorienter l’activité d’agents de catégorie B vers de l’accompagnement au dépôt en archive ouverte ou des ateliers sur la création d’identifiants chercheurs. De manière plus exceptionnelle, certaines bibliothèques témoignent de créations simples ou de réaffectations de supports de poste en provenance d’autres services de l’établissement. Généralement, ces emplois ont été obtenus pour la réalisation de projets liés à la bibliométrie. Dans tous les cas, le soutien de la direction de la Recherche de l’établissement s’avère déterminant pour obtenir des moyens supplémentaires.

Les modalités d’arrivée des agents influent sur la nature des compétences initiales et sur la formation à prévoir. Le recrutement de personnes extérieures permet d’amener des nouveaux profils, aux compétences complémentaires de celles des personnels de bibliothèque, qui devront s’acculturer au fonctionnement de l’établissement. Un agent déjà présent dans la bibliothèque pourra au contraire capitaliser sur ses compétences bibliothéconomiques, qu’il lui faudra enrichir par de nouvelles méthodes et approches.

Malgré les efforts déployés par les bibliothèques pour développer une offre de services, le constat d’une insuffisance des ressources humaines dédiées aux services à la recherche reste globalement partagé au sein de la communauté. Comme l’exprime l’un des répondants à l’enquête, « nous allons finir par être limités dans nos actions ». Sans création ou réaffectation de postes, comment mettre en œuvre des services expérimentaux et les pérenniser sur le moyen terme ? Comment répondre à des demandes d’accompagnement personnalisé ? Interrogation majeure pour toutes les bibliothèques engagées dans la mise en place d’une offre, la question des ressources humaines ne connaît pas aujourd’hui de réponse simple. Afin d’analyser des réalités objectives, la Commission Recherche et Documentation a travaillé en 2019 à quantifier les moyens dédiés à un noyau identifié de services (science ouverte, bibliométrie et identité numérique) dans un échantillon de bibliothèques. Une première analyse des données confirme le caractère encore trop limité des ressources humaines affectées à ces missions. À titre d’exemple, sur 16 bibliothèques questionnées, 6 consacrent 1 % de leur effectif au développement des services à la recherche, ce qui équivaut généralement à moins d’un poste à temps plein.

S’il reste à affiner, ce chiffre donne une première idée de la nature des enjeux qui attendent les bibliothèques universitaires dans les années à venir : faire évoluer l’organisation, les profils, les compétences afin de répondre aux attentes des chercheurs et des établissements. Comme le signalent les bibliothèques interrogées, le paysage évolue vite, les organisations sont en mouvement rapide sur ce sujet, et la suite reste encore à écrire…

1 ADBU. Les services à la recherche en bibliothèque, septembre 2018. Disponible sur : http://adbu.fr/activites/recherche-et-documentation/

Notes

1 ADBU. Les services à la recherche en bibliothèque, septembre 2018. Disponible sur : http://adbu.fr/activites/recherche-et-documentation/

Illustrations

 
Cellules

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© Pixabay

La Nébuleuse de la Lyre

La Nébuleuse de la Lyre

© NASAJPL-CaltechESA, the Hubble Heritage Team

Citer cet article

Référence papier

Marie-Madeleine Géroudet, « Les services à la recherche au défi de l’organisation », Arabesques, 95 | 2019, 4-5.

Référence électronique

Marie-Madeleine Géroudet, « Les services à la recherche au défi de l’organisation », Arabesques [En ligne], 95 | 2019, mis en ligne le 17 janvier 2020, consulté le 16 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1299

Auteur

Marie-Madeleine Géroudet

Commission Recherche et Documentation de l’ADBU

marie-madeleine.geroudet@univ-lille.fr

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