« La seule chose immuable, c’est le changement » (Pensée bouddhiste)
À l’unisson des résultats des élections présidentielles de mai dernier, c’est sous les auspices du changement que les Journées ABES 2012 se sont déroulées au Corum de Montpellier devant un parterre de 500 auditeurs. En effet, le programme de ces onzièmes Journées s’est fait l’écho des importants changements de direction auxquels l’ABES, en tant qu’opérateur national, se doit de répondre pour accompagner au mieux les profondes mutations du monde des bibliothèques universitaires et de l’information scientifique et technique.
Des missions en évolution
Le ton fut donné dès la conférence inaugurale au cours de laquelle Kurt De Belder, directeur des bibliothèques universitaires de Leiden, préconisant une refonte complète des missions des bibliothèques universitaires, a apporté avec brio un éclairage concret sur les moyens à mettre en œuvre pour une véritable intégration des travaux des chercheurs aux outils et services à concevoir par les bibliothèques du xxie siècle. À la mesure de ces transformations majeures, la présentation de la stratégie de l’ABES par son directeur, Raymond Bérard, et notamment du projet d’établissement 2012-2015 – un projet conçu en pleine concertation avec les établissements et les instances (Conseil scientifique et Conseil d’administration ) –, illustrait les principaux virages d’ores et déjà amorcés : restructuration des missions dans le cadre programmatique de la Bibliothèque scientifique numérique (BSN) pour ce qui concerne le signalement, la fourniture à distance ou l’achat des ressources numériques ; renforcement du rôle d’opérateur financier et de négociateur dans le cadre économique des licences nationales, rôle que la reconnaissance d’excellence (ISTEX) va stimuler concrètement en termes de moyens humains et financiers. Une reconnaissance qui, comme l’a rappelé Michel Marian, directeur de la Mission de l’Information scientifique et technique et du Réseau documentaire (MISTRD), témoigne de la confiance accordée à l’ABES dans ses choix stratégiques.
Des formats en mutation
Autre mutation en perspective s’il en est, le nécessaire renouvellement des formats bibliographiques à l’ère du numérique et d’Internet : qu’il s’agisse du tutoriel sur le web de données présenté par Yann Nicolas (ABES) ou de la session animée par Gildas Illien (BNF) et Olivier Rousseaux (ABES) – en l’absence (regrettée par les auditeurs...) de Philippe Le Pape –, consacrée à la mise en œuvre du modèle FRBR et des règles de catalogage RDA, cette préoccupation majeure a été mise en perspective de façon didactique et concrète. De même, la session animée par Yann Nicolas et Olivier Rousseaux (ABES) a permis de rappeler le rôle primordial des autorités, socles pour la construction de référentiels fiables et ouverts à la disposition de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont IdRef, au diapason de projets internationaux comme VIAF, se fait le fer de lance.
SGB et PEB revisités
Autre session très attendue, le point d’étape du projet « Système de gestion de bibliothèques mutualisé », présenté par Jean Bernon (ABES), s’est fait l’écho des modifications radicales à venir : les systèmes de nouvelle génération, s’appuyant sur les bases de connaissances alimentées massivement par les éditeurs, mettent en évidence la transition inéluctable « du catalogage vers l’encodage » et permettent d’anticiper la transformation, à moyen terme, du « système Sudoc ». Quant à la refonte du prêt entre bibliothèques (PEB), inscrite dans le cadre de BSN 8, l’étude de la convergence entre le système Refdoc de l’INIST-CNRS et le PEB Sudoc a fait l’objet d’une session animée par Jean-Philippe Aynié, Corinne Ceroni (ABES) et Jacqueline Gillet (INIST-CNRS).
Des échanges avec les réseaux
Pour autant, les préoccupations quotidiennes des membres des différents réseaux n’ont pas été en reste, notamment grâce aux tutoriels consacrés aux services et outils proposés par l’ABES (STEP, theses.fr, exemplarisation des ressources électroniques) ainsi qu’à la traditionnelle session « Les actualités de l’ABES », repensée cette année pour permettre une meilleure mise en perspective des actions menées par les équipes de l’Agence au fil de l’année. De même, la session spécialement dédiée aux correspondants Sudoc, co-animée par Sophie Mazens, Valérie Travier (AURA) et Laurent Piquemal (ABES), a favorisé l’expression selon un mode collaboratif (via un wiki conçu à leur intention) et facilité le dialogue à partir de retours d’expériences, en permettant l’expression de certaines difficultés rencontrées par les équipes de catalogage dans ce contexte en mutation, un aspect concret du malaise actuel des personnels de bibliothèques de catégorie B.
Des éclairages extérieurs
Au chapitre des temps forts de ces Journées, on n’oubliera pas l’excellent sense of humor de Deborah Shirley, directrice de la Bibliothèque de l’Imperial College, qui a présenté le programme UKRR, plan de conservation des périodiques mis en place à l’échelle du Royaume-Uni, ni l’enthousiasme d’Aubery Escande, responsable éditorial de The European Library, ni la pertinence subtile et pleine d’allant de Catherine Auger-Volpihac, professeure de littérature à l’École nationale supérieure de Lyon, à qui le « Dernier mot » de ces Journées avait été confié et qu’elle a décliné de façon remarquable autour de L’Esprit des lois de Montesquieu, dont elle est par ailleurs une des plus grandes spécialistes internationales.
Un concours endeuillé
Mais c’est sur le concours, organisé pour la première fois afin de valoriser et mettre en commun les initiatives des membres des réseaux dans leur utilisation des produits et services proposés par l’ABES, que cet article souhaite conclure. On aurait aimé ne retenir, à l’image de la dynamique de leurs porteurs, que la grande qualité des projets présentés : utilisation d’IdRef pour le signalement des Classiques Garnier (porté par la bibliothèque de la Cité internationale universitaire de Paris), mise en œuvre d’un système de dédoublonnage, bien utile pour les plans de conservation partagée (portée par le SCD de Strasbourg), conception d’un système visant à faciliter l’exemplarisation des collections lors de l’intégration d’une nouvelle bibliothèque (porté par le SCD de Bordeaux 3)… ou utilisation des données d’autorité d’IdRef pour enrichir le contenu de revues de sciences humaines et sociales (portée par Enrico Cima, architecte de l’information et ancien collègue de l’ABES). Le destin en a décidé autrement puisque ce dernier, à qui le directeur de l’ABES devait remettre le prix gagnant, a trouvé la mort la veille des Journées ABES. Un moment de recueillement, très émouvant, a remplacé la cérémonie de remise des prix, permettant à l’assemblée d’adresser un dernier « Ciao ! » à Enrico.
Enrico Cima nous a quittés le 18 juin
Enrico avait travaillé pour l’ABES sur Calames. Il était basé à la Bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle mais était en contact avec nous quotidiennement.
Enrico avait obtenu un master à l’École des Chartes. C’était un collègue brillant, exigeant et d’une très grande compétence. Après l’ABES, il était parti à Blois où il avait été recruté par le Centre d’études supérieures de la Renaissance. Il travaillait depuis peu pour la société Naoned, un éditeur de solutions informatiques pour la préservation et la valorisation du patrimoine.
Enrico n’avait pas perdu le contact avec l’ABES et nos activités. Il a remporté le premier prix du concours ABES avec un prototype de nouveau service d’IdRef pour l’utilisation des autorités dans les projets de recherche en sciences humaines et sociales. Ce prix devait lui être décerné le 20 juin, pendant les Journées ABES. Nous avons remplacé cette remise des prix, qui aurait du être une occasion de joie partagée, par un moment de recueillement. Pour Enrico, son épouse et leurs jeunes enfants.
Toux ceux qui l’ont connu sont dévastés par sa disparition.
Raymond Bérard
Enrico Cima
© BVH
Les présentations des onzièmes Journées ABES sont en ligne sur le site de l’Agence :
http://www.abes.fr/Publications-Evenements/Journees-Abes/Journees-ABES-19-20-juin-2012
Aux journées ABES, on écoute, on se rencontre, on échange… et on danse.
Phot. Josiane Faïta-Hugues