1 Comment l’ADBU a-t-elle été associée au processus qui a conduit au projet d’établissement de l’ABES ?
L’ADBU1 a été associée à l’audit confié à la société Tosca et se réjouit que sa contribution ait été prise en compte, parmi d’autres.
Au cours des entretiens avec Marc Maisonneuve, de la société Tosca, et Raymond Bérard, directeur de l’ABES2, l’association avait insisté sur la nécessité de faire porter prioritairement la réflexion sur l’articulation entre la logique du réseau et celle des établissements. Cette nouvelle logique nous semble en cohérence avec l’affirmation récente de l’autonomie des universités et l’émergence des systèmes d’information dont l’une des fonctions est d’incarner l’identité des établissements
Autre point sur lequel nous avions insisté, les choix organisationnels faits à l’origine pour le catalogue national induisent une charge de travail importante dans les bibliothèques, qui a pu apparaître parfois comme disproportionnée par rapport aux moyens des établissements ; c’est d’autant plus sensible que la légitimité du Système universitaire de documentation a pu s’imposer à certains agents, notamment les catalogueurs, au risque d’entraîner des déséquilibres internes.
L’ADBU avait également exprimé un besoin d’outils différents, non plus tant des outils pour mesurer l’activité de catalogage (ce qui est la logique de l’ABES, au fond) que des outils d’analyse des collections, en lien avec la finalité des établissements eux-mêmes. Cette demande a été entendue, puisqu’elle figure dans l’objectif 4 (obj. n°4 Mettre à la disposition des établissements des outils et services garants d’un fonctionnement optimal du réseau).
2 Quel regard l’ADBU porte-t-elle sur le projet d’établissement ?
Les points forts du projet : après analyse des besoins des établissements, la réponse de l’ABES est, dans sa démarche, adaptée à un environnement en évolution et fait preuve de pragmatisme, y compris en préparant une révision parfois profonde des positions antérieures.
À cet égard, la décision d’arrêter le portail témoigne du fait que la stratégie de l’ABES va dans le bon sens
Le catalogue est bien le socle de l’ABES comme il est dit dans Une vision pour l’ABES, mais il ne doit plus être la figure de proue : une prise de conscience de cette nouvelle réalité est nécessaire au niveau de l’ABES mais aussi du réseau.
Cela paraît sous-jacent dans la vision de l’ABES, mais n’apparaît pas suffisamment dans la déclinaison des objectifs qui lui accordent une place encore trop importante
Nous regrettons aussi qu’un certain nombre d’intuitions intéressantes développées dans le chapitre 4 Une vision pour l’ABES soient insuffisamment développées dans le corps du rapport et peu mises en perspective avec les différents objectifs déclinés par la suite.
Cependant, nous nous réjouissons que les journées ABES 2008 aient ouvert des champs de réflexion et une perspective plus large, comme l’ont montré les interventions de collègues étrangers – Lorcan Dempsey, Catherine Grout…
On constate encore un manque apparent de réflexion sur la frontière entre le niveau national visé par l’ABES lors de la définition de ses outils, services et produits et le niveau local, lié à notre avis à une réflexion insuffisante sur les publics, dont la définition doit être affinée.
3 Mais qui est selon vous le public de l’ABES ?
Le public de l’ABES est et ne peut être qu’un public non profilé : la notion ne doit donc pas se substituer aux publics profilés auxquels s’adressent les établissements et l’opac Sudoc ne doit pas prendre le pas sur les opacs locaux. On retrouve dans l’objectif 1 (cf 1c-b) des échos de cette confusion des publics qui était allée assez loin avec le projet de portail ; or l’ABES devrait à notre sens donner aux bibliothèques les moyens (y compris par l’achat national d’outils ad hoc, la normalisation, la veille, la formation) de construire des services individualisés, mais en aucun cas se substituer à elles sur ce terrain.
En revanche, les usagers de l’ABES sont clairement les établissements eux-mêmes, et cela ressort insuffisamment du projet, à notre sens.
4 Quelle est la légitimité de l’ABES vis-à-vis des universités à l’heure de la LRU3 ?
Elle n’est certainement pas donnée, mais est à construire en permanence : l’ABES doit faire la démonstration non plus seulement de ses compétences, mais aussi de sa compréhension des enjeux et des stratégies des établissements aujourd’hui autonomes. Elle doit passer d’une logique de bras armé de l’administration centrale – ce qu’elle était sans doute et à juste titre dans la vision d‘origine – à une logique d’agence de services pour les établissements. Ceci pourrait d’ailleurs conduire à renforcer leur représentation dans les instances politiques de l’ABES.
Dans cette nouvelle perspective, nous pensons que l’ADBU représente un partenaire privilégié à même de faciliter le positionnement de l’ABES face aux établissements.
5 L’avenir : qu’est-ce que l’ADBU attend de l’ABES ?
Un projet pour l’ABES est un premier pas, mais la situation actuelle autorise à imaginer d’autres développements, voire une révision beaucoup plus ambitieuse des missions de l’ABES.
Fondée avec pour objectif unique le catalogue national, l’ABES doit aujourd’hui intervenir pour permettre aux bibliothèques de mener à bien les quatre chantiers qui constituent le système d’information documentaire de tout établissement : le signalement des documents physiques, la documentation électronique acquise, les collections numérisées et les archives institutionnelles.
Il est clair que cette vision conduit à remettre en question l’actuelle organisation de l’IST4 au plan national, comme l’a exprimé l’ADBU depuis plusieurs mois (cf. la journée d’études du congrès 2007 et les 10 propositions publiées fin 20075). À défaut d’une structure totalement intégrée du type de celle du JISC6 britannique, l’ABES doit devenir, après un premier effort d’intégration des structures traitant de documentation et d’IST (CINES7, mais aussi COUPERIN8, INIST9 et CCSD10), un partenaire fort des organismes de tous types dont les objectifs convergent pour mettre en place une configuration cohérente au bénéfice de l’enseignement supérieur et de la recherche : RENATER11, AMUE12, SDTICE13…
Dans cette nouvelle logique, l’ABES doit se recentrer sur ce qui est indispensable au niveau national et ne transcender le niveau institutionnel que lorsque c’est pertinent (par exemple le signalement, l’élaboration de référentiels), mais sans se substituer aux établissements qui doivent pouvoir construire des SID14 ayant leur cohérence propre. C’est donc principalement sous l’angle des services aux établissements que l’ABES doit, à notre sens, aborder sa mission : archivage pérenne, groupements de commandes, achats nationaux, normalisation des métadonnées, expertise, formation, animation de la veille technologique et sur les contenus, visibilité internationale.
L’articulation entre niveau national et niveau des établissements doit être pensée également en matière de politique documentaire : ainsi, les bibliothèques doivent être impliquées dans le repérage et l’évaluation des ressources électroniques et, à notre sens, l’ABES doit se voir attribuer le rôle de coordination des groupes de veille nationaux. Elle doit également accentuer son action en matière de gestion des acquisitions (négociations, groupements de commandes, achats nationaux). Les bibliothèques pourront alors se recentrer sur les missions en direction de leurs usagers qu’elles sont les seules à pouvoir assurer : la promotion de l’utilisation des ressources et, au-delà, la mise en forme de contenus documentaires dont les équipes ont besoin. Autrement dit, l’appui de l’ABES en arrière-plan pourra nous permettre de réinventer sur le terrain le rôle de la bibliothèque d’université, au plus près des étudiants et des enseignants-chercheurs.
À plus long terme, les perspectives actuelles en matière de RGPP15 conduisent certainement à repenser la répartition des rôles entre l’État et les opérateurs nationaux. Le modèle d’agence nationale indépendante apparaît ainsi adapté à cette nouvelle politique, et l’ABES dispose à l’évidence de nombreux atouts lui permettant de jouer ce rôle. L’ADBU souhaite rester attentive sur cette question, et défendra toute proposition visant à maintenir, voire renforcer, la place des universités et de leurs bibliothèques dans la définition d’une politique commune.
Les attentes de l’ADBU vis-à-vis de l’ABES, enfin, c’est aussi, à l’image des valeurs affichées par le JISC, que celle-ci fasse preuve de capacités d’innovation et de prise de risques, par exemple en confiant la conduite d’expériences pilotes à des membres du réseau. Nous souhaitons aussi que pragmatisme et réactivité conduisent la réflexion et l’action de l’ABES. Ainsi, un projet pour l’ABES ne serait que la première version d’un projet d’établissement nécessairement évolutif et destiné à être régulièrement révisé, réévalué et reformulé.