Grâce à leur réactivité, les BU sont demeurées, en dépit des contraintes, un pôle de stabilité pour leurs publics dans un environnement rendu incertain par la crise sanitaire.
Depuis un an à présent, les bibliothèques universitaires font face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 : confinements, jauges d’accueil, mesures sanitaires, couvre-feux, travail à distance… Frappées au cœur de leur raison d’être la plus visible - accueillir et servir les publics étudiants et de chercheurs -, les BU sont parvenues en dépit de difficultés de tous ordres à maintenir les collectifs de travail en interne, à rendre les services essentiels aux communautés qui y recourent, à garder enfin le lien entre elles par le biais des réseaux professionnels.
Improviser, s’adapter, surmonter
Le choc de mi-mars 2020 a été considérable pour des services qui, au sein des établissements d’enseignement supérieur ou dans les organismes de recherche, drainent des flux de public importants : les BU ont en effet accueilli en 2018 près de 70 millions de visites. Cœur des campus et bien souvent « seconde maison » des étudiants, les bibliothèques, qui œuvraient depuis des années à accroître horaires d’ouverture et disponibilité des places ainsi qu’à porter leurs équipes au contact des publics, se sont soudainement retrouvées vides de visiteurs et de professionnels. Les équipes des BU ont négocié le brusque changement de pied en improvisant des modes de fonctionnement intégralement à distance bien différents, par l’échelle et les conditions, des premiers déploiements des protocoles de télétravail des années précédentes. Moniteurs, contractuels, bibliothécaires, encadrement : toutes et tous ont dû recréer des organisations de travail sans pouvoir d’abord compter sur les matériels, l’infrastructure ou les outils logiciels nécessaires. Les premiers mois de confinement strict, de mars à mai, ont été placés sous le signe de l’improvisation et d’une forme de bricolage pragmatique. Le défilé des logiciels de visioconférence et de chat essayés puis abandonnés ou juxtaposés (de Renavisio en Zoom en Teams en Skype ou Slack et j’en passe) a fini par laisser la place à un agencement plus raisonné à partir de la rentrée de septembre 2020. Les niveaux d’équipement des personnels en PC mobiles se sont également améliorés à partir de la rentrée, les plans d’acquisition en urgence de matériel informatique donnant alors leur plein rendement.
Servir de loin et de près, en s’adaptant en permanence
Avec leurs publics confinés sans préavis, les services d’accueil et d’orientation, les services de formation, d’appui à la recherche, les missions culturelles ont basculé sur des formes numériques, subissant d’abord les limites des équipements et outillages informatiques dont disposaient des équipes elles-mêmes confinées. Les réseaux sociaux, sur lesquels les BU étaient déjà très largement présentes et suivies, ont constitué un lieu d’information et de dialogue essentiel avec des étudiants désemparés par cette situation inédite.
Le retour des publics sur site, très progressif à partir de la première levée de confinement en mai 2020, a été marqué par des modifications de régime à vue auxquelles les BU se sont adaptées en souplesse. On est passé, pour mémoire, du drive/guichet en mai 2020 à une rentrée à effectifs complets, fussent-ils masqués, avant de basculer en jauge adaptée puis à nouveau en confinement à partir de fin octobre. Moins strict que le premier, ce confinement a autorisé le maintien de l’ouverture des BU au prix d’une réservation obligatoire des places de travail, là aussi déployée en un temps record afin de garantir la permanence d’accès pour le public. À un moment où la précarité étudiante, aggravée par la crise sanitaire, s’installait dans le débat public, les BU demeuraient, au sein d’universités qui ne pouvaient plus accueillir d’activités pédagogiques, un lieu essentiel pour maintenir le contact avec les étudiants, replongés dans l’incertitude et l’angoisse. Les dispositifs mis en place fin octobre 2020 ont démontré depuis qu’ils permettaient d’accueillir un public fourni, de manière contrôlée et suivie, et avec toutes les garanties de sécurité sanitaire pour les usagers comme pour le personnel.
Garder le lien
Le lien avec leurs publics, à distance comme sur site quand les conditions le permettaient, a constitué une priorité pour les BU, contribuant très concrètement aux efforts des établissements dans le domaine. Lieu de vie étudiant essentiel, les BU sont demeurées, en dépit des contraintes d’accès et de jauge, un pôle d’accueil stable dans un environnement qui ne cessait de changer au gré des mesures sanitaires.
Une autre forme de lien, entre les professionnels de la documentation celui-ci, a contribué, me semble-t-il, à la capacité des bibliothèques universitaires, de leurs équipes, de leur encadrement, à affronter l’épreuve dans la durée. Le réseau professionnel et associatif de l’information scientifique et technique a constitué un forum aux échanges nourris et un espace de travail qui a permis à l’ADBU de porter la voix collective des cadres des BU auprès de tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, et parmi eux en premier lieu, naturellement, le ministère par le biais du DISTRD1.
L’enquête réalisée en décembre 2020 et présentée auprès des SCD et bibliothèques universitaires lors de la journée DIRBUIST2 du 4 février 2021, a ainsi permis de dégager les grandes lignes du processus d’adaptation des BU à la pandémie, dans ses réussites comme ses difficultés, de fournir des arguments en faveur du maintien de leur ouverture lors des arbitrages ministériels successifs, de montrer enfin la souplesse de leur organisation au service des publics, en dépit d’une réelle fatigue accumulée dans les équipes.
« PRÊT DE CHEZ MOI », UNE OPÉRATION MUTUALISÉE À L’ÉCHELLE NATIONALE
La mobilisation des réseaux professionnels et associatifs de l’ESR pendant la crise sanitaire a donné lieu à plusieurs initiatives parmi lesquelles l’opération « Prêt de chez moi ». Lancé en février 2021 sur une initiative de l’Université de Toulouse Jean-Jaurès et relayé via le forum des membres de l’ADBU, ce nouveau service permet aux étudiants de rapporter les documents qu’ils ont empruntés à leur bibliothèque universitaire habituelle dans la BU la plus proche de leur lieu de résidence du moment, même s'ils n’y sont pas inscrits. Ce dispositif répond à la situation créée par le passage des cours en distanciel qui a entraîné la dispersion géographique des étudiants, parfois loin de leur université d’inscription. Plusieurs centaines de milliers de documents pourront ainsi être rendus dans les mois qui viennent et remis à disposition en évitant aux emprunteurs de devoir recourir à des retours par voie postale, souvent très onéreux. L’ADBU propose une carte participative recensant les BU prenant part à l’opération. https://adbu.fr/retourdocuments
Une nouvelle normalité à inventer
À l’heure où ces lignes sont écrites, la troisième vague épidémique submerge le pays. Si l’horizon d’une vaccination généralisée permet d’espérer une rentrée aux contraintes sanitaires allégées, il apparaît douteux qu’on puisse revenir, pour les établissements d’enseignement supérieur comme pour les BU, au statu quo ante. Une nouvelle normalité prend corps, où enseignements à distance et sur site se combinent dans de nouvelles proportions, où les modalités pédagogiques sont très fortement interrogées, où l’organisation même des établissements est réévaluée à l’aune de l’année écoulée. Pour les BU, la réflexion collective sur les conséquences — durables ou conjoncturelles — de la pandémie de Covid-19 est d’une urgente actualité. De l’organisation d’équipes en partie à distance aux nouveaux équilibres documentaires en passant par l’appropriation différente de l’espace par les publics : autant d’interrogations ouvertes dont les réponses pèseront fortement sur le développement des BU, notamment envisagées comme lieux. Après la crise elle-même, c’est un immense défi intellectuel, scientifique et professionnel qui est devant nous.