Les méthodologies documentaires peinent à s'intégrer dans les maquettes LMD car ces formations, nous devrions dire ces TD, ne correspondent pas à un domaine académique précis, si ce n'est celui des sciences de l'information. Pour faire avancer cette question, l'université de Nice-Sophia Antipolis a inscrit dans son contrat quadriennal 2008-2011, en cours de préparation, un projet « méthodologies documentaires » ayant pour objectif une meilleure intégration dans les maquettes. Cette démarche ne s'arrête pas aux méthodologies documentaires stricto sensu mais s'ouvre à une vision plus large de maîtrise de l'IST en terme documentaire comme en terme éditorial, dans un contexte fortement concurrentiel encore exacerbé par le classement de Shanghaï. Elle se concrétisera par l'établissement d'une charte documentaire et d'une charte des publications en ligne de l'UNS visant à définir les contenus et les pratiques des acteurs du réseau. Le SCD est l'opérateur de l'UNS pour le développement de son système d'information documentaire qui englobe le portail des ressources documentaires en ligne et celui des publications en ligne REVEL http://bibliotheque.unice.fr/jahia/page4538.html

Entrée de la bibliothèque universitaire section « Sciences »

Cette démarche implique une collaboration accrue entre les différents intervenants (enseignants-chercheurs, PRCE documentation, conservateurs des bibliothèques) et les services (TICE, REVEL, URFIST, IUFM et lCIES pour le contenu, CRI pour l’infrastructure et la cellule de pilotage SI pour l’évaluation) sous l'égide du CS et du CEVU.

L'objectif est la généralisation de la formation des étudiants à la maîtrise de l’IST (méthodologies documentaires, maîtrise des grands outils documentaires de recherche, sur tout support, maîtrise des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement) dans toutes les maquettes pédagogiques du LMD pour un minimum de 6 heures par an. Elle se présente comme un soutien pédagogique et une aide à la réussite surtout en L et M. Des formations spécifiques pour le niveau M 2 et D, pour les étudiants du CIES voire les jeunes enseignants-chercheurs, prescripteurs de documentation, à la connaissance des conditions stratégiques et technologiques de la publication et de la diffusion de l’IST sont prévues.

Le programme prévisionnel se décline comme suit :

• mise en place de formations adaptées, au niveau L, M, D et aux disciplines, pour maîtriser les outils (bases de données, interfaces-éditeurs de consultation des périodiques électroniques, logiciels de références bibliographiques etc.) ;
• formations intégrées aux différents cursus en collaboration avec les enseignants (ex. formation à l’analyse critique d’article dans le cadre de la préparation à l’ECN) ;
• interface SIGB / TICE / SIDoc ;
• réalisation de supports de cours de méthodologies IST sur les plateformes TICE de l’UNS pour l’enseignement à distance ;
• FAQ ,surtout pour L et M, renseignements et recherches documentaires spécifiques via le web ;
• aide spécifique à la recherche documentaire et bibliographique pour M et D (ex. établissement d’une bibliographie) ;
• connaissance des conditions stratégiques et technologiques de la publication et de la diffusion de l’IST pour D et jeunes enseignants-chercheurs, prescripteurs de documentation, en collaboration avec l’URFIST ;
• compréhension de l’indexation et liens vers les ressources documentaires (articles, cours, ouvrages, thèses, revues, signets, etc.).

Louis Klee

Un exemple parmi d’autres : à la « BU Sciences », hier n’est pas très éloigné ; à partir du milieu des années soixante, une large courbe de béton offre deux niveaux de 800 m² et (grande nouveauté pour l’époque !), des manuels en libre-accès aux étudiants de la toute nouvelle Faculté des Sciences, implantée au même titre que le siège de l’université de Nice1, sur les dix hectares du domaine Valrose. Quarante ans plus tard, les manuels sont encore plus nombreux et la documentation électronique accessible2 donne le vertige à ceux qui essaient d’en mesurer la profondeur !

Lors des premières décennies de fonctionnement, les bibliothécaires se sont naturellement attachés à former les usagers selon trois axes principaux :

1. utilisation du catalogue et des outils de recherche bibliographique,
2. repérage dans le classement,
3. bon usage des services disponibles.

Au cours des dix dernières années, la donne a été modifiée par le développement fulgurant des ressources documentaires accessibles grâce à Internet, l’accès quasi immédiat à un savoir multiple et en accroissement constant. La nécessité de développer des formations et de les adapter au contexte des nouvelles technologies s’est imposée d’elle-même. Le fait d’affecter des postes de PRCE3 en documentation dans les bibliothèques universitaires, durant cette période, n’est pas fortuit. Par leur statut d’enseignant, ils sont tout désignés pour être des vecteurs d’information et de formation, entre outils à disposition, usages et utilisateurs de toutes catégories, via des enseignements adaptés, des supports adéquats.4 Ainsi fut fait, en BU Sciences de Nice, à partir de 1998.

Si la méthodologie documentaire…

Tout serait sans doute plus simple si la méthodologie documentaire était reconnue comme une discipline à part entière, intégrée en UE (unité d’enseignement) dans tous les cursus. Tel n’est malheureusement pas encore le cas, même si les textes officiels préconisent bien son existence (« recherche d’informations », « recherche documentaire », « pratique des TIC »), confiée aux bons soins décisionnels et évaluatifs des responsables d’enseignements. Or, de leur propre gré, les étudiants en sciences ne se sentent guère concernés par une méthodologie, qu’ils croient innée ou automatiquement intégrée à l’ordinateur… Il est donc indispensable d’établir une active coopération avec les enseignants pour proposer des formations (et/ou enseignements intégrés aux cursus), coopération inévitablement aléatoire d’une année sur l’autre selon les interlocuteurs, les disciplines, les niveaux. La mise en place du LMD n’a pas encore déterminé la mise en place d’un module spécifique dans les maquettes d’enseignements. Le déploiement progressif du C2i (Certificat informatique et Internet) va intégrer la recherche d’informations, mais au sein d’un programme majoritairement consacré aux applications techniques. L’après LMD reste à améliorer en tenant compte de l’évolution des pratiques étudiantes et des nouvelles technologies éducatives. L’ENT (Environnement numérique de travail5), favorisé par la baisse du coût des ordinateurs portables, le déploiement des bornes Wi-Fi, la généralisation du bureau virtuel6, la très forte incitation à utiliser des plateformes pédagogiques telles que J@lon7, sont de nouveaux atouts pour une diffusion didactique, à condition que celle-ci soit efficacement perçue.

Qu’ils soient étudiants ou pas…

Les utilisateurs, qu’ils soient étudiants ou pas, ont de plus en plus un réflexe conditionné par la pratique de « Google », c’est-à-dire la recherche d’un accès unique et rapide à un maximum d’informations... si tant est que l’on sache où trouver l’information, l’évaluer, la synthétiser, la citer. Cela met de plus en plus en évidence la logique d’une formation de base transversale aux ressources de la BU et à la recherche documentaire en L1 et L2, complétée par des approfondissements disciplinaires en L3, M et D. À citer comme exemples les réalisations effectuées en BU Lettres par Laurent Piquemal, PARME (Pour Acquérir Rapidement une Méthode de Recherche Efficace) ; en BU Droit par Marie-Paule Pérez et le Professeur Rainaud, Parcours d’Exercices ; en BU Médecine par Michaël Hug l’Initiation à la recherche d’information en informatique médicale8. La mise en place d’une unité d’enseignement spécifique « Méthodologie du travail universitaire » (MTU), incluant la recherche documentaire et venant compléter le dispositif du C2i répondrait à un réel besoin des étudiants, du niveau L à M, dans toutes les disciplines.

De manière spontanée, les étudiants n’ont manifestement pas conscience de la nécessité de « savoir chercher, identifier, communiquer » tant qu’ils ne sont pas confrontés à une situation concrète et à un résultat déterminant. Peu enclins à se situer dans l’échelle du savoir tant que celle-ci reste abstraite (« à quoi ça sert ? »), ils ne réagissent véritablement qu’en situation de construction d’un parcours diplômant et d’intégration professionnelle. Or, le récent Rapport Hetzel9 propose, parmi les principales mesures, le « suivi obligatoire d’un module professionnel par tous les étudiants au cours de la licence (langues vivantes étrangères, informatique, recherche d’emploi) ». Le C2i va répondre à la partie informatique ; la méthodologie documentaire pourrait répondre sous certains aspects à la recherche d’emploi – capacité à se servir des ressources des bibliothèques, à savoir chercher l’information, à la sélectionner, etc.

Que ce soit sous forme de MTU et/ou de modules spécifiques, la formation méthodologique des étudiants se situe donc de plus en plus à un stade stratégique pour aujourd’hui et pour demain, allant de la formation initiale à la formation continue, du savoir théorique à la compétence pratique.

Dominique Laredo