Dès les Journées Abes 2019, l’Abes affichait clairement « Calames, au service d’une politique de valorisation des archives des chercheurs »1. Chacun avait pu témoigner des tensions conceptuelles autour de l’objet « archives scientifiques » qui présente une frontière brouillée avec les archives administratives, se situe à la croisée de statuts juridiques divergents et de regards professionnels hétérogènes entre archivistes et bibliothécaires.

Des fonds signalés dans Calames

Calames ne pose pas de définition a priori et accepte toutes les archives, indépendamment de leur ancienneté, de leur support ou de leur statut, publiques et privées, administratives et scientifiques, de laboratoires et de chercheurs, d’individus et de collectifs privés, dans la mesure où elles sont conservées dans un établissement membre du réseau et où leur signalement est jugé utile au public.

Bien que Calames soit né de la partie des collections du Catalogue général des manuscrits possédés par les établissements de l’ESR, la moitié des unités documentaires signalées dans Calames concerne des archives de quatre ordres :

• archives institutionnelles (relevant des services centraux) pour quelques établissements dont l’organisation associe service d’archives et service documentaire
• archives associatives ou militantes, pour des établissements dont c’est une spécificité
• archives littéraires ou artistiques
• archives scientifiques, ce qui couvre une grande variété de supports : au-delà de la prédominance des archives papier, sont aussi signalés des fonds iconographiques ou audiovisuels.

Marie Curie, chronomètre à la main, au cours d’une mesure de radioactivité, dans le laboratoire de la rue Cuvier, 1904. Cote : MCP87. Document signalé dans Calames. www.calames.abes.fr/pub/#details ?id =Calames-201473017740331985

Source : Musée Curie, UAR 6425 CNRS/Institut Curie

L’adaptation des recommandations de signalement des documents présents dans ses bases, une mission centrale de l’abes

Conçue pour le signalement des archives, l’application Calames a fait le choix du format XML-EAD2, qui offre à la fois un respect des principes archivistiques (description du général au particulier, héritage des informations entre les différents niveaux de description) et la garantie d’une description intel­lectuellement cohérente.

Si la culture du signalement initialement partagée pousse à la précision jusqu’à la pièce, l’Abes réaffirme à l’occasion de la mise à jour de ses règles de catalogage3 que Calames permet la description synthétique d’ensembles à condition de respecter les indexations attendues. La granularité de la description dépend, en effet, de la politique documentaire et des moyens humains de chaque établissement.

Missionné par le Comité stratégique bibliographique4, le groupe de travail interministériel « EAD en bibliothèque », dont l’Abes est membre, mène une révision du Guide des bonnes pratiques « EAD en bibliothèque5 » qui vise, d’une part, à tenir compte de l’expérience acquise afin de décrire au mieux la diversité typologique importante des archives, y compris scientifiques, présentes dans Calames et d’autre part, à répondre aux attentes de plus en plus manifestes de consignes cohérentes pour le signalement de documents nativement numériques.

À cet égard, le signalement dans Calames du corpus des archives numérisées du Parlement britannique au XIX^e siècle6 a constitué une première mise à l’épreuve concluante, qui nécessite cependant d’être enrichie afin d’identifier les éléments spécifiques pertinents à systématiser et à indexer pour les archives nativement numériques.

Comme pour d’autres types de données gérés par l’Abes, les membres du réseau Calames posent régulièrement la question d’un élargissement des référentiels exploitables7 : référentiels plus spécifiques au monde des archives ; référentiels thématiques scientifiques spécialisés, l’encyclopédisme de Rameau ne répondant pas à la finesse attendue ; ou encore référentiels propres au pilotage de la recherche comme, par exemple, les référentiels des projets ANR.

Calames aujourd’hui, un outil solide mais avec des limites

La solidité de Calames (aucun bug majeur depuis 15 ans) et ses index adaptés à la nature hiérarchique de l’EAD garantissent une exploitation poussée de l’indexation.

Outre la finesse et la puissance de son moteur de recherche, Calames garantit une visibilité aux données des établissements en veillant à la qualité du référencement dans Google et en améliorant la diffusion des données Calames dans les catalogues nationaux et internationaux. Ainsi, toutes les données Calames, archives comme manuscrits, sont récupérées par le CCFr (Catalogue collectif de France). Par ailleurs, les fonds d’archives de sept établissements volontaires sont moissonnés (au format EAD via le protocole OAI-PMH) par le portail national des archives FranceArchives et de facto par le portail européen, Archives Portal Europe8, sachant que les données d’une quinzaine d’autres établissements membres du réseau Calames mériteraient amplement ce type de moissonnage.

Calames, dans son fonctionnement actuel, ne permet pas la saisie par formulaire et impose la maîtrise d’EAD pour produire des instruments de recherche, ce qui rend difficile, voire impossible, le signalement direct de leurs archives par les chercheurs.

Calames n’est – et ne deviendra – ni une bibliothèque numérique, ni un système d’archivage électronique (SAE), ni un outil de gestion archivistique. L’amélioration des fonctionnalités et des formats d’export, à laquelle travaille l’Abes, peut faciliter les échanges de données ou les rebonds ciblés entre Calames et ces différentes briques qu’elles soient locales, à l’échelle d’un établissement, ou nationales et implantées dans l’ESR français (Nakala, MediHal, …). Cette approche peut ne pas suffire aux attentes de flux de données dans les deux sens exigée pour une gestion complète des archives nativement numériques.

Des attentes qui se font jour

En effet, les archives nativement numériques posent, de façon bien plus cruciale que pour les archives papier, la problématique de l’intégration d’un service de signalement tel que Calames au sein d’un écosystème, soit complet -avec un système d’archivage électronique (SAE) allant jusqu’à prendre en charge les documents numériques dès leur production, soit composé de services aux périmètres plus ciblés, tels que l’archivage pérenne.

Mais au-delà de la réponse technique, l’enjeu primordial pour l’Abes réside dans la définition claire du périmètre des missions attendues et de son articulation avec les différents acteurs, tels que le Siaf (Service interministériel des Archives de France), le Cines (Centre informatique national de l’Enseignement supérieur) et, bien entendu, les établissements desservis.

Or, du fait de la jeunesse relative des services d’archives au sein des établissements de l’ESR, de l’importance des enjeux organisationnels pour une politique cohérente relative aux archives numériques scientifiques, de la complexité des enjeux techniques en cette période de transition entre la production papier et la production nativement numérique, les attentes exprimées par les établissements de l’ESR s’avèrent très hétérogènes, dans leur périmètre comme dans leur ambition.

Une seconde attente émane des chercheurs et services à la recherche développés par les structures documentaires des établissements de l’ESR : disposer d’un outil qui permette le signalement de corpus en réponse à une problématique scientifique, indépendamment des lieux de production et de conservation. Cette demande interroge la logique institutionnelle de signalement par établissement de conservation, sur laquelle s’appuie Calames depuis l’origine.

Une réponse de services construite, qui articule gestion, conservation et signalement des archives scientifiques, tant sur le plan technique qu’organisationnel, doit tenir compte de tous les acteurs légitimes, locaux et nationaux, services d’archives, documentaires ou acteurs de l’IST.

C’est aussi à la demande des acteurs de terrain que l’Abes sera en mesure de prioriser ses actions, tant institutionnelles que techniques. En position d’équilibre entre animation des réseaux d’acteurs locaux et échanges avec les partenaires nationaux, l’Abes ne peut penser son offre de service et de développement qu’en interdépendance avec ces partenaires et dans le cadre d’une mission validée par ses tutelles, que formalisera le projet d’établissement 2024-2028.