Valoriser les ressources électroniques : la place de l’Abes dans l’écosystème documentaire de l’ESR

DOI : 10.35562/arabesques.4179

p. 12-13

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Texte

Pour répondre à l’enjeu crucial du signalement des ressources électroniques, l’Abes a l’ambition de renforcer les circuits de traitement automatisé des métadonnées, favorisant un signalement qui tire profit à la fois de la fluidité des bases de connaissance et de la richesse des données présentes dans les catalogues.

Les ressources électroniques font irruption au moment où l’informatique documentaire est déjà bien installée ; entre outil documentaire numérique et contenu numérique, la frontière est au début très claire. Les SIGB utilisés par les producteurs des données du monde des bibliothèques sont conçus pour l’imprimé ou l’analogique, alors que le numérique trouve sa place sur le web : les producteurs de contenus investissent des archives ouvertes, plateformes d’éditeurs ou bibliothèques numériques, et dans les bibliothèques démarre l’âge des portails. Dès le début des années 2000, à la suite du lancement du catalogue collectif Sudoc, l’Abes commence à investir massivement la question de la valorisation des ressources électroniques en lançant, après le catalogue collectif Sudoc, le portail associé1. Le développement exponentiel des ressources numériques, la variété des protocoles d’accès, les limites technologiques de la recherche fédérée remettent assez rapidement en question l’usage même des méta-moteurs, les portails devenant davantage des vitrines pour les contenants (les bases de données) plutôt que pour les contenus au niveau de granularité fin. Cette situation remet sur le devant de la scène la logique du signalement des documents via des circuits intégrant, tant bien que mal, les SIGB ; il s’agit désormais de concilier flux massifs des données éditeurs et possibilité, pour les bibliothèques, de produire et améliorer, si besoin, les données de leur choix2.

Gestion des accès : les métadonnées, encore et toujours

Avec le développement massif des ressources électroniques, la profession abandonne toute velléité d’être la source des métadonnées descriptives de référence pour ce support. De ce fait, la tentation est grande d’en abandonner le signalement. Le document numérique portant en lui-même des métadonnées permettant aux usagers de l’identifier, les professionnels de la documentation ne devraient-ils pas se contenter du paramétrage des accès ?

Mais c’est précisément l’enjeu de l’accès qui fera rentrer à nouveau le signalement dans la boucle : les résolveurs de liens pointent rapidement du doigt l’importance des métadonnées des bases de connaissance sur lesquelles leur fonctionnement repose. L’accès au texte intégral des articles ou chapitres, à partir d’une base bibliographique spécialisée, de Google Scholar ou d’un outil de découverte dépend en bonne partie de la qualité et de la fraîcheur des informations bibliographiques qui rendent possible le lien entre référence et texte. En fin de compte, une collection commerciale représente ni plus ni moins un ensemble documentaire dont il s’agit de décrire les contenus aussi finement que possible, avec une attention particulière pour les identifiants univoques des contenus. Autant de notions qui parlent davantage aux bibliothécaires qu’aux éditeurs.

Le monde éditorial étant dominé par des groupes internationaux, les bases de connaissance les plus utilisées vont tout naturellement se concentrer vers les contenus desservant le plus grand nombre ; c’est pour répondre aux besoins spécifiques de signalement des contenus francophones ou des périmètres spécifiques accessibles aux établissements à mission d’enseignement supérieur ou de recherche français que l’Abes a souhaité mettre à disposition et alimenter une base de connaissance libre et gratuite, conçue comme un réservoir de métadonnées de qualité, facilement réutilisables dans tout environnement documentaire pertinent. Née sous l’impulsion d’initiatives telle que KB + (Jisc), projet arrêté depuis, la BAse de COnnaissance Nationale3 a trouvé, au bout de 9 ans d’existence, sa place dans l’écosystème Abes. Proposer un service consacré à l’exposition de données produites par les éditeurs ou par les équipes de l’Abes a marqué un véritable tournant dans un système ayant au cœur des applications de production de métadonnées par un réseau de bibliothécaires. Le triplestore SciencePlus, dédié aux articles et chapitres, poursuit, dans un périmètre encore plus délimité, cette démarche4.

 

 

Ressources électroniques et catalogue collectif : deux univers incompatibles ?

Si l’intérêt des bases de connaissance pour le signalement de l’ensemble des documents (revues numériques, ebooks, documents audiovisuels en ligne) semble désormais acquis, force est de constater un usage restreint du Sudoc par les établissements membres pour signaler leurs collections numériques. Malgré l’intégration automatisée des données éditeurs (près de 360 000 notices d’ebooks en mai 2024), seul un établissement sur trois affiche une politique de valorisation incluant le catalogue collectif. Les raisons en sont bien entendu multiples : investissement jugé trop important, alors que les bases de connaissance offrent des solutions plus rapides ; outil relativement peu adapté au suivi des bouquets et de leurs changements fréquents ; difficulté de mettre en place un circuit interne de travail, car l’organisation des services est parfois intimement liée au circuit de l’imprimé ; absence d’exhaustivité des contenus mis à disposition…

Cependant, plusieurs signaux montrent que l’essor des ebooks, constaté assez unanimement, est en train de changer la donne : si pour des ressources continues les bases de connaissance suffisent, la pauvreté du format KBART, qui ne prévoit ni indexation sujet, ni description consolidée des auteurs, constitue un frein majeur à la découverte des ebooks par les utilisateurs. Ce diagnostic ne fait que renforcer le besoin de traitement automatisé des métadonnées par l’Abes, incluant des processus d’enrichissement orientés vers les besoins de l’utilisateur final. Les statistiques du Sudoc montrent par ailleurs une forte tendance à l’utilisation, par les bibliothécaires, des notices importées en masse : la part des notices d’ebooks créés par des catalogueurs suit toujours une pente descendante, pour ne plus représenter que 20 % sur l’ensemble du catalogue en 2023.

Des circuits plus fluides pour un gain de qualité

L’amélioration des circuits semble avoir un effet certain sur le choix d’un signalement tirant profit à la fois de la fluidité des bases de connaissance, mises à jour presque en temps réel, et de la richesse des données présentes dans les catalogues. Ainsi, le nouveau circuit permettant aux établissements de signaler leurs ebooks dans le Sudoc à partir de leur environnement local5 – dans lequel les données de BACON auront été préalablement intégrées – a eu comme effet une augmentation notable dans la réutilisation des notices : en 2023, plus de la moitié des exemplaires créés dans le Sudoc concernent des notices d’ebooks. Bien que très encourageant, ce nouveau circuit ne répond pas à la question des flux de données bibliographiques de qualité : actuellement, la base de connaissance BACON signale près de deux millions d’ebooks, alors que le Sudoc n’en compte que 450 000. Pour combler cet écart, le prochain défi pour l’Abes consistera à améliorer les flux entre ses propres applications : dans un jeu de métamorphose réciproque entre imprimé et électronique, il s’agira de générer, par flux automatisé, des notices d’ebooks à partir des notices des versions imprimées, qui ont bénéficié du travail des catalogueurs, et des informations sur les accès et les bouquets contenus dans la base BACON. Par ailleurs, un nouveau système de liens générés automatiquement permettra aux professionnels d’identifier l’appartenance des titres aux bouquets et d’en suivre les évolutions en temps réel.

Un enjeu de souveraineté sur les données

Le rôle de l’Abes dans la valorisation des ressources électroniques ne se limite pas à la facilitation du travail des bibliothécaires, bien que ce point reste central pour l’Agence. Un enjeu complémentaire guide également le projet d’établissement 2024-2028 : disposer de bases de métadonnées ouvertes, dans un système central alimentant des réservoirs multiples, augmente la visibilité des publications françaises et n’enferme pas les établissements dans les aléas des accords commerciaux entre les fournisseurs de contenus et/ou des solutions logicielles.

Notes

1 Christine Fleury, « Le portail documentaire du Sudoc », Arabesques, n°39, 2005. En ligne : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=3374 Retour au texte

2 Benjamin Bober, « Signaler les ressources électroniques », Arabesques n°65, 2012. En ligne : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=1362 Retour au texte

3 https://fil.abes.fr/2015/09/01/ouverture-du-site-web-de-bacon-et-presentation-du-programme-de-travail Retour au texte

4 Yann Nicolas, « Scienceplus.abes.fr : une nouvelle base de données au service de la science ouverte », Arabesques, n° 103, 2021. En ligne : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=2717 Retour au texte

5 https://fil.abes.fr/2022/06/01/synchronisation-alma-sudoc-un-nouveau-workflow-pour-la-gestion-de-la-documentation-electronique Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence papier

Raluca Pierrot, « Valoriser les ressources électroniques : la place de l’Abes dans l’écosystème documentaire de l’ESR », Arabesques, 114 | 2024, 12-13.

Référence électronique

Raluca Pierrot, « Valoriser les ressources électroniques : la place de l’Abes dans l’écosystème documentaire de l’ESR », Arabesques [En ligne], 114 | 2024, mis en ligne le 16 juillet 2024, consulté le 03 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/arabesques/index.php?id=4179

Auteur

Raluca Pierrot

Service Documentation électronique de l’Abes

pierrot@abes.fr

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