Devenir négociateur Couperin, c’est comme se jeter dans le grand bain. Au début, on est dans la pataugeoire : chargé de ressources numériques dans son établissement, on suit de près les informations diffusées sur la liste achats du consortium et on s’en approprie progressivement les codes. Il y a là tout un ensemble de concepts et de notions à maîtriser : FTE1, licence-type, enquête d’intérêt, etc. On apprend petit à petit à nager.
Chaque année, on voit passer de loin (au large) les « appels à négociateurs » lancés par le Département des négociations documentaires. On se dit que ce n’est pas pour soi, qu’on ne saura pas faire… Et puis, un jour, on décide de plonger tête la première.
Au début, on se positionne le plus souvent sur une négociation en binôme avec un négociateur chevronné. On s’accroche à lui comme à une bouée, on suit la formation organisée par le consortium, on s’appuie sur les outils disponibles… C’est un apprentissage progressif et sur le tas mais très vite on en vient à maîtriser les étapes-clés du calendrier de négociation et à acquérir les bons réflexes vis-à-vis des éditeurs.
En immersion : les grandes étapes d’une négociation
L’un des enjeux primordiaux pour le négociateur est de respecter les échéances. La majorité des négociations sont en effet annuelles et doivent donc aboutir avant la fin de l’année N pour que les tarifs négociés soient appliqués sur l’année N + 1.
Le calendrier-type d’une négociation commence donc dès le printemps. C’est à cette période qu’est diffusée la lettre de cadrage annuelle établie par le consortium listant les priorités stratégiques des négociations et fixant leur cadre tarifaire. Le négociateur définit ensuite ses priorités à partir du bilan de l’année précédente ou par rapport à des objectifs cibles. Dans le même temps, les éditeurs doivent fournir leur carnet de commandes de l’année écoulée, ce qui permet d’avoir une visibilité sur leur chiffre d’affaires et sur l’évolution de leur portefeuille de clients. Le négociateur peut également trouver des renseignements dans les enquêtes ERE2 remplies par les établissements tous les ans.
Lors du premier rendez-vous de négociation, le négociateur échange avec l’éditeur sur ces éléments et s’appuie sur le bilan de la négociation précédente pour revenir sur les points non résolus.
L’éditeur propose généralement une première offre quelques semaines plus tard. Les discussions reprennent alors sur cette base. Plusieurs versions de l’offre pourront être proposées et refusées avant d’aboutir à une version finale acceptable, que le négociateur soumet pour validation au responsable du pôle thématique Couperin correspondant à la ressource négociée.
Dans sa version définitive, l’offre comprend : une lettre d’accord (ce fichier synthétique élaboré par Couperin reprend tous les points habituellement négociés dans une offre), une grille tarifaire, le détail des contenus souscrits et un modèle de contrat de licence (idéalement sur la base de la licence-type élaborée par le consortium). Le négociateur dépose ces documents sur le système de gestion de données du consortium, Consortia manager. Il prévient ensuite les établissements membres du consortium de la disponibilité de l’offre via la liste de diffusion du consortium.
Certaines ressources font l’objet de groupements de commandes ou de licences nationales. Le groupement de commandes est proposé au fournisseur seulement lorsqu’il apporte de réels avantages (tarifaire, services supplémentaires à la communauté…). Dans ce cadre, l’Abes prend une part active aux négociations.
Suffrages et oraisons des saincts et sainctes escripz au kalendrier de ces presentes heures procedans selon les moys et jours de l’an - Église catholique.
source BnF / Gallica
Devenir négociateur : quelles compétences ?
Le consortium Couperin propose sur son site une « fiche de fonction » du négociateur détaillée3, mettant en évidence les compétences bibliothéconomiques et techniques nécessaires pour mener une négociation : connaissance des besoins documentaires et de l’écosystème éditorial, compréhension des modèles tarifaires, pratique de l’outil de gestion Consortia manager, sensibilisation aux aspects juridiques.
La fiche insiste également sur les nécessaires compétences relationnelles du négociateur qui doit faire preuve de « patience et de capacité à relancer les interlocuteurs ». La patience (voire l’obstination !) est de fait une vertu indispensable du négociateur, face aux arguments parfois contestables de ses interlocuteurs.
Le négociateur idéal fait aussi preuve de créativité et d’agilité d’esprit, ce qui le rend à même d’identifier les leviers permettant de débloquer une situation (en jouant par exemple sur la durée d’un accord ou sur les modalités d’accès). Une capacité à décrypter les postures et discours de ses interlocuteurs lui sera aussi d’une grande aide pour déceler les points de blocage et les marges de négociation.
Nouveaux enjeux des négociations
Depuis les premières négociations, le paysage éditorial et de la recherche s’est beaucoup complexifié, ce qui impose aux négociateurs d’aborder des problématiques nouvelles :
- La prise en compte de l’open access et de la science ouverte nécessite de maîtriser l’inflation des abonnements ainsi que des frais de publication (APC), dans le cadre d’accords globaux et d’accords transformants4.
- À l’ère du Big Data et de l’intelligence artificielle, les négociateurs doivent faire appliquer la législation autorisant le traitement en masse des données ainsi que demander des dispositifs techniques pour le faire.
Malgré la complexité de ces missions, le travail de négociation est passionnant et valorisant, au sein d’un collectif au service de la communauté académique. Prenez une grande inspiration et venez vous y plonger avec nous !