Depuis le début des années 2000, le SCD de l’université de Rennes élabore une documentation en ligne qui s’est étoffée et diversifiée au gré de l’évolution de l’offre disponible. Retour sur plus de 20 ans d’expérience en matière de gestion de ressources électroniques.
De 2002 à nos jours, la documentation en ligne au SCD de l’université de Rennes a connu trois phases. De 2002 à 2009, le portefeuille de ressources documentaires en ligne1 se construit, au fur et à mesure des expérimentations autour des ebooks mais surtout de l’émergence des offres de bouquets de revues et des bases de données en ligne. Les prix des ressources indispensables, même négociés, augmentent plus que les budgets du SCD, même abondés par la commission Recherche. 2009-2017 sont donc des années de consolidation : choix du eonly, « débouquétisation » ou suppression de ressources (avec priorité au plein texte), mais aussi montée en puissance des ebooks (abonnements, achats de fin d’année, complémentarité avec la documentation imprimée).
Depuis 2017, les prix sont mieux contenus par les négociations. Au gré des opportunités de financement, le portefeuille de ressources en ligne se diversifie : science ouverte, ressources numériques pédagogiques et mutualisation au sein de l’EPE2 Université de Rennes, créé en 2023.
Organisation du service et aspects décisionnels
La documentation en ligne est sous la responsabilité d’un service transverse du SCD, créé en 2002 : la Gestion centralisée des abonnements (GCA). Il s’agit initialement de gérer conjointement l’ensemble des abonnements aux bases de données et revues (papier et en ligne), entre autres dans le cadre des big deals. Les ebooks rejoignent assez vite le giron de la GCA, dont le périmètre s’accroît dans les années 2010 : archive ouverte HAL et ouverture des publications, puis bibliométrie, données de recherche et science ouverte… Il est temps d’évoluer et, en 2019-2020, le service transverse est renommé Appui à la recherche et documentation en ligne (Ardel).
Les décisions d’abonnement et de désabonnement « pèsent » en termes de budget et d’usages : elles doivent donc être préparées (analyse de contenus, d’usages, et de publications), concertées… et prises. À l’université de Rennes, la préparation relève du service transverse. La concertation a lieu lors de réunions avec les collègues des trois BU : responsables, gestionnaires des abonnements, responsables des acquisitions et des formations).
Entre 2002 et 2015, les décisions sont prises dans une instance ad hoc recherchant les consensus, la commission scientifique interdisciplinaire, dont le processus s’enraye face à des désabonnements difficiles à trancher. Après 2015, les principales décisions se prennent en Commission Recherche qui contribue au financement des très onéreux abonnements Recherche. Le SCD décide de manière assez autonome des (dés)abonnements Formation, parfois avec les interlocuteurs documentaires des composantes ou par consultation des publics ainsi qu’avec les documentalistes des bibliothèques partenaires.
Outils de gestion, accès, et usages
L’outil de gestion principal est le tableur. C’est le cas depuis l’origine pour l’analyse des offres (contenus, prix) et le suivi des engagements et des paiements avec une dimension analytique de plus en plus marquée au fil du temps : depuis les années 2010, pour la passation des commandes via les agences, le suivi général des ressources et de leurs indicateurs selon trois tableaux principaux (abonnements isolés, bases et bouquets, dépenses open access) ; et plus récemment le suivi amont ou aval des publications auteur correspondant. Néanmoins, des outils plus sophistiqués sont progressivement venus compléter le dispositif : interfaces de commande des agences, recueil des données d’usage semi-automatisé à l’aide des outils successifs Couperin-Inist, outil collaboratif Kanboard pour orchestrer entre différents intervenants le cycle de gestion des ressources en ligne - à défaut d’ERMS.
L’accès distant, reposant principalement sur Ezproxy dès le départ, a conduit à une montée en compétences des bibliothécaires. Cette expertise a été reconnue par la DSI, qui a délégué au SCD la gestion et le paramétrage de ce service. L’authentification directe via SSO et l’accès distant SAML (via la fédération Renater) sont en place pour certaines ressources et font actuellement l’objet d’études pour homogénéiser la gestion des accès au sein de l’EPE.
Les données d’usage fournies par les éditeurs sont recueillies deux fois par an pour en mesurer et analyser l’évolution à l’année et au semestre. Nous nous appuyons sur ezMESURE, les accès en administration lorsqu’ils existent et la réclamation par mail. Une tentative de « tout-proxyfication »3 afin d’analyser les usages par catégories d’utilisateurs via ezPAARSE a échoué en 2016-2017, en raison de l’attachement des chercheurs aux accès directs et à l’absence d’un interlocuteur DSI pour mener à terme l’anonymisation des logs.
La documentation en ligne au carrefour des enjeux actuels
Collections
Bien qu’ayant chacune leur logique propre de décision d’acquisition, de gestion, de signalement et d’usage, les collections papier des BU et les collections en ligne (marquées par les logiques d’abonnement, de bouquets, d’accès distants, de flux, de granularité fine et de lectures plus discontinues) constituent ensemble l’offre de ressources documentaires. Le travail commun entre Ardel et la mission transverse Collections prend différentes formes : participation des chargés de collection aux réunions « abonnements » et plus encore « ebooks » organisées par Ardel ; développement d’une culture et de pratiques communes, notamment dans le travail d’analyse des usages ; rédaction en cours d’une charte des collections le plus « tous supports » possible.
Les relations entre supports peuvent être de l’ordre de la substitution : nos collections de revues papier recherche ont basculé en ligne, par choix ou obligation, à l’exception des mathématiques. Plus récemment, nous avons, début 2024, souscrit un abonnement à Arte Campus, en remplacement de nos achats de DVD. Mais plus fréquemment, la logique est celle de la complémentarité : l’existence d’une offre numérique d’ouvrages de référence n’empêche pas de continuer à acheter des livres papier, mais en moins d’exemplaires ; l’abonnement à Europresse permet des désabonnements de revues spécialisées mais aussi la mise en place dans les BU d’espaces « kiosque » repensés pour la consultation des titres généralistes.
Point de convergence entre documentation en ligne et imprimée : le livre, entité documentaire qui occupe une place importante dans notre approche des collections. Les livres, tout comme les revues, se dilue dans de vastes bouquets (Cyberlibris, Cairn…). De plus, les plateformes d’éditeurs internationaux (Springer, Jstor…) et les outils de découverte les indexent de plus en plus souvent par chapitre plutôt que par titre. Pourtant, un traitement spécifique perdure : certains éditeurs francophones s’obstinent à imposer aux agrégateurs des modèles de « prêt » d’ebooks calqués sur le papier, et nous, bibliothécaires, parlons « désherbage » d’ebooks.
Science ouverte
Documentation en ligne et science ouverte sont deux domaines très intriqués qui relèvent au sein du SCD du même service transverse Appui à la recherche et documentation en ligne (Ardel).
Le développement d’une voie alternative d’accès libre aux contenus (principalement manuscrits auteurs acceptés) publiés dans les onéreux bouquets de revues souscrits est un des objectifs principaux des archives ouvertes en général et du portail HAL-Rennes en particulier, celui-ci étant géré et enrichi par le SCD depuis son ouverture en 2011.
C’est en 2017 à l’occasion du désabonnement des revues Springer que le soutien à la bibliodiversité, aux initiatives en science ouverte et à l’édition scientifique Diamant débute réellement, son développement étant depuis facilité par le fait qu’il relève, au sein du SCD, du même budget que la documentation en ligne.
Notre université entre dans les accords de lecture et de publication en libre accès désormais négociés par Couperin. Malgré leurs imperfections et tant qu’ils sont sans surcoût, ils sont une réponse pratique à l’accroissement des dépenses d’APC unitaires et aux exigences accrues de libre accès immédiat (sans embargo) des financeurs. L’évaluation en amont, l’exécution et le suivi de ces accords mobilisent des compétences multiples.
Formation des publics
Même si la formation des publics vise désormais autant au développement des compétences informationnelles qu’à l’apprentissage de l’utilisation des outils et ressources documentaires en ligne, ces dernières continuent à jouer un réservoir d’exemples important dans les dispositifs de formation de notre SCD.Par ailleurs, le numérique brouille les frontières (si tant est qu’elles fassent sens pour les usagers), entre ressources « documentaires » et ressources « pédagogiques » : l’e-learning se développe et les ressources acquièrent une dimension d’auto-formation (ENI, Techniques de l’Ingénieur…) et/ou offrent des services d’accompagnement aux enseignants (Jove, Arte Campus,…). Ces ressources hybrides se constituent par ailleurs en catalogue ouvert dans les UNT . Nous coopérons donc activement avec le service d’ingénierie pédagogique et les enseignants, non seulement sur les formations, mais également sur des ressources en ligne d’apprentissage telle qu’Orthodidacte (orthographe). Enfin, nos regards se tournent également vers les alternatives en accès ouvert. Ainsi, nous avons saisi les opportunités récentes de travailler avec les Presses universitaires de Rennes pour ouvrir complètement des ebooks sur Open Edition , ou de contribuer financièrement à l’élaboration des e-manuels soutenus par Couperin (un manuel en histoire paru, un manuel en droit à venir) .
En conclusion, les challenges ne manquent pas pour la documentation en ligne à l’université de Rennes, et c’est encore plus vrai depuis la création de l’EPE avec 5 écoles rennaises en 2023. L’homogénéisation de l’offre en ligne et des modalités d’accès, attendue par les gouvernances et les publics s’effectue dans une bonne dynamique malgré un contexte financier peu évident, et pousse à la mise en place d’une nouvelle organisation favorisée par la culture coopérative et « réseau » des bibliothèques.
SIGNALEMENT DE LA DOCUMENTATION EN LIGNE AU SCD DE L’UNIVERSITÉ DE RENNES
Très tôt, le SCD a fait le choix de valoriser ses ressources en ligne en les signalant dans le Sudoc. Dès 2004, le catalogage au titre à titre des revues en ligne des bouquets dits « historiques » (Elsevier, Wiley et Springer) commence, le signalement Sudoc des ebooks débutant quant à lui en 2008.
Parallèlement à ce travail inédit dans le Sudoc, le SCD s’est doté d’un outil de signalement alphabétique des titres en ligne par bouquets : la solution AtoZ d’Ebsco. Les ressources en ligne sont également décrites depuis 2009 dans des pages dédiées sur le site des BUa.
L’enrichissement de l’offre (entre autres via les licences nationales portées par l’Abes dès 2011), et le constat de pratiques de recherche différentes selon les usagers ont débouché sur l’acquisition en 2014 d’un outil de découverte : EDS (Ebsco), baptisé « Supernova ». Ce nouvel outil a facilité l’appropriation par nos publics de la documentation en ligne, permettant d’interroger l’ensemble des sources et d’obtenir des résultats avec une granularité plus fine (article de revue, chapitre d’ebook). Les synergies entre SIGB et outil de découverte ont débouché en 2017 sur le transfert du signalement de la documentation en ligne de la GCA au service transverse SID (Signalement et Informatique Documentaire).
En 2016, l’utilisation d’un outil de gestion de projet de type Kanban « Kanboard » a permis de disposer en interne d’une vision globale de chaque ressource : de son achat à son signalement voire son dé-signalement. Cet outil précieux constitue la mémoire du service.
Les procédures de signalement ont beaucoup évolué dans les années 2010. Pour le Sudoc, les outils de l’Abes ont permis le passage à une automatisation appréciable en termes de gain de temps. Les web services de la page « Les imports dans le Sudoc »b ont facilité le signalement en permettant la constitution rapide des fichiers d’exemplarisations en masse.
La mise en production en 2019 d’ITEMc permet désormais aux établissements de réaliser en autonomie la création ou la modification en masse de leurs exemplaires. L’ouverture en 2015 de BACONd a également amélioré le signalement dans l’outil de découverte en mettant à disposition des fichiers KBART de qualité.
La participation du SCD au signalement mutualisé dans le Sudoc a connu une nouvelle avancée en 2023 avec la prise en charge du CERCLES StradaLex.
Depuis 2019, afin de valoriser les éditions récentes et de limiter le nombre de résultats dans Supernova, le SCD désherbe des ebooks en ligne (ou plutôt dé-signale puisque les accès ne sont pas forcément coupés) : anciennes éditions Dalloz, ainsi que notices retirées des plateformes en utilisant les webservicesAbes (Cyberlibris, ENI, Cairn, Lextenso, StradaLex).
Les ressources en open access sont surtout signalées dans l’outil de découverte, mais peuvent l’être au Sudoc à la demande des acquéreurs ou dans le cadre du soutien à la science ouverte.
Ce sont actuellement 15 000 revues en ligne et 126 000 ebooks qui sont signalés dans le Sudoc. 153 000 revues et 335 000 ebooks et vidéos sont sélectionnés dans HLM, la base de connaissance d’EDS.
Le signalement au Sudoc des ressources reposait largement sur une seule personne. Mais depuis l’année dernière, un mouvement de déconcentration a été initié pour faire face à la masse et mieux partager connaissances et compétences. Le SID a ainsi formé différents collègues dans les BU, qui contribuent désormais au signalement en masse des ebooks et au signalement titre à titre des revues en ligne, le SID demeurant en charge de la coordination de l’ensemble.
Malgré l’adaptation de l’organisation et l’augmentation des métadonnées à disposition, certaines ressources restent cependant difficiles à signaler lorsqu’il n’existe pas de webservice Abes ou de fichier KBART. L’Abes Tour rennais et l’immersion d’un collègue du service Outils et méthodes en février 2024 nous ont permis de partager notre expérience et nous a donné l’opportunité de faire part de nos souhaits d’amélioration des outils.
Muriel Cadieu, coordinatrice du signalement de la documentation en ligne,SCD de l’université de Rennes
a. Pages Ressources en ligne du site web du SCD
b. Documentation Abes : les imports dans le Sudoc https://documentation.abes.fr/sudoc/manuels/echanges/imports_dans_le_sudoc/index.html
c. Interface de Traitement des Exemplaires en Masse
d. BAse de COnnaissance Nationale