Editor's notes

Propos recueillis par Monique Charles.

Author's notes

Nous avons demandé à Michel Cornaton, professeur de psychologie sociale à l’Université Lumière Lyon 2, de nous présenter la problématique, les objectifs et les lignes de force de son ouvrage récent, Le lien social. Études de psychologie et de psychopathologie sociales (L’Interdisciplinaire, coll. Systèmes, 1999, 362 pages, 150 F sur le campus).

Text

Canal Psy : Comment est né cet ouvrage, à partir de quelles préoccupations et aussi de quels projets et objectifs ?

Michel Cornaton : Ce livre résulte d’abord d’une volonté d’ordonner et, si possible, de coordonner entre eux les éléments de Psychologie Sociale enseignés durant plus de trente années. Il revêt le double aspect d’un manuel et d’un essai sur le changement et la transformation sociale.

Canal Psy : Autour de quelles questions avez-vous construit votre ouvrage ?

Michel Cornaton : Je pense m’inscrire dans la lignée de la psychologie sociale lyonnaise, sorte de macro-psychologie, marquée par la recherche-action, mais aussi la psychologie lyonnaise tout court qui privilégie, par l’obligation des stages, les terrains d’observation. Dès lors, j’ai été amené à mettre l’accent sur la question qui nous préoccupe tous aujourd’hui, celle du lien social, des processus et mécanismes de liaisons et de déliaisons sociales.

Canal Psy : Quels sont les apports fondamentaux de votre travail ?

Michel Cornaton : Très franchement, je ne crois pas faire d’apport fondamental, qui bouleverserait la psychologie sociale et son enseignement ! En contrepartie, je sais que, sur le marché, ce livre, à la fois d’analyse critique et de synthèse, « n’a pas son deux », comme on dit à Abidjan. J’ai voulu présenter une psychologie sociale plus attentive à notre temps et à nos espaces européens, en renouvelant exemples et concepts. Aussi, à la demande des étudiants, ai-je introduit la question religieuse, purement et simplement enterrée au nom d’une laïcité si mal comprise. Tout ce qui a trait au pouvoir et à l’autorité a une autre ampleur et une autre acuité que ce qui relève d’influence ou de leadership.

Canal Psy : Comment situez-vous votre ouvrage dans le champ des recherches en psychologie sociale ? Quelles sont ses filiations mais aussi sa portée polémique et critique ?

Michel Cornaton : Je considère que la psychologie sociale est fille à la fois de la psychologie et de la sociologie au travers de ces quatre grandes régions qui habitent l’humain : la biopsychologie, le socio-économique, le juridico-politique et l’inconscient, la psychologie sociale figure un des éléments d’articulation du social et de l’inconscient, sans tomber pour autant dans les turpitudes de l’inconscient collectif. Avec, en arrière-plan, entre les mains du philosophe, le « marteau du soupçon » de la question du sens, qu’elle contribue à renouveler. Depuis les années 80, la psychologie sociale est sortie progressivement de la passe américaine pour remonter à certaines sources. C’est en France que l’évolution est la plus perceptible ; nous y observons une triple évolution des points de vue sociologique, psychologique ou idéologique. Ce changement de perspective permet en particulier l’édification de la psychopathologie sociale, à l’intersection de la psychologie clinique et de la psychologie sociale.

Canal Psy : Comment voyez-vous l’évolution future de vos recherches ? De nouvelles pistes se sont-elles dégagées ?

Michel Cornaton : C’est sympa à vous de prêter un futur à mes recherches. Je voudrais prendre le temps de revenir sur le matériau psychologique recueilli en Afrique noire et puis, pourquoi pas ?, changer d’écriture.

Canal Psy : Votre travail a-t-il modifié vos perceptions préalables du domaine exploré ? En particulier, comment situez-vous la psychopathologie sociale dans la cartographie actuelle des sciences humaines ?

Michel Cornaton : Je ne retiendrai qu’un aspect de votre question, en vous disant que je suis encore plus convaincu du bien-fondé de cette nouvelle discipline, la psychopathologie sociale. Trente ans après, je me sens moins isolé, dans le même temps où la psychologie intègre la dimension historique. Face à une pathologie socialement organisée, il nous faut prendre en compte le caractère pathologique du système social lui-même.

Canal Psy : En couverture de votre livre se trouve une reproduction de Fra Angelico. Pouvez-vous rappeler l’histoire qu’elle évoque ?

Michel Cornaton : Voici déjà plusieurs années, dans ce matin d’un été finissant, au couvent San Marco, à Florence, je suis resté « scotché » devant ce tableau de Fra Angelico, dont les reproductions ne peuvent rendre toute la délicatesse des couleurs. Mieux que tout, par cette greffe de la jambe d’un Noir sur le corps d’un Blanc, il illustre l’universalité du lien entre les hommes, qui relie aussi le royaume des morts – saints Côme et Damien sont allés chercher la jambe dans une tombe proche – au monde des vivants d’aujourd’hui et… de demain, puisque la scène n’a rien perdu de son côté futuriste.

References

Bibliographical reference

Michel Cornaton and Monique Charles, « Le lien social », Canal Psy, 39 | 1999, 16.

Electronic reference

Michel Cornaton and Monique Charles, « Le lien social », Canal Psy [Online], 39 | 1999, Online since 27 août 2021, connection on 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2110

Authors

Michel Cornaton

Professeur de psychologie sociale, Université Lumière Lyon 2

Author resources in other databases

  • IDREF
  • ISNI
  • BNF

By this author

Monique Charles

By this author

Copyright

CC BY 4.0