Gilbert Gatore, Le passé devant soi

p. 23

Référence(s) :

Gilbert Gatore, Le passé devant soi, Paris, Phébus, 2008, 216 pages, 18,50 euros

Texte

Le passé devant soi est le premier livre d’un jeune auteur né en 1981 au Rwanda. Il pourrait se lire comme le pendant romanesque de l’exceptionnelle trilogie de Jean Hatzfeld (Dans le nu de la vie, La saison des machettes, La stratégie des antilopes, Éd. du Seuil). Un pendant romanesque qui donne la parole à deux personnages dont les récits alternent, sont menés en parallèle et en même temps se répondent. Deux récits dont en fait le premier est produit par le personnage du second. Il peut aussi, à la lecture, éveiller le souvenir du non moins admirable W ou un souvenir d’enfance de Georges Pérec.

La première voix, énigmatique au début, est celle d’un homme, on croirait toujours un peu un enfant, maltraité par le groupe du fait de sa différence ; pourtant quelques rencontres le soutiennent dans la vie, lui offrent un métier dans une belle affiliation. Ce récit est tout autant un mythe tant il imbrique la réalité et sa relecture imaginaire nourrit des figures de la culture de ce personnage.

La seconde voix est celle d’une jeune femme, rwandaise qui a été adoptée et donc sauvée, durant le génocide, par des Français. Tout semble lui réussir jusqu’à ce que sa vie bascule pour une phrase prononcée au sujet de son pays de naissance, aussi banale que terrible, terrible parce que banale : « c’est terrible, mais bon… ». Dès lors, son passé la rattrape, s’impose à elle, le traiter devient son projet : le passé devant soi, donc. Elle décide de partir au Rwanda et de collecter des témoignages afin de participer à la construction d’une mémoire collective.

La puissance de ce livre tient autant à la voix de chacun des deux personnages qu’à la mise en tension créée par leur alternance au sein d’un même chapitre. Si le destin de chacun de ces personnages est tragique, la réussite de l’auteur, qui travaille ainsi sa propre histoire, est remarquable : même si le livre est, évidemment, bien informé, il réussit, encore une fois comme G Pérec, à produire un riche travail de transformation, de métaphorisation, de poiésis, travail qui ébranle le lecteur tant il met à mal les positions confortables que l’on tente le plus souvent de s’aménager face aux détresses des hommes dans le monde.

Citer cet article

Référence papier

Jean-Marc Talpin, « Gilbert Gatore, Le passé devant soi », Canal Psy, 88/89 | 2009, 23.

Référence électronique

Jean-Marc Talpin, « Gilbert Gatore, Le passé devant soi », Canal Psy [En ligne], 88/89 | 2009, mis en ligne le 20 avril 2021, consulté le 02 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=518

Auteur

Jean-Marc Talpin

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