Tout est image. Pour une propédeutique de l’imaginaire

  • Everything Is Image. For a Propaedeutic of the Imaginary

DOI : 10.35562/iris.2110

Résumés

La naissance du CRI à Grenoble (en décembre 1966) doit être replacée dans le contexte intellectuel de la nouvelle critique des années 1960. Les trois courants dominants du matérialisme historique, de la psychanalyse freudienne et du structuralisme ont alors été dépassés par le CRI au profit d’un « nouvel esprit anthropologique » qui privilégiait la réalité sensible des images au détriment des idéologies réductrices. Les intellectuels des villes ont perdu le lien charnel avec une civilisation rurale et un mode de vie ayant façonné notre langue, nos croyances et nos fêtes, ainsi que des artisanats séculaires. Le médiéviste peut encore retrouver le lien avec cette mémoire du temps. Mais s’il n’a pas conservé une âme païenne et un esprit paysan, il est condamné à la posture post-moderne. Penser la culture occidentale en contournant ou ignorant le Moyen Âge n’est qu’une imposture. Un exemple de longue vie des images (du Kairos grec à la Fortune médiévale) montre l’importance des relais culturels qui relativise toute théorie préconçue des archétypes.

The birth of the CRI (Center for Research about collective Images, myths and symbol) in Grenoble (on December 1966) is replaced in the intellectual context of new criticism of the 1960s. The three mainstream (historical materialism, Freudian psychoanalysis, structuralism) have been overtaken by the CRI in favour of a “new anthropological spirit” that emphasizes the sensible reality of images at the expense of reducing ideologies. The modern scholars of the cities have lost the carnal connection with a rural civilization and a way of life that have shaped our language, our ancient beliefs and feasts and also centuries-old handicrafts. The medievalist can find the link with this memory of time. But if he has lost a pagan soul and a spirit of peasant, he is sentenced to a post-modern posture. Thinking Western culture in bypassing or ignoring the middle ages appears like a mere sham. An example of long-life images (from the Greek Kairos to medieval Fortune) stresses the importance of cultural relays against all preconceived theory of the archetypes.

Plan

Texte

« Avancez vite, cassez les codes. »
Mark Zuckerberg

« Je fixe la date de la transformation profonde et disruptive des capacités humaines à 2045. L’intelligence non biologique créée cette année‑là sera un milliard de fois plus puissante que toute intelligence humaine actuelle. »
Ray Kurzweil
(Humanité 2.0)

Qui se souvient encore de la propé, alias propédeutique qui, dans les lycées français (d’avant 1966), préparait les bacheliers souhaitant entrer dans l’enseignement supérieur ? Le mot vient du grec paideuein « enseigner » et pro- « en avant, auparavant ». Pour la philosophie, le mot désigne les prérequis à posséder avant la pratique d’une science. Si l’imaginaire n’est pas une « science », il est toutefois légitime de se demander comment on entre, non pas dans l’imaginaire lui-même (car on y est tous déjà, même sans le savoir), mais dans son analyse critique par une maïeutique toute socratique. Les itinéraires sont multiples, car nos histoires sont personnelles. Je parlerai donc de mon trajet vers les images. Il n’a rien d’exemplaire mais, en la matière, on n’a pas d’autre choix que de parler de soi parce qu’« une méthode, disait Dumézil, c’est le chemin après qu’on l’a parcouru ; on ne suit pas une méthode, on reconnaît après coup la méthode qu’on a suivie » (Ries, 1989, p. 440). Évoquer une maïeutique des images, préalable indispensable à toute propédeutique de l’imaginaire, impose donc de se dévoiler. Évidemment, tout lecteur persuadé que le moi est haïssable peut ici arrêter sa lecture et passer à autre chose.

Naissance du CRI

20 décembre 19661 : création officielle d’un centre de recherche qui adopta la devise : « Tout est image. » Deux ans plus tard, mai 1968 : « Sous les pavés, la plage ! » 10 juin 1968 : officialisation ministérielle du CRI2. Cherchez l’erreur ! Il n’y en a pas. La création du CRI fut l’un des symptômes annonciateurs d’une révolution mentale, industrielle3 et culturelle qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Non que l’image soit une radicale nouveauté dans la culture des années 1960 mais, passée au stade industriel (grâce à « l’explosion vidéo »), elle provoque de nos jours l’implosion numérique des sociétés. Elle nous a fait, grâce aux ordinateurs et à la télécommunication numérique, quitter la galaxie Gutemberg pour entrer dans celle d’Internet. Galaxie est d’ailleurs le mot juste puisque l’ancêtre des micro-ordinateurs s’appelait Altaïr 8800. Présenté en janvier 1975, puis « bidouillé » par Bill Gates, il eut la postérité que l’on sait sur nos tables de travail. Nous sommes ainsi des enfants de la comète Altaïr 8800, l’étoile la plus brillante de la constellation de l’Aigle (de l’arabe al‑nasr al‑taïr « l’aigle en vol ») : un nom préparant au défi galactique.

Bien entendu, on peut faire comme si tout cela n’existait pas et continuer à penser comme avant, mais la révolution numérique a entraîné une implosion mentale. L’ordinateur, prolongement du cerveau humain, nous conduit insidieusement à penser autrement. Think different ! Il nous conduit aussi à penser autrement la pensée et ce qui l’accompagne, depuis la nuit des étoiles, l’imaginaire.

Dans un bureau de la Stasi (Potsdam, 1994)

Nos histoires sont singulières. Pour un baby-boomer entré dans une université des sciences humaines, les choses étaient relativement simples. On avait le choix entre un fatras académique innommable (« Tradition ist Schlamperei », disait aimablement Gustav Mahler) et de nouveaux joujoux et beaux bijoux made in Novlangueland4 : c’était la nouvelle critique (Doubrovsky, 1966 ; Poulet, 1968). En sciences dites humaines, la « pensée 1968 » avait accouché de trois marâtres qui se prirent très vite pour les trois Grâces de la pensée dans le vent : LHP soit Linguistique structurale, Historicisme marxisant et Psychanalyse lacanienne étaient leurs noms. La seconde, enfant posthume de la muse Clio et de Karl Marx (mais « après Marx, avril » — voilà l’erreur !), finit par casser ses dents, son couteau et sa pipe sur un mur (c’était le 9 novembre 1989). Ce mur avait pourtant réussi à transformer une moitié de l’Europe en prison à ciel ouvert. On comprit alors que l’historicisme marxisant tant prôné dans les facultés de lettres et ailleurs n’était pas un savoir critique digne de ce nom mais une propagande pour un fascisme rouge qui venait d’agoniser. Il disparut d’ailleurs, sans rémission, dans les débris du Mur. J’en reçus la preuve dans un bureau glaçant de la Stasi en 1994 à Potsdam lorsqu’on m’expliqua le fonctionnement de la propagande « culturelle » de la RDA, autour de cette table très spéciale, multi-angulaire, où tout le monde devait pouvoir épier tout le monde. Les deux autres marâtres confondirent trop vite logos et logomachie et se perdirent quelque part au 6e étage de la tour de Babel. Elles y errent toujours, car elles se croient « non dupes ». On entend encore de temps en temps leurs fantômes crier : « Les non-dupes errent, les non-dupes errent… » Parfois, elles s’interrogent : « À quel étage j’erre ? » Réponse de Gilbert Durand : à l’étagère des dogmatiques et des « herméneutiques réductives » (Durand, 1989, p. 42‑61).

Joujoux, bijoux et cailloux

L’universitairement correct des années 1970 exigeait d’accomplir ses dévotions à l’une seulement des trois Grâces. Impossible de prendre les trois à la fois ! Seule une chaisière de la bien-pensance LHP revendiqua ce privilège christique : elle croyait à la sainte trinité du freudo-marxisme-linguistique. Cela donna le résultat que l’on sait : illisible, sauf (évidemment) pour qui faisait semblant de comprendre. Jeune chercheur, je rendis donc mes dévotions (il fallait survivre !) à la première (Dame Linguistique) qui me fit docteur sans conviction. Mais, malgré mon éminent directeur (futur grand maître de l’INALF) et à son grand désespoir, j’étais devenu un agnostique des structures grammaticales, parti en quête d’une nouvelle déesse. Je finis par la rencontrer là où je l’attendais le moins, dans la cabane des lépreux, au pays de Tristan et Yseut, devant un mystérieux « gant de verre » qui ressemblait trop à la pantoufle de Cendrillon, de même matière (Walter, 1990). Un descendant (en ligne directe depuis le xviie siècle) des verriers du pays de Bitche5 ne pouvait rester étranger à ce miracle féerique. De plus, pour avoir manié, enfant, « l’instrument des ténèbres » (Lévi-Strauss, 1966, p. 309‑408), deux jours avant Pâques, je me découvrais en quête de guérison, comme Tristan lépreux avec sa tartarie (Béroul, 1989, v. 1163 et 3764). Sans le savoir, j’étais déjà converti à l’imaginaire. J’entamais alors mon Grand Œuvre sur le seul sujet qui me parût mériter qu’on y consacrât dix ans de sa vie : le temps. Plus exactement, la « mémoire du temps » (Walter, 1989), comme il y a une mémoire de l’eau, dit-on. Quitte à perdre son temps en écrivant une thèse, autant en gagner un peu en réfléchissant sur lui, « à la recherche du temps perdu ». Conforté par l’élan du génial folkloriste qu’était Claude Gaignebet (Gaignebet, 1985), je gagnais cette idée : l’imaginaire médiéval se lit dans le calendrier populaire doublé, voire redoublé, par le calendrier de l’Église : c’est la mythologie chrétienne du Moyen Âge qui s’imposait alors à moi, « métissage » de paganisme et de christianisme bien reconnu par Gilbert Durand (Durand, 2013a). Pour un ancien trétrelle d’un village lorrain des années 1950, tout cela se mettait à vibrer. Singulièrement. Une vocation de médiéviste naissait.

Pour entrer dans l’imaginaire médiéval, il faut donc commencer par observer et s’étonner. Observer des monuments fascinants (cathédrales, églises romanes, châteaux), des textes et des images. Mais des mœurs et des pensées ? Depuis la « mort » du village (Le Goff, 2012), c’est de moins en moins possible mais des fils ténus nous rattachaient encore, il y a peu, à la tradition médiévale : le folklore paysan, les contes de fées, les légendes gargantuines et mélusiniennes, la religion populaire (ce que j’ai appelé, après Pierres Saintyves, la « mythologie chrétienne »), les arts et traditions populaires mais sans la naphtaline et la nostalgie maréchaliste des musées (Walter, 1992).

Médiévistes des villes, médiévistes des champs

Pendant ce temps‑là, sans que j’en sache encore rien dans mon lointain pays, l’École de Grenoble s’était mise au travail. L’image, l’image partout. Le « nouvel esprit anthropologique6 » prenait forme. Il était le cœur de la nouvelle science de l’homme prônée par Gilbert Durand. Reconstruire la science de l’homme à partir d’un point focal inédit : l’imaginaire. En somme, c’était désormais « J’imagine, donc je suis ». On sait maintenant que Descartes lui-même aurait approuvé. La nuit (du 10 au 11 novembre 1619) qui précéda la découverte de ses célèbres règles de la méthode, le philosophe fit trois songes consécutifs (Jama, 1998). Il les fit noter à son réveil par son secrétaire et précisa qu’il s’agissait de « l’affaire la plus importante de sa vie ». C’étaient des songes initiatiques, c’est-à-dire propédeutiques à l’imaginaire de la rationalité cartésienne. Nous y sommes. La clé des songes ouvre la voie à l’une des plus célèbres découvertes du rationalisme classique. La matrice du concept serait-elle dans l’image ? Les scientifiques avouent souvent que leur saut dans la théorie doit être précédé d’un saut dans l’imaginaire. Gaston Bachelard a écrit là-dessus des pages immortelles (Wunenburger, 2012). L’esprit créateur est porté par des images rectrices qui l’amènent vers le concept et l’abstraction. Dans le cas de Descartes, il reste certainement à établir le lien entre les mouvements successifs du dormeur et les règles de la méthode, puis entre la citrouille de la Saint-Martin et la tabula rasa. Le rôle du corps dans l’activité de la pensée remonte au péripatétisme (du grec « qui aime à se promener »). Bien plus tard, on sait combien les réflexes posturaux de Bechterev ont été réutilisés par Gilbert Durand pour expliquer l’émergence du symbolique dans l’hominisation7.

J’évoquais précédemment mon rôle de crécelleur, trétrelle en patois lorrain (Westphalen, 1934, col. 144‑151), dans une confrérie de jeunesse du pays messin. J’ai compris progressivement que mon attirance vers le Moyen Âge résultait de ce fil d’Ariane, d’une tradition lointaine, qu’on m’avait tendu quand j’avais une dizaine d’années. Le lien venait vraiment de très loin, du Moyen Âge sûrement, de plus loin sans doute, et c’est alors que j’ai aperçu la voie où je devais me diriger : vers la plus longue mémoire, la « mémoire du temps ». Gilbert Durand avait compris d’emblée mon projet8. Dans sa grande majorité, le petit monde des médiévistes (du moins ce qu’il en reste à l’ère des compressions budgétaires) n’a guère saisi l’enjeu de l’imaginaire. Il en est resté à une philologie positiviste d’esprit étriqué ou retardataire, ghettoïsé serait le mot juste (syndrome Dernier des Mohicans). Or, le choc épistémologique du « nouvel esprit anthropologique » prôné par Gilbert Durand a aujourd’hui atteint de nombreuses disciplines mais certaines, faute d’en tenir compte, meurent et s’effacent du paysage universitaire : plus de Moyen Âge anglais en France, le sort du latin et du grec est devenu préoccupant9. Un bouleversement mental atteint les sciences humaines mais les sciences dites exactes sont aussi impliquées. Gilbert Durand proposa son diagnostic : iconodules contre iconoclastes. Les enjeux de ce vieux débat sont plus que jamais d’actualité (Durand, 2013b), y compris dans le monde universitaire. Il est à craindre que l’avenir soit sans pitié pour tous les travaux iconoclastes (ceux qui méprisent l’image, le mythe et qui en restent aux concepts hyper-positivistes et éculés du passé) et qu’il soit plus indulgent pour les iconodules attentifs aux mythes, images et symboles, à la pensée mythique en général, dans la voie ouverte par Ernst Cassirer (Cassirer, 1972).

À cet effet, le petit monde des médiévistes comporte en fait deux tribus : il y a des médiévistes des villes et des médiévistes des champs10. La différence, c’est que les premiers n’ont plus d’oreilles, plus de nez, plus d’yeux ; ils ont un cerveau qui se suffit à lui-même. Cela donne des êtres bizarres, tenant des propos étranges. Exemple 1 : « Aucassin et Nicolette, c’est la rencontre de deux épistémê. » Sans commentaire. Exemple 2 (à propos de la même œuvre) : Lorsqu’à Torelore, Aucassin et Nicolette voient des gens qui se lancent des fromages frais ou des pommes pourries à la figure11, les « esprits à bourrelets » s’écrient : « Pure sottise de l’auteur ! L’œuvre était trop courte ; il a été contraint d’inventer cet épisode pour la rallonger un peu. » Deux parfaits propos d’iconoclastes : le refus de voir l’image, la terreur panique devant son étrangeté irrationnelle, l’incapacité totale à lui envisager un début de sens12. Devant l’image, leur réaction immédiate est de se fermer comme une huître. Le médiéviste des villes se bouche les yeux et les oreilles, ce qui aboutit aussi (tragiquement) à se fermer l’esprit.

Au contraire le médiéviste des champs (iconodule selon Durand) est un être ouvert. Ses yeux lui font voir d’incroyables choses. Par exemple, en Carnaval, ces batailles dans la lie de vin (et plus anciennement dans le purin) qui se déroulent toujours à Cournonterral dans l’Hérault, non loin de Pézenas, ville natale de Molière (Camberoque, 1985). Lors de pérégrinations, il rencontre des églises et chapelles avec des saints au nom étrange : saint Cucufat, sainte Bibiane, saint Estropi, saint Pansart, saint Langouret, saint Braillard, saint Goulipias, et tant d’autres (Merceron, 2002). Ses oreilles l’aident à reconnaître les chants d’oiseaux : quelle différence entre le rossignol et la mésange ! Pour comprendre alors le chant du rossignol : Marie de France et son Laostic. Pour la mésange, il suffit d’observer Siegfried après qu’il a sucé le sang du dragon Fafnir. Le nez aide à connaître l’odeur des fleurs : comment comprendre le Chèvrefeuille sans avoir jamais humé sa senteur ? Les yeux servent encore à voir les astres la nuit, mais qui en ville, en pleine pollution lumineuse, peut encore regarder le ciel la nuit ? L’homme du Moyen Âge (et pas seulement le marin) connaissait mieux le ciel que la terre. Alors, pourquoi l’oublier quand on interprète les textes, par exemple le si zodiacal Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes ?

Tragédie : la mort du Verbe

Il n’y a rien dans notre intelligence qui ne soit d’abord passé par nos sens. Les images qui nous pénètrent façonnent notre vision du monde ; elles ont été, sont et resteront le support vivant des créations poétiques. Même si je ne suis pas, heureusement, le premier à faire ce constat, j’espère ne pas être le dernier à en tirer quelques conséquences dans la lecture poétique des textes. Désespérante est la science moderne du littéraire où sévit le « démon de la théorie » selon Antoine Compagnon. Elle a oublié « la voix méconnue du réel », selon l’heureuse formule de René Girard (Girard, 2002). Qu’est‑ce qu’une science du littéraire qui est pure manipulation de concepts formalistes (où le méta-textuel donne de la méta-bêtise) et qui a oublié l’essentiel : le poétique et le mythique. Le mytho-poétique qui passe d’abord et avant tout par l’image. En effet, l’image, grande leçon de Bachelard reprise par Gilbert Durand, est toujours le chemin le plus direct vers le poétique. L’image est une forme-sens qui conduit vers la raison sensible (Mounin, 1969). Quand on demande à des scientifiques ce qui les a attirés, très jeunes, vers la science, c’est rarement la lecture d’un traité scientifique, c’est plutôt Jules Verne. Des images, du récit. Il en est de même pour des littéraires : ce qui a attiré Georges Dumézil vers la mythologie comparée indo-européenne, ce sont d’abord les contes de fées et les récits fantastiques d’Edgar Poe.

On peut ignorer toute science prétendue du littéraire qui ne repose sur rien de vivant, qui méprise la substance des images (visuelles, auditives, sensorielles en général). On peut fuir toute science qui se fonde exclusivement sur les cadavres putréfiés de concepts formalistes morts-nés. Et pourquoi donc ? Nietzsche avait prévenu. « Dieu est mort. » Mais qui est Dieu ? La réponse est donnée par saint Jean (1,1) : « et Verbum erat apud Deum et Deus erat Verbum » (« et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu »). Le Verbe est le messager de Dieu. S’il n’y a plus de Dieu, il n’y a plus de messager divin. La mort de Dieu, c’est la mort du Verbe, du logos spermatikos, le concept principiel qui ensemence les esprits. Le christianisme est un platonisme pour le peuple, disait Nietzsche. Où est ce Verbe aujourd’hui, dans les bibliothèques désertées et les églises, temples, mosquées et synagogues désaffectés ? Cela veut dire que le mot, le verbe (ou logos de la logique) aujourd’hui ne contrôle plus rien. La parole, notre parole, s’est démonétisée. Plus personne n’est cru sur parole. Les journaux écrivent que des milliers de réfugiés meurent noyés en Méditerranée. Tout le monde s’en moque. Mais si l’on montre soudain l’image du petit Aylan, en chandail rouge, dans son dernier sommeil, étendu sur une plage, caressé par l’indifférence des vagues, le monde entier s’émeut et s’indigne. Image manipulée, disent certains. Il n’empêche : l’image fait foi ; l’image fait loi. L’image est la plus forte. L’image a gagné la partie, malgré l’inévitable part d’illusion sortant de toutes les lanternes magiques, héritières de la caverne de Platon.

La mort du verbe, c’est aussi la mort des grandes constructions conceptuelles élaborées dans le cadre de disciplines désormais anachroniques. Les départements des sciences de la communication s’engouffrent dans la brèche. On ne sait trop s’ils aspirent à disqualifier les humanités ou à les remplacer mais ils sont fondés en partie sur l’idée saugrenue de MacLuhan selon laquelle le medium, c’est le message. Plus de contenu : volatilisé dans la machine à communiquer. La crise culturelle si souvent invoquée réside peut-être là. Nombre de problèmes actuels des sociétés occidentales ne sont jamais appréhendés sous l’aspect de l’image et de l’imaginaire. Y a‑t‑il, par exemple, des images porteuses de l’idéal européen qui puissent arracher le continent à sa frilosité et à ses égoïsmes ? Face à cette vacance des images, le prétendu état islamique pouvait jouer la carte de l’imaginaire connecté en se construisant sur un mythe apocalyptique, celui du pays de Cham, la Grande Syrie des géographes, cette terre où s’accomplirait le grand combat eschatologique de la fin des temps (Filiu, 2008). D’un côté (l’Europe), une absence d’images et d’idéal ; de l’autre, le trop-plein d’une vidéosphère héroïco-macabre aux relents d’Apocalypse now. Il y a donc bien des mobiles culturels, relevant des grandes constructions de l’imaginaire dans toute entreprise humaine, y compris les plus criminelles. L’imaginaire n’est jamais innocent, jamais coupable non plus. « L’imaginaire n’est pas pur : il ne fait qu’aller. » (Char, 1960) Raison de plus pour s’intéresser à lui et suivre ses reptations, ici et partout.

« Ceci tuera cela » (Hugo, 1832, livre V, chap. 2)

Jean-Jacques Wunenburger, dans une formulation brève mais capitale, a bien cerné l’essence de l’imaginaire en lui reconnaissant un statut verbo-iconique (Wunenburger, 2003, p. 32‑36). On n’a pas mesuré les conséquences de cette définition dans toutes les disciplines de l’herméneutique (les études de lettres en font partie). L’iconoclasme endémique des sociétés occidentales les portait à dévaloriser systématiquement l’image au profit du concept. Pour preuve : l’entrée tardive de l’enseignement du cinéma dans les universités françaises ; la déshérence des enseignements artistiques dans les lycées et collèges français. L’imaginaire fait‑il donc peur à ce point ? Comme on ne sait pas s’y prendre avec lui, on fait comme s’il n’existait pas.

C’est vrai : le statut verbo-iconique de l’imaginaire remet en question les approches étroitement formalistes qui dominèrent les lettres et sciences humaines pendant le xxe siècle. Nombre de disciplines universitaires sont fondées sur un système de régulation inspiré par une idéologie du factuel (les faits) exprimée par des concepts et non des images. À un univers objectif des sciences de l’homme calqué sur celui de la physique classique se substitue désormais un univers projectif, c’est-à-dire un univers d’images transitionnelles où le désir du sujet s’accommode aux réalités objectives et les accommode.

Pour les littéraires initiés à l’imaginaire, les méthodes d’analyse formalistes sont parfois utiles mais toujours insuffisantes. Elles s’avèrent cruellement déficientes quand elles ne saisissent que le verbal ou la formalisation du verbal et jettent le sens aux orties. Le contre-commentaire des Chats de Baudelaire mené par Gilbert Durand (Durand, 1969) contre Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss (Jakobson & Lévi-Strauss, 1962) était impitoyable pour un structuralisme qui tentait de se débarrasser du sens, comme le capitaine Haddock voulait exterminer son sparadrap. Comme l’a fort justement dit Jean-Jacques Wunenburger :

Durand est typique du boom structuraliste des sciences humaines des années 60, un structuralisme que Claude Lévi-Strauss a radicalisé jusqu’au formalisme. Alors que chez Durand le structuralisme explique la moitié de l’activité de l’esprit, l’autre moitié s’éclaire par la question des significations, la question du sens. C’est ce qui l’oppose radicalement à Lévi-Strauss qui pense que la forme suffit pour déterminer le sens. Alors que pour Durand il y a des significations symboliques à partir de l’expérience de l’âme, qui est très platonicienne d’inspiration. (Buse, 2015, p. 13)

Conclusion : pour avancer, il faut désormais assumer l’iconique dans ses incontrôlables mais incontournables pièges sémantiques. Un exemple parmi tant d’autres : La Nausée de Sartre (1938), roman surgi de la contemplation de la Melancolia de Dürer, selon l’aveu même de Simone de Beauvoir (Walter, 2014). Malheureusement, la plupart des critiques, dans leur lecture, en restent à l’éternel ressassement d’une philosophie existentialiste mise en littérature (avant son expression théorique) ; ils oublient d’en référer à Dürer et à sa gravure.

Mais comment faire, concrètement ? Gilbert Durand a tracé une voie : cultiver la « foi du cordonnier13 » (Durand, 1984). Coudre et recoudre les disciplines entre elles. Ouvrir une agence matrimoniale où l’on se livrera à des noces nouvelles : au ve siècle, Martianus Capella célébrait celles de Philologie et de Mercure. Alors pourquoi pas, aujourd’hui, les noces de Philologie et d’Uranie (ou Astronomie) ? Deux femmes certes mais les mariages de même sexe sont désormais légaux.

Un médiéviste trouve avantage à se rapprocher de l’ethnologie et de l’anthropologie culturelle. Cette discipline exerce le regard philologique et contraint d’examiner des détails oubliés des textes. Pourquoi la fée marraine de Cendrillon creuse-t-elle une citrouille ? Certes pour réaliser le prototype du carrosse féerique, mais aussi pour suggérer une date : celle de Jack-o’-lantern diraient les Anglo-Saxons, ou bien le rite de la Saint-Martin (11 novembre) en France : c’est le début de Carnaval, période de fêtes et de bals ; cette date est importante pour relire Cendrillon. Autre exemple : Jean d’Arras, Le Roman de Mélusine. Tous les samedis, la fée prend un bain. Son mari perfore, un jour, la porte de la pièce où il lui est interdit de regarder. Le pari herméneutique est d’affirmer ici que cette scène mythique correspond à une date (comme un haïku possède nécessairement un motif saisonnier parfois ramené à un simple mot). Il n’y a qu’une seule date possible dans l’année pour voir l’irregardable et accomplir la transgression de l’interdit fatal. Laquelle ? Pour Mélusine, une réponse objective vient de l’archéoastronomie et de l’ethnologie. La scène mélusinienne se passe entre le 13 décembre, jour de la Sainte-Lucie et le 25, en pleine phase solsticiale14. L’église Saint-Sulpice à Paris (avec son gnomon) ou la basilique Sainte-Marie-Madeleine à Vézelay font comprendre comment un œilleton (ou trou dans une paroi) mesure une transition du temps : le soleil se cale, à certains moments de son cycle, sur des repères fixes intégrés dans la construction d’édifices conçus par des initiés ; ces dates climatériques sont toujours porteuses d’une forte charge symbolique. L’orientation de 90 % des églises médiévales s’opère selon des axes cosmiques de levers solaires, généralement ceux qui correspondent au jour de la fête du saint ou de la sainte titulaire de l’édifice. Mélusine solaire se trouve ce jour‑là dans l’axe du regard solsticial de Raymondin et vient révéler une temporalité mythique à l’œuvre dans le récit. Ici, le recours à l’ethnologie a un but précis : produire des affirmations opposables, en finir avec l’impressionnisme et l’approximation du symbolisme mou, avancer des hypothèses interprétatives étayées sur des preuves.

Le travail du médiéviste peut se concentrer sur l’étude des grandes images au cœur des récits médiévaux. Qu’est-ce qu’un chevalier au lion ? C’est un chevalier dont le signe zodiacal est le Lion caniculaire ; ce sont tous les mythes de la Canicule qu’il faut alors convoquer afin de « lire » autrement (tot el) cette image fondatrice. On peut alors écrire des essais fondés sur l’examen archéologique d’une image, souvent animale : l’ours pour Arthur, l’anguille pour Mélusine, le saumon pour Merlin, le cheval pour Gauvain (Walter, 2002, 2008, 2000 et 2013). Mais les images peuvent aussi renvoyer à des objets comme la quenouille de Ma mère l’Oie (Walter, 2017). En fin de compte, on ne peut dérouler l’imaginaire qu’en l’inscrivant dans un temps long (la « longue durée » de Fernand Braudel), celui des civilisations, et non celui de l’actualité amnésique ou de l’écume des jours. Le pauvre présent rend aveugle à l’histoire longue.

De nos jours, il est évidemment plus facile de remplacer la réflexion par la communication. Dans la dictature de l’image, le paraître l’emporte toujours sur l’être. Il tient lieu de vérité mais conduit plus directement au néant. À la dictature du prolétariat succède le terrorisme du look et du like, ou plutôt celle du look like. Un clic vaut accord et légitimation d’une idée ou d’un fait. Dans la galaxie de l’image, le cerveau ne fonctionne plus de la même manière qu’à l’époque de la bougie ou de la plume d’oie. Nos manières de sentir, de penser, de nous exprimer obéissent à de nouveaux circuits cognitifs, plus pavloviens que rationnels (une image est plus affective qu’un mot). Bien que nous sachions que les images mentent au moins autant que les mots, l’avantage de l’image est d’être crue spontanément. La vérité rationnelle n’est alors plus le critère unique de la connaissance. L’urgence devient maintenant de relier, comme l’écrivait Gilbert Durand, cette « émergence littéraire ou iconique de l’image à ses mémoires plurielles porteuses de sens » (1996, p. 40, n. 8).

La longue vie des images

L’académisme universitaire reste prisonnier du positivisme des structures stylistiques et linguistiques et des vieux déterminismes (celui du complexe d’Œdipe ou de la lutte des classes). Ce logocentrisme ignore que le langage du poème et du roman est toujours l’aboutissement et le développement d’images créatrices (mythopoïétique) qui relèvent de courants profonds et immémoriaux. Il y a quelque chose avant le langage et celui-ci cherche toujours à s’adapter le moins mal possible à des images primordiales, à des impulsions venues de l’imaginaire. Le statut verbo-iconique de l’imaginaire littéraire reste encore à défendre contre tous les réductionnismes théoriciens. Nous n’avons pas achevé la révolution épistémologique de l’Image. Nous n’en sommes même qu’à sa préhistoire, enrichis des progrès et menaces d’une explosion de la pulsion scopique.

Pour se convaincre de la longue vie des images à travers les siècles et même les cultures, il suffira d’un exemple.

xiie siècle de l’ère chrétienne. Dans le premier roman du Graal, celui de Chrétien de Troyes écrit vers 1182, voici venir Fortune. Après le passage du graal, après le mutisme excessif de Perceval qui n’a pas posé les deux questions qui auraient mis fin à la malédiction universelle, en un mot, après avoir manqué sa chance, Perceval rencontre une Laide Demoiselle qui l’accable de reproches et lui lance ce défi en forme d’image : « Ah, Perceval, Fortune est chauve par derrière et chevelue par devant. » (Chrétien de Troyes, 1994, p. 800, v. 4646‑4647) Mystérieuse formule qui n’a pas retenu l’attention des critiques, contrairement au graal dans lequel ils ont déversé un océan de gloses et d’interprétations. Ils ont parfois oublié qu’une image a une mémoire qui peut être très longue.

Au ive siècle avant Jésus-Christ (soit seize siècles avant Chrétien de Troyes), le bronzier Lysippe façonna une statue qu’il appela Kairos, en grec, « l’occasion, l’opportunité, le moment favorable, celui qui fait basculer une vie » (Trédé-Boulmer, 2015 [1992]), une figure capitale du temps15. Cette statue est aujourd’hui perdue mais il en existe un portrait littéraire réalisé par Callistrate : « C’était un adolescent resplendissant, il était dans tout l’éclat de sa beauté, il se tenait dressé sur une sphère, prêt à s’avancer sur la pointe de ses pieds ailés. » (Ibid., p. 78) Il a un rasoir dans une main. Une épigramme de Poseiddippos poursuit le portrait :

Qui es-tu ? lui demande‑t‑on. — Kairos, le maître du monde. — Pourquoi marches-tu sur la pointe des pieds ? Sans cesse je cours. — Pourquoi as-tu des talonnières à chaque pied ? — Je vole comme le vent. — Pourquoi tiens‑tu de la main droite un rasoir ? — Pour montrer aux hommes que moi, Kairos, je suis plus aigu et plus rigide que tout tranchant — Pourquoi ta chevelure est-elle ramenée par devant ? — Pour qu’on la saisisse quand on me rencontre, par Zeus. — Mais pourquoi es‑tu chauve par derrière ? — Afin que, une fois que mes pieds ailés m’ont emporté, nul ne puisse me saisir par derrière, quelque désir qu’il en ait. (Philostrate, 2014, p. 22‑23)

Point n’est besoin de glose. L’image a parlé : Fortune est la réincarnation médiévale de Kairos : chevelue par devant et chauve par derrière. Résurgence naturelle surgie du tréfonds de l’inconscient culturel ? Pas vraiment. Entre ces deux jalons que sont Lysippe et Chrétien, il y a les Distiques attribués à Caton et en particulier celui‑ci (II, 26) : « Fronte capillata, post est occasio calva. » (« Sur le front, l’occasion est chevelue, mais elle est chauve à l’arrière. ») Caton (234‑149 avant notre ère) était, pour le Moyen Âge, l’auteur de cinquante-sept maximes développant une philosophie (zen) de la patience, de l’indulgence16. Elles servirent au Moyen Âge à l’apprentissage du latin et ont été transmises par de nombreux manuscrits. Elles furent traduites en ancien français et dans d’autres langues européennes, puis citées dans de grandes œuvres dont le Conte du Graal.

En guise de conclusion, célébrer un demi-siècle de recherches sur l’imaginaire amène à s’interroger sur le demi-siècle suivant. Alors soyons prospectifs ! En matière de recherche, l’intuition et l’idée justes aujourd’hui sont celles qui peuvent s’ajuster au plus grand nombre de disciplines. Ce sont des interfaces, bien plus que des théories. Plus de concepts qui restreignent la pensée ou qui l’enferment dans des frontières. Il faut des images qui soient appels de sens pluriels pour faire converger les analyses. L’image est un socle commun à partir duquel diverses disciplines peuvent dialoguer. L’image casse tous les codes conceptuels mais toute logique des images reste néanmoins une anthropo-logique. Dans le cadre d’une université de langues et lettres (l’ex-université Stendhal), le CRI avait défini les contours d’une recherche sur les images associant les littératures et les langues, les sciences du langage et celles de la communication. Aujourd’hui, dans le cadre de l’Université Grenoble Alpes, le CRI a perdu son identité et son indépendance scientifiques. Il est engagé dans un concert (ou une cacophonie ?) de disciplines scientifiques et littéraires où il peut faire valoir une stratégie interdisciplinaire d’un demi-siècle. Ce n’est pas rien. Les esprits sont‑ils pour autant préparés à entendre ce message et à voir les images ? Rien n’est moins sûr. Mais tout est image et Fortune est chauve. Pour réussir, il faudra savoir saisir le kairos avec la foi du cordonnier.

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Notes

1 « Sur la proposition de Messieurs Cellier et Durand, l’assemblée de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Grenoble décida le 20.12.1966 la création d’un Centre interdisciplinaire de Recherche sur l’Imaginaire. Une réunion préparatoire se tint au Collège Universitaire de Chambéry le 13.3.1967 en vue de donner à ce Centre des possibilités d’action sur le plan administratif. » (« Exposé des motifs » des Statuts du Centre de Recherche d’Anthropologie Culturelle (dit Centre de Recherche sur l’Imaginaire). Archives du CRI. Retour au texte

2 Par décision ministérielle du 10.6.1968, le Centre prend le nom de Centre de Recherche d’Anthropologie Culturelle et dans une lettre ultérieure du 29.1.1970 le Ministre de l’Éducation Nationale donne son accord pour que les opérations financières concernant le Centre soient « décrites dans le budget du Collège Littéraire Universitaire de Chambéry » (idem). Retour au texte

3 Une révolution industrielle exige : de nouvelles sources d’énergie (le nucléaire), de nouveaux modes de communication (l’Internet) et un processus long d’environ 100 ans (en premier lieu 30 à 40 ans de destruction créatrice d’emplois [Schumpeter], puis redémarrage de l’économie avec création de nouveaux emplois). Retour au texte

4 « L’Ur-fascisme » parle la « novlangue » explique Umberto Eco (2017, p. 47). Retour au texte

5 La chronique du verrier Georg Walter [en ligne, consultée le 17 mars 2021] : <http://greg-wolf.com/la-chronique-du-verrier-georg-walter/>. Retour au texte

6 Nous reprenons ici le titre de l’ouvrage de Gilbert Durand (1975). Retour au texte

7 On signalera la réédition actualisée avec une lumineuse préface de Jean-Jacques Wunenburger de l’ouvrage fondateur du CRI : Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 2016. Retour au texte

8 Dans un compte rendu de Mythologie chrétienne (1992) paru dans le Bulletin de liaison des CRI (no 3, 1994), Gilbert Durand écrit : « L’œuvre de Philippe Walter, philologiquement si armée, m’apparaît comme philosophiquement très considérable, ouvrant dans l’arsenal de nos recherches sur l’imaginaire un horizon combien fécond dans l’organisation qui relie l’émergence littéraire ou iconique de l’image à ses mémoires plurielles porteuses du sens. » Retour au texte

9 Les médiévistes iconoclastes sont devenus les meilleurs ennemis de leur cause. Une fois libéré, leur poste devient une variable d’ajustement des budgets « fongibles » des universités « autonomes ». « Le Moyen Âge, à quoi ça sert ? » me disait avec mépris l’un des concepteurs des défunts IUFM lorsque je suis arrivé à l’Université de Grenoble. Réponse de Friedrich Nietzsche : « L’homme de l’avenir sera celui qui possédera la plus longue mémoire. » Retour au texte

10 Nous rangeons sous cette bannière : Jean Dufournet, Claude Thomasset, Claude Gaignebet (rabelaisant) et quelques autres. L’anthropologue Gilbert Durand, par son attachement à la terre de Savoie et sa méfiance des coteries parisiennes, appartient également aux poètes de la terre féconde et non aux philosophes et philologues du béton armé. Du fait de l’exode rural, les collègues urbains (qui ne manquent pas toujours d’urbanité) sont trop nombreux pour être mentionnés ici ; ils se reconnaîtront. Retour au texte

11 Aucassin et Nicolette (1999, p. 134-135). Voir aussi Walter (1991, p. 57‑93). Retour au texte

12 Pourtant, sans aller jusqu’à la confrérie carnavalesque des Turlurons dans Tintin et les Picaros, il suffit d’écouter le « Tourolouro, louro » de quelques chansons populaires (des noëls en particulier) et de se souvenir que Noël appartient à Carnaval. Retour au texte

13 L’expression dans le titre de l’ouvrage de Gilbert Durand fait référence au colloque de Cordoue, grande manifestation interdisciplinaire qui associa les scientifiques et les littéraires à l’aube d’une « mondialisation » de la recherche. Retour au texte

14 Un dossier des croyances autour du 13‑25 décembre se trouve chez l’ethnologue hongrois Géza Róheim : « Les Bulgares installés dans le sud de la Hongrie croient que si dans un arbre qui a été coupé le jour de la Sainte-Lucie on enlève un nœud et on regarde la nuit de Noël dans le trou ainsi formé, on peut voir les sorcières. » (Walter, 2008, p. 170) Retour au texte

15 Pour des prolongements philosophiques : Lambros Couloubaritsis et Jean-Jacques Wunenburger (1997), en particulier la section « sources antiques ». Retour au texte

16 Le Livre de Catun, 1994, p. 29. Bibliographie des éditions des Distiques dans différentes langues médiévales, p. 6‑8. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Philippe Walter, « Tout est image. Pour une propédeutique de l’imaginaire », IRIS [En ligne], 41 | 2021, mis en ligne le 28 novembre 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2110

Auteur

Philippe Walter

Ancien directeur du CRI (1999-2013), Université Grenoble Alpes

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