Florence Bayard et Astrid Guillaume proposent, dans ce recueil, dix-sept articles déjà publiés de Claude Lecouteux mais réunis dans un même volume à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du chercheur.
L’ouvrage se compose de quatre parties précédées d’un avant-propos (p. 7-13) et d’une introduction (p. 13-21) : ces pages reconstituent une partie du parcours de Claude Lecouteux et ses méthodes de travail, tout en expliquant le choix des articles publiés. Elles décomposent les cheminements empruntés par Claude Lecouteux pour nous faire comprendre et appréhender ce Moyen Âge étrange et familier.
Claude Lecouteux a déjà entrainé ses lecteurs « [a]u-delà du merveilleux1 » dans une enquête sur les croyances au Moyen Âge. Cette fois-ci, pour ce volume, il sera question de frontière. Cette dernière est toujours un seuil à passer, une borne à trouver pour entrer dans un autre monde. Claude Lecouteux devient le passeur qui nous permet donc d’appréhender ce Moyen Âge fascinant qui nécessite un certain niveau d’initiation pour franchir cette étape.
La première partie est intitulée « Faire parler les textes : du document à l’idée » (p. 23-52). S’appuyer sur les mots et revenir à l’étymologie est un principe essentiel et permet à l’auteur de nous guider dans les chemins de la magie. Le sens des mots est fondamental et il serait de mauvaise méthode de s’en abstenir dans tout travail sur le Moyen Âge. Comment ne pas rappeler l’origine du mot grimoire (qui vient de grammaire, p. 71-89) ? Il faut aussi savoir aller au-delà des mots pour comprendre les sens cachés de certains récits dans un domaine littéraire mais également linguistique et historique (la Pierre historiée de Ramsund, p. 23-26). Le chercheur donne également toute sa place à la notion de conte et rappelle le lien particulier entre fantasy et Moyen Âge.
La deuxième partie « Entre magie et diableries des objets et des êtres ambigus » (p. 53-107) est révélatrice du travail de Claude Lecouteux qui a su explorer les récits des mythologies essentiellement nordique et scandinave : la « grande » mythologie (dans le cas de l’étude sur le célèbre forgeron Wieland) et ce que l’on peut appeler à la suite de Regis Boyer2 mais aussi de Karin Ueltchsi3 la « petite mythologie » (article sur les clochettes, p. 89-106). C’est une force et un enseignement de ses recherches de prendre en compte le folklore pour la compréhension des récits et légendes.
La troisième partie (« La nature et les éléments entre émerveillement et effroi, p. 121-181) et la quatrième (« Frontière aux franges du monde connu », p. 205-255) présentent des études sur des aspects « géographiques » qui ont un fort pouvoir dans l’imaginaire médiéval : la mer, la montagne (et sa symbolique si importante), la forêt… Claude Lecouteux rappelle alors la bipartition du monde entre loecus amoenus et loecus terribilis même si la frontière peut être floue entre les deux. Il a su questionner également les relations entre les peurs et les intempéries avec, par exemple dans « Le Radeau des vents » (p. 147-167) qui dresse en quelques pages un dossier sur la mythologie des nuages ; cet article, est, à notre avis, une source d’inspiration pour toute recherche sur l’imaginaire médiéval.
La démarche de ce chercheur dans ces divers articles est source de sens et de méthodes et nous montre combien la comparaison de textes entre eux pour comprendre des motifs ou des éléments est riche d’enseignement.
Claude Lecouteux est un passeur nous disent les éditrices mais nous proposons également de le voir en cryptographe, tant il sait nous donner les clés pour décoder les sens cachés dans les légendes et les mythes.