Le roman (comique) de la Fronde

DOI : 10.35562/pfl.441

Résumés

Cet article interroge la façon dont Le Roman comique (1651) de Scarron appartient à la Fronde comme événement d’écritures. En revenant sur la place du nom de «  Scarron  » dans les mazarinades, en montrant les processus de littérarisation et les discours critiques à l’œuvre dans des textes qui sont assignés au seul genre d’écrire des libelles, il montre la maîtrise que Scarron a du champ complexe où se déploient les usages burlesques de l’écriture et son investissement politique dans ce champ. À partir de là, la publication du Roman comique est ressaisie dans la question des réseaux clientélaires qui ont été fortement activés par certains acteurs politiques de la Fronde. L’article réfléchit ainsi à la participation du roman à l’énergie sociale du littéraire au cœur du désordre du temps.

This contribution examines how Scarron’s Le Roman comique (1651) comes under the Fronde as an “event of writings”. By examining how the name of “Scarron” appeared in the mazarinades, by showing the processes of “littérarisation” and the critical discourses at work in texts that have been assigned to the exclusive genre of lampoons, it shows how Scarron controlled the complex field in which the burlesque uses of writing were displayed and how Scarron politically invested in this field. From there on, the publication of the Roman comique is reconstruded within the framework of clientele networks highly activated by certain political actors of the Fronde. The article thus considers how the novel took part in the social energy of the literary at the heart of the disorder of the time.

Plan

Texte

Des écrits que Scarron a publiés par l’imprimé entre 1648 et 1653, Le Roman comique est sans doute celui dont le lien avec la Fronde est le plus faiblement construit par la critique. Même Le Virgile travesti a semblé plus facile à relier à cet événement politique et social, comme l’ont montré l’examen de la chronologie de sa publication et le relevé de tout un jeu d’allusions par Jean Serroy1. On peut expliquer de plusieurs manières cette difficulté à contextualiser Le Roman comique dans les « troubles ». La première est que la lecture à clé autrefois proposée par Henri Chardon a contribué à fixer la situation de la narration-cadre – le « roman des comédiens » – dans la jeunesse mancelle de Scarron qui, le 18 décembre 1636, avait pris possession du canonicat dont l’évêque du Mans, Charles de Beaumanoir, l’avait gratifié. « Le séjour de Scarron au Mans a donné naissance au Roman comique » affirmait ainsi Chardon. Même quand la critique ultérieure s’est écartée du caractère systématique de cette enquête, même si de la lecture de Chardon, on ne reprend généralement aujourd’hui que la clé du comte de Belin – un des acteurs de la querelle du Cid2 – pour le marquis d’Orsé, les effets de cette inscription première perdurent et la lecture autobiographique reste prégnante3. Il est vrai qu’en même temps que la lecture à clé identifiait les références du Roman comique aux lieux et aux acteurs du passé de Scarron, elle pointait vers la vie littéraire provinciale des années 1630, les années d’un autre cardinal que Mazarin, les années du patronage théâtral, telle l’enfance d’un art devenu majeur en 16514. Ce n’est pas un hasard si, dans la seconde moitié du xixe siècle, le problème de l’identité de la troupe du roman avait été ouvert par une clé moliéresque, que Chardon discutait d’ailleurs, telle la mémoire rêvée de la première carrière et des origines du « premier farceur de France »5. Les clés du « roman des comédiens » avaient contribué à en faire une archive de la vie des troupes de théâtre au xviie siècle et une projection possible pour la plus célèbre d’entre elles, un récit porteur d’une mythographie du théâtre ambulant, plus tard amplifiée par Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier (1863).

Une seconde explication possible tient au fait que seule la première partie de ce que nous lisons comme Le Roman comique a paru en 1651. La deuxième partie publiée par Scarron en 1657, après la Fronde donc, a sollicité de la part de la critique structurale la mise en évidence d’éléments d’harmonie générale entre les deux volets6, donnant le sentiment d’un projet très concerté, clos sur lui-même et renforçant l’écart apparent du livre par rapport à l’actualité politique. Par ailleurs, alors que le burlesque a été de longue date perçu comme le genre d’écrire propre de la Fronde7, le lien entre Le Roman comique et le burlesque a été moins clairement établi que pour les œuvres en vers de Scarron. De manière significative, en 1686, Adrien Baillet ne retenait pas le roman dans les œuvres qui avaient permis à Scarron de « regner sur la canaille & sur tous les meschants Poëtes8 ». S’il corrigeait l’appréciation négative figurant dans L’Art poétique de Boileau (1674) et sauvait ainsi Scarron de la bassesse du burlesque, il ne mentionnait, pour illustrer sa pratique, que des textes versifiés9. De fait la position auctoriale construite par Scarron avait été très tôt celle d’un poète, « humble petit faiseur de vers Burlesques » et « Poëte à la douzaine », à en croire l’épître à la reine du Virgile travesti10. Si l’on rappelle enfin que le roman n’a pas, au milieu du siècle, la même légitimité littéraire que la poésie, on comprend que la canonisation du Roman comique comme chef d’œuvre de Scarron ne soit intervenue que bien plus tard, non sans que la distance du livre avec l’actualité des troubles pendant lesquels il avait paru fût renforcée11.

Plusieurs représentations ont ainsi contribué à faire de la situation du Roman comique dans la Fronde un point aveugle de la critique. Il y a, d’une part, ce que l’on pourrait appeler une conception narrative de la référentialité littéraire, à la fois porteuse de l’expression d’un auteur (et d’autant mieux qu’elle est située en dehors du politique), et assurant l’historicité du livre dans le biographique. Or, s’il n’y a pas de doute que Le Roman comique déporte le lecteur des années 1651 vers un temps précédant la Fronde, à l’époque de la jeunesse du chanoine poète Scarron, l’enjeu du décentrement de ce livre de la part d’un auteur qui publie beaucoup pendant la Fronde comme le sens de ce geste d’auto-désignation auctorial restent à expliquer. Une deuxième représentation en jeu dans la situation critique du Roman comique concerne l’événement lui-même12, qui apparaît borné, encadré par deux dates (1648 et 1653) au-delà desquelles on changerait de contexte, au sens le plus faible du mot, la chronologie servant alors à fixer une qualification des écrits du temps. On pourrait pourtant parler de mazarinades pour certains écrits postérieurs à 1653 – l’Histoire amoureuse des Gaules de Bussy-Rabutin ou les Historiettes de Tallemant des Réaux par exemple –, tout comme il est possible de montrer que la deuxième partie du Roman comique appartient encore au temps de la Fronde. Troisième représentation à l’œuvre dans la situation critique du Roman comique, le trouble d’une différence entre actualité et contemporanéité qui contribue de brouiller la lecture du livre de Scarron, l’absence de désignation de l’actualité politique dans Le Roman comique étant interprétée comme son improbable contemporanéité, comme la preuve d’un temps propre de la littérature, à distance de la circonstance et de l’actualité. Ajoutons enfin l’écart très résistant que l’histoire littéraire a établi entre littérature et libellistique, empêchant de considérer ensemble des genres d’écrire qui ont pourtant été pratiqués, parfois de manière concomitante, par les mêmes acteurs, lesquels ont parfois contribué à creuser cet écart dans certains de leurs écrits. C’est à ce titre que, pour montrer en quoi Le Roman comique fut une action d’écriture de Scarron à l’intérieur des réseaux clientélaires des principaux acteurs de la Fronde, je partirai du moment de la parution de son livre et commencerai par observer comment, dès 1648, Scarron manifeste sa volonté de maîtriser l’espace des écrits où se déploient alors les usages burlesques de l’écriture, et investit cet espace de plusieurs manières, dans une même pratique d’intervention politique et littéraire.

Un temps de libelles travaillé par la littérature

Pendant la Fronde, Scarron a une très constante activité de publication de ces livres que nous plaçons dans la littérature : ainsi du Virgile travesti, pour lequel il a obtenu le 8 janvier 1648 un privilège à son nom, couvrant les douze livres à venir pour dix ans et très vite cédé à Toussaint Quinet. En 1651, au moment de la parution du Roman comique, la publication du Virgile travesti en est déjà au livre 6, deux parties ayant été publiées en 1648, deux autres en 1649, une en 1650 ; après une interruption d’un an en 1652, un septième livre paraît en 1653. Cette publication accompagne donc véritablement les troubles depuis 1648, pendant lesquels elle constitue pour Scarron une source régulière de revenus, chaque chant lui rapportant la coquette somme de 1000 livres. De la même manière, l’année 1648 – année du début de la Fronde – voit la parution d’un Recueil des œuvres burlesques de M. Scarron. Première partie. Dédiée à sa chienne, qui reprend un premier recueil de 164313 et lui ajoute trois pièces nouvelles14. Puis en 1651, une continuation de ce volume paraît sous le titre d’Œuvres burlesques de M. Scarron. IIIe partie, travail de publication de vers burlesques qui se poursuit, après les troubles, en 1654 avec les Œuvres de Monsieur Scarron, revues, corrigées et augmentées de nouveau15, puis après la mort du poète, en 1660 encore.

Au sein de cette série de publications, Le Roman comique pour lequel le poète obtient un privilège dès le 20 août 1650, mais qui ne paraît que treize mois plus tard, semble occuper une place à part, ne serait-ce que par ce mot de « comique » qui met en évidence le personnel des comédiens dans le roman, tout en le reliant au genre de l’histoire comique, sans lien évident avec le burlesque associé, dans les publications mentionnées, à la pratique de la poésie versifiée. À la différence du Virgile travesti comme des recueils de poésie, Le Roman comique ne s’inscrit pas dans l’exercice d’une continuation, mais semble plutôt ouvrir un genre d’écrire nouveau de la part de Scarron. C’est pourtant cet ouvrage, le plus détaché de la pratique poétique et burlesque de Scarron, publié au cœur de la Fronde, qui apparaît le plus décontextualisé de l’actualité politique du temps.

Pendant la Fronde, Scarron est donc un auteur déjà reconnu de poésie burlesque, et c’est à ce titre qu’il intervient en son nom propre dans la production frondeuse. S’il ne signe lui-même explicitement que très peu de mazarinades, tout un ensemble de libelles se désignent comme étant « de Scarron » dans leur titre16, dont certains ont été fermement attribués au poète par la critique littéraire ultérieure, d’autres désattribués17. Ce qui intéresse mon propos dans cet exercice interne à la production de la littérature qu’est le jeu de l’attribution, c’est que, dans le cas de Scarron, il a en quelque sorte été initié et autorisé par la parution en 1651, chez Thomas Quinet, des Cent quatre vers contre ceux qui font passer leurs libelles diffamatoires sous le nom d’autruy. Par Monsieur Scarron. Dans cette plaquette, le je poétique construit une différence de valeur entre les « bastards d’Apollon, rimeurs de Belzebuth », « Rossignols de la Greve », « Malencontreux Hiboux » qui vendent sur le Pont-Neuf la production d’un burlesque poétique par « Scarron »18. Ce libelle s’applique ainsi à construire un écart incommensurable entre l’exercice de la poésie et la mise en circulation de vers burlesque de peu de prix, écart que souligne la publication soignée du texte, pourvue d’un lieu d’édition, d’une permission et d’une date, le nom de l’éditeur Toussaint Quinet fonctionnant enfin comme une attestation de la signature de Scarron, puisque celui-ci ne publie que chez Quinet depuis 1643. Tout cela permet la reprise des Cent quatre vers dans la première édition posthume des Œuvres de Scarron en 1663, chez l’éditeur Guillaume de Luyne qui a récupéré le catalogue de Quinet19.

Le libelle des Cent quatre vers n’est pas la seule mazarinade dont l’objet est la vie et la valeur des écrits au sein de la publication frondeuse. Mais son authentification par le poète lui-même et la distinction entre vers et poésie qu’il y promeut sont sans doute d’autant plus nécessaires qu’au début de l’année 1651 a paru La Mazarinade20, tout de suite attribuée à Scarron, mais qui relève de la pratique d’un burlesque si ordurier qu’aucun auteur ne saurait à l’époque le prendre à son compte, qu’aucun nom d’auteur ne peut lui être appliqué dans l’espace des écrits publiés. De fait, pas de Mazarinade dans les Œuvres de 1663 ; ce libelle ne figurera que dans les éditions des œuvres de Scarron parues à Amsterdam en 1737, objet de curiosité rejeté dans le neuvième des dix tomes, avec les deux suites du Roman comique, dont une apocryphe21. Dans Les Cent quatre vers, l’effort de Scarron pour contrôler les usages de son nom sert sans doute à masquer le fait qu’il est aussi un écrivain de libelles. Il est plus exactement un geste, fondé sur son autorité de poète, de délimitation des genres d’écrire qu’il « avoue » et, sinon des genres du burlesque tolérables, du moins, ceux qu’il accepte de voir associés à son nom. Mais par là même son libelle contribue à la production de la « littérature littérarisée » (la poésie versus les vers) au cœur de l’intense désordre scripturaire de la Fronde. À travers l’auteur qui ressaisit son nom embarqué dans le trafic frondeur des publications se lit le travail de classement des écrits par la littérature dans le temps même de leur production, au sens où c’est l’existence de la littérature instituée qui permet ici un tel classement. Et à cet égard, si l’événement d’écriture de la Fronde fut marqué par un fort recul de la production des livres imprimés, comme l’ont remarqué les historiens du livre22, il est néanmoins clair que l’existence de la littérature a bien traversé l’effervescence mazarine et les mazarinades mêmes, dans le temps de leur composition, de leur édition et de leur circulation. Elle se lit dans les manipulations nombreuses que l’on observe sur les libelles, dans le commentaire permanent qu’une grande partie de ces textes a porté sur l’activité scripturaire du temps et dont les Cent quatre vers ne sont qu’un exemple sorti de l’éphémère par son attribution éditoriale à Scarron. L’effort de réinscription de son nom d’auteur, de son nom comme nom d’auteur, dans une définition littéraire de la poésie à distance de ces textes qui seront réunis au xixe siècle sous le nom de « mazarinades » montre que c’est depuis la littérature que Scarron entend intervenir dans la conflictualité des écrits. Ce qui invite à revenir au « roman des comédiens ».

Écriture clientélaire et partis : le rôle de la littérature

Le Roman comique se caractérise par un traitement marqué et dérisoire du « grand » et de la grandeur23. Non seulement le narrateur met en scène la fiction d’un lecteur qui attendrait une grandeur héroïque qui ne vient jamais, soulignant le choix qu’il fait des « très véritables et très peu héroïques aventures » de ses personnages24 mais, à plusieurs reprises, il désigne dans le roman héroïque l’intertexte qu’il travestit et entend renverser cul par-dessus-tête. Quelques auteurs de ces romans sont nommés – La Calprenède, Gomberville – mais le nom de Scudéry a disparu derrière la mention du Grand Cyrus, dont Victor Cousin a montré ce qu’il devait à la figure même du grand Condé, célébré sous le nom du héros perse déguisé en Artamène25. Cela dit, il n’est pas nécessaire de faire une lecture à clé pour voir dans la publication du Grand Cyrus entre 1648 et 1653 l’exercice d’une écriture clientélaire, célébrant dans le héros perse « Monsieur le Prince », un des acteurs majeurs de la Fronde, un héros dont est rappelé, dès l’épître dédicatoire à la duchesse de Longueville sa sœur, les victoires que le royaume lui doit26, un héros dont les batailles se lisent dans les transpositions romanesques proposées par les Scudéry. Joan DeJean a montré ainsi que la publication du Grand Cyrus avait accompagné de très près les événements de la Fronde – Scudéry (ou le libraire) ayant reçu un privilège en juillet 1648 pour dix ans, et les livraisons considérables accompagnant les événements politiques, à une cadence très soutenue, jusqu’en 1653 –, et postulé le fait que les lecteurs et lectrices du temps, notamment en province, attendaient et suivaient de volume en volume les signes d’une actualité politique compliquée27.

Cette lecture qui repolitise le Cyrus aujourd’hui édité comme un roman galant28 permet de voir dans Le Roman comique une réponse inscrite dans la relation clientélaire de Scarron à Gondi à ce que le roman héroïque de Scudéry publie de la grandeur de Condé, à partir de 1648 et de manière régulière pendant toute la Fronde. Plusieurs indices attirent l’attention sur cet affrontement entre partis par romans interposés : le plus évident est l’équivoque dédicace de la première partie du Roman Comique au coadjuteur, Gondi, qui ne deviendra cardinal de Retz qu’en février 1652. « Au coadjuteur : c’est tout dire » : littéralement, il n’est pas nécessaire de mentionner la qualité du destinataire, ainsi que le souligne le début de l’épître, le titre de coadjuteur permettant seul de le publier ; mais la formule « c’est tout dire » suggère peut-être aussi que ce même titre suffit, en ce mois d’août 1651, à inscrire l’ouvrage dans la conflictualité du moment. Un deuxième indice, d’ordre chronologique celui-là, est la date d’obtention du privilège du Roman comique, le 20 août 1650, entre la quatrième partie du Grand Cyrus qui a reçu un achevé d’imprimer le 15 mars 1650 et la cinquième partie dont l’achevé d’imprimer date du 15 octobre 1650. Cette chronologie assez resserrée inscrit le privilège pris par Scarron et la série des publications des Scudéry dans le temps de ce que l’on appelle alors « la prison des Princes », l’arrestation en janvier 1650 de Condé, de son frère Conti et de leur beau-frère le duc de Longueville, époux de la duchesse de Longueville à qui Le Grand Cyrus est dédié. Or, le quatrième volume du Cyrus sorti au printemps, s’ouvre sur une gravure de François Chauveau représentant deux femmes auprès d’un donjon dans lequel est retenu un personnage qui n’est pas Cyrus, mais dont Joan Dejean souligne qu’il suffit tout de même, au moment de la parution de l’ouvrage, à faire signe vers la prison du cousin du roi. Condé avait en effet été enfermé dans un donjon qui allait devenir, après son transfert à Marcoussis, « l’objet de la curiosité universelle » et que la noblesse s’empressait d’aller visiter « comme on va voir à Rome les endroits où César passa autrefois en triomphe »29.

Si ce point de chronologie intéresse le travail de contextualisation du Roman comique dans la Fronde, c’est que « la prison des Princes » a durci les relations de clientèle, conduisant les grands acteurs de la Fronde à organiser leurs liens de fidélité en véritables réseaux de propagande30. Bien avant Condé, Gondi avait mobilisé des presses, des crieurs et des plumes. Mais après que la prison eut rendu le prince sensible à l’importance de ces organes de pression sur l’opinion et les réputations, l’année 1651 vit un affrontement d’écrits presque quotidien entre les deux adversaires. Après la libération de Condé, le 13 février 1651, leurs relations s’envenimèrent, Condé accusant Gondi de trahir les frondeurs pour négocier avec la reine et Mazarin une pourpre cardinalice que le coadjuteur obtint en effet en 1652. Dans ses Mémoires, Retz se met en scène lisant avec distance une série de ces libelles partis des presses de Condé31. Mais certains de ceux qu’il a écrits et publiés alors qu’il était encore coadjuteur montrent l’aigreur de l’affrontement entre les deux grands, le jeu des réputations inscrit dans les libelles et la façon dont ils accompagnent littéralement les actions, jusqu’à la violence corporelle, des partis32. Ainsi, L’Avis désinteressé de Gondi paraît-il une semaine après le 19 août 1651 et le 21 août où Condéens et Frondeurs ont manqué de s’entretuer au Parlement, et où le coadjuteur a failli mourir à demi coincé entre deux portes33. Le Roman comique sort dans le mois qui suit, un an après l’obtention de son privilège par Scarron.

Une dégradation symbolique de la grandeur

L’appartenance du Roman comique à la Fronde se comprend donc à partir de ces deux éléments contextuels imbriqués l’un dans l’autre : d’une part, les logiques d’affrontement des partis de la Fronde et la mobilisation des clientèles de leurs principaux acteurs politiques, d’autre part, les pratiques des hommes de lettres dans le temps de l’événement. Comment s’inscrit-elle par ailleurs dans le roman lui-même ? À l’intérieur de l’histoire-cadre du roman de Scarron, c’est le personnage du « petit » Ragotin qui porte et supporte le principe de dérision symbolique de la grandeur. Pourvu de goûts surdimensionnés en matière de littérature (il aime outrancièrement ces « biens nobles » que sont les romans de chevalerie médiévaux), Ragotin vit des aventures héroïques dégradées, notamment dans une parodie d’épopée chevaleresque qui le voit, dans la première partie du roman, « petit Saint-Georges » chevauchant douloureusement un coursier rétif, jusqu’à tomber le pommeau entre les fesses », posture dans laquelle le narrateur le laisse « comme sur un pivot pour se reposer un peu […] car cette description, lui a coûté plus que tout le reste du livre » (I, 19, p. 162-163). L’humiliation du personnage est aussitôt suivie, au chapitre suivant, de celle du poète Roquebrune, le « citoyen du Parnasse » dont les « parties du derrière » se trouvent « fort exposées aux yeux des assistants » (I, 20, p. 164)34. Les procédés burlesques de dégradation publique du désir de grandeur et de gloire des personnages fonctionnent dans l’univers du Roman comique comme un constant retournement de la grandeur en petitesse devant un public – « tout le monde prit garde à ce qui se passait entre le plus grand homme et le plus petit de la compagnie » (p. 304) –, de la prétention littéraire à la grandeur et de ses conséquences : « Jamais un aussi petit sujet ne causa de plus grands accidents » note le narrateur à propos du rire que suscite la confrontation du « grand dogue » et du « petit roquet », de Baguenodière et Ragotin (II, 17, p. 305). Et alors que l’histoire-cadre est située dans la province française des années 1630, la dégradation symbolique du grand qu’elle opère continûment se publie à un moment où la grandeur est partie prenante des actions politiques frondeuses.

Il ne s’agit pas de suggérer que Le Roman comique a été une commande de Gondi à Scarron (ce qui est indocumentable), mais d’observer que la « littérature littérarisée » – celle qui s’inscrit dans des processus de reconnaissance et d’identification attestés (par le genre, le titre, l’éditeur, le format…) – a été un instrument de la conflictualité politique du temps et qu’elle a en particulier participé aux affrontements de plume mettant en jeu la réputation des acteurs de la Fronde : non seulement elle pouvait publier la puissance sociale et politique d’un patron – manifeste dans le cas d’Artamène – mais elle montrait la capacité des littérateurs à constituer ou capter un public, question très présente dans les stratégies de conquête des acteurs politiques de la Fronde. La rivalité par voie de formes poétiques contribuait, au même titre que les mazarinades sorties de leurs presses, à construire leur puissance socio-politique. Elle était un des modes de contrôle et de définition de cet espace de politisation de l’écriture et des écrits que fut la Fronde, un contrôle qui passait notamment par le fait de produire la littérature dans une forme de distance avec les événements : que ce fût en racontant la gloire de Condé à travers l’antique histoire du grand Cyrus, que ce fût en ramenant le lecteur du Roman comique vers la jeunesse du « petit Scarron ». On comprend bien dès lors que Scarron ait voulu avoir la maîtrise des usages de son nom : cela lui permettait de faire jouer sa puissance d’auteur à la fois dans l’espace constamment redélimité de la littérature et dans celui de l’écriture mazarine.

Pour avoir un aperçu de la façon dont la littérature a très tôt été utilisée pour écrire l’histoire de la Fronde, tout en dépolitisant certains écrits et leur inscription clientélaire, on peut mobiliser le récit souvent donné de l’activité scripturaire de Gondi et de Scarron à cette époque, un récit qui présente cette activité comme activité lettrée. Un passage des Segraisiana de 1721, repris dans les Œuvres de Scarron en 1737, décrit ainsi comme un réseau académique, ce que le xixᵉ siècle appellera un « salon », une organisation de la clientèle de Gondi autour de Scarron :

La maison de Scarron étoit le rendez-vous de tout ce qu’il y avoit de distingué à la Cour & à la Ville. Le Coadjuteur qui étoit en quelque façon l’ame du Parti de la Fronde, y menoit quantité de ses amis. Les beaux-esprits y venoient comme à une espece d’Academie. Si Mr le Prince s’abstenoit d’y aller luy-mesme, il y envoyoit des personnes de sa maison35.

Que montre cette scène agréablement édifiante ? La réunion des partis (le « Coadjuteur » et « M. le Prince ») autour du poète, dépassant la conflictualité de l’événement qui est subrepticement rappelée (« l’âme du Parti de la Fronde »). En même temps qu’une présentation de Scarron comme centre des « beaux-esprits », on a là une mise en scène de la fonction irénique de la littérature qu’il convient bien de prendre, non comme un document sur la Fronde, mais bien comme une mythographie de la vie littéraire au milieu du xviie siècle, participant de l’histoire qui a été écrite de la Fronde et du rôle de la littérature pendant celle-ci. C’est bien là une version dépolitisée de l’activité de Scarron et de Gondi qui ont pourtant multiplié les actions de publication polémique pendant la Fronde, une version qui est donc politique en tant qu’elle tait et dissimule le caractère politique de cette activité36.

Certains traits formels mis en œuvre par Scarron dans Le Roman comique ont probablement contribué, de l’intérieur du texte cette fois, à la fois à l’identification clientélaire du texte et à l’inscription socio-politique du livre dans la durée de la littérature. Ainsi de la tradition de la facétie, en partie masquée par le travail de liaison entre les histoires, en partie brouillée par l’identification du comique scarronien au burlesque. Dans Le Roman comique se reconnaît en effet une tradition facétieuse, à la fois érudite et politique, distante à l’égard de la religion, que Scarron a pu connaître pendant son séjour à Rome dans l’entourage de l’évêque du Mans37 ; elle est en particulier sensible dans les traits d’ironie lancés aux figures de prêtres. Cette écriture souvent très crue de bons mots et de « bourles », destinée à un public averti voire érudit, avait été nommée ainsi dans le milieu papal où elle avait paru, à Rome, au début du xve siècle, quand avait été publié un premier recueil de facéties rassemblées par l’érudit Poggio Bracciolini38. Dans Le Roman comique, elle a pu contribuer à produire ou entretenir la réputation libertine, à tout le moins déniaisée de Gondi et de sa clientèle – cette réputation que le futur cardinal de Retz travaille très tôt à entretenir par ses propres écrits – La Conjuration de Fiesque notamment – et que plus tard il expose dans la Vie du cardinal de Retz, titre initial des Mémoires : elle consonne en tous les cas fortement avec la dédicace au coadjuteur.

Au demeurant, la tonalité « libertine » du roman39 ne s’arrête ni à la question clientélaire, ni au moment 1651 : toute la seconde partie de 1657 joue nettement avec la question des esprits et des apparitions, propre à une critique sceptique des fantômes. Ce renforcement constitue à mon sens un indice de ce que Le Roman comique est bien une action « mazarine » de celui qui signait encore « l’abbé Scarron » dans son premier recueil de vers burlesques en 1643, une marque du type d’emprise qu’il entend exercer dans l’espace des écrits du temps. Dans les multiples gestes de captation du public qui se lisent dans cet espace, les auteurs – ceux qui tentent de se construire comme auteurs – jouent bien évidemment leur jeu propre. En 1651, année de La Mazarinade, la parution du Roman comique construit l’auctorialité de Scarron ailleurs que dans le présent d’une circulation difficilement contrôlable des écrits, où le poète poursuit pourtant ses gestes de publication des vers burlesques. Elle l’inscrit dans le récit, déplacé dans le temps et l’espace, d’un désordre social et d’un désir de littérature. Et quand, en 1657, la seconde partie du roman prolonge cette action de délocalisation40, elle développe encore la scénographie déplacée du littéraire dont il est le cadre. Tout au long du Roman comique, gens du peuple, bourgeois et nobles se rencontrent en effet dans des espaces de dérision de la grandeur et de consommation collective du « grand », désordre et charivari manifestes lors des deux représentations théâtrales qui voient le spectacle basculer dans le corps à corps des spectateurs : La Mariane dans la première partie, Dom Japhet de Scarron lui-même dans la seconde partie41. Si la tragédie de Tristan fut un immense succès de l’année 1636, le Dom Japhet paru en 1653 avait probablement été joué en 1651 ou 1652. Notons donc, au cœur de la « suite » de 1657, ce nouvel effet de signature d’une écriture littéraire de Scarron « pendant » la Fronde même, d’autant qu’avec ce second exemple de représentation, au terme du mouvement qui emporte le spectacle dans la salle, le jeu social des rangs, des dignités et des représentations aura été réduit à un « hideux chaos » (p. 306). Mise en récit de séquences de désordre social nées du hasard des rencontres, mise en spectacle virulente et carnavalesque d’une ridicule grandeur, Le Roman comique appartient bien à l’événement de la Fronde, mais il s’y réfère de manière oblique, en le désignant comme une série de désordres caractérisés par une pulsion vers le spectaculaire, par le mouvement d’une constante bascule dans la violence et le ridicule corporels, par l’emprise du littéraire sur la société qu’il décrit.

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On peut désormais ressaisir les fils de la contemporanéité du Roman comique et de la Fronde : le livre de Scarron répond à une double logique clientélaire et auctoriale. Action menée au bénéfice du coadjuteur contre la grandeur condéenne, il fait bien signe vers le passé de « Scarron », nom associé au burlesque frondeur, nom que l’auteur se réapproprie ici à travers une fiction auctoriale. Celle-ci consiste à se décaler du présent de l’écriture et de la publication pour se projeter dans un passé proche, que caractérisent quelques biographèmes scarroniens (Le Mans, le patronage, la vie des troupes), dans un âge des lettres et du théâtre qu’incarnent des figures de comédiens aptes à traverser le monde social de leur temps et à mettre en représentation une mobilité et une réversibilité morale des identités. C’est la noblesse « réelle » du Destin opposée à celle de son frère (le comte de Glaris), celle de Mademoiselle de l’Etoile qui s’avère être Léonore (p. 151), ce sont tout aussi bien les jeux de masques qui structurent les quatre nouvelles enchâssées dont l’écoute occupe le personnel « moyen » et mixte du roman. Dans Le Roman comique, nul ne lit seul, et le « roman des comédiens » parle moins de théâtre que d’une comédie des identités à laquelle participe bien entendu la dévaluation du grand et de la grandeur, mais qui constitue aussi une proposition de littérature pour un temps de désordres. Si Le Roman comique appartient bel et bien à la Fronde, c’est par cette façon de saisir une énergie sociale du littéraire42 pour interpréter et reverser dans une littérature moyenne du partage social le niveau bas où se situent les troubles politiques et les écrits qui en donnent un « commentaire »43. Telle est de manière toute particulière, selon la scansion propre du roman, la fonction des nouvelles offertes à ceux et celles qui jouissent du spectacle parodique des grandeurs, ces histoires traversées de figures de femmes habiles et aventurières – projection d’un nouveau lectorat féminin dans L’Amante invisible et À trompeur, trompeur et demi – et où le déguisement constitue une technologie d’intervention dans le monde social. Dans Le Roman comique, Scarron montre qu’il contrôle, depuis la littérature, l’espace de la conflictualité des écrits de son temps et il oriente l’action de son livre vers la mise en circulation de récits « moyens » à destination d’un nouveau public où figurent des femmes, à qui ils offrent des modèles d’action sociale et morale. Roman « de la Fronde », Le Roman comique l’est en ce que le désordre et la violence socio-politique sont le soubassement d’un investissement dans la littérature dont Scarron s’attache à montrer qu’il en a, ou peut en avoir, la maîtrise.

Notes

1 Jean Serroy, « Scarron, le burlesque et la Fronde », dans R. Duchêne et P. Ronzeaud (dir.), La Fronde en question, Actes du 18ème colloque du CMR17, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1989, p. 143-155 (voir notamment les p. 143-145 consacrées aux données matérielles de la publication de l’épopée burlesque entre 1648 et 1653).

2 Certaines notes de Jean Serroy dans l’édition Folio reprennent indirectement les clés de Chardon (n. 18 p. 43 sur le sénéchal : « Le sénéchal était responsable de la justice. Lors du séjour de Scarron au Mans, la fonction était occupée par Tanneguy des Essarts » et H. Chardon, op. cit., t. I, p. 217). Yves Girard est plus distant pour Le livre de poche.

3 Voir J. Serroy, « Préface » au Roman comique, Paris, Gallimard, « Folio », 1985, p. 9. Voir aussi p. 8 (« À quoi pourraient donc servir les clefs habituelles si, comme le dira plus tard Furetière en parlant de son Roman bourgeois, la serrure est mêlée. ») et p. 11 (« C’est dans la petite enfance que doit, en effet, remonter toute explication soucieuse de démêler la complexité des fils qui relient Le Roman comique à la vie de Scarron »).

4 Henri Chardon, Scarron inconnu et les types des personnages du Roman comique, Paris, 1903-1904, 2 vol., Genève, Slatkine Reprints, 1970. L’auteur avait déjà fourni la clé du marquis d’Orsé (comte de Belin) dans La Vie de Rotrou mieux connue : documents inédits sur la société polie du xviie siècle et la querelle du Cid, Paris, A. Picard, 1884, p. 90 sq. et donné une clé de la « troupe » dans La Troupe du Roman comique et les comédiens de campagne au xviie siècle, Le Mans, E. Monnoyer, 1876. Une première lecture à clé du Roman comique figure dans le chapitre qui lui est consacré par Victor Fournel (La Littérature indépendante et les écrivains oubliés : essais de critique et d’érudition sur le xviie siècle, Paris, Didier, 1862, p. 266-268, en note) et Paul Morillot réclame lui-même la clé de Chardon (Scarron et le genre du burlesque, Paris, H. Lécène et H. Oudin, 1888, p. 347 n. 4).

5 Voir H. Chardon, La Troupe du Roman comique dévoilée, op. cit., chap.1.

6 Beaucoup de critiques, principalement dans les années 1970, ont travaillé la composition du Roman comique : je cite ici Jacques Morel, « La composition du Roman comique », L’Information littéraire, 1970, no 5, p. 212-217.

7 Une « épidémie de burlesque sévissait sur les pamphlétaires » écrit Émile Magne (« Scarron et la Fronde », Mercure de France, 1905, p. 510-535, p. 512 pour la citation). Voir aussi Hubert Carrier, Les Mazarinades. La presse de la Fronde 1648-1653, Genève, Droz, 1989.

8 Jugemens des sçavans sur les principaux ouvrages des auteurs, tome quatrième contenant les Poètes, Paris, Antoine Dezallier, 1686, p. 1-7. La notice sur Scarron ouvre la Cinquième partie contenant la suite des Poètes modernes.

9 Ibid., p. 2-3 : « [Il a choisi] le genre burlesque, dans lequel il a composé diverses Poësies, dont les principales sont l’Eneide de Virgile travesti en huit livres, le Typhon ou la Gigantomachie en cinq chants ; diverses Comedies, comme le Jodelet, ou le Maître Valet, le Jodelet Duelliste, le Jodelet souffleté, Dom Japhet d’Armenie, l’Héritier ridicule ou la Dame intéressée, le Gardien de Soy-mesme, le Marquis ridicule, l’Ecolier de Salamanque, la Fausse apparence, le faux Alexandre, comedie imparfaite, le Prince Corsaire tragi-comedie, sans parler de trois ou quatre autres Tragicomedies en prose, et plusieurs autres pieces de petits vers qu’on a ramassées en un volume à part, dont la plus remarquable est la Requeste qu’il fit au Cardinal de Richelieu sur l’exil de son père […]. »

10 Paul Scarron, Le Virgile travesty en vers burlesques de monsieur Scarron, Paris, Toussaint Quinet, 1648, « A la Reyne », n. p.

11 P. Morillot cite La Harpe (« Tout est vrai (dans Le Roman comique). Le livre amuse, on le lit encore, il restera… Voilà ce qui nous reste de meilleur des romans du dernier siècle ») et note pour sa part : « La vogue de l’Enéide travestie devait durer tant qu’il y aurait une Fronde, celle du Roman comique justifiera la trop pompeuse prédiction de Ménage : Canescet sæclis innumerabilibus ; elle dure encore » (Scarron et le genre burlesque, op. cit., p. 357).

12 Voir sur ce point Christian Jouhaud, « Frontières des mazarinades, l’Inconnu et l’événement », dans Myriam Tsimbidy (dir.), Écritures de l’événement : les mazarinades bordelaises, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2015 (URL : https://doi.org/10.4000/books.pub.15678).

13 Le Recueil de quelques vers burlesques. S’ensuivent les deux légendes de Bourbon des années 1641 et 1642, Paris, Toussaint Quinet, 1643, lui-même continué par la Suite des œuvres burlesques de M. Scarron, Paris, Toussaint Quinet, 1644, puis une Seconde partie de cette Suite en 1647, elle-même rééditée en 1648.

14 Voir l’anthologie publiée sous le titre du recueil de 1643, par Jean Leclerc et Claudine Nédelec, Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque du xviie siècle », 2021.

15 Paris, Guillaume de Luynes, 1654.

16 Ce sont par exemple les Estrennes burlesques de Mr Scarron envoyées à Mazarin (Paris, 1652), L’Adieu du sieur Scarron fait au roy sur son depart pour l’Amerique (Paris, Antoine Chrestien, 1652), La Débauche de quatre monopoleurs, et leurs entretiens sur les affaires présentes, en vers burlesques, par monsieur Scaron [sic] (Paris, Philippe du Mont, 1652), La Lettre de M. Scarron envoyée au cardinal Mazarin (Saint-Germain en Laye, Simon Champion, 1652), Les Œufs rouge[s] à Mazarin, apresté[s] par monsieur Scarron, en vers burlesques (Paris, Martin, Bellay, 1652) ou La Calotte de Mazarin renversée. Sur la mort de son neveu Manchiny, par le sieur Scaron (Paris, 1652).

17 Sur cette question, et sur les libelles qui utilisent le nom de Scarron, je me permets de renvoyer à un article conçu pour former un diptyque avec celui-ci : « L’écriture des libelles, le nom de Scarron et la littérature », dans « Libelles en quête d’auteur », sous la direction de Karine Abiven, Delphine Amstutz, Alexandre Goderniaux et Adrienne Petit, à paraître dans Pratiques et formes littéraires 16-18esiècles, fin 2023.

18 Une contrefaçon de ce libelle a paru sous le titre d’Invective de M. Scarron contre un dernier libelle, en vers burlesques, et autres publiés sous le nom d’autrui, Paris, Guillaume Sassier, 1652 (voir C. Moreau, Bibliographie des mazarinades publiées pour la Société de l’Histoire de France, Paris, J. Renouard, 1850-1851, 3 vol., t. II, p. 79).

19 Les Œuvres de monsieur Scarron. Reveuës, corrigées et augmentées de nouveau, imprimées à Rouen et se vendent à Paris, Guillaume de Luyne, 1663 (Les Cent quatre vers figurent aux p. 76-79).

20 La Mazarinade, s. l., s. n., 1651.

21 Œuvres de M. Scarron. Nouvelle édition augmentée de quantité de pièces omises dans les éditions précédentes, Amsterdam, J. Wetstein et G. Smith, 1737.

22 Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle [1969], Genève, Droz, « Titre courant », 1999, 2 vol.

23 Outre P. Morillot, voir plus récemment Michèle Rosellini, « Le chapitre I, xiii du Roman comique : expérience narrative et expérimentation romanesque », Op. cit. : revue de littérature et des arts, université de Pau, 2019 (URL : https://revues.univ-pau.fr/opcit/432). Et pour les emplois du burlesque dans le champ littéraire, voir les travaux de Claudine Nédelec, notamment ici : « Propositions pour une histoire de la catégorie burlesque » et « Burlesque et interprétation », Les Dossiers du Grihl, Les dossiers de Claudine Nédélec, Le xviie siècle, mis en ligne le 14 novembre 2007 (URL : https://journals.openedition.org/dossiersgrihl/).

24 Je cite le texte dans l’éd. Serroy, en Folio (op. cit., p. 87).

25 Victor Cousin, La Société française au xviie siècle d’après le Grand Cyrus de Melle de Scudéry, Paris, Didier, 1866, 2 vol.

26 Artamène ou le Grand Cyrus par Mr de Scudéry, Paris, Augustin Courbé, 1648, « A madame la duchesse de Longueville » : « En effet, si l’on regarde la haute Naissance de Vostre Altesse, quelle splendeur n’y verra t’on pas ? Ce ne sont que Throsnes ; que Sceptres ; et que Couronnes ; et cette longue suitte de Rois dont vous descendez, vous couvre d’un si grand éclat, qu’il en est presque inaccessible. Que si du Sang Royal de Bourbon, nous passons au noble Sang de Montmorency […] : nous verrons autant de Heros, que nous aurons veû de Monarques : et nous verrons aussi la Grandeur de cette illustre Maison, plus ancienne que la Monarchie Françoise. […] de quelle gloire ne brillera pas Vostre Altesse, lors qu’on la verra digne Sœur d’un Prince tout couvert de Palmes et de Lauriers ? et pour lequel l’eloquence la plus haute et la plus sublime est basse et rampante, quand elle ose entreprendre de le loüer. La Grece qui nomma autrefois un de ses Capitaines LE PRENEUR DE VILLES, auroit esté obligée d’aller plus loing de la moitié pour nostre Heros : et de le nommer LE PRENEUR DE VILLES, et LE GAGNEUR DE BATAILLES. Ainsi Madame, estre digne Sœur d’un Frere tel que le vostre, c’est estre tout ce qu’on peut estre ; et plus que personne n’a jamais esté ; et que personne ne sera jamais. » (je souligne).

27 Joan DeJean, « La Fronde romanesque : de l’exploit à la fiction (Madeleine de Scudéry) », dans R. Duchêne et P. Ronzeaud (dir.), La Fronde en question, op. cit., p. 181-188. C’est la même Joan DeJean qui propose une lecture quasi structurale, « pour notre temps », du Roman comique : Scarron’s Roman Comique: A Comedy of the Novel, a Novel of the Comedy, Berne, Francfort et Las Vegas, Peter Lang, 1977.

28 Voir le choix éditorial proposé par Alexandre Gefen et Claude Bourqui pour Garnier Flammarion.

29 Madeleine de Scudéry, lettre à Godeau du 8 septembre 1650, dans Lettres de mademoiselle de Scudéry à monsieur Godeau, évêque de Vence, éd. Monmerqué, Paris, Alphonse Levavasseur, 1835, p. 23-24.

30 Voir Katia Beguin, Les Princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, « Époques », 1999.

31 Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Classiques Garnier, « La Pochothèque », 1998, p. 765-766 (« Je me les faisais apporter… »). Lire aussi le commentaire de ce passage par Christian Jouhaud, Mazarinades : la Fronde des mots [1989], Paris, Aubier, « Historique », 2009, p. 100.

32 Voir M. Tsimbidy, Le Cardinal de Retz polémiste, Publications de l’université de Saint-Étienne, Institut Claude Longeon, 2005.

33 Épisode qu’il rapporte dans ses mémoires (op. cit., p. 854-855) tout comme La Rochefoucauld dans les siens, parus en 1665 (voir François de La Rochefoucauld, Mémoires, Classiques Garnier, « La Pochothèque », p. 1006-1007).

34 Ch. Jouhaud (Mazarinades, op cit., p. 99-100) a souligné le spectacle des apparences dans la dévaluation symbolique que mettent en jeu les actions des frondeurs et les mazarinades, rapportant la façon dont Gondi raconte avoir répondu à la campagne de Condé contre lui en faisant colporter sa réponse dans tout Paris.

35 Œuvres de M. Scarron, op. cit., t. I, p. 42 et Segraisiana ou mélange d’histoire et de littérature. Recueilli des entretiens de monsieur de Segrais de l’Academie françoise, Paris, La Compagnie des Libraires, 1721, t. I, p. 24.

36 Caractère politique que la réécriture de ce récit par Alexandre Dumas s’attache en revanche à rendre perceptible ; on y voit par exemple le duc de Longueville tentant de faire entrer « le rusé goutteux », à qui Mazarin a refusé sa pension, dans sa clientèle : Vingt ans après (1845), chap. xxiii, « L’abbé Scarron ».

37 H. Chardon, Scarron inconnu, op. cit., p. 18-21.

38 M. Rosellini, « L’héritage facétieux du Roman comique : intégration et dépassement », article à paraître.

39 Je mets des guillemets pour souligner la dimension contextuelle de cette désignation du libertinage, modéré, du roman : on est dans un de ces écrits qui affichent une distance déniaisée avec le religieux, sans pour autant prôner athéisme ou matérialisme. Le topos du fantôme est au xviiᵉ siècle un des lieux de cette distance des esprits sceptiques.

40 En adressant par exemple une nouvelle épître dédicatoire à la « surintendante », épouse de Fouquet depuis 1651.

41 L’auto-référence fait écho à un autre épisode, impliquant le libraire Toussaint Quinet : il y est question d’un prêtre fou mélancolique qui s’est « adressé à celui qui a imprimé le présent livre, chez qui il lut une fois quelques feuilles qui parlaient de cette même aventure que je vous raconte » Le Roman comique, op. cit., p. 297.

42 Eric Hobsbawn appelle « énergie sociale » « la force de certaines fictions [qui] est reversée sur les lecteurs ou les spectateurs dont elles façonnent les perceptions et les expériences » : voir Roger Chartier, « La structure, la culture et le blue-jeans », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2006 / 5, no 53-4 bis, p. 88-92. L’emploi de l’expression permet de mettre en rapport le désordre des écrits frondeurs et la fictionnalisation du désordre social par le roman.

43 Ch. Jouhaud, Mazarinades, op. cit., p. 19.

Citer cet article

Référence électronique

Laurence Giavarini, « Le roman (comique) de la Fronde », Pratiques et formes littéraires [En ligne], 19 | 2022, mis en ligne le 27 janvier 2023, consulté le 29 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/pratiques-et-formes-litteraires/index.php?id=441

Auteur

Laurence Giavarini

Université de Bourgogne, LIR3S

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