La crise sanitaire a été pour le SCD de l’université de Rennes 1 l’occasion de valoriser ses ressources en ligne et d’étudier leur intégration dans les pratiques pédagogiques des enseignants.
En mars 2020, tous les services des bibliothèques ont dû démontrer leur capacité d’adaptation à une situation tout à fait inédite et accompagner au mieux leurs publics dans un fonctionnement entièrement à distance des lieux d’enseignement et de recherche.
Les collections en ligne, seules ressources documentaires encore accessibles au début du confinement avant que n’ouvrent des services de « drive » ou « click and collect », ont bénéficié d’un coup de projecteur inédit, au sein des équipes, auprès des publics habituels de la bibliothèque et des décideurs.
Pour le SCD de l’université de Rennes 1, cela s’est traduit de deux façons notables : par l’ouverture et la valorisation d’un maximum de ressources en ligne en s’appuyant sur une dynamique de réseau et un important effort collectif des équipes de la BU, et par une mission confiée à un élève-conservateur de l’Enssib (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) sur l’intégration des ressources documentaires dans les pratiques pédagogiques des enseignants.
Une ouverture de contenus portée par une dynamique de réseau
Les éditeurs ont dès le mois de mars ouvert des contenus en masse, de leur propre initiative ou sous la pression des appels lancés ou relayés par les organismes et consortia. Il s’agissait pour certains de favoriser la recherche dans la lutte contre le virus, pour d’autres de soutenir des étudiants malmenés par l’arrêt des cours et la fermeture des bibliothèques physiques. En France, l’Abes1, Couperin, l’ADBU, ou Eprist ont non seulement joué un rôle dans l’ouverture de ces contenus, mais ont également été de précieux relais d’information auprès des établissements pour mettre efficacement ces nouveaux contenus à disposition des publics. En compilant les informations provenant des éditeurs et en fournissant les moyens de les signaler (listes Kbart et notices bibliographiques mises à disposition par l’Abes), nos organismes partenaires ont considérablement facilité notre travail. A Rennes 1, à l’annonce du confinement et de la fermeture des BU, l’intérêt de tous s’est immédiatement porté sur la documentation accessible à distance. Une dynamique s’est rapidement créée entre nos services chargés de la documentation en ligne, du signalement et de la communication. Une évaluation rapide des contenus disponibles a permis de sélectionner ceux à ouvrir et/ou valoriser en priorité. Nos équipes ont ensuite procédé aux demandes d’ouverture des accès, au signalement temporaire des collections dans notre outil de découverte et sur notre site Web, et à des campagnes de communication spécifiques.
Une interaction accrue avec les enseignants
En complément de nos outils habituels de présence en ligne (site Web, réseaux sociaux), nous avons investi d’autres canaux de communication de l’université. Des newsletters hebdomadaires2 ont été adressées par mail à nos publics pour promouvoir les services et ressources mises à leur disposition. À partir de septembre, nous avons plus finement ciblé les informations destinées aux chercheurs et enseignants prescripteurs. Ces newsletters, donnant aux BU une visibilité accrue, ont reçu de nombreux échos favorables, et créé des interactions bien plus nombreuses que d’ordinaire avec les enseignants. Notre facilitateur d’accès à la documentation en ligne, Library Access3, a ainsi gagné 130 nouveaux utilisateurs le premier mois, tendance qui s’est affirmée les mois suivants. Paradoxalement, cela ne s’est pas traduit par une augmentation notable des usages de la documentation électronique pendant le premier confinement. Au contraire, certaines ressources ont vu leur usage chuter. C’est à l’automne qu’on note un pic de fréquentation de la documentation électronique. On peut penser que pour beaucoup d’étudiants, l’utilisation de ces ressources accessibles hors des campus a pris tout son sens à la faveur d’une nouvelle année universitaire réellement organisée pour se dérouler à distance.
Le besoin d’accompagnement a en revanche été plus fort dès le printemps pour ceux qui continuaient à s’appuyer sur notre offre de documentation pour poursuivre études et recherches.
Accompagner l’utilisation des ressources
La fonction de support est montée en puissance pour résoudre les dysfonctionnements ou intermédier ces ressources que maîtrisaient plus ou moins nos usagers. Une attention particulière a été apportée à ces questions nous parvenant par ticket d’assistance (les demandes ont plus que doublé en avril par rapport à mars), mail, téléphone, ou par le service de questions/réponses Ubib4, nous amenant parfois à proposer une assistance en visio avec partage d’écran, jusque-là inédite. Les circonstances ont ainsi amené les bibliothécaires à prendre une place plus importante dans l’écosystème des enseignants de l’université.
Le « distanciel » étant devenu en peu de temps la seule modalité d’enseignement possible, il nous a semblé opportun de confronter ce ressenti à la réalité et d’évaluer la manière dont les enseignants utilisaient les ressources documentaires.
Nous avons sollicité l’aide d’un élève conservateur de l’Enssib pour défricher le terrain auprès de notre communauté enseignante. Durant son stage de quatre mois, Rémi Joinville a conduit des entretiens semi-directifs auprès de 13 enseignants-chercheurs de diverses disciplines sur leurs usages et leurs souhaits en matière de documentation numérique. Les personnes sollicitées étaient en priorité nos « interlocuteurs documentaires », désignés par leurs pairs pour représenter leurs besoins en matière de documentation auprès du SCD, sans que cela ne présume de leur propre connaissance de la réalité de notre offre. Les réponses obtenues ont fait émerger quelques tendances générales.
Des ressources souvent méconnues des enseignants
Cette méconnaissance n’est pas partagée dans toutes les disciplines couvertes par l’université de Rennes 15. En Droit, Économie et Gestion, les ressources documentaires en général, électroniques en particulier, semblent bien insérées dans les cours, tandis que les enseignants en Informatique et en Santé en ont un usage beaucoup plus limité. Le cours y est de très loin la principale sinon l’unique source d’information mentionnée.
Concernant la diversité des supports, nous avons noté un intérêt pour des contenus audiovisuels, particulièrement en Sciences exactes. En revanche, les avis sont plus contrastés sur les ressources mêlant théorie et exercices pratiques, qui s’apparentent à des cours dont les enseignants devraient conserver la maîtrise.
Le livre imprimé, toujours indispensable
Si cette crise a montré l’intérêt de pouvoir disposer d’une offre riche en ebooks et en manuels, particulièrement pendant les deux mois de confinement durant lesquels les BU sont restées fermées au public, les enseignants estiment que les étudiants s’engagent moins dans la lecture d’un ebook que dans la lecture d’un ouvrage imprimé et que l’aspect physique des études (un campus, une bibliothèque et des ouvrages imprimés) reste important. La perspective d’une politique documentaire qui se recentrerait sur les ebooks n’a pas recueilli l’enthousiasme des personnes interrogées.
Le LMS6 Moodle semble ainsi une ressource à investir, encore inégalement exploitée. A côté d’utilisateurs de longue date de Moodle, certains des enseignants du panel prenaient connaissance de la complexité de l’outil et regrettaient sa lourdeur de paramétrage. La plupart ignoraient que leurs bibliothécaires y avaient développé des contenus pédagogiques réutilisables par tous. Nombre des personnes interviewées n’ont pas le réflexe de vérifier que les titres de leur bibliographie sont bien disponibles à la bibliothèque. Ils ont donc montré de l’intérêt pour le principe d’un plugin qui permettrait depuis Moodle de faire un lien vers les titres présents dans notre outil de découverte7.
Pour permettre à la bibliothèque de mieux communiquer sur son offre et ses services, certains enseignants se sont dits prêts à inviter des bibliothécaires en réunion pédagogique, tandis que d’autres anticipent une faible audience et réclament plutôt de l’information par mail, telles les newsletters envoyées durant la crise sanitaire.
Et dans le monde d’après ?
Il est encore difficile de mesurer l’impact durable de la crise sanitaire sur l’évolution de nos services et sur nos relations avec nos publics. Cette année nous a mis au défi de réagir vite et efficacement dans des circonstances exceptionnelles, elle a été l’occasion pour les bibliothèques de répondre « présentes », de démontrer leurs capacités d’adaptation, et de tisser des liens renforcés avec les enseignants. Des ponts sont établis, qu’il nous faudra réussir à pérenniser dans un fonctionnement plus traditionnel.