Depuis 30 ans, l’Abes déploie, en direction des bibliothèques et au-delà, un ensemble de services toujours plus riches, pensés pour répondre au mieux aux pratiques de leurs utilisateurs et intégrant les dernières évolutions technologiques.
Comment se sont déployés les services de l’Abes, dans le monde des bibliothèques et au-delà en 30 ans ? Cet article s’efforcera de répondre à cette question à travers l’évolution de l’agence, née au temps du minitel et des microfiches, et qui surfe désormais sur le web de données.
Les racines
Dès les années 1980, des catalogues collectifs de périodiques prouvent l’intérêt du travail en réseau dans le traitement et l’échange informatisé des données bibliographiques, et la création de la DBMIST (Direction des Bibliothèques, des Musées, et de l’Information Scientifique et Technique) en 1982 amplifie cet élan avec le projet d’informatiser l’ensemble des BU françaises. Même si l’informatique documentaire n’en est qu’à ses balbutiements, certaines d’entre elles contribuent à des réseaux de catalogage partagés par le biais des terminaux dont les minitels, principaux outils de recherche « grand public » et les CD Rom.
S’ensuivent alors la création du réseau CCN-PS (Catalogue Collectif National des Publications en Série) et du réseau Sibil France en 1983, puis les accords de coopération entre OCLC (Online Computer Library Center) et la DBMIST en 1987 (réseau Auroc). La convention entre la DPDU (Direction de la Programmation et du Développement Universitaire) et la Bibliothèque nationale de France signe en 1991 le catalogage partagé dans la base Bn-Opale.
Parallèlement, d’autres initiatives sont lancées : naissance du vocabulaire d’indexation RAMEAU et lancement du réseau de Prêt entre bibliothèques (PEB) en 1987, ouverture de Téléthèses et du Pancatalogue (Catalogue collectif national des ouvrages des universités françaises) en 1991.
Forte de cet élan, la direction ministérielle chargée des bibliothèques de l’enseignement supérieur lance, en 1992, le schéma directeur informatique des réseaux de bibliothèques universitaires1 dont les conclusions préconisent la mise en œuvre d’un système universitaire qui mette à la disposition de ses utilisateurs une partie de la production des agences bibliographiques nationales et d’organismes, et permette un catalogage partagé. C’est pour mettre en œuvre ce scénario que l’Abes est créée, il y a 30 ans, le 24 octobre 19942.
Le tronc
En même temps que sont reprises en maintenance fonctionnelle et technique les applications précédemment éclatées dans divers services et administrations, les équipes de l’Abes, constituées de personnels venant pour partie des anciennes structures, recherchent leur futur système. Elles ouvrent très tôt PebNet, premier outil mis à disposition des réseaux en 1996.
Crédit photo Felix Mittermeier / Pixabay
Le coeur (1994-2000)
Les travaux sur le Central Bibliographic System (CBS) du consortium de bibliothèques néerlandaises Pica (Project for Integrated Catalogue Automation intégré par OCLC en 2007), retenu comme socle du futur système, démarrent dès 1998. Après le passage périlleux de l’an 2000, le catalogue Sudoc ouvre le 3 avril 2000 : il est consultable gratuitement sur Internet et donne alors accès à plus de 3,5 millions de notices bibliographiques (thèses, monographies et périodiques).
Déployé dans 7 sites pilotes la première année, il intègre 110 établissements documentaires en vagues successives, par réseaux (BN-Opale, Sibil, Auroc) puis par bibliothèques hors réseaux.
Le Sudoc lancé, il faut encore organiser les formations, créer un réseau et lui offrir un service d’assistance… L’Abes y consacre l’essentiel de ses activités jusqu’en 2005.
Les cernes (2001-2010)
Parallèlement à la construction du Sudoc et de ses réseaux, l’agence s’intéresse très tôt à la problématique du signalement et de l’accès aux ressources électroniques. Dès 2001, elle devient l’opérateur de mutualisation des établissements et assure le portage financier de groupements de commandes pour l’achat de ressources électroniques pour les membres du consortium Couperin3. Des projets connexes s’y adjoignent : le Portail Sudoc et son compagnon APE (Accès aux publications électroniques), également conçu avec Couperin. Depuis lors, plus de 20 autres outils ont vu le jour, avec plus ou moins de succès, pour répondre aux nouveaux besoins des bibliothèques de l’ESR. Ils constituent aujourd’hui les cernes, puis la ramée de l’arbre Abes.
Commençons par Star, ouvert en 2006 : la récupération en 2009 du Fichier central des thèses permet à l’Abes de déployer un environnement complet pour les thèses de doctorat, du signalement des sujets (Step) au dépôt officiel (Star) jusqu’à la diffusion (theses.fr) et l’archivage pérenne au Cines4.
Toujours en 2006, la sous-direction des bibliothèques de l’Enseignement supérieur charge l’Abes de créer un outil pour le signalement des archives et manuscrits de l’ESR : c’est l’acte de naissance de Calames, ouvert l’année suivante, autre application externe adossée aux autorités du Sudoc comme Star.
Sur cette période, d’autres missions encore sont transférées à l’Abes, loin du périmètre Sudoc : les Signets des universités (collaboration avec le Cerimes, Centre de ressources et d’information sur les multimédias pour l’enseignement supérieur) et Numes (collaboration avec le TGE Adonis5).
La ramée (2010-2024)
Avec la création d’une base de données synchronisée avec le CBS, en Unimarc XML, le développement de nouveaux services autour des données Sudoc, les API Sudoc : évolutions qui permettent de s’affranchir des contraintes imposées par les progiciels historiques du catalogue. Un nouveau pas est franchi. Notre arbre Abes s’est alors déployé en créant de nouveaux services et outils :
- Pour offrir une plus grande autonomie au réseau Sudoc : SelfSudoc (2010) permet des extractions de titres de ressources continues ; Colodus (2013) ouvre la saisie des états de collection à l’unité au réseau Sudoc-PS. Plus tard encore, ITEM en 2020 permet la gestion des exemplaires par lot.
- Pour exposer des données jusqu’ici inaccessibles : ouverture d’IdRef en 2010, pour la consultation et la mise à jour de données d’autorité, interconnecté avec Calames et Star ; Périscope (2012) accompagne les Plans de conservation partagés des périodiques ; Cidemis traite le circuit automatisé des demandes d’attribution d’ISSN6.
- Pour aider au signalement de la documentation : création de circuits d’imports en provenance d’éditeurs commerciaux (projet Istex avec mise en place des Licences nationales) et ouverture en 2015 de Bacon, base de connaissances nationale pour le signalement de la documentation électronique.
- Pour améliorer les données, élaboration d’algorithmes de diagnostic et de liage qui donnent naissance à Paprika (2018) puis à Qualimarc le dernier-né, en 2023.
Les feuilles
Ouverture des outils, ouverture des services, ouverture des données. En 2012, avec la licence Etalab7, l’Abes lance de nouveaux services d’exposition dans des formats facilement manipulables et réexploitables, via des réservoirs OAI-PMH (Calames, Star, IdRef) ou des triplestores (data.idref.fr, scienceplus.abes.fr). Des web services, récemment conçus pour faciliter l’extraction et la réutilisation des données, sont déposés sur api.gouv.fr8.
Avec le nouveau Projet d’établissement 2024-2028, l’Agence, qui s’est enracinée et déployée trente années durant auprès des établissements de l’ESR, voit désormais son feuillage s’épaissir et s’ouvrir. Nouveau défi donc, centré sur le renouvellement de son SI qui, grâce à la magie du marcottage, devrait constituer un nouveau tronc tout en permettant à la « prescription trentenaire9 » de s’appliquer.