Pour répondre à l’évolution de la documentation, l’Abes a porté à partir de 2012 le projet national de Système de gestion de bibliothèque mutualisé (SGBm). Établissement pilote de la première heure, l’université de Lille relate son expérience.
Partant du constat que les systèmes intégrés de gestion de bibliothèques ne répondaient plus ni aux évolutions de la documentation fortement impactée par le numérique, ni aux attentes et aux besoins des usagers, l’Abes a porté un projet national SGBm (Système de gestion de bibliothèque mutualisé), pour lequel l’université de Lille 3 a participé dès le départ en 2012 en gravissant une à une les étapes de ce projet ambitieux. L’heure est donc au bilan pour l’université de Lille après 12 ans de participation à ce projet.
2012-2017, l’implémentation du SGBm : une solution administrativement et techniquement innovante
Avec un premier groupe de neuf établissements pilotes, un marché public de type dialogue compétitif et multi attributaires a été conduit pour un montant avoisinant les 25 millions d’euros. L’accord-cadre a été finalisé à l’été 2016 en retenant quatre fournisseurs qui répondaient aux caractéristiques techniques et aux recommandations fonctionnelles.
La mutualisation des différentes étapes du marché public et du dialogue compétitif ont permis la maîtrise des coûts et ont fait gagner un temps précieux en termes d’ETP pour la rédaction des marchés subséquents des 46 établissements membres du groupement de commandes. Ce projet est un témoin de la capitalisation et de la mutualisation des efforts : les premiers établissements qui ont déployé le SGBm ont permis la constitution de bases de connaissances mutualisées sur l’outil, qui ont été utilisées par les établissements qui ont voulu se déployer (aide à la migration des données, gestion administrative du marché, espace collaboratif de partages de documents collectés et capitalisés pendant le déroulement du projet SGBm). Ce projet a montré qu’une « standardisation » était possible en termes de SGB et a certainement freiné les adaptations spécifiques permettant d’accroître les échanges entre établissements.
Ce projet SGBm restera un exemple de coopération fructueuse, portée par la dimension nationale de ce projet. C’est la qualité des relations entre établissements au moment de la préparation de l’accord-cadre puis des marchés entre vagues pilotes qui a permis la mise en place d’échanges réguliers et le tissage de liens qui restent encore fort utiles aujourd’hui.
Anciens tiroirs de classement en bois
Crédit Adobe Stock / Sergey Skleznev
2017-2019 : la préparation au SGBm en local
L’aventure s’est poursuivie localement dans un contexte de fusion des trois universités lilloises.
Le DCE a été rédigé en 2017, tandis que 2018 a été l’année de passation du marché (1 million d’euros sur 5 ans). Ce projet, formidable vecteur de compétences professionnelles, a eu une forte dimension intégrative, via la mise en place de groupes de travail thématiques et l’harmonisation des pratiques et procédures. Le choix s’est porté sur le SGB Alma et Primo VE de la société Ex-Libris. Ce nouveau système informatique a été mis en place à la rentrée 2019. Cet outil de gestion unique est aujourd’hui utilisé par un réseau de 43 bibliothèques pour gérer plus de 1,3 millions de notices bibliographiques, plus de 2 millions d’ouvrages, plusieurs millions de ressources en lignes, 100 000 usagers, 22 automates de prêt, 3 robots trieurs.
Depuis septembre 2019 : Alma et Primo VE au quotidien
Alma est un produit complexe qui couvre un éventail de fonctionnalités plus large que les systèmes de bibliothèque intégrés. Les usages numériques et la gestion des ressources immatérielles sont mieux pris en compte dans Alma et Primo (base de connaissances, outil de découverte, « résolveur de liens », gestion de droits d’accès, meilleure articulation entre les collections papiers et électroniques etc.) sans oublier les échanges avec les fournisseurs de livres (EDI pour les commandes et la facturation, l’EOD pour les imports des notices d’acquisition, les imports par API pour la procédure RTA pour les ebooks). L’intégration d’Alma dans le SI de notre établissement a été garantie ainsi que la bonne application du règlement européen de protection des données (RGPD).
Le mode SAAS qui avait été privilégié dans le choix des quatre prestataires de l’accord-cadre a t-il tenu ses promesses ? Il a permis des mises à jour régulières appréciées. En Juin 2022, Ex-Libris est passé à des mises à jour trimestrielles plutôt que mensuelles. La réduction de la fréquence a permis de déployer des fonctionnalités plus complètes et d’éviter un étalement du développement sur plusieurs versions. Cela a facilité le travail des administrateurs.
Avec un outil ouvert comme Alma, il est indéniable que les possibilités de développement et d’intégration offertes sont très vastes. Des chantiers de correction (données d’exemplaires de périodiques) ont pu être lancés, des programmes qui permettent de créer, mettre à jour des holdings/exemplaires/portfolios ont été développés. Le reporting a été amélioré (programmation de rapports automatiques, export des nouveautés). Tout cela est rendu possible par une équipe informatique dédiée à l’informatique documentaire.
Les échanges de données entre le SGB et l’Abes
L’outil est-il plus connecté aux services et applications de l’Abes ? Concernant les échanges de données entre le Sudoc et le SGBm, les processus généraux d’imports Sudoc (transferts réguliers) sont opérationnels, mais il y a clairement besoin de les moderniser et d’accélérer la fourniture des données.
La synchronisation entre le Sudoc et Alma pour les ressources électroniques a été initiée à l’université de Lille en septembre 2023. Ce travail de synchronisation est à poursuivre. Il doit en découler des capacités nouvelles en matière de mises à jour automatiques et de simplification du travail en local. Nous sommes à ce jour encore fortement limités par l’absence de PPN dans la base de connaissances Ex-Libris sur les ressources que nous aimerions synchroniser. Nous espérons que le signalement des licences nationales dans la base de connaissances d’Ex-Libris va se poursuivre pour amener une meilleure circulation des données.
De plus, nous attendons beaucoup du futur projet de synchronisation des exemplaires imprimés. L’objectif est que les systèmes locaux fournissent au Sudoc les données nécessaires pour éviter les doubles saisies, en local et dans les applications de l’Abes.
Une plus grande ouverture des API de l’Abes est souhaitée de façon à avoir de l’autonomie dans la mise à jour de nos données Sudoc.
Des réunions techniques régulières sur les échanges de données entre système d’information ont lieu sous le pilotage de l’Abes. La mise en place du SGBm a permis d’aboutir à un dialogue plus étroit entre fournisseurs et clubs utilisateurs pour faire évoluer les solutions dans le sens souhaité par les établissements. Des habitudes de travail collectif ont été prises depuis le projet SGBm. Le fait d’être très nombreux à utiliser le même système de gestion permet également de dialoguer. Cette organisation est un réel plus, au vu des nombreux projets qu’il reste à instruire.
En mutualisant les ressources et en homogénéisant les pratiques, le projet SGBm a clairement contribué à réduire l’hétérogénéité des systèmes de bibliothèques. Ce phénomène a été accentué par l’abandon de la solution libre retenue dans l’accord-cadre. En raison de cette surconcentration du marché des bibliothèques universitaires vers les solutions Ex-Libris, une vigilance accrue au niveau de la tarification sera nécessaire pour que les groupements de commande dans le cadre des renouvellements de marché permettent de continuer à bénéficier de conditions tarifaires avantageuses. Aucune entreprise du secteur des technologies de bibliothèque ne peut se reposer sur ses lauriers. Bien que la société Ex Libris soit bien établie, elle pourra être confrontée à des turbulences à mesure que d’autres outils arriveront à maturité (Projet Opensource Folio) et que de nouveaux logiciels seront mis sur le marché. Les premiers succès de ces nouvelles solutions et les niveaux de satisfaction des sites Alma existants seront des facteurs importants pour déterminer si Ex Libris sera en mesure de renforcer encore sa position ou si elle se maintiendra.
L’UNIVERSITÉ DE LILLE – QUELQUES CHIFFRES
• Un ILN composé de 47 RCR (43 bibliothèques)
• 354 utilisateurs professionnels (hors moniteurs)
• 8 000 personnels
• 80 000 étudiants
• Collections imprimées : 1 307 022 titres de monographies imprimées ; 2 289 853 exemplaires
• Ressources électroniques : 450 169 titres (ebooks, journaux, conférences, rapports, vidéos, autres) ; 460 241 portfolios actifs. Ces chiffres correspondent aux abonnements de l’université de Lille, aux licences nationales Istex, aux collections des partenaires de l’université de Lille et aux collections gratuites signalées dans Alma.