Les discours normatifs de la culture indiquent à chacun sa place et régulent leurs rapports par des montages juridico-institutionnels. À l’entrecroisement de la sphère privée et de la scène publique, la famille est le lieu pour chacun de la mise à l’épreuve des liens d’alliance et de filiation permettant la reprise subjective de l’identité, en particulier sexuelle. Ainsi l’interdit de l’inceste et du meurtre fonde non seulement les règles sociales mais la vie subjective elle-même. Or l’évolution sociale et le progrès des techniques médicales interrogent et parfois remettent en cause ces constructions articulant le subjectif, le social et l’inconscient.
Parmi les recherches déjà menées ces dernières années, celles du CLEF (Centre Lyonnais des Études féministes) visent à analyser comment la constitution précoce de la masculinité et de la féminité primaires, puis leur investissement infantile dans des relations inter-générationnelles et la reprise adulte à laquelle cet investissement donne lieu, s’articulent avec les enjeux de pouvoir entre les sexes tels qu’ils se négocient aussi bien dans la sphère affective (l’amour, le couple, la famille, le lien) que dans la sphère du travail (qu’il soit professionnel ou domestique) ou dans le domaine politique ; comment l’évolution des statuts socio-sexués et des pratiques sociales qui leur sont relatives retentit sur les hommes et les femmes dans leurs relations interindividuelles et au sein des organisations (entreprises, organisations d’État, etc.).
- Sur le crime passionnel. Il s’agit, d’une part, d’une analyse des représentations dans la presse : représentations le plus souvent archaïques quant aux rôles sexuels, d’autre part, d’une analyse de cas menée sur des dossiers d’Assises, qui permettra de cerner comment se jouent les problématiques de choix d’objet de chacun des partenaires d’un crime passionnel : les hommes et les femmes n’étant pas logés du tout à la même enseigne dans la relation amoureuse, les hommes essayant de retenir un objet qui leur échappe, les femmes essayant d’échapper à une emprise. Le premier de ces deux modes d’approche est traité dans un article soumis à publication dans Langage et Société sous le titre : « Un coup de sang, le crime dit passionnel » (Annik Houel, Patricia Mercader, Helga Sobota). Un autre va l’être en coopération avec Gyslaine Guérard, une chercheuse québécoise qui travaille sur le même sujet dans la presse de Montréal, qui est professeur invitée cette année, comme l’a été l’an dernier une autre professeur québécoise qui nous a beaucoup appris sur le problème du traitement nord-américain de la notion de violences envers les femmes. Notion assez différente, dans la mesure où la femme est posée d’entrée comme la victime.
- Sur les violences : Annik Houel et Brigitte Lhomond participent à l’équipe de recherche pour l’enquête nationale sur les violences envers les femmes (ENVEF), commanditée par le Secrétariat des Droits des Femmes et dirigée par Maryse Jaspard (Paris I). Cette enquête doit permettre d’avoir une idée plus précise du chiffre des violences exercées envers les femmes, et de leur nature, dans la famille, dans l’espace public, dans le monde du travail.
- Dans le domaine de la toxicomanie : deux recherches sont en cours :
- Une « Genre et drogue » dans le cadre de l’IREFREA (Institut de Recherches Européen sur les facteurs de risques chez l’enfant et l’adolescent) qui a déjà donné lieu à un premier rapport : Femmes et toxicomanie, juin 1997 (Annik Houel et Fiametta Venner). La question étant de savoir si les femmes sont suffisamment prises en compte dans les politiques de prévention, en dehors d’une prévention qui s’intéresse spécifiquement aux mères potentielles.
- Et une recherche-action, menée au centre Nemo, centre d’accueil et d’orientation pour les toxicomanes et leurs familles, dépendant de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu, par Christine Durif-Bruckert et Annik Houel, qui a donné lieu à un premier rapport rédigé par Laure Razon : Les dispositifs de prise en charge des toxicomanes, fév. 1998. L’intérêt à plus long terme étant de repérer la spécificité des trajectoires empruntées par les toxicomanes, hommes ou femmes.
- Sur l’identité sexuée, après avoir étudié le transsexualisme, Patricia Mercader élabore actuellement un projet de recherche-action sur la prostitution masculine, dans le cadre de la MIRE et avec l’association Altaïr (Nanterre).
- Sur les effets de la violence intra-familiale, Jean-Pierre Durif-Varembont travaille sur l’enfant objet de violence, et son symptôme principal, le mutisme (à paraître dans la Revue Internationale de Police criminelle).
- Sur le rôle du tiers dans la construction de l’identité, Jean-Pierre Durif-Varembont travaille sur l’utilisation « éducative » de l’objet transitionnel comme fétiche, dans la séparation pour l’enfant.
- Sur les représentations des rapports sociaux de sexe, Patricia Mercader travaille à partir d’œuvres littéraires, sur les fantasmes organisateurs opérant dans notre société (fantasme de guerre des sexes chez J. Irving, par exemple).
