Claude Lecouteux nous livre les résultats d’une enquête passionnante sur le roi Salomon en présentant la légende du fils de David à travers des textes, récits et contes de plusieurs pays dans lesquels ce roi apparaît sous différents noms (p. 7). Les sources principales sont la Bible, puis les écrits de l’historien Flavius Josèphe1, le Coran, le Talmud (p. 13). Pour comprendre cette figure complexe, l’auteur met à disposition un corpus conséquent de récits écrits et/ou issus de la tradition orale de nombreux pays.
Afin de faciliter la lecture, Claude Lecouteux propose de reconstituer la légende « à partir du plus grand nombre de documents possibles en les classant et les annotant » (p. 9). L’ouvrage est construit en trois parties : on découvre d’abord « le roi » Salomon puis, dans une deuxième partie, « le magicien ». La dernière partie regroupe des récits des pays qui ont intégré Salomon dans leurs légendes et leurs traditions orales ou écrites.
Dans la première partie, la plus conséquente (p. 13‑131), Claude Lecouteux propose une taxinomie des pouvoirs de Salomon : il sait parler aux animaux, se révèle être un architecte de talent. Grand explorateur, il peut se déplacer dans les airs2 et dans les mers3, découvre de lointains pays, rencontre les Sabéens (p. 126) et connaît la reine de Saba, qui aurait pu être une sabéenne (p. 108). C’est aussi un juge respecté et écouté qui a acquis la sagesse en parlant avec Dieu, durant un songe, selon le premier Livre des Rois. Au gré des pays, il dialogue avec les djinns (p. 85‑99) et a un rapport privilégié avec les anges, et plus particulièrement l’ange Gabriel.
Claude Lecouteux s’intéresse ensuite aux possessions du roi (p. 53‑68). Outre le célèbre sceau, le lecteur découvre les objets extraordinaires du souverain (un tapis, une coupe, un trône, un filet, etc.), sans oublier le fameux anneau de Salomon (p. 55) dont l’auteur nous livre les circonstances de son attribution par l’ange Gabriel, puis de sa perte à cause d’un dîv (démon). Heureusement, l’anneau est avalé par un poisson que Salomon mangera par la suite ; l’anneau reviendra alors à son propriétaire. Enfin, les armes du roi confèrent une immunité totale à celui qui les porte contre toutes les formes de charmes et sa cuirasse est impénétrable.
Un chapitre est consacré aux ouvrages scientifiques et littéraires attribués au roi qui aurait écrit de nombreux poèmes et proverbes essentiels dans la littérature sapientielle d’Israël (p. 71), mais aussi un herbier (p. 77), des livres de médecine et le Liber Salomonis (p. 79). Ses écrits en relation avec la magie feront l’objet de chapitres à part entière dans la deuxième partie.
Mais le personnage n’est pas exempt de défauts (p. 101) : l’orgueil, l’idolâtrie et la luxure sont des péchés qui apparaissent dans les récits du Talmud et du Livre des Rois.
La deuxième partie (p. 137‑183) nous ouvre les portes de la magie salomonienne. C’est l’occasion de découvrir des pouvoirs méconnus de Salomon et leur fonctionnement à travers l’explication des formules magiques et des mots secrets inscrits sur les objets (bouteilles, jarres, sceau, etc.). Salomon use d’exorcismes et de remèdes. Des vestiges archéologiques (p. 175) sont présentés et révèlent l’empreinte de ce roi dans les sociétés. Le lecteur découvrira avec intérêt les différentes graphies qui sont apposées sur le sceau de Salomon, les formules magiques dont il fait usage. Claude Lecouteux présente également les livres de magie du roi : l’Hygromancie (grimoire dont le fond remonterait au vie siècle, p. 155) et La Petite Clé de Salomon (Clavicula Salomonis, p. 157) sont les plus connus. Claude Lecouteux nous dévoile les différents contenus de ces livres, à partir d’extraits traduits et commentés. L’auteur met également à disposition des reproductions de pages de manuscrits et de formules magiques, et des tableaux « bilans » qui permettent de bien saisir les pouvoirs et codes relatifs à la magie salomonienne et aux écritures secrètes.
Enfin, la dernière partie (p. 187‑210) est consacrée aux récits issus de la tradition populaire de divers pays4. Les aventures de Salomon dans différents contextes, et dans plusieurs versions le cas échéant5, sont répertoriées : par exemple, « Les trois conseils de Salomon » sont présentés sous trois versions (deux d’Israël et une d’Italie, p. 193‑196) dont les variantes sont toujours intéressantes à connaître dans une démarche comparatiste. Un récit ukrainien (p. 197) évoque l’épisode de la fausse morte, un motif que l’on retrouve en particulier dans la littérature médiévale6. Un récit basque (p. 218) fait revivre le mythe de la Chasse Sauvage7.
Claude Lecouteux présente ici, comme dans ses précédents ouvrages, une bibliographie conséquente (p. 251‑261) et un index des auteurs et des œuvres (p. 263‑264) ; les notes de chaque chapitre sont situées en fin d’ouvrage.
La figure légendaire de Salomon traverse les âges en se réinventant dans des supports variés (BD, films, romans) et son histoire s’est étendue dans le monde. Ce livre met en regard les différents récits et contes qui entourent ce fascinant personnage que le public et les chercheurs peuvent découvrir à travers un grand nombre de textes souvent peu connus, voire difficiles d’accès. Mais ce n’est pas seulement un livre qui rassemble des récits sur Salomon : il permet de mieux comprendre cette figure légendaire, aux multiples facettes. Roi, magicien, il montre aussi des pouvoirs proches de ceux d’un chaman (p. 221) ; Claude Lecouteux explique et questionne cette légende, qui suit sa propre logique et n’a de cesse de nous étonner.